Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Éloge du singulier. Lire la littérature de la Renaissance avec Ullrich Langer
- Pages: 375 to 379
- Collection: Encounters, n° 583
- Series: Symposiums, seminars, and conferences on the European Renaissance, n° 122
Résumés
Jan Miernowski et Virginia Krause, « Préface »
Lire la littérature de la Renaissance avec Ullrich Langer, c’est retrouver le plaisir de la singularité du sens. Singularité entendue non comme une exception bizarre, mais comme une sensation unique. Unique, mais paradoxalement capable d’être renouvelée et partagée, puisqu’il s’agit de la singularité de l’être humain et du langage. Les études du volume retrouvent donc la singularité du style herméneutique d’Ullrich Langer et en partagent le plaisir avec le lecteur.
Marie-Luce Demonet, « Recherche d’un(e) coupable. La disparition d’un “amy” »
Petite enquête sur le remplacement, dans l’édition de 1595 des Essais de Montaigne, du célèbre cri « O un amy. » (III, 9) par « Eh qu’est-ce qu’un amy ! ». Certains exemplaires offrent une variante imprimée, absente de l’Exemplaire de Bordeaux, sous la forme « O mon amy ! », dans un autre chapitre (II, 8). Qui est responsable ? Marie de Gournay, ou Montaigne lui-même ? Quelque copiste ou compositeur ? La variante se situe entre la correction technique et la manifestation d’un ultime signe d’amitié.
Eric MacPhail, « Tabula Rasa. Peindre les autres de ses propres couleurs »
La première réaction des Français envers les peuples au Nouveau Monde s’exprime à travers l’image de la tabula rasa, qui semble résumer les ambitions coloniales et missionnaires des envahisseurs. Mais cette image peut aussi mettre en question ces ambitions et autoriser une réflexion critique sur le projet même de conversion religieuse. Nous analysons cette problématique chez Michel de Montaigne, Pierre Richer, Marc Lescarbot, Pierre Bayle et le Père Julien Perrault de la Société de Jésus.
376John O’Brien, « “Tous unis, tous uns”. Singularité ullrichienne et singularité laboétienne »
La Servitude volontaire de La Boétie pose une distinction problématique entre « tous unis » et « tous uns ». Cette distinction est éclaircie grâce à deux études parues à la même époque, Lyric in the Renaissance (2015) d’Ullrich Langer et La Communauté politique des tous uns (2014) de Miguel Abensour. Nous démontrons qu’à partir de ce qui est apparemment une anomalie lexicale, La Boétie oriente ses lecteurs vers le renouvellement de la politique communautaire.
Timothy Hampton, « La rhétorique de la description et l’intérêt littéraire chez Marguerite de Navarre »
L’œuvre de Marguerite de Navarre se place au carrefour de la tradition médiévale du conte exemplaire (illustration d’une vérité connue) et d’une naissante culture littéraire moderne (peuplée de personnages en voie de devenir). Le style de l’Heptaméron met en jeu l’essentiel du personnage – son caractère, son rapport aux convenances de la société. Par sa rhétorique, il évoque la règle et la force du désir qui brise la règle. Les deux forces sont en jeu constant dans le style de Marguerite.
Philippe Desan, « De la forme de l’essai chez Montaigne »
La consommation du texte de l’autre permet la production (travail) d’un nouvel objet pour Montaigne, un objet qui se métamorphose à chaque fois qu’il s’offre au regard du lecteur. Le travail/commentaire de l’objet représente une nécessité inhérente à la démarche de l’essayiste. La forme qui convient le mieux à ce discours totalisant (se mêler de tout) est l’essai qui permet à Montaigne d’exprimer un maximum de subjectivité et en même temps prétendre parler d’autre chose que de lui-même.
Tom Conley, « Du Bellay en réclame. Du voir au vide »
Les poésies que publie Joachim Du Bellay entre 1549 et 1559 se distinguent par l’usage fréquent des réclames. Mises à la fin des signatures, isolées, autrement destinées à l’attention des imprimeurs, paroles de fragment au dire d’un Maurice Blanchot, elles signalent l’économie des recueils dans lesquels elles se trouvent. Les réclames font partie d’une poétique d’espace qu’on est tenté d’appeler une échographie insolite et saisissante.
377François Cornilliat, « Un cas de “Perfect Friendship” ? Le problème du don de l’épouse dans le Panegyric de Jean Bouchet »
Le Panegyric du Chevallier sans reproche de Jean Bouchet (1527) raconte entre autres le premier amour de son héros, Louis de La Trémoille, qui s’éprend de l’épouse (non moins atteinte) de son meilleur ami. Celui-ci guérit les amants potentiels de leur passion en les autorisant à la satisfaire. Cette étude montre comment Bouchet corrige, au profit apparent d’une « parfaite amitié » masculine – mais en réalité de l’amour conjugal –, un scénario exemplaire emprunté à une longue tradition.
