Annexe n° 9 « Adresse aux Niçois » de Giuseppe Garibaldi (avec les commentaires d’Auguste Carlone) et la réponse rédigée par Auguste Carlone (L’Écho des Alpes maritimes, 5 mars 1849)
- Prix départemental de la recherche historique des Alpes-Maritimes 2015
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Ce que publier signifie. Une révolution par l’encre et le papier, Nice (1847-1850)
- Pages : 695 à 702
- Collection : Les Méditerranées, n° 13
Annexe no 9
« Adresse aux Niçois » de Giuseppe Garibaldi
(avec les commentaires d’Auguste Carlone)
et la réponse rédigée par Auguste Carlone
(L’Écho des Alpes maritimes, 5 mars 1849)
Niçois !
Mon âme profondément émue du spectacle imposant de Rome républicaine se sent attirée par un besoin naturel vers ces êtres qui lui sont attachés par les liens de l’amitié, de la naissance et un amour particulier, et vous êtes au nombre de ces êtres, mes compatriotes bienaimés ; trop heureux si je pouvais faire passer dans votre cœur toute la joie de la rédemption italienne et mourir avec la satisfaction d’avoir toujours travaillé pour le bien de mon pays. En habitant tes airs embaumés, ô ma belle terre de Nice, j’ai senti naître en moi une plus forte volonté d’action, des haines et des amours immenses, et il m’a semblé que le sacrifice de la vie elle-même ne suffisait pas pour la patrie. Lorsque je combattais dans mes contrées lointaines en faveur des opprimés, et que la renommée donnait à mes batailles plus de prix qu’elles n’en méritaient, mon seul désir était que leur bruit parvint jusqu’à toi. Je te les consacrais, ô ma terre natale, avec tout le dévouement d’un fils ; et je fus pénétré d’un noble orgueil en apprenant avec quel intérêt tu revendiquais pour moi le titre de mère qu’un autre voulait t’enlever, non par désaffection, mais afin de pouvoir me considérer encore plus comme Italien1.
Oui, c’était moi qui ambitionnais de t’appartenir, c’était moi qui avais soif des applaudissements de tes nobles et courageux enfants ; et lorsque de mes lèvres sortait le cri de guerre et de liberté, mon âme n’a 696jamais pu séparer Nice de l’Italie, jamais pu faire tomber d’une couronne un de ses joyaux précieux. La terre qui me rappelait les jeux de mon enfance, qui a soutenu mes premiers pas dans la vie, et dont chaque pierre m’est plus chère que moi-même, cette terre, par Dieu !… je la voulais incarnée comme un élément naturel dans la pensée italienne. C’était là que je me plaisais à croire, et ce que je demandais à Dieu en le priant de défendre de la puissance de son bras la sainte cause du peuple. Et cependant, ô Niçois, il existe un journal, L’Écho, qui répand une grande amertume par son obstination gallicane sur ces biens que vous prodigue l’heureuse situation politique de votre pays. Ce journal2 arrive parmi nous comme une malédiction, parce qu’en nous blâmant de la part que nous avons prise à la fortune, aux joies et aux douleurs de l’Italie, il voudrait nous séparer d’elle ; peut-être parce qu’un Français qui a reçu l’hospitalité sur notre terre veut en faire la conquête à force de sophismes et de sollicitations inutiles3. Qu’il poursuive l’apostolat démocratique qu’il a entrepris et nous le saluerons comme frère. Nous hommes libres, nous fraternisons avec tous les peuples, et les temps où les Italiens conquirent et dominèrent pendant des siècles la patrie du rédacteur de L’Écho sont passés, aussi bien que ceux où ses pères obéissant à un chef italien, subjuguèrent la nôtre. La nation française n’a pas besoin de nous pour être grande, mais il faut à l’Italie toutes ses 697forces pour se reconstituer. Nous ne répondrons pas à toutes les inepties mises en avant par cette feuille périodique pour nous prouver que nous sommes Français4, seulement si l’on me demande ce que nous devons à la France, je répondrai en montrant les ruines du Château5.
Que le rédacteur de L’Écho quine connaît pas l’histoire de Nice apprenne du moins que son plus bel épisode est un fait que l’histoire de son pays voudrait voir effacé6. L’armée française alliée à l’armée turque assiégeaient Nice, et l’Italien Doria les dispersa dans le golfe de Saint-Hospice et délivra la ville qui ne voulait être ni turque ni française.
