Anne of Britanny’s “Loyal Heart” in the Voyage de Venise by Jean Marot
- Publication type: Journal article
- Journal: Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2020 – 2, n° 40. varia - Author: Provini (Sandra)
- Pages: 39 to 58
- Journal: Journal of Medieval and Humanistic Studies
Le « cueur loyal » d’Anne de Bretagne
dans Le Voyage de Venise de Jean Marot
Anne de Bretagne, qui « oultre chapeau ducal,/ De France eust la couronne et le tiltre royal », comme l’écrit Jean Marot dans son épitaphe1, a connu un destin exceptionnel : duchesse de Bretagne, « deux foys divinement sacrée2 » reine de France lors de ses mariages successifs avec Charles viii (1491-1498) et Louis xii (1499-1514), elle a exercé un réel pouvoir politique, qui est allé croissant de son premier à son second règne, tant dans son duché que dans le royaume de France, ayant acquis lors de son mariage avec Louis xii une autonomie et une autorité plus grandes que lors de sa précédente union3. Le Voyage de Venise de Jean Marot, long poème historiographique qui relate la victoire française d’Agnadel le 14 mai 1509 sur l’armée vénitienne, accorde à la reine, pourtant restée en France, une place inédite dans le récit des événements qui se sont déroulés sur le sol italien. Dans une période où, tout en préservant sa souveraineté sur la Bretagne, Anne de Bretagne cherche à définir son autorité de reine de France par son rôle de soutien du roi et d’intercesseur entre celui-ci et ses sujets4, et où Claude de Seyssel développe une philosophie politique dans laquelle l’amour est la seule 40raison pour laquelle le roi accepte la régulation de son pouvoir absolu, le rôle de la reine étant précisément d’orienter l’amour du roi vers son royaume5, Jean Marot place au premier plan du portrait qu’il brosse de la reine dans Le Voyage de Venise la fidélité conjugale6 et l’amour exemplaire qui l’unit à Louis xii.
Pour mesurer la spécificité de cette représentation d’Anne de Bretagne et en comprendre les enjeux, il semble nécessaire de réinscrire Le Voyage de Venise dans la salve de poèmes historiographiques français et néo-latins qui accordent, dans les années 1509-1512, une place croissante à la reine – quasi absente des textes consacrés aux premières guerres d’Italie, de la conquête de Naples par Charles viii à la victoire remportée sur Gênes par Louis xii –, qu’il s’agisse des pièces réunies dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg, élaboré entre 1509 et 15127, ou de la série de poèmes sur L’Incendie de La Cordelière qui lui sont dédiés par Germain de Brie, Humbert de Montmoret et Pierre Choque après le naufrage de sa nef La Cordelière lors d’un combat naval contre la flotte anglaise en 15128.
41La place modeste d’Anne de Bretagne
du Voyage de Naples au Voyage de Gênes
Dans Le Voyage de Naples, composé après la conquête du royaume de Naples par Charles viii en 1494-1495, André de La Vigne avait certes évoqué la reine à plusieurs reprises, mais toujours succinctement9. Si Anne de Bretagne participe au voyage du roi jusqu’à Grenoble, le poète consacre un vers seulement à la séparation du couple royal, sans y introduire aucune dimension personnelle ou affective : « Prenant congié de la royne et ses gens » (v. 946). De même, les retrouvailles des époux à Lyon n’ont rien d’intime : « Auquel lieu l’attendoyent la royne, Madame de Bourbon et plusieurs autres grans dames, desquelles il fut recueilly en joye et liesse moult singulierement » (II, [576]). Anne de Bretagne est seulement caractérisée par sa noblesse et son statut, et reçoit le même traitement que la sœur du roi, Anne de Bourbon, ou le lieutenant général du royaume, Pierre de Bourbon. Ainsi, Charles viii envoie des fromages italiens « devers la royne et monsieur de Bourbon » à Moulins (v. 2374-2376), comme aux deux premiers personnages du royaume. Aucune allusion n’est faite à l’union des époux royaux ni à leur « amour ». Au contraire, La Vigne demande au roi de délaisser Vénus pour Mars dans une ballade (v. 921-922) suivie d’un rondeau :
Laissez Venus cropir a la fenestre,
Et pour voz yeulx d’autre gibier repaistre,
Puisqu’a tant vient tant par mons que par plains,
Marchez avant, roy qui portez le ceptre. (v. 932-935)
On retrouve une opposition comparable entre l’amour et la gloire militaire dans le De Neapolitana Fornoviensique victoria composé par Fausto Andrelini sur les mêmes événements. Charles viii refuse de se laisser retenir par son épouse :
Stat, fateor, coniunx imis infixa medullis,
Legitimi ceu vincla iubent socialia lecti.
Non tamen illa meo potis est obsistere coepto.
