Le gouvernement du village languedocien au bas Moyen Âge Le cas de Sérignan (Hérault) au XIVe siècle
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2021 – 1, n° 41. varia - Auteur : Mukai (Shinya)
- Pages : 427 à 462
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
Le gouvernement du village languedocien au bas Moyen Âge
Le cas de Sérignan (Hérault) au xive siècle
Alors que le gouvernement de la ville médiévale fait l’objet de nombreuses études à partir des années 19501, celui du village n’a pas encore été bien mis en lumière. Certes, la fondation de l’Association d’histoire des société rurales en 1993 fait date pour l’étude sur la politique et l’administration du village. De plus, A. Follain a récemment renouvelé l’étude du village sous l’Ancien Régime avec l’analyse des comportements administratifs et politiques des paysans2 et a organisé plusieurs colloques sur la justice, la fiscalité ou les finances villageoises3. Mais, ces études récentes se concentrent sur le village de l’époque moderne et le gouvernement villageois médiéval reste encore dans l’ombre.
Naturellement, nous disposons de quelques travaux exceptionnels et précurseurs pour le Midi, qui est favorisé par les archives villageoises plus anciennes que dans les autres provinces4. Entre autres, 428le Biterrois, qui se situe au centre du Languedoc, apparaît comme un terrain privilégié grâce à sa richesse documentaire. La « démocratie » au village biterrois du xiiie au milieu du xive siècle a été éclaircie de façon détaillée par M. Bourin5. Cependant, aucune étude systématique n’a encore été menée après le milieu du xive siècle malgré l’existence d’une abondante documentation.
Or, à partir du milieu du xive siècle, la guerre franco-anglaise s’aggrave. Dans le Biterrois, l’insécurité devient permanente à cause de l’incursion des armées anglo-gasconnes et du pillage des routiers. En 1355, le Prince Noir mène une incursion dans le Languedoc, jusqu’à Capestang. À la suite de la trêve de Brétigny/Calais en 1360, un grand nombre de gens d’armes sont licenciés, puis forment des bandes de routiers et pillent le pays jusqu’en 1380 environ. En outre, à partir du milieu des années 1370, les routiers anglais s’emparent de plusieurs forteresses en Auvergne, en Rouergue et au nord du Languedoc et continuent à les occuper jusqu’au début des années 1390, en menaçant le pays environnant. Parallèlement, 429augmentent les exigences royales liées à l’état de guerre : fortification, mobilisation et taxation. Surtout, l’aggravation de la guerre entraine l’alourdissement de la fiscalité royale. Les subsides royaux deviennent permanents et de plus en plus lourds à cause de la nécessité pressante de trouver de l’argent pour payer la rançon du roi Jean II, acheter l’évacuation des routiers et entretenir les gens d’armes tant contre l’armée anglaise que contre les routiers. Après 1366, le duc d’Anjou, lieutenant du roi en Languedoc, demande chaque année la levée de nouveaux impôts. En outre, à partir de 1376, il commence à lever des subsides parfois sans le consentement de l’assemblée des communautés du Languedoc et, finalement, en 1378, le taux d’impostion augmente jusqu’à 12 francs par feu.
Comment les villageois répondent-ils à ce nouvel environnement caractérisé par l’insécurité croissante et par la pression accrue de la fiscalité royale ? Quelle modification la guerre apporte-t-elle aux institutions gouvernementales villageoises et à la vie publique des élites et de l’ensemble de la population dans le village ? À la suite des travaux de M. Bourin, cet article a pour objectif d’éclaircir le fonctionnement et l’évolution du gouvernement villageois face à la guerre dans le Biterrois au xive siècle. Le gouvernement du village se compose de deux éléments : la politique, c’est-à-dire « décider », et l’administration, c’est-à-dire « exécuter ». Cet article traite principalement de l’aspect politique, en accordant toutefois une attention particulière aux aspects administratif et financier.
Reconstruire et comprendre le gouvernement villageois nécessite l’exploitation exhaustive de tous les documents concernant un village. Malgré l’absence de chronique municipale, de registres de délibérations et de procès-verbaux d’élections, qui seraient utiles pour ce type d’étude, le village de Sérignan (Hérault) dispose de deux comptes consulaires de 1367-1368 et de 1376-1377, d’un compte séparé de 1387-13886 et d’une cinquantaine d’actes concernant la vie villageoise, datant des xiiie et xive siècles. Tout d’abord, les comptes et les actes contiennent de riches renseignements sur les individus et permettent l’analyse prosopographique des acteurs politiques et administratifs. En deuxième 430lieu, à titre de « véritables chroniques7 », les comptes consulaires laissent entrevoir un processus décisionnel de politique surtout fiscale au sein du village, en témoignant parfois d’une assemblée des habitants. Enfin, ils comportent des données en matière d’impôts et d’emprunts permettant de mieux saisir la répartition des charges fiscales/financières parmi les villageois.
Le village de Sérignan se situe à l’embouchure de l’Orb et se trouve à 9 km au sud-est de Béziers. La première mention des consuls de Sérignan date de 1269. Pendant le xive siècle, la communauté d’habitants est dirigée chaque année par quatre consuls. À la veille de la peste de 1348, le village compte 320 feux en 13448. Ce nombre de feux est inférieur au nombre de « foyers réels » sans en être très éloigné9. Il est ainsi possible d’estimer le nombre de feux réels de Sérignan en 1348 à un minimum de 35010. À partir du milieu du xive siècle, la peste, la famine, le pillage des routiers et les lourds impôts royaux causent l’appauvrissement et la diminution de la population. Résultat, le nombre de foyers de Sérignan diminue de moitié environ au cours de la deuxième moitié du xive siècle11.
Au xive siècle, la seigneurie de Sérignan est virtuellement divisée en deux parties. Chacune peut être partagée en indivision par plusieurs coseigneurs : les Lévis et les l’Isle-Jourdain12. Il semble qu’aucun seigneur de Sérignan n’habite sur place. Pour gouverner l’ensemble des domaines dispersés dans le Biterrois, chaque seigneur, qui possède des droits seigneuriaux tant dans Sérignan que dans d’autres lieux proches, délègue son pouvoir à un viguier qui dirige une cour seigneuriale et exerce la juridiction supérieure et inférieure. Dans la plupart des cas, le viguier semble s’établir hors de Sérignan. En revanche, un bayle, qui cumule parfois cette fonction avec celle de lieutenant du viguier, réside sur place et dirige une « cort de Serinha ».
431Du point de vue du gouvernement royal13, le village relève de la viguerie de Béziers. Il est placé sous l’autorité de la cour royale de Béziers que dirige le viguier de cette ville, secondé par un juge. Au xive siècle, aucun agent royal n’est en poste à Sérignan. Toutefois, dans le contexte de l’extension du domaine royal, les agents du souverain empiètent de l’extérieur sur la juridiction seigneuriale. Avec le commencement de la guerre entre les rois d’Angleterre et de France, l’intervention royale liée à l’état de guerre – taxation et mobilisation – augmente de plus en plus au sein du village.
L’état de guerre produit et accroît les charges militaires, défensives, administratives, fiscales et financières dans le village. A priori, l’on pourrait penser que les modalités de répartition de ces charges entre les catégories sociales deviennent une question politique réactivant la politique villageoise et repolitisant les acteurs potentiels. Au bout du processus politique, qui assume, volontairement ou sous la contrainte, telle partie desdites charges et comment ? Dans le même temps, il importe de savoir si les villageois qui ne sont pas directement associés au gouvernement municipal lui demandent l’accountability, la responsabilité ou la transparence pour réduire ou assumer avec leur accord des charges accrues et en arrivent à participer au processus décisionnel ou au contrôle ultérieur.
Pour tenter de répondre à ces questions, il a fallu reconstituer les institutions décisionnelles de Sérignan (vers 1270-vers 1412), et réaliser l’analyse prosopographique de ceux qui participent au processus décisionnel de la politique villageoise. Après avoir obtenu une image sur la longue durée de la politique au sein du village, nous examinerons son changement dans le contexte militaire de la seconde moitié du xive siècle, en prêtant attention à la répartition de charges accrues dans le domaine fiscal : au bout de ce processus politique réactivé, quelle catégorie sociale assume effectivement telle partie des charges fiscales ?
432Les institutions décisionnelles du village
À l’instar d’autres communautés contemporaines, le village de Sérignan au bas Moyen Âge possède trois organes principaux de prise de décision : le collège consulaire, le conseil et l’assemblée des habitants.
Généralement, le collège consulaire prend l’initiative dans les décisions de la politique communale et détermine son orientation principale. La première mention des consuls de Sérignan date de 126914. Au xive siècle, la communauté de Sérignan est dirigée par quatre consuls, dont la charge est annuelle15. L’élection consulaire a lieu à la Pentecôte : le 6 juin 1367 (Pentecôte), le 2 juin 1376 (le lundi de Pentecôte), le 23 mai 1401 (le lundi de Pentecôte)16. La modalité de l’élection consulaire est inconnue pour la deuxième moitié du xive siècle. Cependant, à en juger par celle de 1401-140217, il est probable que la désignation des consuls se fasse par cooptation jusqu’à la transaction de 1412 qui établit un nouveau mode de désignation : le lundi de Pentecôte, les habitants, assemblés sur la place, choisissent 24 électeurs, qui élisent parmi tous les présents quatre consuls18.
Pour décider des politiques communales, il arrive que les consuls de Sérignan demandent les avis d’autres habitants : opinions différentes et contraires, conseils concrets ou simples consentements.
433Plus fréquemment, les consuls tiennent un conseil, composé d’une quinzaine de conseillers19. Cependant, l’on ignore si la tenue du conseil nécessite l’autorisation et la présence d’un officier seigneurial/royal. À Sérignan, il se tient sur la place du village, appelée « le Porge20 ». Nous ne sommes guère renseigné, en revanche, sur les modalités de recrutement des conseillers et la durée de leur charge. Il est probable que les consuls maîtrisent la convocation et l’ordre du jour des conseils. Les formules pour légitimer telle ou telle exécution des consuls, comme « de voluntat de lur cosselh » ou « de voluntat de lur cosselh layc21 », employées dans les comptes de Sérignan, permettent d’entrevoir les sujets de délibération en conseil22. Mais, l’absence de registres de délibération nous empêche d’analyser la fréquence et la périodicité des réunions et de saisir et classer tous les sujets traités. D’après le procès-verbal du conseil de Sérignan tenu vers 140023, les douze conseillers présents sont d’avis de prêter secours à un fermier qui est en conflit avec la communauté de Vendres à propos d’une imposition24. Il reste à savoir si le conseil tranche par vote lorsque les avis sont partagés et si les consuls sont tenus d’obéir à l’avis final du conseil. Le conseil n’est-il qu’un organe consultatif ou possède-t-il le pouvoir de décider ? Nous ne pouvons que supposer que, dans certains cas, c’est lui qui prend des décisions définitives.
