Jean Giraudoux et Bellac (p. 25-29)
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers Jean Giraudoux
2022, n° 50. Jean Giraudoux et son temps. Cahier du cinquantenaire - Auteur : Cluzeau (André)
- Pages : 221 à 222
- Revue : Cahiers Jean Giraudoux
Jean Giraudoux et Bellac (p. 25-29)
« Ma ville natale est Bellac, Haute-Vienne », écrit Jean Giraudoux dans Littérature. Et ailleurs : « Aussi loin que l’on pouvait remonter dans l’histoire de ma famille, on constatait qu’elle n’avait pas quitté Bellac ». Et c’est pourquoi il pouvait affirmer qu’il retrouvait dans deux villes voisines : au Dorat « les belles-sœurs de mes belles-sœurs » et à Magnac-Laval « la lignée inconnue de mes petits cousins ».
Jean Giraudoux avait donc des racines profondes dans cette ville bâtie « sur le bord précis des roches les plus anciennes de France, point précis où l’herbe jaunâtre du Poitou ou du Berry devient le gazon dru et vert sur lequel tomba le grand corps de Richard Cœur de Lion tué à quatre lieues ».
C’est par son ascendance maternelle séculaire que Jean Giraudoux est rattaché à Bellac et c’est grâce à une mère admirable, qui l’entretint durant toute sa jeunesse de son pays natal, qu’il revit bien plus tard.
En vérité, la ville de Bellac fut une des sources de son inspiration et, de L’Apollon de Bellac à Intermezzo, de Siegfried et le Limousin à Elpénor et Suzanne et le Pacifique, Bellac est toujours présente. Une ville transfigurée, poétisée et pourtant vraie dans sa vie profonde, du moins telle qu’elle était dans le xixe siècle finissant et au début du xxe siècle. Il avait porté si haut, si loin, sa ville natale – connue maintenant dans le monde entier, non parce qu’il y est né mais en raison de sa permanence dans son œuvre – qu’il eût été de la plus noire ingratitude que Bellac ne devînt pas le Centre « Jean Giraudoux ».
C’est ce qui justifie l’érection du Monument Jean Giraudoux inauguré le 1er juillet 1951, où veillent autour de son médaillon Alcmène et Ondine, Suzanne et Bella, Judith et Isabelle, légères et heureuses d’une éternelle jeunesse, comme il les avait aimées, et où vinrent lui rendre hommage Louis Jouvet et les interprètes les plus prestigieux de son théâtre.
C’est ce qui justifie l’acquisition, l’aménagement de la maison de Jean Giraudoux, meublée des meubles ayant appartenu à l’auteur et de sa bibliothèque personnelle grâce à Jean-Pierre Giraudoux. Cette 222maison est devenue non pas un banal musée mais le Centre culturel Jean Giraudoux, siège d’expositions annuelles comme celle de 1971 : « La Folle de Chaillot à travers le monde », ou celle de 1972 consacrée à « Christian Bérard et le théâtre de Jean Giraudoux ».
Cette maison est désormais le siège de la Société des amis de Jean Giraudoux, présidée par les maîtres Albert Laprade, condisciple de Jean Giraudoux, et Henri Sauguet, ses deux fidèles amis, et animée par Jacques Body, éminent giralducien et président de l’Université de Tours.
Ce centre culturel deviendra le lieu de référence indispensable pour toute étude sérieuse sur Jean Giraudoux, car il mettra à la disposition du chercheur l’immense documentation qui est en cours de constitution.
Cet effort entrepris sur l’initiative de la ville de Bellac mais avec le concours de l’assemblée départementale et des Amis de Jean Giraudoux n’est que le témoignage de reconnaissance de notre cité.
Il serait souhaitable d’ailleurs qu’une étude systématique soit entreprise, portant sur Bellac et l’œuvre de Jean Giraudoux. On ne serait pas peu étonné de constater comment l’auteur a su évoquer « l’environnement », comme s’il avait toujours vécu à Bellac, le château Marmontel et son parc, la vieille rue commerçante, les noms des vieilles familles, les cours d’eau, le « climat » psychologique de cette ville où, disait Suzanne, « les mouvements de l’univers ne se reflétaient… qu’ordonnés et si visibles qu’ils étaient inoffensifs »… « ce séjour bienheureux, immuable, où nous étions nées ! »
Et, de découverte en découverte, ne pourrait-on pas saisir l’art de l’auteur, comment en partant d’un fait réel et précis, il arrive à le transformer, à le sublimer dans un lyrisme subtil, allant du fait divers à l’universel, créant à Bellac une ville du bonheur : le soleil « du réveil » évoqué par Suzanne, aussi bien que le « cimetière dénudé et lumineux » ou encore l’exclamation de Siegfried-Forestier : « … la seule vraie estimation que j’ai trouvée – justement, voilà Bellac ! – de la condition humaine ».
André Cluzeau
Maire de Bellac, Président des Amis du festival national de Bellac,
Vice-président des Amis de Jean Giraudoux
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14322-2
- EAN : 9782406143222
- ISSN : 2552-1004
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14322-2.p.0221
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 23/11/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français