L ’ Écho va disant que Nice est fille de Marseille ; je voudrais savoir si tous les pays du littoral italien où les Grecs s’établirent sont encore grecs aujourd’hui, et si les Phocéens qui se fixèrent sur la côte de Marseille ne se sont pas fondus dans la population indigène française7. Et L’Écho ajoute que l’horizon de l’Italie fait présager de grands malheurs à ses peuples.
Cette prévoyance pusillanime est un sentiment étrange chez le rédacteur de L’Écho, et l’on connaît bien que son âme n’émane pas d’une nature généreuse et constante comme la nôtre. Qu’il continue de participer à la fortune de ceux qui sont heureux si cela le satisfait, et 698qu’il sache que par ce seul et unique motif que l’Italie est malheureuse les intrépides enfants de Nice lui demeurent plus fermement attachés8.
« Les Italiens n’ont d’autres partisans que les hommes de robe, fonctionnaires publics9…… »
Assez de sarcasme et d’injure. N’étaient-ils pas nos partisans, les partisans de l’Italie, les Anfonssi, les Castelli et un millier de Niçois qui ont versé, et qui versent encore leur sang pour elle10 ?
Que le rédacteur de L’Écho vienne connaître une nation qui mérite d’être rachetée. La France n’est pas seule au monde ; qu’il vienne à Florence et à Rome apprendre un peu à prononcer dans cette belle langue le grand nom de Masséna, qui naguère sortait ses lèvres avec un ton dégoûtant11.
Si je ne devais apporter mon concours à d’autres affaires il me serait facile de répondre à toutes les fausses assertions de L’Écho12 ; mais je me contenterai d’annoncer à mes concitoyens que la révolution italienne pour laquelle nous donnons la vie est une révolution de liberté, d’autonomie ; 699elle ne tend pas seulement à absorber et à enchaîner les droits spéciaux de tout État italien, mais elle aspire à garantir l’indépendance municipale. Et Nice ne sera pas certainement un village de la Ligurie ou de la Provence, où un proconsul de Turin ou de Paris, ignorant de l’histoire et des mœurs de ce pays viendrait exercer une puissance anti-démocratique, mais elle sera l’égale de Rome, de Florence et de Naples, ayant un chargé d’affaires sans son propre territoire qui la gouverne, et un autre à Rome qui la représente, l’un et l’autre élus par tout le peuple niçois13. Ainsi donc, mes frères, annoncez au rédacteur de L’Écho qu’il cesse de gallicaniser avec autant d’obstination, et de rendre amère l’existence de celui qui combat pour l’émancipation de la patrie14 ! La guerre finie, il nous sera facile de lui prouver que la Provence est véritablement italienne et que le Rhône la sépare de la France plus que le Var de l’Italie15.
Nice, 5 mars
Adresse de Garibaldi aux Niçois
Le parti Italianissime à Nice est bien malade et pour le sauver il a besoin d’un grand docteur, d’un médecin introuvable jusqu’à ce jour.
Vainement le fameux Garibaldi est descendu des hauteurs du Capitole pour accourir à son secours, armé cette fois, non point de sa vaillante épée, mais de sa plume qui n’est pas à beaucoup près aussi vaillante ni aussi victorieuse. « L’Adresse aux Niçois » n’aurait servi qu’à enterrer ce parti un jour plus tôt si le ridicule pouvait tuer quelqu’un dans notre pays.
Depuis les temps du grand roi David, jamais guerrier illustre n’avait soupiré une prose plus élégiaque et plus pindarique à la fois, et ne s’était lamenté en des accents plus naïvement plaintifs. Mais pourquoi cette 700douleur amère et ces soupirs profonds, qui s’échappent de la poitrine émue du soldat républicain au milieu de l’ivresse du peuple romain ?… Hélas ! trois fois hélas ! c’est L’Écho qui est la cause de cette abominable affliction ; c’est L’Écho qui abreuve de chagrins l’âme héroïque et sensible du preux chevalier. Qui jamais aurait pu s’en douter si Garibaldi n’avait pris la peine de nous le dire lui-même ? Et pourtant ce n’est qu’à cause de nous que le député à la Constituante, que le futur sauveur de l’Italie, a pris la plume, pour faire savoir à ses concitoyens qu’en habitant « les airs embaumés de la belle terre de Nice son âme avait retrouvé une énergie plus grande », mais que les iniquités françaises de L’Écho le plongeaient dans l’affliction la plus noire, qu’il « voulait » que la « terre qui lui rappelle les jeux de son enfance fût incarnée à la pensée italienne » ; et que « chaque pierre de son pays lui étaient plus précieuse qu’à la vie », il ne pardonnait pas à la France d’avoir « ruiné le Château de Nice », lequel château, comme tout le monde sait, devait être une des merveilles de l’univers.