434D’autre part, les consuls de Sérignan convoquent parfois l’assemblée des habitants, sans que l’on sache si ceci nécessite l’autorisation et la présence d’un officier seigneurial/royal. Quinze d’entre elles peuvent être relevées (voir le tableau 1 en annexe) et un certain nombre de détails sont connus pour celles de 1330, de 1363 et de 1412. Pour le reste, la tenue d’une assemblée des habitants (cosselh general) est indirectement attestée par les mentions de la décision prise dans l’assemblée ou par les formules comme « de voluntat de tot lo general », « de voluntat del general » ou « per lo general » pour légitimer telle ou telle exécution des consuls, toutes atestées dans les comptes. En se fondant sur les données tirées des comptes, il semblerait que ces assemblées, auquel le nombre de présents est variable, se tiennent environ au moins 5 fois par an. Leur convocation est décidée, soit par le pouvoir extérieur – la royauté ou le seigneur –, soit par les consuls. L’autorité qui décide de la convocation fixe l’ordre du jour, dont le contenu détermine naturellement le nombre de présents convenable, le lieu de réunion qui les accueille et la modalité de convocation. La différence entre « de voluntat del general » et « de voluntat de tot lo general » semble témoigner d’avis tantôt unanimes, tantôt partagés. Dans ce dernier cas, il est intéressant de savoir si l’assemblée tranche par vote et si les consuls sont tenus d’obéir à l’avis final de l’assemblée. L’assemblée n’est-elle qu’un organe consultatif ou possède-t-elle le pouvoir de décider ? Des expressions comme « indita per generale consilium » ou « adordenat per lo general » conduisent à penser que, dans certains cas, elle prend des décisions définitives comme organe décisionnaire. Dans d’autres cas, où l’exécution d’une politique par les consuls se fait « de voluntat de tot lo general », il est difficile de savoir si elle exerce le pouvoir de décider ou donne simplement son avis aux consuls. De même, il est impossible de déterminer si elle a recours au vote pour arriver à l’avis final, soit comme décision définitive, soit comme conseil concret ou simple consentement.
Pour résumer, le collège consulaire peut décider de la politique villageoise tout seul et maîtrise la convocation et l’ordre du jour du conseil ou de l’assemblée des habitants, sans que l’on sache cependant si la tenue du conseil ou de l’assemblée nécessite l’autorisation et la présence d’un officier seigneurial/royal. Les quatre consuls tiennent souvent conseil et prennent des décisions avec plusieurs conseillers. Les conseillers participent donc fréquemment au processus décisionnel, tantôt en donnant leurs avis, 435tantôt en exerçant le pouvoir de décider. En revanche, la convocation de l’assemblée des habitants est rare à Sérignan si bien qu’officiellement, la participation d’autres habitants au processus décisionnel paraît limitée. Certes, nous ignorons si la tenue du conseil ou de l’assemblée se fait avec l’autorisation et la présence d’un officier seigneurial/royal25 mais, même si c’est le cas, cet officier, qui n’est qu’un agent de rang inférieur résidant au village – bayle seigneurial de Sérignan – est recruté parmi les élites villageoises26. La tutelle seigneuriale/royale sur la politique villageoise semble de facto négligeable.
Les participants au processus décisionnel
de la politique
Pour analyser les participants à la prise de décision, le choix a été fait d’interroger la composition des trois organes, en établissant les listes de consuls, de conseillers et de présents aux assemblées des habitants.
Composition du collège consulaire,
du conseil et de l’assemblée
Le corpus documentaire offre la possibilité d’établir une liste de consuls de Sérignan entre 1274-1275 et 1401-1402. Même si, en théorie, cette liste devrait nous renseigner sur 512 charges de consul (4 consuls × 128 années), les lacunes documentaires n’ont permis de saisir que les noms de 87 consuls pour 24 années27. Ces 87 charges consulaires de Sérignan sont assumées par 65 personnes, dont 46 n’occupent qu’une seule charge, 16 personnes deux, et 3 seulement trois28. En dépit d’un 436échantillon limité, 47,1 % des charges consulaires sont donc occupées par 29,2 % de ceux qui assument au moins une fois la charge. En outre, au cours des années concernées, la réélection de consuls est omniprésente29 et se fait parfois dans un délai de moins de quatre ans30. Ces faits laissent entrevoir que, à chaque génération, des individus en nombre limité assument à plusieurs reprises les charges de consul. De même, une liste de conseillers a été établie31. Quoique très lacunaire, la présence de nombreuses réélections conduit à supposer que, à chaque génération, des individus en nombre limité exercent fréquemment la fonction de conseiller. Enfin, au point de vue de la concentration des charges, il est à noter que certains individus occupent les deux honneurs – consul et conseiller – dans leur carrière32.
En passant du niveau de l’individu à celui du lignage, la concentration des charges de consul et de conseiller devient plus nette. Certes, le même patronyme ne désigne pas toujours la même famille. Mais, la pratique de cohéritage – partage égal ou inégal du patrimoine entre les fils –, très courante dans les familles bas-languedociennes non-nobles du xiie au xvie siècle33, multiplie les foyers appartenant au même lignage et fait apparaître un groupe familial, composé de plusieurs foyers, qui renforce la durée du lignage face à la crise. Cette prémisse permet de supposer que les individus possédant le même patronyme appartiennent au même lignage. L’examen du corpus documentaire donne l’impression que les 437charges de consul et de conseiller se concentrent toutes les deux entre les mains de quelques familles34.
Au sein du corpus sérignanais, 45 lignages dont les membres occupent au moins une fois les charges de consul ou de conseiller entre 1274 et 140235 peuvent être repérés et qualifiés de « familles actives » au sens politique. Une meilleure conservation documentaire augmenterait leur nombre. Quoi qu’il en soit, il est assûré que toutes ces familles ne sont pas homogènes et n’ont pas le même poids dans le collège consulaire ou dans le conseil. En effet, certaines d’entre elles fournissent des consuls et des conseillers plus souvent que d’autres si bien que les participants au collège consulaire et au conseil peuvnet être répartis en trois groupes : 1. familles dirigeantes, qui fournissent souvent des consuls et des conseillers ; 2. familles de seconde rang, qui en fournissent parfois ; 3. familles de troisième rang, qui en fournissent rarement. Du point de vue numérique, ces trois étages composent une structure en pyramide ou en losange, dont le sommet est occupé par les familles dirigeantes, une dizaine de lignages qui dirigent la communauté presque sans interruption : les Dominici, les Bedocii, les Raynardi, les Grossi, les Ysarni, les Novelli, les Fabri, les Vitalis, les Bederivi, les Berbilii, etc. L’analyse sur une seule génération dans la deuxième moitié du xive siècle – les années 1350, 1360 et 1370 – donne presque le même résultat à propos de la composition des deux organes36.
À la différence du collège consulaire et du conseil, la composition de l’assemblée des habitants varie ad hoc et n’a pas de caractère permanent. D’une part, l’assemblée de Sérignan de 1363 ne réunit que 72 chefs de foyer – au moins 40 lignages –, dont la plupart appartiennent aux familles actives37. D’autre part, les assemblées de Sérignan de 1330 et 1412 réunissent respectivement 292 chefs de foyer – au moins 119 lignages – et 150 chefs de foyer – au moins 109 lignages – et sont constituées par la « major pars universitatis » ou par « les plus principaux dudit lieu de Sérignan38 ». Bien que largement ouvertes hors du cercle des familles actives, il est possible que les assemblées ne soient accessibles aux chefs de feu que sous condition, comme la durée de résidence dans le village ou autre.
438Caractères des familles actives
De l’étude des participants au processus décisionnel politique, se dégage ainsi un classement des habitants par famille comme suit : 1. familles actives et dirigeantes ; 2. familles actives de seconde rang ; 3. familles actives de troisième rang ; 4. familles passives, qui ne participent qu’à l’assemblée générale ; 5. familles exclues. Cela suscite naturellement une question : de quelle nature sont les familles actives ?
En réalité, même s’il n’y a pas de caractère partagé par toutes les familles actives, il est possible d’identifier quelques facteurs potentiels, non déterminants et non exclusifs, pour être familles actives39 : 1. Richesse ; 2. Parentèle nombreuse ; 3. Ancienneté ; 4. Capital culturel ; 5. Intermédiaire entre la communauté et le pouvoir extérieur et supérieur. Les critères pour chaque facteur sont les suivants. À propos du premier facteur, le prêt d’argent à la communauté en cas d’urgence ou la contribution à la taille du blé, dont le nombre de contribuables est limité, servent de critère. En outre, le nombre de foyers appartenant au même lignage peut refléter sa richesse puisque, si la famille est aisée, elle peut diviser sans hésitation le patrimoine par cohéritage et accroître ses branches au fil de temps40. En ce qui concerne le deuxième facteur, « Parentèle nombreuse », son critère est naturellement le nombre de foyers appartenant au même lignage. En outre, la première mention connue de chaque famille apporte des indications sur l’ancienneté de chacune qui remonte souvent avant la peste de 1348, et jusqu’au xiiie siècle. Quant au quatrième facteur, l’existence d’un notaire, d’un clerc ou d’un diplômé 439universitaire est le signe du capital culturel d’une famille. Enfin, il a été considéré qu’une famille dont des agents seigneuriaux ou royaux sont issus peut jouer un rôle d’intermédiaire entre la communauté et le pouvoir extérieur et supérieur, à savoir le pouvoir seigneurial ou royal.
