Educating Women, Shaping the Poet Le Doctrinal des princesses et nobles dames by Jean Marot
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2020 – 2, n° 40. varia - Author: Doudet (Estelle)
- Pages: 23 to 38
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
Éduquer les dames, construire le poète
Le Doctrinal des princesses et nobles dames de Jean Marot
Au fil de l’année 1533 paraissent chez Pierre Roffet puis sa veuve deux anthologies des œuvres de Jean Marot. Sur les deux heureux Voyages et le Recueil Jehan Marot mettent en valeur les diverses facettes de la carrière de l’écrivain, ses textes historiographiques pour Louis xii et Anne de Bretagne dans le premier, dans le second ses productions poétiques dédiées à Claude de France et à François ier. Le déploiement des écritures chez Jean Marot semble ainsi suivre harmonieusement les règnes successifs de ses patrons, non sans échos avec l’évolution personnelle que dessinent, chez Clément Marot, L’Adolescence clémentine et La Suite de l’Adolescence, ouvrages sortis de l’officine des Roffet en 1532 et 1534.
Ces puissants effets de miroir – deux règnes, deux recueils, deux poètes – et d’encadrement – les œuvres du père imprimées entre les publications du fils – ne doivent rien au hasard. Ils sont le résultat du projet auctorial que développe alors Clément Marot pour valoriser l’œuvre de son prédécesseur et la sienne1. Cette stratégie d’auto-promotion mêlée de piété filiale a pour conséquence de faire des Voyages et du Recueil Jehan Marot des ensembles textuels soigneusement organisés qui livrent au public la persona de Jean telle que Clément la souhaite. Les écarts introduits par l’intentio de Marot fils rendent parfois malaisée l’évaluation de la position d’auteur voulue par Marot père, notamment pour les œuvres qui n’ont pas été conservées dans des manuscrits antérieurs aux imprimés de 1533.
C’est le cas du Doctrinal des princesses et nobles dames que Clément Marot a situé à l’orée du Recueil et qui impose de ce fait à la figure poétique de Jean ses premiers traits. Le choix pose question : pourquoi donner une place aussi significative à un livre de conduite adressé aux dames de la 24cour au détriment, par exemple, de la Vraye disant Advocate des dames, la brillante défense de la cause féminine qui valut à Marot d’entrer au service d’Anne de Bretagne ? Un élément de réponse s’impose d’emblée, les deux textes ayant en commun d’explorer la forte relation que l’écriture de Jean a nouée avec la féminité. Le Recueil conçu par Clément attire l’attention sur cette dimension majeure de l’œuvre paternelle.
Mais ce faisant, la sélection clémentine révèle une tension qui traverse les textes de son prédécesseur2. Dans la production versifiée de celui-ci alternent en effet les fictions de discours au féminin – entre autres, la Vraye disant Advocate des dames et les Epistres des dames de Paris – et des pièces qui déploient un discours sur le féminin, ce qui est le cas des vingt-quatre rondeaux du Doctrinal qui ouvrent l’anthologie de 1533. Le rôle assigné à la féminité dans la construction auctoriale du « poete et escripvain de la magnanime Royne Anne de Bretaigne3 » est donc plus complexe qu’il ne paraît. Je tenterai ici de cerner cette complexité à la lumière du Doctrinal des princesses et nobles dames, texte rarement étudié à l’inverse de la Vraye disant Advocate des dames dont il prend en quelque sorte la place4. Pourquoi un manuel d’éducation en apparence peu original ouvre-t-il le Recueil ? Quels portraits de Jean Marot se dessinent au fil de rondeaux où reines et dames sont les objets d’un discours qui règle leur comportement ? Je ferai l’hypothèse qu’en composant un traité sur les conduites féminines à la cour, genre florissant aux xve et xvie siècles, le poète s’est confronté à deux modèles5 : la réflexion morale sur les femmes, dont un exemple célébrissime est fourni par le Roman de la rose de Jean de Meun ; et le manuel pratique à l’usage des dames qu’illustre Le Livre des trois vertus (Le Trésor de la cité des dames) de Christine de Pizan, ouvrage alors en faveur auprès des royales lectrices de la cour de France. Or ces modèles supposent différentes 25formes d’énonciation – le monologisme et la polyphonie – ainsi que différentes formes de communication entre l’écrivain et son public – le jugement critique et la complicité. En tentant d’investir la diversité de ces rôles, Jean Marot a tissé des liens entre le discours d’édification qui traduit aux yeux de tous l’autorité du moraliste et la relation de patronage qui définit le lettré de cour. Il s’agira donc in fine de montrer comment la plasticité des discours sur le féminin a pu permettre à Jean Marot d’investir de puissantes postures d’auteur, expliquant peut-être la place privilégiée que Clément a accordée au Doctrinal dans le recueil des œuvres paternelles.
Au seuil d’un recueil
« Banalisation de quelques préceptes moraux et traditionnels » d’un poète « qui n’innove en rien6 », Le Doctrinal des princesses et nobles dames n’a guère jusqu’ici retenu l’attention de la critique sinon par sa curieuse place inaugurale dans l’anthologie posthume de 1533 et par sa date de composition incertaine. Les deux points peuvent être abordés ensemble car ils sont d’une certaine manière liés.