42Uxor habenda fuit, non ut saturata libido,
Sed proles generata foret nidoque loquaci
Gaudeat innumeros semenque extendat in annos
Fecundus gentile pater. Quem femina mollis
Fregerit, aeterno nunquam memorabile saeclo
Aggredietur opus.
« Mon épouse, je l’avoue, reste gravée au fond de mon cœur,
Comme l’ordonnent les liens étroits d’un lit légitime.
Cependant elle ne peut s’opposer à mon projet.
Une épouse ne doit pas être prise pour assouvir un désir
Mais pour engendrer des enfants et pour que dans le nid plein de gazouillis
Le père fécond se réjouisse et accroisse pendant des années innombrables
Sa noble descendance. Celui que sa tendre femme
Aura fléchi n’entreprendra jamais une œuvre mémorable pour l’éternité10. »
Ces vers sont les seuls du De Neapolitana Fornoviensique victoria qui évoquent la reine : l’amour conjugal qui unit Anne de Bretagne et Charles viii est certes mentionné, mais il est seulement défini comme un lien social (« Legitimi ceu vincla iubent socialia lecti »), ayant pour but la procréation.
Si les historiens ont relevé que c’est seulement sous le règne de Louis xii que les sentiments sincères et réciproques des époux royaux se trouvent mis en scène dans la production des historiographes et poètes de la cour, les textes composés sur la victoire contre Gênes au printemps 1507 ne font toutefois encore aucune allusion à la reine, qu’il s’agisse des longs poèmes néo-latins composés par Valerand de La Varanne et Fausto Andrelini, pourtant poeta regineus11, ou même du Voyage de Gênes de Jean Marot. Cynthia Brown perçoit d’ailleurs une ambiguïté dans ce dernier texte dont Anne de Bretagne est la dédicataire : le prosimètre établit en effet un parallèle implicite entre la cité vaincue personnifiée et la reine de France, qui a dû épouser son vainqueur après la défaite de la Bretagne en 1491 et qui, de surcroît, vient de connaître en 1506 une défaite politique majeure lors des fiançailles officielles de sa fille Claude avec François de Valois, à l’issue des États généraux de Tours, qui mettent fin à son projet de mariage de celle-ci 43avec le futur Charles Quint en vue de sauvegarder l’indépendance de la Bretagne. Dans les deux cas, selon Cynthia Brown, « une souveraine est détrônée et se soumet à son vainqueur, avec pour conséquence l’union des deux territoires souverains12 », et Le Voyage de Gênes constituerait ainsi « un récit de l’assimilation culturelle et politique problématique des femmes nobles, en particulier des reines étrangères, dans la France de la fin du xve et du début du xvie siècles13 ». Cependant, si le texte du Voyage de Gênes n’accorde bien aucun rôle à Anne de Bretagne dans la campagne militaire, la victoire et la pacification de la cité italienne, K. Michelle Hearne a montré que les miniatures qui l’accompagnent dans le manuscrit de la Bibliothèque nationale, fr. 5091, commandé par la reine, mettent en valeur le rôle d’intercession qu’elle entend jouer auprès de son époux, comme avocate de la paix, et les améliorations qu’elle apporte à la politique de Louis xii, dont elle aurait guidé la clémence envers les Gênois14. Le cycle de miniatures constituerait ainsi un véritable outil de propagande visuelle visant à réparer l’image publique d’Anne à la cour15 : après avoir connu un échec dans ses tentatives d’autonomie politique, Anne de Bretagne tenterait ainsi de se mettre en valeur en endossant un rôle topique d’intercesseur dans le programme iconographique du manuscrit pour ré-établir son autorité politique, mais dans les limites traditionnellement assignées à une reine – l’exercice de son influence sur son époux en faveur de la paix16.
44L’épouse aimante du roi
Dans Le Voyage de Venise, Anne de Bretagne, pourtant restée en France, occupe donc une place jusqu’alors inédite dans la chronique des événements qui se déroulent sur le sol italien, et joue sans ambiguïté un rôle éminent. Jean Marot accorde en effet, au cœur du récit de la campagne militaire, une large place aux sentiments de la reine, à ses inquiétudes au moment du départ du roi ou à sa joie à l’annonce de la victoire. Le récit de la campagne de Louis xii contre Venise est entrecoupé d’intermèdes amoureux qui forment un contrepoint au récit guerrier, Marot entrelaçant différents fils narratifs pour raconter en parallèle les actions de Louis xii en Italie et celles d’Anne de Bretagne en France.
La séparation des époux donne ainsi lieu à des vers particulièrement soignés, à l’issue d’un long développement sur la « destresse de la reine » (v. 738-763), dans ce treizain construit autour d’une dérivation sur la racine part, qui compte plusieurs rimes équivoquées, ornements rares dans Le Voyage de Venise :
Or est le Roy de Lyon departy.