Dans quelle logique ces cinq éléments favorisent-ils la participation – volontaire ou forcée – au collège consulaire et au conseil ? En premier lieu, une certaine aisance permet d’avoir plus facilement du temps libre et de le consacrer aux charges de consul et de conseiller. En outre, comme ces cinq éléments sont susceptibles de fonctionner comme des ressources du pouvoir, autrement dit des capitaux qui assurent la possibilité de se faire obéir des autres, la présence politique de leur possesseur devient dès lors importante et bien reconnue au sein du village, ce qui favorise son élection comme consul ou conseiller. Précisons comment ces cinq éléments fonctionnent en tant que ressources du pouvoir. Tout d’abord, la supériorité économique, qui découle de la richesse, en tant que créancier, prêteur d’outillage, propriétaire, employeur, etc. permet de mobiliser la clientèle économique pour organiser un groupe politique. De surcroît, comme l’argent est souvent indispensable pour accomplir une politique, l’avis des familles riches – gros contribuables – s’impose naturellement dans le processus décisionnel. À ce propos, de même que la clientèle économique, la parentèle nombreuse peut fonctionner elle-même comme un groupe politique. Ensuite, l’ancienneté donne à une famille la légitimité pour assumer le gouvernement villageois, parce qu’elle implique souvent la confiance dans son expérience grâce à d’anciennes contributions au village. Quant au quatrième élément, il va de soi que le savoir pratique – écriture, calcul, connaissance juridique – est indispensable à la prise de décision appropriée et persuasive. Enfin, le lien privilégié avec le pouvoir extérieur et supérieur – le pouvoir seigneurial et royal – est précieux pour obtenir une décision favorable à la communauté ou éviter un préjudice.
Certes, il n’y a pas de facteurs déterminants et exclusifs pour faire partie de ces familles actives. Il est cependant certain que la possession d’un, deux, trois, quatre ou des cinq éléments ci-dessus conditionne et caractérise la plupart des familles actives à Sérignan41.
440Or, l’état de guerre augmente les problèmes défensifs et financiers dans le village, ce qui rend les tâches des officiers villageois plus nombreuses et plus ardues. Dans la deuxième moitié du xive siècle, les fonctions de consul et de conseiller deviennent très pénibles et absorbent plus de temps et d’énergie qu’avant42. Cette tendance les concentre naturellement aux mains des foyers riches, en nombre limité, qui ont du temps libre et peuvent le consacrer aux charges alourdies de consul ou de conseiller. En outre, cette concentration est accélérée par trois autres tendances parallèles et simultanées : 1. La réduction du nombre de foyers disposant de ressources du pouvoir et susceptibles d’assumer les fonctions, causée par le dépeuplement et l’appauvrissement du village ; 2. La semi-professionnalisation, autrement dit l’acquisition d’expériences et de compétences, apportée par la réélection ; 3. Le frein au renouvellement complet de l’équipe dirigeante pour la remise des affaires défensives et financières, qui dépassent souvent une année consulaire.
La dynamique politique et les changements
dans le domaine fiscal/financier
Nous avons présenté ci-dessus une image sur la longue durée des institutions décisionnelles de Sérignan et de leur composition, image nécessairement statique puisque les choses y sont vues à vol d’oiseau. Toutefois, en y regardant de plus près, l’on s’aperçoit que le contexte militaire de la deuxième moitié du xive siècle, avec l’accroissement des subsides royaux, pèse beaucoup sur les villageois43, provoque des mécontements populaires et réactive la politique villageoise. Ici, il est essentiel de savoir si, avec la réactivation politique, le processus décisionnel change en matière fiscale/financière et si la répartition des charges fiscales entre les catégories sociales se modifie plus ou moins.
441Réactivation de l’assemblée des habitants de Sérignan
Les formules comme « de voluntat del cosselh » ou « de voluntat del general », employées dans les comptes pour légitimer telle ou telle exécution des consuls, laissent entrevoir le processus décisionnel en matière de politique financière. Dans la seconde moitié des années 1360, les consuls tiennent l’assemblée des habitants pour prendre une décision sur le paiement d’une grosse somme : don gratuit au seigneur ou gabelle du sel pour la royauté (tableau 1). Cependant, en 1367-1368, à propos de l’impôt communal et de l’emprunt, le collège consulaire décide tout seul ou avec des conseillers (voir les tableaux 2 et 3 en annexe). En revanche, en 1376-1377, plusieurs décisions en matière d’impôt direct et d’emprunt s’accompagnent de la tenue de l’assemblée des habitants (tableaux 2 et 3). C’est le cas également pour la décision de la taille destinée au subside en 1387-1388 (tableau 1). Or, l’on ignore le nombre de présents à ces assemblées et il n’existe pas de preuve évidente du fonctionnement des assemblées comme lieu de débat et de conciliation. Il est donc possible que, en dépit du mot « general », les présents ne constituent qu’une partie des habitants et que les assemblées soient un simple lieu d’acclamation. Toutefois, il est certain que la façon de légitimer l’imposition et l’emprunt sur le village change au cours de la première moitié des années 1370. Cela conduit à penser que les consuls et les conseillers ne peuvent plus décider seuls des politiques en matière d’impôt et d’emprunt sans le consentement d’autres habitants.
Répartition de charges fiscales
Pour les exercices concernés, les principales sources de recette à Sérignan sont l’impôt direct et l’emprunt. Comme l’emprunt, fait dans le village ou hors du village, est finalement remboursé par l’argent tiré de l’impôt direct, il convient de n’examiner que le montant et la répartition des charges de l’impôt direct au sens large, y compris l’impôt sur les revenus.
Le montant de l’impôt direct perçu est difficile à connaître exactement, parce que certains impôts directs échappent aux livres de comptes et que d’autres peuvent être enregistrés dans des comptes séparés, aujourd’hui disparus. À Sérignan, au moins dans les comptes, le montant de l’impôt direct ne change pas beaucoup entre deux exercices – 922,88 francs en 4421367-1368 et 906,53 francs en 1376-137744–, malgré la forte augmentation des dépenses. Cela représente-t-il le plafond de la capacité contributive villageoise, ou bien l’accroissement de l’imposition est-elle freinée par l’assemblée des habitants en 1376-1377 ? Le manque de documents ne permet pas de répondre à cette question.
Les archives donnent certaines clés pour comprendre la manière dont l’impôt direct se répartit entre les habitants. La première d’entre elles est la permanence d’un « capage », c’est-à-dire d’une capitation. Une véritable capitation ou sa combinaison avec l’impôt proportionnel à la fortune semble une forme courante de l’impôt direct dans le village de Sérignan45. Il va sans dire que l’existence d’une capitation – paiement d’une somme fixe et égale – diminue le caractère proportionnel de l’impôt, en allégeant les charges fiscales des riches et en alourdissant celles des pauvres, y compris les nichils, ceux dont la fortune se situe en dessous du seuil d’imposition de la taille46.
443La deuxième clé est la permanence de l’impôt sur les revenus dans les deux exercices de Sérignan. En mars 1368, les consuls de Sérignan passent un contrat de travaux avec trois maçons de Sauvian pour achever les murs de pierre entourant le village, en promettant de les rémunérer par le vingtain, impôt proportionnel aux revenus de chaque villageois47. De même, en juin 1376, ils décident le « vinten dels gazanhatges e de la vendemia », probablement sans la tenue du conseil, ni de l’assemblée des habitants48. Il semble que presque tous les secteurs économiques font l’objet de l’imposition du vingtain en 136849 si bien que, comme le capage, le vingtain touche également les nichils50. L’impôt sur les revenus touche également les nichils et, avec son taux fixe, pèse plus lourdement sur les pauvres que sur les riches. L’examen du montant et de la répartition de l’impôt direct laissent l’impression que, à Sérignan, se maintient le type et le taux d’impôt direct qui défavorisent plutôt les pauvres.
Cependant, en même temps, il est peu probable que les politiques des consuls favorisent beaucoup les gens riches. Certes, la plupart des bénéficiaires d’un dégrèvement de la taille (fortalhament) en 1376-1377 font partie de la catégorie aise51. En effet, le prêt d’argent à la communauté en cas d’urgence, la contribution à la taille du blé, dont le nombre de contribuables est limité, et la nomination à une fonction de dezenier – percepteur de la taille communale dans la dizaine, unité de perception des impôts communaux –, dont les biens risquent d’être saisis et engagés, témoignent de leur richesse individuelle. Toutefois, par rapport à la somme prêtée par certains d’entre eux à la communauté de Sérignan en mai 1377, la réduction du montant de la taille est très faible et varie selon les personnes. En outre, la variété des éléments exonérés de la matière imposable conduit à penser que le fortalhament est une mesure équitable, adoptée aux transferts de biens de chaque contribuable, plutôt que la conséquence du favoritisme politique.
444De surcroît, le principe de la personnalité de l’impôt étant adopté dans le village, même les biens et les revenus à l’extérieur du finage deviennent objets d’imposition52. L’adoption du principe de la personnalité de l’impôt transfère, quoique légèrement, des charges fiscales des pauvres vers les riches qui possèdent des biens hors du village, dispersés dans la région.
D’ailleurs, les consuls de Sérignan mettent en œuvre quelques mesures fiscales favorisant la population pauvre. Par exemple, en 1376-1377, ils exonèrent une femme – « la proffemna na Oliba » – d’une taille en raison de sa pauvreté53. Leur politique atténuant les charges fiscales des pauvres se fait non seulement en faveur d’individus mais aussi de la catégorie des pauvres dans sa totalité. Une modification des moyens de financement en donne l’exemple entre 1367-1368 et 1376-137754. Alors que la perception coercitive de l’impôt direct en un jour par resclausada55 est employée en 1367-1368 comme « le dernier recours » pour trouver une grosse somme, elle est abandonnée en 1376-1377 et remplacée par l’emprunt semi-forcé d’une grosse somme en un jour au sein du village. Il est certain que la perception par resclausada touche tous les contribuables sérignanais et pèse plus lourdement sur les pauvres. En revanche, l’emprunt semi-forcé au sein du village touche sans doute les riches56. Ce changement du « dernier recours » permet donc un transfert, quoique temporaire, du poids de la fiscalité de la catégorie modeste vers la catégorie aisée.
En résumé, malgré l’absence d’une grande réforme fiscale qui allègerait radicalement les charges fiscales des pauvres, la répartition du poids de la fiscalité tend à se faire au profit de la catégorie pauvre, en transférant légèrement ou temporairement le fardeau sur la catégorie la plus aisée.
Voies de communication
entre les gouvernants et les gouvernés
Quelle est la cause directe desdits changements dans le domaine fiscal et financier ? Il convient de savoir ce qui oblige les consuls de 445Sérignan à réactiver l’assemblée des habitants pour décider ou légitimer l’imposition et l’emprunt sur le village et ce qui incite les consuls à modifier légèrement la répartition des charges fiscales en faveur des pauvres. Il est probable que l’opinion des pauvres ou les mécontements populaires, demandant la réduction de leur quote-part et une répartition plus équitable, pressent les consuls de prendre de telles mesures57. Si tel est le cas, comment la voix de ce groupe pauvre et gouverné atteint-elle les gouvernants ? À titre d’hypothèse, voici ce que pouraient être les voies de communication possibles entre les gouvernés pauvres et les gouvernants dans le village de Sérignan.