Le Recueil Jehan Marot est issu d’un geste d’anthologisation sélective explicité par Clément Marot dès l’avis aux lecteurs. Son objectif est de commémorer un poète « admirable », encore que non érudit7, en livrant au public les rares œuvres que le défunt aurait lui-même jugées dignes d’être recueillies pour la postérité, « car de mille autres bonnes choses qu’il a faictes, n’en daigna retenir un vers8 ». Cependant, comme l’ont montré les récentes études de Guillaume Berthon9, le choix des œuvres et l’organisation de l’ouvrage ont toute chance de refléter l’image que Clément lui-même se faisait d’une auctorialité prestigieuse. Le rôle d’ouverture donné au Doctrinal dans le recueil du père semble découler 26d’une triple logique formelle, thématique et chronologique également à l’œuvre dans les publications contemporaines du fils.
La table des « Œuvres contenues en ce recueil » dévoile une organisation des formes lyriques proche de celle qui régit L’Adolescence clémentine. Comme celui de Clément, le Recueil de Jean est ouvert par une œuvre assez longue et complexe, les rondeaux du Doctrinal, à laquelle succèdent une séquence d’épîtres, puis une section de chants royaux, enfin cinquante rondeaux dont le nombre offre un contrepoint numérique aux vingt-quatre poèmes de l’œuvre liminaire. L’évolution des thématiques est elle aussi concertée. D’abord campé en éducateur de la gent féminine dans le Doctrinal, le poète Jean Marot est ensuite présenté dans son rôle de médiateur entre le monde de la cour, représenté par François ier et ses courtisans, et l’univers des dames parisiennes qui les interpellent sur l’actualité. Au cœur du Recueil, deux figures incarnent le pouvoir politique au féminin dont l’écrivain est le porte-parole : la reine Claude, à laquelle est dédiée une épître inachevée narrant les victoires de son époux en Italie, et l’allégorie France qui prend la parole pour fustiger les critiques suscitées par ces guerres. Deux chants royaux et un rondeau peignent le Normand Marot en auteur spirituel, avant que des pièces amoureuses, grivoises ou plaisantes n’ajoutent la nécessaire touche de légèreté à un portrait de poète accompli10.
Un troisième principe d’organisation est chronologique. Toutes les œuvres datables rassemblées dans le Recueil illustrent les premières années du règne de François ier et de Claude de France. Si, comme on s’accorde à le penser aujourd’hui, cette dernière est bien la princesse en l’honneur de laquelle a été composé le Doctrinal, celui-ci a pu être une production assez tardive de Jean Marot. Bien qu’elle soit difficile à prouver en l’état actuel de nos connaissances, on peut risquer l’hypothèse d’un texte rédigé peu avant le mariage de Claude et de François en 1514. Le Doctrinal est en effet thématiquement et stylistiquement proche des traités de bonne conduite traditionnellement présentés aux futures reines au moment de leur union. C’est en de telles circonstances qu’a été rédigée une œuvre que Jean Marot connaissait sans doute et qui sera examinée plus loin, Le Livre 27des trois vertus que Christine de Pizan offrit à Marguerite de Bourgogne, dauphine de France, pour son mariage en 1404. Sous le titre L’Instruction des princesses, des dames de court et d’aultres dames, Anne de Bretagne reçut une copie du même livre avant son union avec Charles VIII en 149111. L’hypothèse d’une rédaction du Doctrinal à l’orée d’un nouveau règne et par un poète reconnu permettrait d’expliquer pourquoi Clément Marot, qui fut lui-même au service de Claude de France entre 1516 et 1519, a pu décider de substituer à l’œuvre ancienne qu’était la Vraye disant Advocate des dames un texte plus récent qui mettait mieux en valeur les convergences entre sa carrière et celle de son père.
Le doctrinal des dames,
genre à succès, forme en débat
En l’absence de version manuscrite antérieure à l’imprimé, on ignore si le titre donné au Doctrinal vient de Jean ou de Clément. Dans tous les cas, il n’est ni inédit ni anodin. Prenant pour objets et destinataires les princesses et nobles dames, il inscrit l’œuvre dans le genre des livres de conduite à l’usage des femmes nobles qui connaît un développement exponentiel aux xve et xvie siècles12. Anne de Bretagne et son entourage en ont été des réceptrices particulièrement actives. La diffusion, encouragée par la reine, de textes prenant la défense des femmes – comme 28la Louange des nobles et cleres dames traduite de Boccace (1493) – est venu renforcer celle des écrits didactiques réglant le comportement des dames de cour, tels que les Vies des femmes celebres d’Antoine Dufour13 (1506) ou le Tresor de la cité des dames de Christine de Pizan imprimé par Vérard pour Anne (1497). De l’Advocate au Doctrinal, la production curiale de Jean Marot reflète les spécificités de ces deux tendances. Quand les vers de l’Advocate sont portés par une voix féminine qui fustige les critiques misogynes, les rondeaux du Doctrinal sont dictés par un sujet masculin prétendant régir la conduite de ses interlocutrices à la manière d’un éducateur.