Tout cela est passablement divertissant, et comme on le voit le général Garibaldi a fort bien fait d’oublier un instant les Autrichiens pour s’occuper de nous. Il est à regretter qu’il n’ait « pas le temps » de répondre à toutes les « inepties de L’Écho » et qu’il s’amuse à nous raconter une histoire ancienne où Doria joue un rôle et où il oublie Ségurane, l’héroïne niçoise. Le Ligurien d’origine, Niçois par le hasard de la naissance, prétend nous apprendre l’histoire de notre pays ; nous voulons lui prouver, en lui citant ce nom, que nous ne l’ignorons pas, et nous lui dirons en outre qu’à l’époque dont il parle nous n’avions pas de patrie, car un peuple qui est esclave ne peut en avoir.
La fin de cette merveilleuse proclamation aux Niçois n’est pas moins réjouissante que le commencement et le milieu ; elle est rédigée en style de pastorale démocratique, c’est l’évangile, l’heureuse nouvelle de la République italienne que l’apôtre charge ses « chers frères » d’annoncer à L’Écho en l’invitant à cesses ses prédications gallicanes et à ne plus rendre la vie amère à ceux qui combattent pour l’émancipation de la patrie. Après la guerre il nous prouvera que les limites de l’Italie sont au Rhône !
C’est là, il faut l’avouer, de la part du futur Léonidas de l’Italie, député de la Constituante, un temps précieux mal dépensé à écrire des niaiseries pompeusement ridicules. Que quelques imbéciles trouvent 701admirable ce pathos d’écolier, cela n’est pas surprenant ; c’est pour ces gens-là qu’on a dit depuis longtemps : « un sot trouve toujours un plus sot qui l’admire », mais tous ceux qui aiment Garibaldi conviendront sans difficulté qu’il aurait mieux fait de se taire, que de venir à nous psalmodiant en prose une poésie héroï-comique qui ne prouve rien ni en faveur de sa cause, ni en faveur de son mérite littéraire ou de son bon sens.
Que s’il avait cru devoir intervenir dans cette guerre d’opinion, il avait un rôle plus beau et plus noble à remplir en se présentant comme conciliateur. Il aurait pu nous dire ainsi qu’une femme de cœur [Cristina Trivulzio de Belgiojoso] et d’esprit nous le disait il y a quelques jours : « l’Italie est en péril, oubliez un instant votre ancienne patrie pour ne penser qu’aux dangers que court la patrie d’adoption de vos pères. Lorsque l’Italie sera délivrée de ses oppresseurs, il sera temps d’agiter et de vider la question de votre nationalité particulière, et le vœu du plus grand nombre décidera paisiblement du sort de tous ». Ce langage aurait honoré un démocrate qui ne peut méconnaître que la volonté des peuples est une loi souveraine et que, quel que soit d’ailleurs son passé, une nation est libre de disposer de son présent comme elle le juge à propos.
Mais Garibaldi a plus écouté la passion que la raison : il a interprété faussement nos sentiments et nos paroles ; il a même été injuste envers nous, et oublieux de ce qu’il doit à lui-même, jusqu’au point de nous calomnier en nous accusant d’avoir prononcé avec mépris le nom de Masséna, assertion fausse et contre laquelle nous protestons de toutes nos forces. Et puisque ce nom glorieux a été prononcé, nous dirons à notre compatriote que si ce Niçois vraiment illustre vivait encore, il marcherait dans nos rangs et sous notre drapeau, car Masséna toute sa vie n’a reconnu d’autre patrie que la France. Enfant, il se hâta de « dépiémontiser », pour nous servir de l’expression d’Alfieri que Garibaldi doit aimer comme l’auteur du Misogallo. Si le très jeune émule de Masséna n’a pas les mêmes affections, nous ne l’estimons et ne l’aimons pas moins pour cela, car nous respectons, nous libéraux et démocrates, conséquents avec nos principes, toutes les opinions et tous les dévouements ; et pour lui prouver jusqu’où va notre attachement à l’Italie et notre affection particulière pour lui Garibaldi, nous lui désirons ardemment quelque grand fait d’armes qui puisse servir de pendant à la bataille de Zurich, 702au siège de Gênes, à Rivoli, à Essling et même aux moindres actions de celui qu’on surnomma « l’enfant chéri de la victoire ».