En premier lieu, il est possible qu’un représentant des plus modestes soit élu et accède au collège consulaire ou au conseil, où il peut faire pression sur les autres composantes. Certes, à Sérignan, les charges de consul et de conseiller se concentrent entre les mains de quelques dizaines de lignages, sans doute plus ou moins riches : familles dirigeantes et familles actives de seconde rang. Dans le contexte de la diminution démographique, le nombre de foyers de Sérignan a tendance à baisser au cours de la deuxième moitié du xive siècle58, ce qui peut accentuer la concentration des charges consulaires et consiliaires entre les mains de chefs de foyers en nombre limité. Toutefois, cette concentration des charges n’est pas exclusive et elles ne sont pas monopolisées par quelques dizaines de lignages riches. L’existence de familles actives de troisième rang, qui fournissent rarement un consul ou un conseiller, n’interdit pas d’imaginer que l’accès aux charges est relativement ouvert, même aux plus modestes.
D’autre part, la communication entre les gouvernés pauvres et les gouvernants ne se limite pas aux séances du collège consulaire et du conseil. Même si toutes les charges consulaires et consiliaires sont monopolisées par les lignages riches, une réclamation de la tenue du conseil ou de l’assemblée des habitants, ainsi qu’une proposition d’ordre du jour – les sujets politiques à traiter –, peuvent émaner d’autres habitants. Il est possible qu’un villageois gouverné se présente devant 446le collège consulaire ou le conseil pour y formuler sa plainte59. En effet, à Sérignan, la séance du collège consulaire et du conseil se tient normalement sous le portique, qui se trouve sur la place du village, jusqu’à ce qu’une maison commune (mayo comuna) soit construite au début du xve siècle60. Ce choix du lieu de séance – non dans une salle fermée mais dans un lieu ouvert – facilite l’accès d’un suppliant61. En outre, l’assemblée des habitants elle-même peut fonctionner comme le lieu d’expression d’une plainte62. Il est également possible d’imaginer des voies de communication non officielles. Par exemple, un villageois peut prendre contact avec un consul ou un conseiller dans une rue ou dans l’église paroissiale après la messe. De même, il arrive qu’un consul ou un conseiller essaie d’écouter quotidiennement les voix d’autres habitants ou entende par hasard leur mécontement.
La suite des changements au début du xve siècle
En entrant dans le xve siècle, à Sérignan, dans les comptes, le total des dépenses diminue alors beaucoup par rapport aux années 1370 : 1 941 francs 7 gros 3 barsalos en 1376-137763 contre 239 francs 12 gros 1 denier en 1401-140264. La diminution globale des dépenses municipales de cette période est également attestée dans les comptes consulaires de Millau65 et doit sans doute être mise en relation avec la trêve conclue entre les rois de France et d’Angleterre à partir de 1389. Néanmoins, 447la pression populaire ne s’affaiblit pas et continue de demander une répartition équitable des charges fiscales, la réduction de sa quote-part et la transparence des finances. En effet, vers 1400, les contribuables de la taille du blé, dont le nombre est limité à 78 chefs de foyers, appartiennent sans doute à la catégorie plus ou moins aisée, à l’exception des pauvres66. Pour l’exercice de 1401-1402, en présence du viguier seigneurial, le livre de comptes de Sérignan semble contrôlé par deux villageois avec la participation de « universus populus ibidem congregatus67 ».
Il est probable que la concentration des charges consulaires et consiliaires dans les mains de chefs de foyers en nombre limité éveille la défiance du peuple à l’égard des gouvernants, qui peuvent commettre discrètement une fraude financière et fiscale. En même temps, l’expérience de la prise d’armes et de la participation à la défense de la communauté peut renforcer la présence politique des pauvres68. En outre, comme dans la ville d’Agde, il est possible que la catégorie moyenne de Sérignan augmente relativement et élève sa voix politique contre les plus riches69. De toute façon, cette évolution démocratique aboutit finalement à une nouvelle modalité d’élection consulaire en 1412, qui abolit la cooptation et introduit le suffrage indirect réservé aux chefs de foyers70.
Tutelle royale sur le gouvernement villageois
De tels changements dans le domaine fiscal et financier ont principalement été réalisés en raison de la dynamique politique villageoise. Toutefois, à partir de la fin du xive siècle, il faut également tenir compte de la possibilité de l’intervention royale. Pour prévenir, au sein de la ville ou du village, les conflits sociaux qui troublent l’ordre royal et réduisent le rendement des impôts, la royauté écoute souvent la voix 448du peuple et ordonne aux gouvernants municipaux de faire preuve d’une plus grande transparence des finances – la participation des gouvernés au processus décisionnel ou au contrôle ultérieur – et d’une répartition équitable des charges fiscales. Dès le milieu du xive siècle, dans certaines villes méridionales, la royauté veille à ce que les consuls consultent l’assemblée des habitants pour décider une nouvelle imposition71. À la fin du xive siècle, en refusant une supplique des consuls de Capestang et de « plusieurs autres consuls, sindics, recteurs & procureurs de la viguerie de Beziers72 », une lettre des réformateurs généraux, datée du 29 mars 1390, ordonne que pour une nouvelle imposition, l’assemblée des habitants soit consultée en présence des « officiers des lieux » – agents royaux dans le domaine royal ou agents seigneuriaux dans le domaine des seigneurs locaux – en vue d’obtenir le « consentement de la plus saine partie des dits habitants73 » et que les consuls soient tenus de « rendre bon compte & loyaul74 ». De même, en 1390, les réformateurs généraux accusent les consuls de Carcassonne de négligence dans leur rapport comptable, dénonçant l’estimation injuste des biens, lors de la rédaction 449des compoix, et l’utilisation courante du capage au détriment du caractère proportionnel de l’impôt75. L’intervention royale ne se limite pas au domaine fiscal et financier. À partir de 1390, en tenant compte de l’opinion populaire, la royauté entreprend une réforme de l’élection municipale dans certaines villes languedociennes : Nîmes en 1390, Carcassonne en 1390, Agde en 1409, Béziers en 1411, etc.76
Conclusion
Dans le Midi du bas Moyen Âge, le gouvernement urbain ou villageois s’effectue normalement à trois niveaux : les consuls/syndics, le conseil, l’assemblée des habitants. Au xive siècle, cette dernière tombe en désuétude au profit des deux premiers niveaux. Les consuls/syndics et les conseillers monopolisent presque la décision politique et ces deux fonctions se concentrent par cooptation entre les mains d’une partie des habitants, hommes de richesse et de culture : nobles, grands propriétaires, marchands, hommes de loi et artisans riches77. 450Cette concentration s’intensifie à partir du milieu du xive siècle dans un contexte de guerre et de pestes, ce qui accentue le caractère oligarchique du gouvernement municipal par des élites politiques en nombre limité78. Les historiens ont donné de ces élites urbaines ou villageoises deux images contradictoires : les élites dominent le peuple en profitant des avantages liés à leur fonction ou servent la communauté en assumant des tâches difficiles79. De toute manière, ils s’accordent sur le fait que le nombre d’individus qui ont assez de richesse et de temps libre pour assumer des fonctions municipales est limité car, gratuite ou mal payée, la tâche de consul/syndic et de conseiller absorbe beaucoup de temps et d’énergie80. Certes, les deux images peuvent être vraies selon les cas. 451Il semble cependant que cela dépende de la taille de l’agglomération et que la deuxième image convient plutôt aux élites villageoises. En effet, plus la communauté est réduite, moins il y a de gens qui peuvent et veulent assumer une fonction municipale et moins il y a d’avantages financiers liés à celle-ci81.
D’autre part, malgré sa désuétude, l’assemblée générale ou le conseil élargi est exceptionnellement tenu sur des sujets importants, tant pour prendre des avis divers, que pour obtenir un consentement le plus large possible. Dans le contexte militaire de la seconde moitié du xive siècle, la tenue ou la mention de l’assemblée des habitants augmente surtout en matière d’impôt. La question de la répartition des charges fiscales suscitant alors des conflits sociaux au sein de la ville ou du village, l’assemblée des habitants est réactivée, soit par la décision des élites, soit sur intervention du roi qui ordonne de consulter l’assemblée des habitants pour décider une nouvelle imposition82. Du point de vue de la participation populaire à la politique, l’assemblée des habitants au village est plus inclusive et plus globale que celle qui a lieu en ville. 452L’assistance de tous les chefs de foyers est en effet possible au village alors que les citadins sont, en revanche, si nombreux qu’elle est beaucoup plus limitée en milieu urbain83. Hors de l’assemblée des habitants, la petite taille du village permet également la proximité entre l’élite gouvernante et le peuple gouverné. Tous les villageois se connaissent et peuvent se contacter facilement, par exemple lors de la messe à l’église paroissiale84. À cause du manque de globalité de l’assemblée et de proximité entre les gouvernants et les gouvernés, la contestation des élites en ville prend parfois la forme de révoltes violentes.
Au cours de la seconde moitié du xive siècle, la voix populaire urbaine ou villageoise s’élève partout au sujet de la question fiscale. Elle fait pression sur les élites, soit par le contact quotidien, soit par l’assemblée des habitants ou le conseil élargi, soit par la révolte85. Dans le village de Sérignan, quoique modestement, la réformation fiscale se fait au profit des pauvres, sans révolte ou conflit violent. En revanche, dans la ville de Béziers, la révolte de 1381 entraîne la révision du système électoral en 1382 et la rédaction du compoix en 1384. Mais, en réalité, le système électoral de 1382 ne permet pas l’accès d’un nouveau corps professionel, donc d’une catégorie pauvre, à l’élection consulaire86. En outre, le compoix de 1384 est confectionné par dix commissaires, qui sont tous membres des élites urbaines et, avec cette confection, la capitation « per testa », qui avait été abolie depuis 1354, est rétablie en 138487. Il semble que, non seulement la voie de la contestation populaire, mais aussi son efficacité, dépendent de la taille de la communauté.
Globalement, le gouvernement urbain ou villageois du Midi dans la seconde moitié du xive siècle peut être compris selon le schéma suivant : l’oligarchie plus la participation populaire réactivée. Il semble que le peuple ne compte pas participer à l’élaboration de la décision concernant une affaire municipale, mais au consentement préalable à 453sa mise en œuvre et à son contrôle postérieur. Au lieu d’occuper des postes de consul ou de conseiller, il vise à participer à l’assemblée des habitants/conseil élargi, à l’élection consulaire, à la confection de compoix, à la répartition de l’impôt et au contrôle des comptes88. Il est possible d’y voir une tentative de « contre-oligarchie89 », où le peuple conteste et surveille les élites, ce qui est susceptible de compléter l’exercice du gouvernement municipal oligarchique.
