Éditorial
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers Lautréamont
2021, n° 3. varia - Auteur : Saliou (Kevin)
- Pages : 11 à 15
- Revue : Cahiers Lautréamont
Éditorial
Il y a un an, notre éditorial s’achevait sur l’annonce de nos événements prévus à la Bibliothèque nationale de France et à la Maison de la Poésie, événements qui devaient commémorer, comme il se devait, le cent-cinquantenaire de la mort d’Isidore Ducasse. Alors que notre numéro des Cahiers Lautréamont était sous presse, le mois de novembre 2020 arriva et avec lui, l’annonce d’un reconfinement venant mettre à mal tous ces beaux projets. L’incertitude dans laquelle nous a plongés la situation sanitaire tout au long de l’année 2021 nous a empêchés de reprogrammer les célébrations. Attristés, nous avons laissé passer le 4 avril 2021, anniversaire des cent-soixante-quinze ans de la naissance du poète : il semble plus raisonnable d’attendre des jours meilleurs pour organiser un vrai moment de convivialité qui sera, cette fois, déconnecté des dates des commémorations.
Nous n’avons pas cependant ménagé nos efforts pour rendre hommage à Isidore Ducasse en ligne, que ce soit du côté de la France ou de l’Uruguay. Les lecteurs des Cahiers Lautréamont numériques ont pu suivre sur notre site1 diverses publications de qualité, relatives à Lautréamont et son œuvre, qui venaient compléter le numéro papier paru en novembre 2020. Nous avons également rendu compte, en temps réel sur notre Facebook, des événements qui se tenaient à Montevideo, grâce aux informations que nous communiquait aimablement l’Ambassade de France en Uruguay. L’année a également vu la parution de plusieurs volumes : la belle édition Prairial, postfacée par notre secrétaire de rédaction Mathilde Ollivier et illustrée des dessins de Magritte, la première traduction uruguayenne par Alma Bolón et Beatriz Veigh et, au moins d’avril, le premier volume de notre thèse consacrée à La Réception de Lautréamont2.
12Nous avons surtout préparé consciencieusement ce troisième numéro en accueillant dans nos pages de nouveaux noms, collaborateurs de longue date ou nouvelles recrues, que l’on espère retrouver fréquemment dans les années à venir. Ce numéro devait, initialement, être en partie consacré aux Poésies. Nous avons cependant jugé préférable de ne pas rassembler les études initialement prévues pour la journée d’étude de la BnF, car elles seront probablement présentées dans un autre contexte, si bien qu’on ne trouvera finalement qu’une seule contribution sur les deux plaquettes de 1870.
Le volume s’ouvre d’abord sur un hommage à Peter Nesselroth, ducassien canadien disparu le 31 mai 2020. Nous proposons, à cette occasion, un article inédit qui nous a été aimablement communiqué par sa fille Eva Nesselroth ainsi que par sa collègue Andrea S. Thomas. Vient ensuite, comme le veut désormais la tradition, le dossier sud-américain de ce numéro. Il est cette année en partie consacré aux commémorations montévidéennes : Dario Arce, attaché culturel à l’Ambassade de France à Montevideo, fait le point sur les différentes manifestations qui ont eu lieu de l’autre côté de l’Atlantique, tandis que Martín Craciun présente quelques-unes des œuvres d’art réalisées dans le cadre du Prix Cézanne, qui avait pour thème l’univers des Chants de Maldoror. Cette section se termine par un nouvel article rédigé en partie depuis l’Argentine : les fruits d’une exhaustive enquête menée par Cristina Ducasse et moi-même pour reconstituer la généalogie de la famille Ducasse. Nous avons conservé le titre de notre rubrique, « Des nouvelles de Cordoba », mais cet épisode de la grande saga familiale que nous esquissons article après article se situera cette fois dans la région de Tarbes et sera l’occasion de compléter et de rectifier un certain nombre d’hypothèses esquissées dans les anciens Cahiers Lautréamont. Il manque à ce dossier le compte rendu du journal El Montevideano, numéro exceptionnel distribué gratuitement dans la capitale uruguayenne qui fera l’objet d’une recension dans notre prochain numéro.
La recherche biographique se porte décidément très bien, et les travaux entrepris par les ducassiens français nous permettent de progresser chaque année dans notre connaissance du « lautréamonde », pour reprendre le beau néologisme de Jean-Jacques Lefrère. Gérard Tasset 13revient sur le destin de Léon Genonceaux et lève le voile sur les quatre dernières décennies de son étonnante vie. Gérard Touzeau s’intéresse, quant à lui, à l’hôtelier Dupuis, qui était le logeur du poète lors de ses années parisiennes. Bertrand Combaldieu enfin livre une très belle réflexion sur une invention dont Isidore Ducasse ne put que constater le développement et le succès, à savoir la photographie. De Montevideo à Paris, il retrace l’histoire de cet art encore balbutiant et questionne, naturellement, la mode du portrait, non pas imaginaire cette fois.
