Présentation des auteurs et résumés des contributions
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Camus et l’éthique
- Pages: 217 to 224
- Collection: Encounters, n° 95
- Series: Twentieth and twenty-first century literature, n° 13
Présentation des auteurs
et résumés des contributions
Guy Basset, « “Bien faire son métier”. Travail et réflexion éthique chez Camus »
Guy Basset s’est orienté vers le monde industriel après des études de philosophie. Il a publié de nombreux articles sur Camus et la vie intellectuelle à Alger et a participé au Dictionnaire Albert Camus (Laffont, 2009) et au dictionnaire L’Algérie et la France (Laffont, 2009). Il est l’auteur de Camus chez Charlot (Domens, 2004) et le coéditeur de Camus, la philosophie et le christianisme (Cerf, 2012).
Ce chapitre examine l’importance, chez Camus, du travail effectué consciencieusement et avec art. L’auteur fait l’expérience du travail très jeune et s’intéresse tôt à ce monde et aux réalités économiques qui le façonnent à travers ses premiers articles parus dans Alger républicain. « Bien faire son métier » explore en outre l’éthique du labeur que mettent en mouvement les personnages camusiens. En jeu, derrière ce souci du travail bien fait : rien de moins que d’exercer son « métier d’homme ».
This chapter examines the importance of conscientious and artful work in Camus’ œuvre. The writer started to work at a young age. In his first articles for Alger républicain, he also showed an early interest in the world of labour and the economic realities which underlie it. “To do one’s job well” explores the labour ethics which motivate many of Camus’ characters. The desire to do a job well hides a larger concern : how to carry out the “job” of living well.
Marc Crépon, « Le temps de la peine de mort. Une lecture des Réflexions sur la guillotine »
Marc Crépon est directeur du département de philosophie de l’École normale supérieure et directeur de recherches au CNRS (Archives Husserl). Ses recherches ont trait à la philosophie politique et morale contemporaine et se concentrent en particulier sur les questions de la communauté, de la langue et de la violence. Il a publié nombre d’ouvrages sur ces questions chez Galilée, Odile Jacob et aux éditions du Cerf notamment.
Camus dénonça dans la peine capitale un assassinat légalisé, rendu supportable à notre imagination par d’habiles jeux de représentation et par une croyance en la nécessité et l’exemplarité de l’exécution. Est également analysé ici ce en quoi Camus et Jacques Derrida se rejoignent sur la question de la justice létale : tous deux réfléchissent à sa cruauté, au principe de vengeance qui la sous-tend, et au postulat erroné selon lequel cette peine n’aurait pas à se penser au présent.
What Camus denounced with regard to the death penalty was a legalised mode of killing, made bearable by cunning representational tricks and a belief in the necessity and exemplarity of execution. Marc Crépon also explores how Camus and Derrida come together on the question of lethal justice : both reflect on its cruelty, the principle of revenge which underpins it, and the false reasoning according to which capital punishment does not need to be thought about in the present.
Colin Davis, « La guerre de Camus. L’Étranger et Lettres à un ami allemand »
Colin Davis est professeur titulaire de littérature française et directeur de la recherche de l’École des langues, littératures et cultures modernes à l’université de Londres, Royal Holloway. Ses travaux portent sur le vingtième siècle, la théorie critique et le cinéma. Il est l’auteur de plusieurs monographies dans ces domaines, dont Ethical Issues in Twentieth-Century French Fiction : Killing the Other (Palgrave Macmillan, 2000).
Cette contribution compare L’Étranger et Lettres à un ami allemand dans leur rapport à la guerre. La première œuvre, résolument résistante, justifie la violence pour mettre fin à l’Occupation allemande et rejette tout doute quant à l’autorité intellectuelle et morale de son locuteur et de ses positions. L’Étranger, commencé avant le conflit, mais revu et achevé pendant l’Occupation, pourrait lui être lu comme une réponse indirecte au choc de la défaite et le récit d’une impuissance traumatisée.
This contribution compares The Stranger and Letters to a German Friend in terms of their connection to the war. The first work, very much of the Resistance, justifies violence in order to put an end to German Occupation and rejects any doubt as to the intellectual or moral authority of the speaker. The Stranger, meanwhile, started before the conflict but reviewed and finished during the Occupation, can be read as an indirect response to the shock of defeat, and as the account of a traumatized powerlessness.