Dans la deuxième moitié du xive siècle, cette contre-oligarchie est produite par la dynamique politique au sein de la ville ou du village. Toutefois, dans certain cas, elle est favorisée par la royauté. Dès le milieu du xive siècle, dans certaines villes, la royauté recommande la tenue de l’assemblée des habitants pour décider une nouvelle imposition90. Enfin, le voyage de Charles vi en 1389 pour apaiser le peuple révolté du Languedoc devient l’occasion d’une vague d’interventions réformatrices royales dans le gouvernement urbain ou villageois : l’élection consulaire, le contrôle des comptes, la tenue du conseil ou de l’assemblée des habitants91.
Shinya Mukai
Osaka City University (Japon)
454
Date |
Celui qui ordonne ou |
Celui qui convoque |
Ordre du jour |
Nombre de villageois |
Lieu de réunion |
Modalité de |
Témoignage indirect de la tenue |
Référence |
1 juillet 1330 |
commissaires royaux |
bayles seigneuriaux |
la désignation des procureurs, |
292, |
la place du village |
crieur public |
BN, Languedoc Doat, 157, fol. 15r-23r |
|
3 avril 1363 |
seigneurs de Sérignan |
consuls |
la fortification provisoire du village avec une palissade ; |
72, |
la maison du noble Rostagnus Adhemarii |
convocation individuelle ? |
ADH, 299 EDT 41 |
|
? |
seigneur de Sérignan |
consuls |
le don gratuit de 150 francs au seigneur Jourdain, bâtard de l’Isle-Jourdain |
? |
? |
? |
los CL francz d’aur al dig mossenhor donatz per lo general |
AMS, CC 7, fol. 25r |
22 juillet 1367 |
consuls |
consuls |
le paiement de la gabelle du sel : |
? |
? |
? |
de voluntat de lur cosselh layc, clerc e general, finero am lo dig comessari |
AMS, CC 7, fol. 28r |
455
? |
consuls |
consuls |
le procédure d’estimation et d’indemnisation de pierres de taille expropriées à l’occasion de la |
? |
? |
? |
ad stima e setisfacio aychi quant per lo general era stat aordenat |
AMS, CC 7, fol. 53v-54r |
entre 19 et 21 |
seigneur de Sérignan |
consuls |
le don gratuit de plus de 20 florins au seigneur Jourdain, |
? |
? |
? |
en amermamen del do lo qual lo general li avia donat |
AMS, CC 7, fol. 52v-53r, 54v, 57v-58r, 64v |
vers 4 juin 1376 |
consuls |
consuls |
l’imposition d’un cart de talha |
? |
? |
? |
un cart de talha la cal fouc adordenada per los ditz senhos cossols, de voluntat de lur cosselh e de tot lo general |
AMS, CC 8, fol. 1r, 16v |
7 août 1376 |
consuls |
consuls |
l’imposition de la talha |
? |
? |
? |
lo davant ditz senhos cossols, de voluntat de tot lur general, fero adordenar la talha |
AMS, CC 8, fol. 2r, 25r |
456
5 septembre 1376 |
consuls |
consuls |
l’imposition d’un impôt direct |
? |
? |
? |
los davant ditz senhos cossols, de voluntat de tot lo general, adordenero lo subside de II francz per fuoc |
AMS, CC 8, fol. 27v |
? |
consuls |
consuls |
le rachat de blé levé comme vingtain à P. Fons, de Béziers, tant pour en remettre aux habitants que pour en revendre à l’extérieur du village |
? |
? |
? |
lo cal blat los ditz senhos cossols avian compratz d’en P. Fon, de Bezes, de voluntat del general |
AMS, CC 8, fol. 4v-5r, 37v, 44v |
28 octobre 1376 |
consuls |
consuls |
l’emprunt de 150 francs |
? |
? |
? |
los ditz senhos cossols, de voluntat del general, anero a Bezes am alcus cosselhiers per malevar moneda |
AMS, CC 8, fol. 38v |
? |
consuls |
consuls |
l’emprunt de 400 francs |
? |
? |
? |
manlevero los ditz senhos cossols, de voluntat de tot lur general |
AMS, CC 8, fol. 4r |
457
? |
consuls |
consuls |
l’imposition de la taille et l’emprunt du vin pour le subside de 3 francs par feu |
? |
? |
? |
talia per generale consilium noviter indita ; mutui vini facti per consilium generalem |
AMS, CC 9, fol. 2r-v |
27 mai 1402 |
consuls |
consuls |
le contrôle des comptes de l’exercice précédent |
? |
? |
? |
AMS, CC 10, fol. 25r |
|
6 juin 1412 |
commissaire royal |
consuls |
la transaction sur les modalités nouvelles de l’élection consulaire |
150 |
la place du village |
crieur public ? |
Sérignan, éd. La commune de |
Fig. 1 – Les assemblées des habitants de Sérignan (xive-début xve siècle).
458
Année |
nom de l’impôt |
type de l’impôt |
destination de l’impôt |
montant perçu |
légitimation de l’impôt |
1367- |
talha, premier cartel |
? |
? |
233 florins 7 gros |
una amb alcus lus cosselhiers e lur notari adordenero la talha |
talha, segon cartel |
? |
? |
282 florins 2 gros 11,5 barsalos |
||
talha, derier cartel |
? |
? |
236 florins 10 gros 1,5 barsalos |
||
talha de II gros per testa e I gros per libre |
impôt égal sur chaque chef de foyer + |
? |
40 florins 10 gros |
una amb alcus lurs cosselhiers e notari adordenero |
|
talha per la muralha |
? |
pour les travaux de fortification |
? |
||
lo quart de la talha |
? |
pour le don au seigneur Jourdain, |
182 florins 6 gros |
de voluntat de lur cosselh, amb alcus cosselhiers ordenero |
|
? |
pour le subside d’1 franc par feu |
158 florins 2 gros 5,5 barsalos |
|||
? |
pour les frais liés au procès avec le seigneur sur le serment de fidélité |
? |
|||
459
1376- |
un cart de talha |
? |
pour les affaires (negocis) de la |
79 francs 7 gros |
un cart de talha la cal fouc adordenada per los ditz senhos cossols, de voluntat de lur cosselh e de tot lo general |
lo vinten dels gazanhatges e de la vendemia |
impôt proportionnel aux revenus sur chaque villageois |
? |
73 francs 11 gros 10 barsalos |
||
talha |
? |
pour le remboursement de dettes aux Juifs de Béziers, les frais liés aux procès et d’autres frais de la communauté |
349 francs 8 gros |
la talha la cal fon adordenada, de voluntat de tot lo general ; lo davant ditz senhos cossols, de voluntat de tot lur general, fero adordenar la talha |
|
? |
pour le subside de 2 francs par feu |
399 francs 15 gros |
los davant ditz senhos cossols, de voluntat de tot lo general, adordenero |
||
talha foratana |
? (impôt sur les forains possessionnés |
? |
1 franc 14 gros |
Fig. 2 – Impôts directs mentionnés dans les comptes consulaires de Sérignan (1367-1368 et 1376-1377).
460
Année |
florin |
gros |
bars. |
prêteur |
intérêt |
délai prévu |
destination de l’emprunt |
légitimation |
1367- |
1 fl |
0 |
0 |
Jacme Alinha, de Sérignan |
? |
? |
per pagar los cargues e negossis de la universsitat |
|
1 fl |
3 |
0 |
Huc Roqua, de Sérignan |
? |
? |
per pagar los negossis de comu |
||
4 fl |
8 |
4 |
G. Vielh, de Sérignan |
? |
? |
per paguar los cargues e negocis de comu |
||
? |
? |
? |
las gens de Serinha |
? |
? |
pour les frais liés au procès avec le seigneur sur le serment de fidélité pendant au Parlement de Paris |
||
5 fl |
10 |
10 |
G. Alinha, de Sérignan |
? |
? |
per pagar los deutes e cargues de la universsitat |
||
5 fl |
7 |
2 |
B. Guitart et G. Guitart, bicha, de Sérignan |
? |
? |
? |
||
12.5 fl |
0 |
0 |
Jacme Lombes, de Béziers |
? |
? |
pour le subside de 5 puis 6 gros par feu |
||
20 fl |
0 |
0 |
Johan Bermon, changeur de Béziers |
? |
? |
pour le don de plus de 20 florins au seigneur Jourdain, bâtard |
de voluntat de cosselh |
|
461 |
5 fl |
7 |
2 |
B. Guitart et G. Guitart, bicha, de Sérignan |
? |
? |
? |
|
12.5 fl |
0 |
0 |
Jacme Lombes, de Béziers |
? |
? |
pour le subside de 5 puis 6 gros par feu |
||
20 fl |
0 |
0 |
Johan Bermon, changeur de Béziers |
? |
? |
pour le don de plus de 20 florins au seigneur Jourdain, bâtard |
de voluntat de cosselh |
|
60 fl |
0 |
0 |
Br. Gelli et P. de Badonas, |
? |
? |
pour le don de 150 francs au seigneur Jourdain, bâtard |
||
12.5 fl |
0 |
0 |
Johan de la Garigua, |
? |
? |
pour le foriscapi d’une pierre de taille du seigneur de Preignes |
||
1376- |
150 fr |
0 |
0 |
Vengues Crestas, |
6% |
2 mois ? |
pour la taxe de révision des feux |
de voluntat del general |
39 fr |
0 |
0 |
Leonet de Cabestanh, |
? |
3, 4 ou 5 mois ? |
pour le subside de 2 francs par feu |
||
50 fr |
0 |
0 |
Leonet de Cabestanh, |
? |
1 mois ? |
pour le subside de 2 francs par feu |
||
462 |
50 fr |
0 |
0 |
Leonet de Cabestanh, |
? |
1 mois ? |
pour le subside de 2 francs par feu |
|
400 fr |
0 |
0 |
Astruc, |
4,3% |
7 mois |
pour le remboursement de dette aux Juifs de Béziers |
de voluntat de tot lur general |
|
160 fr |
0 |
0 |
Astruc, |
? |
? |
pour le remboursement de dette aux Juifs de Béziers |
de voluntat del cosselh ; |
|
Total = 2 francs 4 barsalos |
Total = 5 villageois de Sérignan |
? |
? |
pour le 2e subside de 2 francs par feu |
||||
Total = 14 francs 8 gros 2 barsalos |
Total = 21 villageois de Sérignan |
? |
? |
pour les salaires annuels des avocats au Parlement de Paris |
Fig. 3 – Emprunts mentionnés dans les comptes consulaires de Sérignan (1367-1368 et 1376-1377).