De fait, l’intitulé « doctrinal » suggère chez qui s’en réclame une autorité de pédagogue. Jouissant d’une forte popularité au début du xvie siècle14, le terme avait fait l’objet de débats sur sa signification au siècle précédent. Ceux-ci sont encore sensibles dans le prologue donné par Antoine Vérard au Tresor de la Cité des dames (Le Livre des trois vertus) de Christine de Pizan :
Et si par divin vouloir l’estat de magesté royale et de seignourie est eslevé sur tous estas mondains et que a la conduite et doctrine d’iceluy soit regi et gouverné le petit et menu peuple pour au monde estre en union, paix et concorde, bien licite est et convenable que ceulx et celles, tant femmes comme hommes, que Dieu a établis es haulx sieges de puissance et domination de tant plus soient mieulx morigenés que aultre gent et aornés de belles doctrines et de bonnes meurs affin que la reputation de eulx en soit plus venerable et que comme ilz sont ensuys et imités aux choses mondaines et temporelles, pareillement en vie spirituelle soient a toutes gens miroir et exemple de toutes beneuretez et faictz vertueux15.
29Qu’appelle-t-on « doctrine » dans les ouvrages qui se définissent comme des manuels éducatifs ? La notion a d’abord résumé les savoirs intellectuels des clercs, illustrés par le fameux portrait de « l’endoctriné » Jean de Meun dans le Roman de la rose16. Cependant, dans le sillage du Débat sur cette œuvre animé par Jean Gerson et par Christine de Pizan, ce premier sens a été infléchi vers une éducation chrétienne inspirée du De doctrina christiana d’Augustin. Les livres de doctrine articulent donc conseils sur la conduite sociale et éducation spirituelle. Christine de Pizan l’affirme dans son Livre des trois vertus consacré « a la doctrine et enseignement de bien et deüment vivre aux princesses17 » : tout doctrinal des dames est dans une certaine mesure un « sermon » adressé aux femmes de cour18. Son auteur a les accents d’un prédicateur.
La notion de doctrine, structurée par les deux modèles en tension que sont l’éducation des mondains proposée par le satiriste Jean de Meun et la pédagogie spirituelle offerte aux femmes de cour par Christine de Pizan, était vraisemblablement familière aux Marot. Dans son rondeau à Jeanne Gaillard, Clément rassemble à la rime le nom de Christine et le mot doctrine, faisant de la première l’incarnation du second19. Il suit l’exemple de son père qui, dans La Vraye disant Advocate des dames, loue Christine au détriment de Jean de Meun et critique les « villains à langue serpentines », les misogynes qui, réfractaires à l’enseignement de la divine avocate, « celle doctrine ne [veulent] imprimer/ dedens [leurs] cueurs20 ». Mais la position de Jean dans le Doctrinal est plus souple. 30L’auteur du Roman de la rose est cité aux rondeaux xiii et xxi en tant qu’autorité qui condamne l’oisiveté et célèbre la chasteté des princesses, tandis qu’au rondeau ii, les leçons du poète mettent en valeur Raison, Justice, Prudence et Charité, les principales actrices et thématiques du Livre des trois vertus21. Le doctrinal marotique réunit ainsi les traditions dont il hérite pour bénéficier grâce à elles d’une double légitimité : celle du moraliste critiquant les dames fautives22 et celle du conseiller chrétien des vertueuses. Sans doute moins frappante que le féminisme militant de l’Advocate pour les lecteurs modernes, l’ambition pédagogique du Doctrinal n’en a pas moins permis à Jean Marot de revendiquer une forme d’auctorialité alors puissante et reconnue, justifiant le rôle de seuil ultérieurement accordé au texte dans le recueil poétique de 1533.
Le chant de la doctrine dans la cage du rondeau
Le lien noué un siècle auparavant entre doctrinal et prêche pose un problème, pointé dès les premières lignes du texte de Christine de Pizan : comment séduire un noble lectorat féminin supposé rétif à une rhétorique prescriptive ? Comment l’attirer à l’intérieur des grilles du livre de conduite à la manière d’un oiseleur qui apprivoise pour mieux encager ?
Tout ainsy comme le sage oiselleur appreste sa cage ains que il pregne les oisillons, voulons que aprés ce que le heberge des dames honnourees est faicte et preparee, soient semblablement que devant, par ton ayde pourpensez, fais et quis engins, trebuchiez et roys beaulz et nobles, lacez et ouvrez a neux d’amour que nous te livrerons, et tu les estendras par la terre es lieux et es angles par ou les dames, et generaument toutes femmes, passent et cuerent, afin que celles qui sont farouches et dures a dominer puissent estre happees, prises et trebuchees en noz laz, si que nulle ou pou qui s’i enbate ne puisse eschapper, et que toutes, ou la plus grant partie d’elles, soyent fichees en la 31cage de nostre glorieuse cité, ou le doulz chant apprengnent de celles qui desja y sont herbergees comme souveraines et qui sans cesser deschantent alliluya avec la teneur des beneurez angelz23.
Le discours didactique se sait prison, qui enferme ses destinataires dans des règles touchant aussi bien leurs conduites en tant que chrétiennes que leurs réputations en tant que figures publiques. Les contraintes spirituelles et sociales imposées aux femmes nobles sont d’autant plus lourdes qu’il est attendu qu’elles présentent, pour tous, le miroir des vertus et des vices. Il est donc essentiel que la cage qu’est le doctrinal des dames se fasse ingénieuse (« pourpensez, fais et quis engins »), dans les sens que ce terme a en moyen français. Le texte doit être un piège subtil, aux lacs stylistiques travaillés ; il doit se présenter sous une forme désirable, touchante, celle du chant. Nous « chanterons nostre doctrine », disent les allégories à l’auteure, « pour accroistre le nombre des citoyennes de vertu » et « afin que la discipline de nostre escole puisse estre a tous valable24 ».