Les études sur le texte ne sont pas pour autant délaissées. Giovanni Berjola s’intéresse à la conception de l’amour chez Lautréamont, de l’idéalisation platonicienne du romantisme à la sexualité décadente. Éloïse Sureau, dont l’intérêt pour l’œuvre de Ducasse n’est pas nouveau mais dont il s’agit pourtant d’une première collaboration aux Cahiers, interroge les crimes de Maldoror à la lumière du code pénal et du développement de la criminologie au xixe siècle. Siméon Lerouge poursuit son questionnement sur les sources en s’attaquant à une « Grande-Tête-dure », s’il faut ainsi appeler les auteurs épargnés par Ducasse dans sa redoutable liste. Qu’avait lu notre poète de l’œuvre de Diderot ? Peut-on esquisser un parallèle entre les théories esthétiques du Neveu de Rameau et celles des Poésies ? Enfin, Edgard Vidal interroge les différentes hypothèses pour expliquer le choix du pseudonyme Lautréamont. Il présente au lecteur une nouvelle source possible, à savoir la première occurrence de ce néologisme, dans les années 1840, sous la forme d’une coquille d’impression pour Latréaumont. C’est l’occasion de se pencher sur l’auteur de cette coquille, l’écrivain aujourd’hui très oublié Sébastien Rhéal.
Du côté de la réception de l’œuvre, Bertrand Combaldieu s’interroge sur la circulation de deux exemplaires de 1869 en Belgique en 1874. David Azoulay propose, quant à lui, de revenir sur le Lautréamont de Blanchot et d’interroger la façon dont le critique s’est emparé de l’œuvre de Ducasse pour élaborer sa propre théorie critique, avec le succès que l’on connaît. Federico Guariglia poursuit son étude de la réception italienne en présentant deux traducteurs de Maldoror aux trajectoires très différentes. Xiang Zheng livre la suite de son premier article consacré à la réception en Chine et s’intéresse cette fois à un deuxième temps de cette redécouverte, dans les années 1980. Enfin, Éric Walbecq se penche sur la réception ultracontemporaine de l’œuvre de Ducasse à travers un compte rendu de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France qui 14devait être consacrée aux précurseurs du surréalisme : Lautréamont y occupe, naturellement, une place de choix.
Le volume se termine sur la présentation de quelques lettres inédites où le nom de Ducasse surgit : sous la plume de Fénéon, de Georges Rouzet et Pierre Lambert, de Maurice Heine, de Breton et Éluard, et surtout celle de Jean Carrive, acteur marginal et méconnu aujourd’hui des débuts de l’aventure surréaliste. Un compte rendu de l’ouvrage fort intéressant de Lilian Pestre de Almeida vient clore le volume.
Le lecteur s’étonnera peut-être d’une nouveauté graphique à partir de ce numéro. Au terme d’un concours organisé en son sein, l’AAPPFID s’est dotée d’un nouveau logo qui figurera à l’avenir sur toutes ses publications. Son concepteur ayant souhaité garder l’anonymat, nous profitons de ces quelques lignes pour le remercier chaleureusement. Souhaitons, pour l’année 2022 à venir, des découvertes encore nombreuses et un numéro aussi riche des Cahiers Lautréamont. Nous espérons que le lecteur prendra autant de plaisir à lire ce volume que nous en avons eu à le composer.
Kevin Saliou
Directeur des Cahiers Lautréamont
Président de l’Association des Amis passés, présents et futurs
d’Isidore Ducasse
Ouvrages cités
Lautréamont, 2020, Les Chants de Maldoror, avec les illustrations de René Magritte et une postface de Mathilde Ollivier, Paris Prairial.
Lautréamont, 2020, Los Cantos de Maldoror, traduction uruguayenne d’Alma Bolón et Beatriz Veigh, Montevideo Hum.
Saliou Kevin, 2021, La Réception de Lautréamont, Paris Classiques Garnier.
1 Cahiers Lautréamont numériques. URL : https://cahierslautreamont.wordpress.com/ [consulté le 5 mai 2021].
2 Lautréamont, Les Chants de Maldoror, avec les illustrations de René Magritte et une postface de Mathilde Ollivier, Paris, Prairial, 2020 ; Lautréamont, Los Cantos de Maldoror, traduction uruguayenne d’Alma Bolón et Beatriz Veigh, Montevideo, Hum, 2020 ; Kevin Saliou, La Réception de Lautréamont, Paris, Classiques Garnier, 2021.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-12121-3
- EAN : 9782406121213
- ISSN : 2607-754X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12121-3.p.0011
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/08/2021
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français