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Classiques Garnier

Jean Giraudoux et Bellac (p. 25-29)

  • Type de publication : Article de revue
  • Revue : Cahiers Jean Giraudoux
    2022, n° 50
    . Jean Giraudoux et son temps. Cahier du cinquantenaire
  • Auteur : Cluzeau (André)
  • Pages : 221 à 222
  • Revue : Cahiers Jean Giraudoux
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406143222
  • ISBN : 978-2-406-14322-2
  • ISSN : 2552-1004
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14322-2.p.0221
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 23/11/2022
  • Périodicité : Annuelle
  • Langue : Français
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Jean Giraudoux et Bellac (p. 25-29)

« Ma ville natale est Bellac, Haute-Vienne », écrit Jean Giraudoux dans Littérature. Et ailleurs : « Aussi loin que lon pouvait remonter dans lhistoire de ma famille, on constatait quelle navait pas quitté Bellac ». Et cest pourquoi il pouvait affirmer quil retrouvait dans deux villes voisines : au Dorat « les belles-sœurs de mes belles-sœurs » et à Magnac-Laval « la lignée inconnue de mes petits cousins ».

Jean Giraudoux avait donc des racines profondes dans cette ville bâtie « sur le bord précis des roches les plus anciennes de France, point précis où lherbe jaunâtre du Poitou ou du Berry devient le gazon dru et vert sur lequel tomba le grand corps de Richard Cœur de Lion tué à quatre lieues ».

Cest par son ascendance maternelle séculaire que Jean Giraudoux est rattaché à Bellac et cest grâce à une mère admirable, qui lentretint durant toute sa jeunesse de son pays natal, quil revit bien plus tard.

En vérité, la ville de Bellac fut une des sources de son inspiration et, de LApollon de Bellac à Intermezzo, de Siegfried et le Limousin à Elpénor et Suzanne et le Pacifique, Bellac est toujours présente. Une ville transfigurée, poétisée et pourtant vraie dans sa vie profonde, du moins telle quelle était dans le xixe siècle finissant et au début du xxe siècle. Il avait porté si haut, si loin, sa ville natale – connue maintenant dans le monde entier, non parce quil y est né mais en raison de sa permanence dans son œuvre – quil eût été de la plus noire ingratitude que Bellac ne devînt pas le Centre « Jean Giraudoux ».

Cest ce qui justifie lérection du Monument Jean Giraudoux inauguré le 1er juillet 1951, où veillent autour de son médaillon Alcmène et Ondine, Suzanne et Bella, Judith et Isabelle, légères et heureuses dune éternelle jeunesse, comme il les avait aimées, et où vinrent lui rendre hommage Louis Jouvet et les interprètes les plus prestigieux de son théâtre.

Cest ce qui justifie lacquisition, laménagement de la maison de Jean Giraudoux, meublée des meubles ayant appartenu à lauteur et de sa bibliothèque personnelle grâce à Jean-Pierre Giraudoux. Cette 222maison est devenue non pas un banal musée mais le Centre culturel Jean Giraudoux, siège dexpositions annuelles comme celle de 1971 : « La Folle de Chaillot à travers le monde », ou celle de 1972 consacrée à « Christian Bérard et le théâtre de Jean Giraudoux ».

Cette maison est désormais le siège de la Société des amis de Jean Giraudoux, présidée par les maîtres Albert Laprade, condisciple de Jean Giraudoux, et Henri Sauguet, ses deux fidèles amis, et animée par Jacques Body, éminent giralducien et président de lUniversité de Tours.

Ce centre culturel deviendra le lieu de référence indispensable pour toute étude sérieuse sur Jean Giraudoux, car il mettra à la disposition du chercheur limmense documentation qui est en cours de constitution.

Cet effort entrepris sur linitiative de la ville de Bellac mais avec le concours de lassemblée départementale et des Amis de Jean Giraudoux nest que le témoignage de reconnaissance de notre cité.

Il serait souhaitable dailleurs quune étude systématique soit entreprise, portant sur Bellac et lœuvre de Jean Giraudoux. On ne serait pas peu étonné de constater comment lauteur a su évoquer « lenvironnement », comme sil avait toujours vécu à Bellac, le château Marmontel et son parc, la vieille rue commerçante, les noms des vieilles familles, les cours deau, le « climat » psychologique de cette ville où, disait Suzanne, « les mouvements de lunivers ne se reflétaient… quordonnés et si visibles quils étaient inoffensifs »… « ce séjour bienheureux, immuable, où nous étions nées ! »

Et, de découverte en découverte, ne pourrait-on pas saisir lart de lauteur, comment en partant dun fait réel et précis, il arrive à le transformer, à le sublimer dans un lyrisme subtil, allant du fait divers à luniversel, créant à Bellac une ville du bonheur : le soleil « du réveil » évoqué par Suzanne, aussi bien que le « cimetière dénudé et lumineux » ou encore lexclamation de Siegfried-Forestier : « … la seule vraie estimation que jai trouvée – justement, voilà Bellac ! – de la condition humaine ».

André Cluzeau

Maire de Bellac, Président des Amis du festival national de Bellac,

Vice-président des Amis de Jean Giraudoux