Christine n’use pas du style lyrique que ces images suggèrent. Mais Jean Marot choisit de composer son Doctrinal en rondeaux. Les contraintes formelles auxquelles se soumet le discours du pédagogue font dès lors écho aux impératifs comportementaux adressés aux dames. La première contrainte est induite par la forme fixe. Chacun des rondeaux du Doctrinal est une monade rimique et thématique où se cristallise le devoir d’une vertu féminine, reflétée par les titres donnés aux pièces, « De Honnestesté », « De Prudence », « De Liberalité », etc.
Le rondeau à rentrement ici pratiqué par Marot, poème à trois strophes de cinq vers ouvert par un distique de décasyllabes écourté en refrain aux 2e et 3e strophes, présente un fort mouvement de rotation interne25. Son allure spiralée et répétitive met en valeur la leçon, autant démontrée qu’assénée, du poète à ses lectrices. D’abord, un incipit synthétise en quelques mots de ton sentencieux la vertu inculquée :
32Trop plus que l’or aymer doit toute dame
Honnesteté (r.i)
Ne trop ne peu parler doit la princesse (r. viii)
Sans beau maintien, dame est cheval sans bride (r. ix)
Par tous moyens dame doit paix chercher (r. xvii)
Ung Dieu, un homme aymer doit toute dame (r. xxiii), etc.26
Puis un enchaînement de phrases jussives maille les vers grâce à des reprises en chiasme :
Il fault donner ains que main soit tendue […].
Donner fault donc sans salaire y pretendre
Fors que de Dieu27… (r. iii)
Les articulations syntaxiques sont souvent réduites à une relation explicative simple, l’emploi de la conjonction « car » s’imposant comme le pivot du deuxième ou du troisième vers d’une strophe :
De bouche et cueur dame doit estre egalle
Car cueur parlant soubz bouche deloyalle
N’est que arsenic dedans le miel logé28. (r. iv)
En complément du refrain reprenant le précepte d’ouverture, une locution figurée ou un proverbe – par exemple, « au grant besoing veoit on qui amy est » dans le rondeau v29 – peut enfin ouvrir et clore le cercle.
Mais les rondeaux du Doctrinal sont aussi organisés en dialogue les uns avec les autres, les pièces autonomes interagissant avec la totalité de la composition. Ils forment d’abord une séquence cohérente grâce à leur nombre symbolique de vingt-quatre, offrant autant de préceptes qu’existent de lettres dans l’alphabet30. Ils sont ensuite liés par des résurgences thématiques. Ainsi le premier rondeau de l’œuvre exalte l’honestas, vertu fondamentale des femmes, alors que le dernier en propose une déclinaison vestimentaire, commentant l’habit « honneste » qui convient aux princesses, trop fréquentes victimes de la mode. De courts 33fragments circulent enfin d’un rondeau à l’autre : les « dictz et faictz » de la princesse, mis en valeur par son maintien modeste au rondeau ix, deviennent au rondeau x les « faictz et dictz » qui justifient son titre royal ; la « dame d’honneur » que le rondeau xxii prévient contre l’hypocrisie d’une dévotion trop voyante est annoncée par le rondeau xviii et le rondeau xix qui enjoignent « devant voz yeulx, dames, ayez honneur31 ».
Les poèmes didactiques de Jean Marot ne sont certes pas un chant. Ils sont dépourvus de musique et appellent une lecture « par voix non pas chantable », pour reprendre la définition qu’Eustache Deschamps donnait de la poésie textuelle dans son Art de dictier32. Mais poème encore hanté par son ancien lien aux duos dansés, le rondeau reste porteur d’une dimension rythmique. Elle se matérialise visuellement sur la page par l’articulation du bref – le cadre net de chaque poème – et du long – les vingt-quatre pièces qui sont, selon la table des matières, la « deduction » d’un même discours édifiant33. Cette alternance du coupé et du développé permet de dynamiser le livre de conduite et de le rendre plus aisé à lire et à mémoriser. Mais quelle est précisément la voix qui porte ce discours et à quel public s’adresse le Doctrinal des princesses et nobles dames ?
Pièces plurielles pour voix seule
Pour comprendre en contexte les choix énonciatifs de Jean Marot, il n’est pas inutile de reprendre brièvement la comparaison du Doctrinal et du Livre des trois vertus dont il s’inspire en partie34.
34Consciente de la pression prescriptive que le genre du doctrinal des dames impose à ses cibles, Christine de Pizan a fait le choix de médiatiser sa prose pédagogique en la faisant prendre en charge par des voix collectives. C’est le « deschant » incanté par les sages souveraines qui est supposé attirer les récalcitrantes dans la cage dorée du Livre des trois vertus. Pour aller au cœur de chacune, la parole de doctrine doit, selon Christine, surgir du chœur de toutes35, les femmes de toute condition étant invitées à se laisser gagner par l’exemple des dames d’honneur et à se fondre dans la communauté des « citoyennes de vertu ». L’auteure vise de ce fait à une transmission horizontale et polyphonique de son projet didactique, bien éloignée de la communication autoritaire que mettent en œuvre les miroirs des femmes lui servant de modèles36.