1 A. Rigaudière, Gouverner la ville au Moyen Âge, Paris, Anthropos, 1993, p. 6-13. Pour les villes méridionales, voir entre autres : A. Castaldo, Seigneurs, villes et pouvoir royal en Languedoc : Le consulat médiéval d’Agde (xiiie-xive siècle), Paris, Picard, 1974 ; M. Hébert, Tarascon au xive siècle. Histoire d’une communauté urbaine provençale, Aix-en-Provence, Édisud, 1978 ; A. Rigaudière, Saint-Flour. Ville d’Auvergne au bas Moyen Âge : étude d’histoire administrative et financière, Paris, PUF, 1982, 2 vol. ; F. Garnier, Un consulat et ses finances : Millau (1187-1461), Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006 ; X. Nadrigny, Information et opinion publique à Toulouse à la fin du Moyen Âge, Paris, École des chartes, 2013.
2 A. Follain, Le village sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2008. Pour l’historiographie de l’histoire du village, voir Follain, Le village, p. 29-63 ; A. Follain, « L’administration des villages par les paysans au xviie siècle », Dix-septième siècle, 234, 2007, p. 135-141.
3 L’Argent des Villages. Comptabilités paroissiales et communales, fiscalité locale du xiiie au xviiie siècle, éd. A. Follain, Rennes, AHSR, 2000 ; Les justices de village, administration et justice locales du xve siècle à la Révolution, éd. A. Follain, Rennes, AHSR, 2002.
4 Follain, Le village, p. 450, n. 94. Pour les études sur le gouvernement villageois en Provence et dans la région des Alpes, voir N. Coulet et L. Stouff, « Les institutions communales dans les villages de Provence au bas Moyen Âge », Études rurales, 63, 1976, p. 67-81 ; N. Coulet et L. Stouff, Le village de Provence au Bas Moyen Âge, Aix-en-Provence, Université de Provence, 1987 ; Y. Grava, « Le syndicat provençal au xive siècle : les communautés d’habitants de l’étang de Berre », Les pays de la Méditerranée Occidentale au moyen âge. Études et recherches, Paris, CTHS, 1983, p. 135-151 ; Y. Grava, « Pouvoir et société : les communautés villageoises de l’étang de Berre au Moyen Âge », Les communautés villageoises en Europe occidentale du Moyen Âge aux Temps Modernes, Auch, Comité départemental du tourisme du Gers, 1984, p. 191-196 ; J.-P. Boyer, « Communautés villageoises et État angevin. Une approche au travers de quelques exemples de haute Provence orientale (xiiie-xive siècles) », Genèse de l’État moderne en Méditerranée. Approches historiques et anthropologiques des pratiques et des représentations, Rome, École française de Rome, 1993, p. 243-265 ; M. Potter, Le gouvernement d’un village en Provence : Tourves (1379-1397), Tourves, Association d’histoire populaire tourvaine, 2000 ; N. Carrier et F. Mouthon, Paysans des Alpes. Les communautés montagnardes au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, ch. 10 (en ligne).
5 M. Bourin, Villages médiévaux en Bas-Languedoc : genèse d’une sociabilité (xe-xive siècle), Paris, L’Harmattan, 1987, vol. 2 : La démocratie au village (xiiie-xive siècle). Voir aussi M. Bourin, « Historiographie des communautés de la France méridionale », La formation des communautés d’habitants au Moyen Âge. Perspectives historiographiques (en ligne) ; M. Bourin et R. Durand, Vivre au village au Moyen Âge : les solidarités paysannes du xie au xiiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 1984, p. 151-200. Sur la politique au village dans le Biterrois du bas Moyen Âge, voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 174-179, 287-330 ; M. Bourin, « La crise des institutions muniscipales dans les villages du bas Languedoc pendant la première moitié du xive siècle », Libertés locales et vie municipale en Rouergue, Languedoc et Rousillon, Montpellier, Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, 1988, p. 37-46 ; M. Bourin, « Les communautés villageoises en Bas-Languedoc du xe au xive siècle, l’exemple du Biterrois », Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, 43, 1984, p. 349-384, ici p. 361-374.
6 Archives municipales de Sérignan (désormais AMS), CC 7, compte de 1367-1368, 72 folios ; AMS, CC 8, compte de 1376-1377, 81 folios ; AMS, CC 9, compte séparé de 1387-1388, 17 folios.
7 Rigaudière, Gouverner, p. 517.
8 D. Sassu-Normand, « Contrôle royal de l’espace et rivalités urbaines : la viguerie de Béziers et son démembrement au xive siècle », Annales du Midi, 123, 2011, p. 27-57, ici p. 55.
9 Bourin, Villages, vol. 2, p. 211-219.
10 S. Mukai, Sérignan et Vendres, deux villages biterrois face à la guerre dans la seconde moitié du xive siècle : étude du gouvernement villageois au bas Moyen Âge, thèse de doctorat, Université de Toulouse II, 2017, vol. 1, p. 140-141.
11 Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 141-142.
12 Sur la seigneurie de Sérignan, voir Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 33-35, 39-41.
13 À ce propos, voir Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 41-43.
14 Cl. Devic et J. Vaissète, Histoire générale de Languedoc avec des notes et les pièces justificatives, nouvelle édition (désormais HGL), Toulouse, Privat, 1872-1904, vol. 8, col. 1665. Avant cette date, on trouve trois rectores qui agissent ad hoc au nom de la communauté. Voir Archives départementales de l’Hérault (désormais ADH), 299 EDT 19 et 20 (2 avril 1235) ; ADH, 299 EDT 33 (12 décembre 1258).
15 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 150-152.
16 AMS, CC 7, compte de 1367-1368, fol. 1r ; AMS, CC 8, compte de 1376-1377, fol. 1r ; AMS, CC 10, compte de 1401-1402, fol. 1r.
17 AMS, CC 10, compte de 1401-1402, fol. 1r : « L’an de la nativitat de nostre senhor que hom compta Mil e CCCCI a XXIII del mes de may foro elegitz en cossols de Serinha per Johan Alquier, Johan Raynart, G. Domergue e Johan Sartre, cossols de l’an propdanament passat, a regir e governar los bes de la universitat del dig loc, so es a saber messier Simon Ysarni, bachelier en leys, Jacme Gros, Benezeg Bederrius e St. Sabatier, del dig loc, los cals acomensan lurs comptes de recepta e de despessa () lo fran a XVI gros e XVI gros per I fran, e sec se primieyrament la recepta. »
18 Sérignan en Languedoc : terre méditerranéenne, éd. La commune de Sérignan (Hérault), Graulhet, 1999, p. 44-45. Les archives Reboul (fonds privé) conservent un manuscrit français de 1727, traduisant le texte latin de la transaction de 1412.
19 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 155-156.
20 ADH, 299 EDT 1 (le 23 juillet 1370) : « quamdam plateam in magna parte constructam et coopertam vulgaliter dictam seu vocatam le Porge sitam infra dictam villam de Serignano […], in qua quidem platea per intervallia a dicto tempore citra dicti consules cum eorum consiliariis consueverunt facere et inhire eorum consilium et alia eorum negotia facere […] ».
21 Dans les comptes consulaires de Sérignan, « lo cosselh » est parfois désigné comme « cosselh layc », lorsque les conseillers villageois ont à se prononcer, et parfois comme « cosselh clerc », lorsque les avocats de la communauté émettent un avis professionnel. Le mot « laicus » signifie « homme non lettré », alors que le mot « clericus » signifie « savant ». Voir J. F. Niermeyer, Mediae latinitatis lexicon minus, Leiden, Brill, 1984, p. 191, 579.
22 À Sérignan, dans les comptes de 1367-1368, ces expressions se trouvent 92 fois ; dans ceux de 1376-1377, 24 fois ; dans ceux de 1401-1402, 28 fois. Voir AMS, CC 7, compte de 1367-1368, passim ; AMS, CC 8, compte de 1376-1377, passim ; AMS, CC 10, compte de 1401-1402, passim. Le conseil traite de sujets divers : fête, procès, défense, finances, travaux publics, prélèvement seigneurial, mobilisation, réquisition et taxation royale, etc.
23 Ce procès-verbal est enregistré dans AMS, CC 8, compte de 1376-1377, fol. 79v. La date de réunion – le lundi 11 septembre – et les noms de conseillers présents conduisent à penser qu’il est tenu en 1400 environ : 1391, 1396, 1402 ou 1413.
24 Ibid. : « Dilus a XI de septembre, fouc cosselh fag sy hom preza lo plag per P. Fabre de la enpozissio contra aquels de Vendres, fozo de cosselh aquels que se sego : […] Totz fozo de upenio que ho fezes secos al dit fermier. »
25 Dans les villages du Comtat Venaissin et de Provence, la tenue du conseil et de l’assemblée des habitants nécessite l’autorisation et la présence d’un officier du seigneur local ou du seigneur souverain. Voir G. Butaud, Guerre et vie publique en Comtat Venaissin et à Avignon (vers 1350-vers 1450), thèse de doctorat, Université de Nice, 2001, 4 vol., p. 393, 403 ; Boyer, « Communautés », p. 247 ; Potter, Le gouvernement, p. 23-24 ; Grava, « Le syndicat », p. 143.
26 Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 40-41.
27 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 150-152.
28 Lorsque le même nom de personne apparaît avec plus de 30 ans d’écart entre deux charges, il a été considéré qu’il désignait deux individus distincts.
29 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 150-152.
30 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 153. La réelection immédiate ne se rencontre pas à Sérignan.
31 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 155-156.
32 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 158.
33 Bourin, Villages, vol. 1, p. 149-152 ; Bourin, Villages, vol. 2, p. 66, 227, 233-234, 397 ; É. Pélaquier, « Famille, terre et marchés en Languedoc rural. La mutation du système successoral du xvie au xviie siècle », Marchés, migrations et logiques familiales dans les espaces français, canadien et suisse, 18e-20e siècles, éd. L. Lorenzetti et al., Berne, Peter Lang, 2005, p. 287-301 ; É. Pélaquier, « Société et pouvoir au village en Languedoc (xvie-xviiie siècles) », Enquêtes rurales, 11, 2007, p. 25-43, ici p. 30. D’après É. Pélaquier, le cohéritage disparaît au profit de l’héritage unique à partir du début du xviie siècle. Un des signes de la pratique de cohéritage est le contrat de « frérèche ». Certes, c’est un contrat d’indivision du patrimoine entre les frères. Mais, il est souvent rompu après leurs mariages et finit par une véritable division du bien paternel entre les frères, cohéritiers. Le contrat de « frérèche », dont la première mention remonte au xiie siècle, augmente beaucoup à partir du milieu du xive siècle et connaît son apogée dans la deuxième moitié du xve siècle. Il disparaît de plus en plus après 1550-1560. Voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 233-234 ; Pélaquier, « Famille », p. 288 ; Cl. Duhamel-Amado, Genèse des lignages méridionaux, Toulouse, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, 2001, vol. 1, p. 344 ; E. Le Roy Ladurie, Les paysans de Languedoc, Paris, Mouton, 1966, vol. 1, p. 162-166.