En attendant, pour prouver une fois de plus à nos amis et à nos ennemis que, s’il est des attaques et des insultes auxquelles nous ne répondons que par un silence méprisant, nous ne reculons devant aucune discussion sérieuse, sinon pour le fond du moins par le nom de l’adversaire ; pour prouver une fois de plus que bien loin de chercher à étouffer la vérité nous n’avons d’autre désir que de la faire briller aux yeux de tous, nous reproduisons textuellement la merveilleuse proclamation de Garibaldi aux Niçois, en l’accompagnant de notes que nous aurions pu multiplier si nous n’avions craint de fatiguer nos lecteurs.
1 Nous engageons nos lecteurs à réfléchir sur cette phrase qui est un coup d’épée pour nos italianissimes. Le texte dit : ma per credermi maggiormente Italiano, la version littérale serait celle-ci : « mais pour me croire davantage Italien », nous ne pouvions en conscience adopter une pareille version, mais de quelque manière qu’on interprète le texte, il en résulte qu’en Italie on ne considère pas les Niçois comme de véritables Italiens.
2 Malheureux journal ! pauvres Italiens ! et cependant ce coupable Écho, qui abreuve de tant d’amertumes l’âme sensible du héros, a toujours aimé et servi la cause italienne avec un dévouement, non pas aveugle, cela est vrai, mais éclairé. Évidemment, son seul tort est de ne pas croire que la situation politique de notre pays soit pour nous une source inépuisable de biens ; mais personne ici ne le croit, pas même, nous en sommes sûrs, l’auteur de l’adresse qui rêve pour nous un autre bonheur que celui dont nous jouissons, ainsi qu’il va bientôt nous le dire. Garibaldi se montre d’ailleurs d’une noire ingratitude envers notre pauvre journal qui a brûlé pourtant assez de son encens démocratique pour le héros futur de l’Italie Comme les anciens, nous avons quelquefois sacrifié aux dieux inconnus.
3 L’illustre général connaît fort peu ses compatriotes, s’il les croit capables de se laisser séduire par des sophismes, et s’il veut les convertir à la foi italienne ; il y parviendra plus facilement par une réfutation de nos prétendus sophismes que par des lamentations et des déclamations ridicules qui ne prouvent rien. Nous lui apprendrons aussi, puisqu’il lui plaît de l’ignorer que la rédaction de L’Écho n’est pas seulement confiée à un Français, mais à des véritables Niçois dont l’origine n’est point ligurienne et dont les opinions connues leur ont mérité l’honneur d’être choisis par leurs concitoyens pour les représenter dans notre Conseil municipal. L’administration de notre Ville est confiée à l’un d’eux ; il est bon que M. Garibaldi le sache, afin qu’il cesse de croire qu’un Français a l’ambition de vouloir conquérir Nice, et qu’il se persuade que la majorité est incarnée dans la pensée française comme un élément naturel. Ce sera une grande douleur pour son âme italienne, mais par Dieu ! c’est ainsi.
4 C’est là une méthode on ne peut plus commode. Nous serions cependant fort curieux de savoir ce que l’auteur entend par ces inepties auxquelles il dédaigne de répondre. Nous n’avons jamais écrit de son style, ni emprunté ses magnifiques pensées vides de sens. Nous sommes attachés à démontrer par des raisonnements assez concluants et qu’on n’a pas encore détruits, que les Alpes étaient les frontières naturelles de la France, et Nice en deçà des Alpes ; nous avons prouvé, par des chiffres, que notre prospérité serait beaucoup plus grande si nous étions réunis à la France, et lorsque M. Garibaldi voudra discuter sérieusement ces questions nous sommes prêts. Il est fort possible que toutes ces considérations mesquines d’intérêt matériel paraissent des inepties à des esprits ardents qui se passionnent pour les aventures ; mais fort heureusement la plupart des hommes aiment à vivre paisiblement et honnêtement de leur travail et à retirer de ce travail honorable la plus grande utilité possible.
5 Les ruines du Château ! quel crime irrémissible et quel argument admirable ! Ah ! MM. de Catinat et Berwick qu’avez-vous fait ?