James Helgeson, « Herméneutique de l’amitié et de la violence dans quelques épîtres d’Érasme »
Peut-on juger de la sincérité d’une déclaration d’amitié à partir d’un texte écrit ? Nous abordons la question de la lisibilité des signes de l’amitié (par opposition, par exemple, aux signes de la violence) dans quelques passages des épîtres d’Érasme : la correspondance sur la publication de l’Adagiorum Collectanea de 1500 et la correspondance avec Edward Lee. Il s’agira d’explorer les points de contact entre le discours de l’amitié et l’interprétation d’un sens figuré ou codé.
JoAnn Dellaneva, « “Adioustant quelque chose du sien”. L’histoire de deux amants infortunés de Bandello à Belleforest »
L’histoire de deux amants malheureux à l’époque d’Henri VIII – Margaret Douglas et Thomas Howard – est devenue célèbre grâce à une nouvelle italienne de Bandello (« Morte miserabile di dui amanti ») et sa « traduction » en français par Belleforest. Cette étude examine les différentes manières dont ces deux récits accentuent la vertu et le vice, et considère la nouvelle de Belleforest à travers le prisme de l’imitation littéraire en relevant aussi la notion d’exemplarité qui s’en dégage.
Francis Goyet, « La première citation grecque des Essais (I, 23/22, “De la coutume…”) »
On propose de traduire la première citation grecque des Essais par « Il est beau d’obéir aux coutumes du lieu » (et non « aux lois de son pays/patrie »), 378egkhôr(i)os étant sur khôra, « région » voire « campagne », sens attesté en particulier dans les Adages (2555, « nomos kai khôra »). Le chapitre « De la coutume… » oppose donc droit privé (les coutumes du lieu) et droit public (les lois de la Cité), ce qui déplace la perspective quant à la question classique du conservatisme de Montaigne.
Paul-Alexis Mellet, « Les biographies dans la Réforme Protestante (xvie siècle). Le vertige de la liste, les vies minuscules et la présence des morts »
Les biographies dans la Réforme protestante du xvie siècle répondent à trois objectifs : témoigner de la mort des « martyrs », quitte à en effacer les particularités ; présenter des vies singulières comme modèles de comportement, en multipliant les exempla ; révéler la « vérité » au sujet de quelques personnages polémiques. En réalité, grâce aux livres imprimés, le projet biographique réformé permet de faire renaître des disparus transfigurés sous la forme d’« êtres de papier ».
George Hoffmann, « Identité confessionnelle ? Comment penser l’appartenance religieuse au xvie siècle ? »
À l’encontre de nos attentes, les réformés ne voyaient guère leur foi en termes d’identité. D’une part, conformément à l’esprit de l’époque, ils revendiquaient une affiliation collective, plutôt qu’une identité individuelle. De l’autre, « étrangers dans un pays étrange », ils exprimaient leur foi en termes d’aliénation spirituelle plutôt qu’en termes d’appartenance sociale.
Cathy Yandell, « Ronsard et la corporalité des fleurs »
Les fleurs, omniprésentes dans l’œuvre de Ronsard, continuent à intriguer autant les amateurs de Ronsard que les érudits en poésie. Alors que les roses ont monopolisé presque toute l’attention critique jusqu’ici, ce projet propose d’examiner l’humble œillet et son rapport avec le corps humain dans le corpus de Ronsard. La dynamique qui organise la relation entre œillets, temporalité et corps sert à préciser la fonction plurivalente des fleurs dans l’œuvre du « Prince des Poètes ».
379Jan Miernowski, « Aux limites de la sagesse humaine. Socrate en “démon de Montaigne” »
Le Socrate de Montaigne n’est pas un individu illustre mais un « démon », une expérience de pensée analogue au Démon de Maxwell ou au Malin Génie de Descartes. Il révèle le sens négatif de la sagesse, tout en empêchant la bêtise humaine d’être convertie en mysticisme ou désamorcée par la conquête prométhéenne de l’immanence. Pour exorciser la peur de la mort, reste donc à raconter des fables, comme le fait Socrate dans Phédon, et à exercer son jugement, comme le fait Montaigne dans les Essais.
Jenny Meyer, « Postface. Montaigne à vélo »
Cet essai examine les références au mouvement dans les Essais de Montaigne et leur importance dans ses réflexions sur l’art de bien vivre. Notamment, deux verbes récurrents dans les Essais, « branler » et « balancer », désignent aussi deux types de mouvement essentiels pour se tenir droit à vélo. Cycliste avant la lettre, Montaigne constate l’instabilité foncière de son être tout en suivant la douce pente de la nature.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-14840-1
- EAN: 9782406148401
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14840-1.p.0375
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 09-06-2023
- Language: French