Le choix christinien est concrétisé stylistiquement par une délégation de la parole magistrale à des personnages fictionnels. Les trois Vertus confient d’abord à l’écrivaine le soin de délivrer leurs « commandements » spirituels aux dames de manière à ce que celles-ci les comprennent et les mettent en pratique : craindre Dieu, se défier de l’orgueil, pratiquer la charité. Puis c’est Prudence qui prend chair pour guider de ses conseils l’existence sociale des princesses. Afin de toucher le groupe des jeunes filles de haut rang auquel appartient Marguerite de Bourgogne, le discours est enfin confié à une gouvernante fictive, Sebile de la Tour, qui adresse par lettre à une ancienne élève tentée par les aventures amoureuses une admonestation dont le caractère affectueux ne diminue pas la sévérité37. Tous ces personnages sont autant de figures-écrans où l’auteure et ses destinataires peuvent d’une manière ou d’une autre se projeter. En outre, l’implication émotionnelle des lectrices est favorisée par la mise en avant de l’expérience intime d’une auteure qui s’adresse à « toute l’université 35des femmes38 » et par l’exclusion d’éventuels destinataires masculins de la conversation que Christine entend mener avec elles au fil du livre39.
Cette stratégie de communication est connue de Jean Marot. Non seulement ce dernier a pu en prendre connaissance dans le Livre des trois vertus, dont plusieurs exemplaires circulaient à la cour des reines de France, mais il en a lui-même expérimenté certains éléments dans la Vraye disant Advocate des dames. La parole du poète, cachée sous un modeste anonymat dans le prologue de ce texte, s’y confond peu à peu avec la voix de l’avocate, dont l’identité est laissée subtilement indécise40. Après des rondeaux et équivoques contre les écrivains misogynes, la louange mariale d’un chant royal vient suspendre puis relancer le discours de blâme avant que l’éloge ne fasse retour dans une ballade dédiée à la « royne d’honneur, exemplaire des bonnes », Anne de Bretagne41. L’avocate est-elle une personnification de l’honneur féminin, la Vierge, la reine elle-même ? La polyphonie énonciative autorise ces diverses identifications. Marot ne réserve d’ailleurs pas la prise en charge d’un discours au féminin à ses textes engagés dans la querelle des femmes. Celui-ci transparaît aussi dans les cinquante rondeaux concluant le Recueil, qui font résonner tour à tour des plaintes d’amants, des rires d’amoureuses, des plaisanteries de clerc, des accents de satiriste42.
Dans le Doctrinal, au contraire, l’énonciation est monologique et masculine. Seule la voix normative de l’éducateur se fait entendre, colorée d’éloge ou de blâme selon les vertus ou les vices décrits. La communication entre le poète et ses destinataires est verticale, fait justifié par le dessein didactique de l’œuvre et par l’adresse à des femmes. Les rondeaux ont des cibles précises, les dames de cour, mais leurs identités sont plurielles, 36comme en témoigne la variation des pronoms utilisés pour les désigner43. Le nombre des destinataires va s’élargissant, les admonestations étant d’abord adressées aux personnes de sang royal (rondeaux iii, iv, vi, vii, xii, etc.), puis aux « dames d’honneur » (rondeaux xi, xiii, xv, xviii, xix, etc.). L’organisation du Doctrinal obéit classiquement à la hiérarchie curiale44 ; mais parce que la cour est supposée être un « miroir » exemplaire (r. xiv) pour l’ensemble de la société, le précepteur des princesses et nobles dames peut prétendre parler à toutes les femmes soucieuses de leur vertu, ce qui renforce le poids de son autorité.
Parler à toutes, est-ce parler à tous ? Les potentialités interprétatives de la montée en généralité opérée par Marot sont illustrées par l’unique manuscrit qui nous a conservé in extenso le Doctrinal. Le recueil de Paris, BnF, fr. 19184, anthologie poétique composée par le Rouennais Jean Le Hucher dans la deuxième moitié du xvie siècle45, rassemble de très nombreux rondeaux, huitains et ballades d’écrivains ayant en général fréquenté le Puy de la Conception, comme cela a été le cas des Marot. Le Doctrinal y est démembré et réorganisé au fil d’un abécédaire spirituel orné de dessins des lettres de l’alphabet. Autour de la lettre A gravitent ainsi certains de ses rondeaux exaltant la piété des princesses, renforcés de poèmes anonymes sur l’amour de Dieu, de l’Église et de la paix46. Sous la lettre M, quelques vers de méditation sur la mort rayonnent autour du rondeau ii, « De Prudence47 », tandis qu’à la lettre O s’articulent des 37louanges du Christ, soutien des hommes, et le rondeau v, « D’amytié48 ». Dénouant le tissage thématique des rondeaux du Doctrinal tout en conservant la dynamique de leurs vingt-quatre sections, Jean Le Hucher invite à relire le discours didactique originellement adressé aux dames dans la perspective de la culture pénitentielle. Les préceptes sur la bonne conduite à la cour deviennent le pivot de méditations générales sur l’existence humaine, empreintes de la spiritualité dévotionnelle caractéristique des milieux urbains. Cette interprétation est autorisée par la relation littéraire particulière qu’induit le doctrinal au féminin : un auteur posant en éducateur face à des destinataires qu’il doit guider vers la vertu par la force du rythme poétique ; une réception genrée et socialement située mais potentiellement miroir de l’humanité toute entière.