Sophie Doudet, « Faire mal et faire le mal. « Les méchants » chez Camus »
Sophie Doudet est maître de conférences en littérature française à l’IEP d’Aix-en-Provence. Auteur d’une thèse sur la généalogie intellectuelle d’André Malraux, elle a accompagné la lecture de L’Or de Cendrars et de La Perle de Steinbeck dans la collection « La Bibliothèque Gallimard » et réalisé le dossier pédagogique de La Condition humaine, de La Chute, des Justes et de La Douleur de Duras pour le même éditeur.
Dans ce chapitre, Sophie Doudet s’interroge sur les représentations du malin et de ses avatars divers dans la fiction camusienne. Ceci dans un contexte moderne où la morale a été abolie – par Nietzsche notamment – et où un relativisme certain peut rendre difficile la circonscription du Bien et de son antithèse. Où le mal se loge-t-il donc chez Camus ? Des lignes de partage subsistent-elles qui fondent une éthique indi- viduelle ou collective ? Comment le mal s’incarne-t-il – ou pas – dans ce contexte ?
In this chapter, Sophie Doudet explores the representations of evil and its avatars in Camus’ fiction. They were crafted in a modern context in which morality had been abolished – notably by Nietzsche – and in which relativism rendered the designation of good and its antithesis difficult. Where is evil located for Camus ? Does enough common ground remain to establish an individual or collective code of ethics ? How does evil appear – or not – in this context ?
Roger Grenier, « Vues de l’intérieur : les éthiques de Camus. Entretien avec Ève Morisi »
Membre du comité de lecture des Éditions Gallimard, Roger Grenier a fait partie de la première équipe du journal résistant Combat, aux côtés de Camus et de Pascal Pia. Il a reçu le Prix Femina en 1972 pour Ciné-Roman, le Grand Prix de la Nouvelle de l’Académie Française, en 1975, pour Le Miroir des eaux, le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres et le Grand Prix de Littérature de l’Académie Française pour l’ensemble de son œuvre.
Dans un entretien approfondi, Roger Grenier, que Camus embaucha à Combat et dont il devint le proche ami, nous fait part de sa connaissance intime du Prix Nobel et de sa pensée. Il évoque leur rencontre, le travail en équipe au sein du journal résistant, mais aussi l’amitié, l’écriture de Camus, et les grandes questions éthiques qui se sont posées à cette conscience hors du commun.
In an extensive interview, Roger Grenier, whom Camus hired while at Combat and with whom he became close friends, shares with us his profound familiarity with the Nobel laureate’s life and thought. He discusses their first encounter, the team work carried out for the newspaper of the French Resistance, as well as their friendship, Camus’ writing, and the major ethical questions on which the author reflected.
Françoise Kleltz-Drapeau, « Éthique aristotélicienne et éthique camusienne. Penser la mesure »
Docteur en philosophie grecque (Paris IV), Françoise Kleltz-Drapeau a travaillé sur Aristote sous la direction de Pierre Aubenque. Elle enseigne les pratiques de lecture des textes universitaires à Paris III. Dans le cadre de l’Espace Éthique et de l’université Paris-Sud, elle étudie les relations entre médecine et philosophie. Elle a récemment publié Une dette à l’égard de la culture grecque : la juste mesure d’Aristote (L’Harmattan, 2012).
Cette réflexion rapproche la notion de mesure chère à Camus de la célèbre réflexion d’Aristote sur la « juste mesure ». Le philosophe grec conceptualise cette dernière qu’il appelle « mésotès » en faisant référence à deux valeurs cardinales chez le Prix Nobel : la « justice » et le refus de l’excès. Tels sont les piliers de ce que Camus nommera la « Pensée de midi », qui invite à penser les enjeux et les risques de toute société, a fortiori en temps de crise.
This contribution connects Camus’ favoured notion of “measure” to Aristotle’s famous reflections on the “just measure”. The Greek philosopher conceptualised the latter, defined as “mésotès”, by referring to two values of critical importance for the Nobel Prize laureate : “justice” and the refusal of excess. These are the pillars of what Camus will come to name the “Pensée de midi”, which encourages a consideration of the risks that any society runs, all the more so in times of crisis.