6 Les rédacteurs de L’Écho croient connaître quelque peu l’histoire de Nice, ils savent la date de son union à la Savoie et les conditions de ce contrat ; ils savent la date du vote des populations de la province, vote qui motiva le décret de la Convention nationale par lequel Nice fut rendu à la France ; ils savent qu’en 1814 le peuple ne fut pas consulté, mais ce qu’il n’est pas permis d’ignorer à un démocrate comme Garibaldi, c’est qu’à l’époque dont il parle les peuples ne comptaient pas, ils n’étaient que des instruments passifs de l’ambition et de la tyrannie des princes. Il n’y a cependant pas assez longtemps que cet état des choses n’est plus, pour qu’un républicain en ait perdu la mémoire.
7 Cette fusion s’est opérée parce qu’elle était naturelle ; la nôtre avec l’Italie n’a pu encore s’opérer, après tant de siècle, parce qu’elle ne l’est pas. Méditez ces deux faits et vous en conclurez forcément que Nice n’a jamais et ne peut jamais être véritablement italienne.
8 Tout journaliste est libre d’apprécier la situation d’un pays et bien aveugle serait l’Italien qui ne verrait pas les dangers qui menacent sa patrie. Quant à l’appréciation de la générosité de nos sentiments nous renvoyons l’auteur de l’adresse à la lecture un peu plus attentive de notre journal et surtout de notre dernier numéro.
9 Ce passage est extrait d’un de nos articles où la question italienne était traitée sous le point de vue purement économique. Il aurait mieux valu le réfuter par des arguments solides que de se prétendre insulté. Mais nous doutons que l’auteur nous ait jamais lus.
10 N’oublions pas qu’il s’agit pour nos adversaires de prouver que Nice est véritablement italienne ; que les Alpes ne sont pas les frontières naturelles de la France et que nos intérêts matériels et politiques ne nous poussent pas vers la France. Nous sommes, nous aussi, partisans de l’indépendance italienne, mais nous ne sommes pas plus Italiens pour cela que les Savoisiens, ou que les Français qui sont venus généreusement combattre dans les plaines de Lombardie ne le sont ; pas plus Italiens que Garibaldi n’était Montevidéen lorsqu’il avait offert ses services à Montevideo, pas plus Italiens que les hommes courageux qui ont combattu pour la résurrection de la Grèce n’étaient Grecs.
11 Le général Garibaldi nous calomnie et nous devons lui faire observer, le plus poliment du monde, qu’il ne sait ce qu’il avance, nous le mettons au défi d’en rapporter la preuve. Mais si par hasard il voulait faire allusion à quelqu’un de ces pompeux discours qu’on lui a prodigués au fameux banquet de l’Hôtel d’York et au peu d’estime qu’un de ces orateurs complaisants a montré pour Masséna en le comparant à lui Garibaldi, nous trouverions qu’il a raison. Seulement il faut bien qu’il sache que cet orateur n’avait rien et n’a rien de commun avec la rédaction de L’Écho des Alpes maritimes, qui assistait au banquet, mais qui n’a pas ouvert la bouche pour parler et à laquelle, par conséquent, on ne peut reprocher cette comparaison hardie.
12 Eh ! mon dieu ! Vous venez de divaguer pendant plus de deux heures ; il vous eut été bien plus facile et bien plus profitable à la bonne cause de répondre une fois pour toutes à ces « fausse assertions » que vous ne pouvez même pas préciser.
13 Ce sont là de magnifiques promesses et nous serons bien heureux lorsque la République italienne sera proclamée, et ce chargé d’affaires dont vous devinez le nom nous gouvernera. Seulement il est à regretter que l’illustre général n’ait pas eu quelques moments de plus pour nous expliquer cette République italienne, et surtout les moyens qu’il a trouvés pour la faire éclore au premier jour.
14 Cruel Écho ! Barbare Écho ! pourras-tu résister à une tirade aussi attendrissante ? Et pourtant, j’ai eu peur, tu mourras dans l’impénitence finale.
15 Nous attendons, et pour le moment nous n’avons rien à répondre, si ce n’est que probablement la République italienne supprimera les Alpes, et que la France n’a qu’à bien se tenir.
- Thème CLIL : 3378 -- HISTOIRE -- Histoire générale et thématique
- ISBN : 978-2-406-11196-2
- EAN : 9782406111962
- ISSN : 2264-4571
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11196-2.p.0695
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 03/06/2021
- Langue : Français