Conclusion
D’un recueil l’autre, la circulation du Doctrinal des princesses et nobles dames invite à réexaminer en conclusion l’auctorialité construite par Jean Marot dans le texte inaugural de l’imprimé de 1533. Au fil des rondeaux se dessinent, comme on l’a vu, des figures d’auteur qui peuvent au premier abord paraître hétérogènes : celle de l’écrivain de cour, celle du pédagogue aux accents de prêcheur, celle enfin du porteur d’un discours sur le féminin susceptible de toucher l’ensemble des lecteurs. En réalité, la synthèse de ces postures est permise par le genre alors très prisé du doctrinal des dames, une forme d’écriture qui est à la fois normative et poétique, spirituelle et mondaine. Le texte lui-même précise dans le rondeau vii le prestigieux statut qu’il offre à son auteur :
En sa maison doit la Princesse avoir
Gens bien lectrez. Car ainsi qu’on peult veoir
Que l’arbre et fruict le verger embellist,
L’homme savant sa demeure ennoblist
Par la doctrine yssant de son sçavoir49.
38Difficile de ne pas reconnaître parmi ces « bien lectrez » qui font la gloire des maisons royales Marot le père tel qu’en lui-même le Doctrinal le change. Dans cette œuvre, Jean s’affirme en savant moraliste50, en poète expérimenté, en vertueux familier des princes et des princesses. En un mot, il incarne un modèle d’écrivain qu’en 1533, son fils Clément entend à la fois renforcer et dépasser, à la manière d’un seuil que l’on marque avant de le franchir.
Estelle Doudet
Universités de Lausanne
et Grenoble Alpes
Institut universitaire de France
1 G. Berthon, L’Intention du poète. Clément Marot « autheur », Paris, Classiques Garnier, 2014, ici p. 403-410.
2 C. J. Brown a relevé une tension analogue dans le Voyage de Gênes de Jean Marot, The Queen’s Library, Image-Making at the Court of Anne of Brittany, 1477-1514, Philadelphie-Oxford, University of Pennsylvania Press, 2011, p. 81-107.
3 Le Recueil Jehan Marot, page de titre, dans J. Marot, Les deux Recueils, éd. G. Defaux et T. Mantovani, Genève, Droz, 1999, p. 1 [désormais Recueil].
4 Parmi les études exhaustives, voir G. Trisolini, Le Lexique de Jehan Marot dans Le Doctrinal des Princesses et nobles dames, Ravenne, Longo Editore, 1978 (relevé lexical).
5 Ces deux modèles sont explicitement cités par Jean Marot : « ainsi le dit feu Maistre Jehan de Meun » dans le Doctrinal, rondeau xiii, Recueil, p. 12, v. 4 et « car Meung nous dit que peu en a esté/ qui a ces deux [beauté et chasteté] », rondeau xxi, p. 17, v. 14-15 ; « de Christine la grand sagesse » dans la Vraye disant Advocate des dames, Recueil, p. 110, v. 468.
6 Trisolini, Lexique, p. 15 ; Recueil, p. 265.
7 « Mais l’aure[z] en admiration d’avoir tant bien escript sans sçavoir aucunes lettres ne Grecques ne Latines », « Aux lecteurs », Recueil, p. 3.
8 Ibid.
9 Berthon, L’Intention, p. 408-410.
10 L’évolution thématique du Recueil, qui montre d’abord Jean dans l’attitude du pédagogue avant d’offrir les jeux d’esprit du courtisan, offre un écho inversé à l’organisation des sujets usuelle dans les recueils de poésies françaises aux xive et xve siècles. De Machaut à Charles d’Orléans, ces derniers ont plutôt privilégié un parcours de vie imaginaire allant de l’inspiration joyeuse de la jeunesse à la réflexion moraliste de l’âge mûr.
11 Paris, BnF, fr. 1180. Cette datation rejoint globalement les hypothèses de G. Trisolini et de la critique antérieure (Lexique, p. 7 et 11). Elle s’éloigne des propositions de G. Defaux et T. Mantovani, qui privilégient la date des fiançailles de Claude en 1506, tout en envisageant la possibilité d’une composition vers 1512-1514 (Recueil, p. 260-262).
12 Inaugurée par l’ouvrage d’A. Hentsch (De la littérature didactique du Moyen Âge s’adressant spécialement aux femmes, 1903, Slatkine reprints, 1975), la bibliographie consacrée à la prolifération des livres de conduite aux xve et xvie siècles s’est considérablement développée, en particulier pour les traités sur les femmes ; voir entre autres Medieval conduct, éd. K. Ashley et R. Clark, Minneapolis/London, University of Minnesota Press, 2001, introduction p. ix-xxii, ou pour un panorama du xvi e siècle, C. Martin Ulrich, La persona de la princesse au xvie siècle, Paris, Champion, 2004. Il faut rappeler que la production française de manuels pédagogiques à l’usage des dames a été très abondante entre 1490 et 1530, qu’elle soit issue des familles régnantes (Enseignements d’Anne de Bourbon à sa fille) ou composée pour de prestigieuses mécènes (Christine de Pizan, Le Livre des trois vertus, Symphorien Champier, La Nef des dames vertueuses, etc.).