Alexis Lager, « L’œuvre camusienne, un miroir éthique et existentiel »
Certifié de lettres modernes, Alexis Lager a soutenu en 2009 un mémoire portant sur La Postérité du soleil. Il a publié « Les Carnets ou la tentation du poétique » dans Lire les Carnets d’Albert Camus (Septentrion, 2012) et « Une œuvre à deux visages : échos, intertextes et réécritures dans La Postérité du soleil » (avec Franck Planeille). Il est aussi l’auteur de « Deux visages de l’artiste camusien : René Char et Roger Martin du Gard », à paraître.
« Un miroir éthique et existentiel » dissèque le rôle que l’œuvre de Camus peut jouer pour ses lecteurs. Des images analogues décrivent souvent le contact aux textes camusiens : « ébranlement » qui « nous parle de nous-mêmes », expérience nous aidant à nous « connaître », « entéléchie. » À travers des personnages fonctionnant comme des substituts existentiels et le rôle maïeutique conféré la narration, le romanesque camusien, spéculaire, permettrait au lecteur de se réaliser à travers le destin des personnages.
“An ethical and existential mirror” investigates the role that Camus’ œuvre plays for its readers. Recurring images are often used by readers in order to describe their contact with Camus’ texts in terms of a “shock” which “speaks to us of ourselves”, an experience which helps us to “know ourselves”, and as an “entelechy”. Thanks to its characters functioning as existential substitutes, and the maieutic role conferred on the narrative, Camus’ literary fiction allows readers to realise themselves through the fate of the protagonists.
Ève Morisi, « Albert Camus, la morale et l’éthique »
Titulaire d’un double doctorat de lettres (Sorbonne/Princeton), Ève Morisi enseigne à l’université de Californie. Ses recherches en littératures française et comparée portent sur les rapports entre éthique et poétique aux xixe et xxe siècles. Elle a publié Albert Camus contre la peine de mort (Gallimard, 2011) et Albert Camus, le souci des autres (Classiques Garnier, 2013), et de nombreux articles sur les représentations de l’aliénation et de la violence.
Ce volume s’ouvre sur une synthèse des moments et perspectives-clés qui ont uni ou soustrait Camus à la morale. Sont évoqués sa défiance à l’égard d’une Morale absolue, sa formation éthique informelle, plurielle, et non moins vivace, ainsi que les principes qui en découlent. Ils informent directement la manière dont l’auteur affronte l’histoire contemporaine et appréhende son art : avec modestie, esprit pratique, exigence de solidarité. Le tout sur fond de doute et d’autocritique persistants.
This volume begins with a synthesis of the key moments and perspectives which have both linked Camus to morality and separated him from it. His denial of an absolute morality is examined as well as his informal, multifaceted, and spirited ethical training, and the defining principles which emerged from it. These elements shape and are shaped by the way in which the author confronted contemporary history and approached his art : with modesty, a practical spirit, and a demand for solidarity, all founded on a persistent sense of doubt and self-criticism.
Samantha Novello, « De l’Absurde à l’Amour. La « révolution » éthique de Camus entre Nietzsche et Scheler »
Samantha Novello enseigne la philosophie et l’histoire à Turin. Docteur en sciences politiques et sociales ainsi qu’en études politiques, elle a soutenu une première thèse sur la pensée politique de Camus et d’Hannah Arendt, puis une seconde sur Camus et les intellectuels italiens. Elle a collaboré à la nouvelle édition « Pléiade » des Œuvres complètes de Camus et est l’auteur d’Albert Camus as Political Thinker (Palgrave Macmillan, 2010).
On analyse ici la mise en place par Camus d’une véritable « révolution » positive visant à contrer le nihilisme de la société contemporaine qui peut permettre d’affirmer qu’une vie ne vaut pas la peine d’être vécue ou de justifier l’extermination d’autrui. Camus fait le pari de la « renaissance » en traçant les contours d’une éthique de l’amour à partir des années trente à travers une intense confrontation avec l’éthique matérielle des valeurs formulée par Max Scheler.
What is analyzed here is the way in which Camus established a real and positive “revolution” seeking to counter the nihilism of contemporary society which can suggest that life is not worth living and indeed that the extermination of another’s life is justifiable. Camus looked to a new “renaissance” by delineating an ethics of love from the 1930s onwards and by confronting the material value-ethics formulated by Max Scheler.