34 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 154, 157, 159.
35 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 160-162.
36 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 171.
37 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 174.
38 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 172-173 ; tableau 1.
39 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 163-168. À propos de la nature de ces familles actives, voir les travaux consacrés à la question des élites rurales : F. Mouthon, Les communautés rurales en Europe au Moyen Âge. Une autre histoire politique du Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2014, p. 133-156 ; Les Élites rurales dans l’Europe médiévale et moderne, éd. F. Menant et J.-P. Jessenne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007 ; A. Follain, « Gouverner, dominer et servir au village (xvie-xviie siècles) », Enquêtes rurales, 11, 2007, p. 4-24 ; Pélaquier, « Société », p. 25-43 ; C. Wickham, Communautés et clientèles en Toscane au xiie siècle. Les origines de la commune rurale dans la plaine de Lucques, trad. P. Gervais, Rennes, AHSR, 2001, p. 262-272 ; Bourin, Villages, vol. 1, p. 321-325 ; Bourin, Villages, vol. 2, p. 188-194, 299-309 ; M. Gramain, « La communauté de Puissalicon (1250-1350) », Béziers et le Biterrois, Montpellier, Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, 1971, p. 165-177, ici p. 174-177.
40 Sur le cas similaire d’un village anglais médiéval, voir Ph. Schofield, « Stratégies économiques et sociales des élites rurales dans l’Angleterre médiévale », Les Élites, éd. Menant et Jessenne, p. 229-242, ici p. 232-233.
41 C’est en raison de la possession de ces éléments – ressources du pouvoir – que les témoins d’actes sur une affaire villageoise sont le plus souvent recherchés parmi les familles actives. Voir Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 169-170.
42 Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 158-163.
43 Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 91-92, 122-123.
44 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 86.
45 Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 94.
46 À cet égard, voir M. Hébert, « Le système fiscal des villes de Provence (xive-xve siècles) », La fiscalité des villes au Moyen Âge (Occident méditerranéen). 2 : Les systèmes fiscaux, éd. D. Menjot et al., Toulouse, Privat, 1999, p. 57-81, ici p. 66-67 ; Hébert, Tarascon, p. 199-200 ; J.-L. Biget, « Formes et techniques de l’assiette et de la perception des impôts à Albi et à Rodez au bas Moyen Âge », La fiscalité, éd. Menjot et al., p. 103-128, ici p. 117-118 ; Garnier, Un consulat, p. 690-697. En général, la capitation est classée en deux types : le paiement d’une somme identique au collecteur et l’enregistrement d’une somme identique comme matière imposable dans le compoix. Dans le premier cas, l’exonération pour les nichils et la réduction pour les contribuables pauvres sont possibles. Sur les cas de Saint-Guilhem-le-Désert et de Millau, voir ADH, 261 EDT 13 (compoix et livre de la taille de 1401) ; Garnier, Un consulat, p. 696. Dans le deuxième cas, l’exonération pour les nichils et l’abattement pour les contribuables pauvres sont possibles. Sur les cas du Puy-en-Velay et de Narbonne, voir A. Rigaudière, « L’assiette de l’impôt direct dans le compoix du Puy-en-Velay de 1408 », La fiscalité, éd. Menjot et al., p. 345-367, ici p. 361-363 ; G. Larguier, « Genèse, structure et évolution de la fiscalité à Narbonne (xiiie-xve siècle) », La fiscalité, éd. Menjot et al., p. 129-152, ici p. 138-141 ; G. Larguier, « Impôt direct et ressources complémentaires. Système fiscal et politique fiscale à Narbonne xive-xve siècle », L’impôt dans les villes de l’Occident méditerranéen xiiie-xve siècle, éd. D. Menjot et al., Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2005, p. 63-82, ici p. 66. Conséquence des révoltes fiscales survenues autour de 1380, un type nouveau de capitation, une capitation progressive – le taux de capatge doublé, triplé… selon les tranches de biens enregistrés dans le compoix –, est adopté à Pont-Saint-Esprit en 1390. Voir V. Challet, « Compoix et tensions sociales : l’exemple de Pont-Saint-Esprit (1390) », De l’estime au cadastre en Europe. Le Moyen Âge, éd. A. Rigaudière, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2006, p. 289-305.
47 ADH, 299 EDT 42 ; Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 53-54.
48 Voir tableau 2.
49 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 53-54. Il est étrange que les poissons et coquillages n’apparaissent pas dans la liste de matières imposables du vingtain. La meilleure hypothèse est que ceux consommés par les pêcheurs eux-mêmes en sont exclus et que le produit des ventes est classé parmi « tous les revenus (totz garanhatges) ». Voir aussi J. Morelló Baget, « ‘‘L’impôt sur le revenu’’ en Catalogne : ‘‘redelmes’’, ‘‘onzens’’ et taxes similaires », La fiscalité, éd. Menjot et al., p. 373-398, ici p. 382.
50 À cet égard, voir aussi Morelló Baget, « ‘‘L’impôt sur le revenu’’ », p. 389.
51 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 180-181.
52 Mukai, Sérignan, vol. 1, p. 97-98, 129-130.
53 AMS, CC 8, compte de 1376-1377, fol. 70r.
54 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 85.
55 En vue de la perception, les consuls ferment toutes les portes du village et parcourent le village avec des sergents seigneuriaux.
56 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 182-183.
57 À propos du don gratuit promis au seigneur en 1368, une contestation de certains villageois – pauvres ? – presse les consuls d’aller demander conseil aux avocats de la communauté à Béziers. Voir AMS, CC 7, compte de 1367-1368, fol. 54v.
58 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 172-173, 177. Probablement grâce à l’immigration, le nombre de lignages ne change pas beaucoup : au moins 119 lignages en 1330 et au moins 109 lignages en 1412.
59 C’est bien le cas pour la ville de Marseille dans la première moitié du xive siècle. Voir N. Coulet, « Les délibérations communales en Provence au Moyen Âge », Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes, éd. Cl. Carozzi et H. Taviani-Carozzi, Aix-en-Provence, Publication de l’Université de Provence, 2004, p. 227-247, ici p. 238-239.
60 ADH, 299 EDT 1 ; AMS, CC 10, compte de 1401-1402, fol. 3r, 8r ; Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 187.
61 Le choix du lieu de réunion du collège consulaire, du conseil ou de l’assemblée des habitants détermine naturellement le nombre de présents, la publicité de la séance et l’accessibilité d’un suppliant. Sur cette question, voir M. Gramain, « Les conseils et l’assemblée de village à Pézenas, 1250-1350 : l’élaboration de la politique municipale », Études sur Pézenas et sa région, 3, 1972, p. 15-29, ici p. 24 ; A. Castaldo, « L’élection consulaire à Pézenas au Moyen Âge », Annales de l’université des sciences sociales de Toulouse, 24, 1976, p. 385-411, ici p. 399-400 ; Nadrigny, Information, p. 268 ; Follain, Le village, p. 235-243 ; Follain, « Gouverner », p. 11.
62 Voir l’exemple de la ville de Millau au bas Moyen Âge : Garnier, Un consulat, p. 208.
63 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 56.
64 AMS, CC 10, compte de 1401-1402, fol. 25r.
65 Garnier, Un consulat, p. 557-558.
66 Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 184-186. Il est à noter que le nombre de foyers qui possèdent une fortune au-dessus de 10 livres est de 60 environ en 1398. Voir Mukai, Sérignan, vol. 2, p. 177 ; Archives nationales, JJ 153, fol. 79r-v.
67 On trouve à la fin des comptes de 1401-1402 une annotation latine suivante : « Anno quo supra die sabati XXVII madii coram G. de Mesua, vicario pro domino Mirapiscensis, Raymundus Vaylhe et Anthonius Mujolis et universus populus ibidem congregatus quitavit dictos consules cum instrumento recepto per me Petrus Bedocii, notarius Serignani. » Voir AMS, CC 10, compte de 1401-1402, fol. 25r.
68 V. Challet, « Villages en guerre : les communautés de défense dans le Midi pendant la guerre de Cent Ans », Archéologie du Midi médiéval, 25, 2007, p. 111-122, ici p. 118.
69 Castaldo, Seigneurs, p. 284, 502.
70 Sérignan, éd. La commune de Sérignan, p. 44-45.
71 Garnier, Un consulat, p. 187, 652 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 1, p. 413 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 2, p. 791-792.
72 HGL, vol. 10, col. 1794-1795. Le 17 décembre 1389, le roi Charles vi rend obligatoire l’assistance d’un agent royal dans le collège consulaire, le conseil et l’assemblée des habitants (Jacme Mascaro, Libre de Memorias, éd. Ch. Barbier, Revue des Langues romanes, 4e série, 34, 1890, p. 36-100, ici p. 97-98 ; P. Dognon, Les institutions politiques et administratives du pays de Languedoc, du xiiie siècle aux guerres de religion, Toulouse, Privat, 1895, p. 242, 473 ; HGL, vol. 9, p. 944). Cette ordonnance est appliquée à toutes les communautés languedociennes, y compris celles relevant du domaine seigneurial local (Dognon, Les institutions, p. 473, n. 1). Dans le domaine des seigneurs locaux, au lieu d’un agent royal, l’assistance d’un agent seigneurial est rendue obligatoire. En réagissant contre cette ordonnance, les consuls de Capestang et d’autres communautés de la viguerie de Béziers supplient les réformateurs généraux de leur permettre de tenir le conseil sans présence de « curiales dominorum temporalium locorum » pour décider d’une nouvelle imposition.
73 HGL, vol. 10, col. 1795-1796. En répondant à la supplication, les réformateurs généraux permettent en principe aux consuls et conseillers de décider eux-mêmes des affaires de la communauté, sans présence d’un agent royal ou seigneurial, sauf en cas de tenue de l’assemblée des habitants. Mais, en ce qui concerne la décision d’une nouvelle imposition, ils ordonnent de consulter l’assemblée des habitants pour obtenir le consentement d’autres habitants, qui demande l’assistance d’un agent royal ou seigneurial. La supplique est donc refusée.