13 Sur la dimension didactique de ce texte, M. Szkilnik, « Mentoring Noble Ladies : Antoine Dufour’s Vies des femmes celebres », The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne, éd. C. J. Brown, Cambridge, D. S. Brewer, 2010, p. 66-80.
14 Le Doctrinal du temps present de Pierre Michault (1466) renvoie explicitement à la source du titre, le Doctrinale puerorum d’Alexandre de Villedieu, traité pédagogique du xiiie siècle. L’imprimerie vernaculaire s’est vite emparée du doctrinal au féminin : Le Doctrinal des filles à marier (v. 1488), Le Doctrinal des filles (v. 1490), Le Doctrinal des nouvelles mariees (v. 1490), etc. La valorisation du Doctrinal dans le Recueil de 1533 est aussi à situer dans le contexte de ce marché florissant.
15 Tresor de la Cité des dames, Vienne, Österreichische National Bibliothek, Ink.3.D.19 ; prologue à la reine Anne édité par C. C. Willard et É. Hicks dans Christine de Pizan, Le Livre des trois vertus, Paris, Champion, 1989, p. 1, et par M. B. Winn, Anthoine Vérard, Parisian Publisher, 1485-1512, Genève, Droz, 1997, p. 362. Pour une étude du terme « doctrine », voir L. J. Walters, « Anthoine Vérard’s Reframing of Christine de Pizan’s Doctrine for Anne de Bretagne », The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne, p. 47-63.
16 Le Roman de la rose, éd. A. Strubel, Paris, Le Livre de poche, 1992, p. 568-570, v. 10640-10658.
17 Le Livre des trois vertus, p. 3.
18 « Or sus ! sus ! baille ça ta main ! Drece toy ! Plus ne soies accropie en la pouldriere de recreandise. Entens noz sermons et tu feras bonne œuvre » disent Raison, Droiture et Justice à la rédactrice du Livre de trois vertus, p. 8. L’ouvrage est effectivement nourri de sources homilétiques comme le Manipulus Florum.
19 « D’avoir le pris en science et doctrine,/ Bien merita de Pisan la Christine », C. Marot, Œuvres complètes, éd. F. Rigolot, Paris, Flammarion, 2007, 2 vols, t. I, p. 140, v. 1-2. Eustache Deschamps avait déjà souligné le rôle joué par Christine dans l’inflexion religieuse donné au terme : « En sens acquis et en toute dotrine/ Tu as de Dieu scïence et non d’autruy », Eustache Deschamps, Anthologie, éd. C. Dauphant, Paris, Le Livre de poche, 2014, p. 168, v. 3-4.
20 Les deux Recueils, p. 96, v. 38-39. L’iconographie de Doctrine la montre portant sur sa poitrine un livre qui allégorise la manière dont l’enseignement moral et religieux s’adresse au cœur et doit s’y imprimer. C’est ainsi que la personnification est figurée dans la partie supérieure de l’image commandée par Antoine Vérard au frontispice du Tresor de la Cité des dames (Vienne, ÖNB, Ink.3.D.19, f. A1v, en ligne). La partie inférieure montre Anne de Bretagne et les dames de sa cour accueillant le livre de Christine offert par l’imprimeur.
21 Rondeau xiii du Doctrinal, p. 12 ; rondeau xxi, p. 17 ; rondeau ii, p. 5-6.
22 Rondeaux ix (« De beau maintien »), xvii (« De constance »), xxi (« D’estre chaste en estant belle »), xxiv (« De l’habit des princesses »), p. 9-10, 14-15, 17, 18-19.
23 Le Livre des trois vertus, p. 9.
24 Ibid.
25 « La forme du rondeau paraît, plus que d’autres, apte à épanouir les tendances poétiques profondes de la seconde rhétorique : amenant par un mouvement syntaxique naturel deux fois de suite la phrase à déboucher sur le refrain, elle encercle le couplet en une dissymétrie parfaitement harmonisée, tandis que l’ensemble se construit de façon spiraloïde », P. Zumthor, Le Masque et la lumière. La Poétique des Grands Rhétoriqueurs, Paris, Seuil, 1978, p. 230.
26 Incipits de rondeaux du Doctrinal, p. 5, 9, 14, 18.
27 Doctrinal, p. 6, v. 6, 12-13.
28 Ibid., v. 1-3.
29 Doctrinal, p. 7, v. 1.
30 Dans le manuscrit de Paris, BnF, fr. 19184, les rondeaux du Doctrinal sont copiés dans un ensemble de feuillets ornés de dessins à la plume des vingt-quatre lettres de l’alphabet, voir infra.
31 Doctrinal, p. 10, v. 13 et 1 ; p. 15, v. 1 et p. 17, v. 4.
32 « Toutesvoies est appelee musique ceste science naturele pour ce que les diz et chançons par eulx faiz ou livres metrifiez se lisent de bouche, et proferent par voix non pas chantable, tant que les douces paroles ainsi faictes et recordees par voix plaisent aux escoutans qui les oyent […] », L’Art de dictier, dans Eustache Deschamps, Anthologie, p. 590.
