Annexe V Domiciles d’Alexandre Dumas (novembre 1853 – 1854)
- Publication type: Book chapter
- Book: Correspondance générale. Tome VII
- Pages: 555 to 557
- Collection: Correspondence and Memoirs, n° 54
- Series: Le dix-neuvième siècle, n° 22
Annexe V
Domiciles d’Alexandre Dumas
(novembre 1853 – 1854)
Bruxelles
En novembre 1853, Dumas abandonna définitivement Bruxelles et le 73, boulevard Waterloo ; cependant Noël Parfait et Marie Dumas continuèrent à occuper les lieux (pour Marie jusqu’à l’automne 1854).
Le 28 avril 1855, rendant visite à sa maison bruxelloise, Dumas trouva porte close : le propriétaire Meeûs avait loué au docteur Brayer alors que le loyer était payé jusqu’au mois de juin. Noël Parfait voulut attaquer le propriétaire devant les tribunaux, mais celui-ci réclamait deux mille francs de dommages pour dégradations (en fait, il s’agissait des améliorations que Dumas avait apportées à la maison) ; l’affaire fut réglée à l’amiable.
Paris
1, rue Laffitte.
À son retour à Paris, Dumas fonda son journal Le Mousquetaire dont fin novembre les bureaux furent installés 1, rue Laffitte à la Maison d’Or, bâtie par l’architecte Victor Lemaire qui avait conçu la fantaisie de dorer les balcons et les encadrements des baies. En outre, des médaillons et des frises sculptées par les frères Lechesne, ornaient la façade : parmi les branches de chêne enroulées en rinceaux couraient cerfs et sangliers. (Le Musée des Familles). Selon Le Courrier Français, c’était la Maison d’Or qui avait inauguré le règne des cafés splendides, où les peintures, les glaces, l’or et l’ameublement fastueux attiraient et éblouissaient le regard.
Les bureaux donnaient sur la cour carrée, dans l’aile qui fait face au célèbre restaurant. Ils se composaient d’une petite pièce (« la caisse »), 556d’un petit cabinet où l’on jetait les invendus et d’une salle carrée et exiguë qui servait de salle de rédaction. Au troisième étage, Dumas loua un petit logement : « une sorte de cabinet presque cénobitique. Point d’ornements. Pas un tableau ni une statuette. Une petite table de sapin, recouverte d’un tapis rouge des plus simples. Sur cette table, un encrier, des plumes, du papier bleu. Çà et là, trois chaises cannées : c’était tout l’ameublement. Le seul luxe qui s’y montrât était une manière de petit vase étrusque dans lequel baignait ou une rose, ou un œillet de poète, ou une branche de lilas, dernier indice des idylles qui finissaient. » (Ph. Audebrand, A. Dumas à la Maison d’Or). Une plaque commémorative rappelle ce domicile éphémère de l’écrivain.
77 rue d’Amsterdam.
À l’automne 1854, poussé par sa fille Marie qui supportait mal d’avoir été abandonnée à Bruxelles, Alexandre Dums loua à l’architecte Félix Pigeory un petit hôtel où lui et sa fille s’installèrent sans doute le 20 septembre, après avoir fait leurs « adieux » à Bruxelles.
« Outre le corps de logis donnant sur la rue, la maison, numérotée 77, avait, lorsque je la louai, une cour pavée, conduisant à des écuries, à des remises et à une chambre de domestique. Puis au-delà de ces écuries et de ces remises, une seconde cour où jeter le fumier. Je louais trois mille six cents francs, je crois, cette maison louée aujourd’hui [1866] huit ou dix mille francs.
Comme je n’avais ni voiture ni chevaux, la révolution de 1848 m’ayant emporté tout cela, je fis dépaver la cour. J’y semai du gazon, j’y plantai des arbres et elle devint un jardin. De la remise, ouverte à tous vents, je fis un immense bureau que je fermai avec des vitres et que j’ombrageai avec des lierres. On pouvait, sur une table tenant toute sa longueur, travailler à quatre ou cinq. Je laissai le corridor fruste et l’escalier conduisant à la chambre de domestique sans ornements. Je ne voulais point qu’on pût deviner où conduisait cet escalier. Mais je m’emparai de la chambre de domestique et du cabinet qui en était la dépendance. On arrivait à ce cabinet situé au-delà de la cour à fumier – sans fumier, bien entendu, puisque je n’avais pas de chevaux – par un corridor qui rétrécissait la première chambre, et par un pont jeté de la cour.
À peine eus-je vu cette disposition que je décidai d’en tirer parti : je fermai le corridor pour élargir la chambre d’un mètre ; je fis de la 557fenêtre de la chambre une porte ; j’établis un plancher sur la cour inutile ; je fis couvrir en verre tout l’espace qui séparait la grande chambre de la petite, et je me trouvai à la tête d’un second appartement ayant chambre à coucher, serre pouvant servir de salle à manger et cabinet de toilette au-delà de la serre.
En moins de huit jours la chambre fut tapissée d’un papier velouté de couleur grenat et garnie d’un lit capitonné et de rideaux de velours de la même couleur. La serre chauffée par un poêle invisible vit s’épanouir à la fois les plantes et les fleurs de ma prédilection. Et au-delà de la serre la seconde chambre, la plus petite, revêtue d’un papier à fleurs avec des rideaux d’étoffe perse pareils au papier, offrit tous les détails du cabinet de toilette le plus complet.
C’étaient ces trois pièces que j’appelais mon Hermitage. C’est là que je me réfugiais lorsqu’un événement quelconque me tirait de cet état de sérénité qui est mon état normal » (A. Dumas, Dernières Amours publiées dans Le Soleil, 1866).
En juin 1855, Marie Dumas, furieuse contre son père à qui elle ne pardonnait pas ses aventures amoureuses, dévasta l’atelier contenant les armes de Dumas et ses potiches de Chine, comme elle a dévasté son ancien appartement rue Frochot.
« Je recouvrirai les murs comme je pourrai », conclura Dumas.
- CLIL theme: 3639 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Art épistolaire, Correspondances, Discours
- ISBN: 978-2-406-14932-3
- EAN: 9782406149323
- ISSN: 2261-5881
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14932-3.p.0555
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-18-2023
- Language: French