Franck Planeille, « Le juste et le vrai dans L’Étranger »
Franck Planeille est vice-président des « Rencontres méditerranéennes Albert Camus » de Lourmarin. Spécialiste de Camus mais aussi de René Char, il a édité la Correspondance Albert Camus – René Char (Gallimard, 2007) ainsi que La Postérité du soleil (2009). Il a également publié une étude critique de L’Étranger (Bordas, 2003) et a participé à l’édition des Œuvres complètes de Camus (Gallimard, 2006-2008).
« Le juste » et « le vrai » dans L’Étranger nous parlent de justice, mais aussi de métaphysique. Meursault est confronté à ces mots auxquels il attribue d’abord des significations élémentaires. Mais cette simplicité engage un débat sur la conception de la vérité. Est posée la question de la différence entre la vérité considérée comme ouverture de l’être dans la présence (alètheia) et la vérité conçue essentiellement comme adéquation de l’intellect, du jugement à la chose.
“The just” and “the true” in The Stranger speak to us of justice but also of metaphysics. Meursault is confronted with these words, and attributes elementary meanings to them at first. Yet this simplicity leads to a debate on the conception of truth and raises the question of the difference between truth considered as the opening up of the being in presence (alètheia) and truth considered as the adequacy of intellect, judgement, and object.
Hervé Sanson, « Éthique et responsabilité chez Albert Camus et Albert Memmi. De quelques convergences et divergences »
Spécialiste des littératures maghrébines francophones, Hervé Sanson est maître de conférences (Dozent) à l’Institut de romanistique de l’université d’Aix-la-Chapelle. Membre de l’ITEM/CNRS, auteur d’une étude critique de L’Opium et le bâton de Mouloud Mammeri (Champion, 2003) et d’un numéro de la revue Europe consacré à la littérature marocaine contemporaine, il a collaboré à une édition des Portraits et autres essais d’Albert Memmi (CNRS, à paraître).
Sont ici étudiées les divergences et convergences-clés émergeant des œuvres de Camus et d’Albert Memmi. Hervé Sanson interroge le devoir de responsabilité et le souci éthique qui émanent de la pensée des deux auteurs suivant trois axes : le rapport de chacun à son enfance pauvre et les leçons qu’il en a extraites, les positionnements de l’un et de l’autre face à la décolonisation, et, enfin, la conception de leur art – à la création « totale » voulue par Camus répond l’œuvre plus compartimentée de Memmi.
The key points of divergence and convergence which emerge from the work of Camus and Albert Memmi are studied here. Hervé Sanson investigates the duties of responsibility and ethical concerns which emanate from the thought of these two authors, focusing on three aspects : the significance of their childhoods spent in poverty and the lessons gained from this ; their positions vis-à-vis decolonisation ; and, finally, their art, with regard to which Camus’s conception of a “total” creation is countered by Memmi’s more compartmentalised œuvre.
David H. Walker, « Camus et l’éthique du hasard »
David H. Walker est professeur titulaire à l’université de Sheffield. Il a publié de nombreuses études sur Gide, Camus, Genet, Robbe-Grillet, ainsi que sur le fait divers et sur la société de consommation dans la littérature française moderne. Il a contribué à diverses éditions critiques, dont les Œuvres romanesques d’André Gide et les Œuvres complètes de Camus, parues chez Gallimard. Il est en outre l’auteur du roman Migrating Voids (2014).
Ce chapitre met en lumière ce que nous ne maîtrisons pas, le hasard, et la place que ce visage de l’absurde occupe dans l’œuvre de Camus. David H. Walker examine les prémisses de ce que l’auteur nomme la « philosophie inexistentielle », fondée sur le manque qui se trouve au cœur de « l’homme privé de… ». Ceci afin de retracer, dans l’évolution de la pensée camusienne, l’esquisse d’un projet éthique qui cherche à faire la part de la contingence tout en s’opposant au nihilisme.
This chapter sheds light on what we cannot master, chance, and the place occupied by this face of the absurd in Camus’ œuvre. David H. Walker examines the premises of what Camus names “inexistential philosophy”, founded on the chasm at the heart of “man who lacks…”. He then outlines the ethical project evident in the evolution of Camus’ thought which seeks to reckon with contingency while at the same time opposing nihilism.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-3244-6
- EAN: 9782812432446
- ISSN: 2261-1851
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3244-6.p.0217
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 10-14-2014
- Language: French