33 « Le doctrinal des Princesses et nobles Dames, faict et deduict en xxiiii rondeaux », Recueil, p. 2.
34 Marot hiérarchise les vertus des dames en suivant l’ordre devenu classique depuis Christine de Pizan : les vertus de prudence (r. ii), de charité (iii), d’humilité précèdent les conseils pratiques (« De beau maintien », r. ix ; « de l’habit des princesses », r. xxiv). Toutefois cet ordre n’est pas strict.
35 La métaphore par laquelle Christine associe le doctrinal et la cage, lieu où les lectrices-oiseaux apprennent à articuler ensemble le chant de la conduite vertueuse, est proche des réseaux d’images développés par Jean Gerson dans le Tractatus de canticis et dans le Canticordum au pelerin ; voir La Doctrine du chant du cœur, éd. I. Fabre, Genève, Droz, 2005.
36 C’est le cas du Miroir des bonnes femmes, composé vers 1300 par un frère franciscain anonyme ; voir K. Pratt, « The Context of Christine de Pizan’s Livre des trois vertus : Exploiting and Rewriting Tradition », Contexts and continuities, éd. A. J. Kennedy et alii, Glasgow, University of Glasgow Press, 2002, t. III, p. 671-684.
37 Le Livre des trois vertus, p. 109-120. Sebile de la Tour est aussi un personnage du Livre du duc des vrais amants, œuvre de Christine composée vers 1403.
38 Le Livre des trois vertus, p. 225. Sur le rôle de l’expérience partagée comme forme de persuasion dans ce texte, voir A. Tarnowski, « Autobiography and advice in Le Livre des trois vertus », Une femme de lettres, études autour de Christine de Pizan, éd. L. Dulac et B. Ribémont, Orléans, Paradigme, 1995, p. 151-159.
39 « Si respondons a ycelles [les lectrices qui s’interrogent sur l’absence de destinataires masculins] que nostre doctrine en ceste presente œuvre ne s’adrece pas aux hommes, quoy que il fust besoin a tout plein que bien fussent endoctrynez », Le Livre des trois vertus, p. 54.
40 Sur l’assimilation progressive de l’Avocate et du poète Marot, Brown, The Queen’s Library, p. 167-180.
41 J. Marot, La Vraye disant Advocate, Les deux Recueils, prologue p. 93-95, rondeaux et équivoques p. 97-101, chant royal p. 103-106, éloge de Christine de Pizan p. 110, ballade à la « perangonne des dames » contenant en acrostiche le nom d’Anne de Bretagne p. 118.
42 [Cinquante] rondeaux, Recueil, p. 61-90.
43 « Car je te dy pour sentence finale » (r. iv, p. 7, v. 11) ; « Dames d’honneur, taschez donc conquerir », r. xv, p. 13, v. 6).
44 Le Livre des trois vertus consacre ses premiers livres aux princesses, et les suivants aux nobles de moindre rang, incluant ensuite les plus modestes des conditions féminines, servantes et prostituées ; voir M.-T. Lorcin, « Le Livre des trois vertus et le sermo ad status », Une femme de lettres au Moyen Âge, p. 139-150.
45 Jean Le Hucher était le copiste des œuvres poétiques du Puy de la Conception et le compositeur d’une des plus importantes anthologies théâtrales françaises, le Recueil de Rouen. Le ms. de Paris, BnF, fr. 19184 a été décrit par D. Hüe, La Poésie palinodique à Rouen (1486-1530), Paris, Champion, 2002, p. 478-485 ; l’étude de la carrière de Le Hucher fait actuellement l’objet d’une recherche de Mario Longtin, que je remercie de ses précieuses indications.
46 Paris, BnF, fr. 19184, fol. 192r-193v ; il s’agit des rondeaux xiv, xv, xvi, xvii du Doctrinal. Ils dessinent un portrait pieux, constant et sage de la princesse, que l’orientation mariale des autres poèmes permet d’assimiler à la Vierge. Parmi les pièces liées aux rondeaux de Jean, on trouve « Paix engendre Prosperité », quelques vers cités par Clément dans son Epistre en prose touchant l’Armee du Roy en Haynault. Plusieurs poèmes de Clément figurent ensuite dans l’abécédaire.
47 Composition justifiée par les v. 6-7 du rondeau qui développent le thème pénitentiel de mundus, caro et demonia : « Qui par Prudence encontre la chair luyte/ et qui le monde et le diable despite », Doctrinal, p. 5.
48 « Au grant besoing veoit on qui amy est », Doctrinal, p. 7, v. 1.
49 Doctrinal, p. 8, v. 1-5, je souligne.
50 L’éloge de l’homme de « sçavoir » dans ce rondeau n’est pas contradictoire avec le portrait d’un auteur ignorant des « lettres Grecques ne Latines » que peint l’avis aux lecteurs du Recueil (p. 3). Jean Marot incarne ici la figure conventionnelle de l’écrivain moraliste, laissant Clément libre de revendiquer pour lui-même les qualités, tout aussi conventionnelles, du poète renaissant.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-11263-1
- EAN: 9782406112631
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-11263-1.p.0023
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-04-2021
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: poetry, French court, female readers, education, Christine de Pizan