74 Il est à noter que, sans doute à la suite de cette ordonnance, le contrôle des comptes de 1401-1402 sous la forme de l’assemblée des habitants, à laquelle participe « universus populus ibidem congregatus », se fait en présence du viguier seigneurial. Voir AMS, CC 10, compte de 1401-1402, fol. 25r.
75 HGL, vol. 10, col. 1799-1808. En septembre 1409, à la demande des consuls de Béziers, le roi ordonne au sénéchal de Carcassonne ainsi qu’aux viguiers et juges de Béziers, de Narbonne et de Gignac de forcer les clavaires et les levayres de bans (percepteurs) à rendre compte aux consuls et à leur remettre le restant des sommes perçues. Voir A. Soucaille, « Institutions municipales : le consulat de Béziers », Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, 3e série, 1, 1895-1896, p. 217-504, ici p. 283.
76 HGL, vol. 9, p. 944, n. 3 ; Castaldo, Seigneurs, p. 485-500, 498, n. 36 ; G. Azaïs, « Ordonnance de Robert de Caylus, sénéchal de Carcassonne et de Béziers sur l’élection des consuls et conseillers de la ville de Béziers », Bulletin de la Société Archéologique de Béziers, 2e série, 8, 1874-1876, p. 11-34. Il est à noter que la transaction de 1412 sur les nouvelles modalités de l’élection consulaire de Sérignan se fait sous la présidence du commissaire royal, juge royal de Béziers. Voir Sérignan, éd. La commune de Sérignan, p. 44-45.
77 Sur les cas villageois, voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 287-309 ; Bourin, « La crise », p. 42-43. Dans certains villages grands ou petits, il arrive que les nobles assument la fonction de consul/syndic, alors que l’absence des nobles dans l’institution municipale est particulière aux villages moyens. Voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 194. Au village, les familles fournissant les élites politiques sont plus fixes à cause du manque de fluidité socio-économique, tandis qu’en ville, elles sont plus variables en raison de cette même fluidité si bien que la concentration des charges est plus marquée au village qu’en ville. En outre, au village, elles se composent non seulement des hautes classes, mais aussi des classes moyennes en raison de la rareté de familles de haut rang, alors qu’en ville, elles ne se composent que des hautes classes, en raison de l’abondance de ces familles. Voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 309. Sur les cas urbains, voir Ph. Wolff, « Les luttes sociales dans les villes du Midi français xiiie-xive siècles », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 4, 1947, p. 443-454, ici p. 445-446 ; P.-C. Timbal, « Les villes de consulat dans le Midi de la France », Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, 6, 1954, p. 343-370, ici p. 364-369 ; G. Sautel, « Les villes du Midi méditerranéen au Moyen Âge. Aspects économiques et sociaux (ixe-xiiie siècles) », Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, 7, 1955, p. 313-356, ici p. 337-351 ; Castaldo, Seigneurs, p. 193-197, 483-485 ; Hébert, Tarascon, p. 105-109, 125-151, 240 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 1, p. 116, 127, 146, 325-434 ; A. Rigaudière, « Hiérarchie socio-professionnelle et gestion municipale dans les villes du Midi français au bas Moyen Âge », Gouverner, éd. Rigaudière, p. 167-214, ici p. 169-192 ; M. Berthe, « Les élites urbaines méridionales au Moyen Âge (xie-xve siècles) », La maison au Moyen Âge dans le Midi de la France, éd. L. Peyrusse et al., Toulouse, Société archéologique du Midi de la France, 2003, p. 21-40 ; Garnier, Un consulat, p. 178-227, 403-404, 417 ; J.-L. Biget, « Délibération et décision : Le consulat d’Albi 1372-1388 », Le gouvernement des communautés politiques à la fin du Moyen Âge. Entre puissance et négociation : villes, finances, État, éd. C. Leveleux-Teixeira et al., Paris, Édition Panthéon-Assas, 2011, p. 111-134, ici p. 131-133 ; Nadrigny, Information, p. 268-273. À partir de la fin du xiiie siècle, en réclamant l’exemption d’impôts, les nobles se retirent de plus en plus du gouvernement urbain. Voir Dognon, Les institutions, p. 155-162.
78 Sur les cas villageois en Comtat Venaissin, voir G. Butaud, « Villages et villageois du Comtat Venaissin en temps de guerre (milieu xive-début xve siècle) », Les villageois face à la guerre (xive-xviiie siècle), éd. Ch. Desplat, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2002, p. 53-64, ici p. 63 ; Butaud, Guerre, p. 404-408.
79 Sur l’image des élites urbaines, voir Dognon, Les institutions, p. 165-166, 180. Sur l’image des élites villageoises, voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 176, 309-311 ; Gramain, « Les conseils », p. 29 ; Gramain, « La communauté », p. 170-172, 177 ; Follain, « Gouverner », p. 22 ; A. Follain, « L’exercice du pouvoir à travers les fonctions communautaires dans les campagnes françaises modernes », Les Élite, éd. Menant et Jessenne, p. 149-161, ici p. 161 ; Follain, Le village, p. 281-296, 315-316, 321, 323-345 ; J.-P. Jessenne et F. Menant, « Introduction », Les Élites, éd. Menant et Jessenne, p. 7-52, ici p. 17, n. 44 ; Schofield, « Stratégies », p. 236-237.
80 Bourin, Villages, vol. 2, p. 176, 298-299 ; Follain, « Gouverner », p. 22 ; Dognon, Les institutions, p. 81-82 ; Castaldo, Seigneurs, p. 385 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 1, p. 149, 456 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 2, p. 558-578 ; M. Hébert, « “Bonnes villes” et capitales régionales : fiscalité d’État et identités urbaines en Provence autour de 1400 », L’impôt, éd. Menjot et al., p. 529-541, ici p. 535 ; Garnier, Un consulat, p. 201, 382, 423, 459, 704.
81 Follain, « Gouverner », p. 22.
82 Sur les cas urbains, voir Garnier, Un consulat, p. 180-193, 650-653 ; F. Garnier, « Tenir conseil dans les villes du Rouergue d’après les registres de délibérations et de comptes (xive-xve siècles) », Consulter, délibérer, décider : donner son avis au Moyen Âge (France-Espagne, viie-xvie siècles), éd. M. Charageat et C. Levereux-Teixeira, Toulouse, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, 2010, p. 281-298, ici p. 284-285, 288 ; Biget, « Délibération », p. 115 ; ; Castaldo, Seigneurs, p. 193-200 ; Dognon, Les institutions, p. 108-109 ; J. Ellul, « Note sur les impôts municipaux à Montpellier aux xiiie et xive siècles », Revue historique de droit français et étranger, 62, 1938, p. 365-403 ; Hébert, Tarascon, p. 112, 194, 240 ; Hébert, « “Bonnes villes” », p. 533 ; Nadrigny, Information, p. 268-281 ; X. Nadrigny, « Créer du consensus en temps de guerre : les registres de délibérations de Toulouse à la fin du Moyen Âge (1374-1440) », REGIDEL-Régistres de délibérations urbains au Moyen Âge, 25/11/2016 (en ligne) ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 1, p. 409-419 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 2, p. 788-793 ; Rigaudière, « Hiérarchie », p. 197 ; J. Rogozinski, Power, Caste and Law : social conflict in fourteenth-century Montpellier, Cambridge (Massachusetts), The Medieval Academy of America, 1982, p. 118-119 ; Ch. Van Veen, « Délibérer à Pézenas au Moyen Âge, comment se réélabore la politique municipale ? 1373-1379 », REGIDEL-Régistres de délibérations urbains au Moyen Âge, 25/11/2016 (en ligne) ; Ch. Van Veen, « Espace public, pouvoir consulaire et fiscalité royale à Pézenas à la fin du Moyen Âge (1376-1377) », Annales du Midi, 128, 2016, p. 519-535. Dans le village de Caumont en Comtat Venaissin, la réunion de l’assemblée des habitants augmente pour discuter sur la défense, ainsi que sur les finances. Voir Butaud, « Villages », p. 62 ; Butaud, Guerre, p. 403-404.
83 Rigaudière, Gouverner, p. 505 ; Garnier, Un consulat, p. 191. Dans les villages biterrois de la première moitié du xive siècle, le pourcentage des habitants présents à l’assemblée générale est en raison inverse de la taille de l’agglomération et de l’avancement de l’institution municipale. Voir Bourin, Villages, vol. 2, p. 292-294.
84 Follain, « Gouverner », p. 15.
85 Wolff, « Les luttes » ; Dognon, Les institutions, p. 162-165.
86 P. Beauvarlet, Les élections consulaires à Béziers jusqu’à la fin de l’Ancien régime, mémoire de D.E.S. Histoire du Droit, Université de Montpellier, 1963, p. 13-16.
87 J. Pascal, Béziers au xive siècle d’après la chronique de Jacques Mascaro, mémoire de D.E.S. Lettres, Université de Montpellier, 1967, p. 74, 79-84, 109, 130-131.
88 Rigaudière, « Hiérarchie », p. 203, 209-214 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 1, p. 166-184, 440-457 ; Nadrigny, Information, p. 278-283 ; Garnier, Un consulat, p. 374-377 ; Wolff, « Les luttes », p. 450-451 ; Dognon, Les institutions, p. 170-177.
89 Le terme de « contre-oligarchie » s’inspire du livre de P. Rosanvallon, La contre-démocratie : la politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006. Pour les cas médiévaux de la contre-démocratie, qui est un ensemble de pratiques de surveillance, d’empêchement et de jugement à l’encontre les élites gouvernantes dans la démocratie représentative, P. Rosanvallon cite par exemple : A. Rigaudière, « Le contrôle des comptes dans les villes auvergnates et vellaves aux xive et xve siècles », Penser et construire l’État dans la France du Moyen Âge (xiiie-xve siècle), éd. A. Rigaudière, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2003, p. 621-660 ; H. Babeau, Les Assemblées générales des communautés d’habitants en France du xiiie siècle à la Révolution, Paris, A. Rousseau, 1893, etc. Voir Rosanvallon, La contre-démocratie, p. 82-83.
90 Garnier, Un consulat, p. 187, 652 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 1, p. 413 ; Rigaudière, Saint-Flour, vol. 2, p. 791-792.
91 HGL, vol. 9, p. 944 ; Dognon, Les institutions, p. 242, 473-477 ; Castaldo, Seigneurs, p. 485-501 ; Nadrigny, Information, p. 282, 292-298.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11996-8
- EAN : 9782406119968
- ISSN : 2273-0893
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11996-8.p.0427
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : village, communauté, gouvernement, guerre de Cent Ans, Languedoc