La Royne adonc ne luy fault departy,
Ains le convoye et craint la departie,
Le cueur ayant perplex et esparty,
En disant : « Guerre, helas, ce vient par ty
Quant de mes yeulx absentes ma partye
Si de noz corps present faitz my partye,
Les cueurs loyaulx demeurent joincts à part
Dont n’est possible en faire le depart,
Car sans discord en toute part yront
Et si quant Mort, qui tous humains espart,
Vouldra des corps prendre mortelle part
Pource les cueurs ja ne despartiront. » (v. 764-776)
Jean Marot joue du polyptote pour souligner la loyauté indéfectible de la reine : la « departie » du roi ne pourra provoquer celle des « cueurs » des époux, à jamais inséparables (v. 771 et 776). Plus loin, il peint encore la douleur de la reine « au despartir » du roi dans un rondeau émouvant :
45Au despartir, ceste tres noble dame,
Doulante en cueur, navrée jusqu’à l’ame,
Cuydoit cacher ses angoisseux regretz,
Mais ses doulx yeulx ne furent tant secretz
Qu’en larmoyant de douleur ne se pasme.
Car vraye amour, qui le sien cueur enflame,
Plaignoit celluy qu’au monde plus elle ame,
Dont elle fist mille souspirs aigretz
Au despartir.
Onc Hecuba, Andromache ou Priame17
D’ennuy et peur ne gousterent tel dragme,
Voyant Hector saillir contre les Grecz,
Car ceste dame a, soubz lamentz discretz,
Trop plus souffert qu’onques ne souffrit femme
Au despartir. (v. 887-901)
Anne de Bretagne, qui ressent la douleur d’une mère (Hécube), d’une épouse (Andromaque) et d’une sœur (Cassandre ?) au départ de Louis xii, nouvel Hector, éprouve ainsi toutes les émotions ressenties par les femmes du royaume : « L’une regrete oncles, nepveux, germains, / Et l’autre plaint son mary et son frere » (v. 906-907), le rondeau étant d’autant plus aisément universalisable qu’il ne présente pas de référent précis (« ceste tres noble dame ») et peut donc s’appliquer à toutes les femmes séparées d’un homme aimé18. De même, à la fin du Voyage de Venise, les retrouvailles des époux donnent lieu à une évocation de l’amour réciproque qui les unit tout comme les autres couples du royaume :
Ainsi s’en part, sans sejourner en place
Plus hault d’un jour, desirant veoir en face
Anne, sa femme.
Mais ainsi est que la tres bonne Dame
Vint à Vigille, où, là, de corps et d’ame
Receut celluy qu’au monde plus elle ame,
Son cher espoux.
Adonc sont gros souspirs et sangloutz,
Regretz, ennuys, craintes, pleurs et courroux
Des jours passez, muez en plaisirs doulx,
46Joye et liesse.
Lors chevaliers, escuyers en humblesse
En doulx baisers vers dames font adresse.
D’en parler plus, pour le present, je cesse,
Car, à vray dire,
Le seul penser vous en peult mieulx instruire
Que mes escripz… (v. 4068-4084)
Tandis que Charles viii, au moment de partir pour Naples, refusait de se laisser retenir par son épouse, Louis hâte son départ d’Italie pour retrouver « Anne, sa femme ». De son côté, Anne rejoint « celluy qu’au monde plus elle ame », formule déjà employée dans le rondeau au moment de la séparation des époux (v. 893). Le couple royal, dont le statut n’est pas rappelé – Anne et Louis sont désignés comme « femme » et « espoux » –, apparaît comme le modèle des autres couples, ceux des chevaliers et de leurs dames, dont Marot suggère les retrouvailles « de corps et d’ame », dans un appel à l’imaginaire des destinataires qui évoque le « Caetera quis nescit ? » d’Ovide19. L’allusion, ici discrète, à l’amour charnel des époux royaux se fait plus franche dans le poème héroïque composé en latin par Antoine Forestier sur la victoire d’Agnadel, alors que le royaume de France attend toujours un héritier mâle :
Accipiat reducem te Gallia. Te tua coniux
Anna, Anna illustres clarasque heroidas inter
Adnumeranda, gravem te laude gravemque triumphis
Excipiat gravidamque tua se sentiat aura.
« Que la Gaule te reçoive à ton retour, que ton épouse
Anne, Anne qu’il faut compter parmi les illustres et célèbres
Héroïnes, t’accueille couvert de louanges et couvert de triomphes
Et qu’elle se sente fécondée par ton souffle20. »
La reine fait ici une brève apparition dans son rôle d’épouse et de procréatrice. La figure de dérivation sur gravis (« gravem », « gravidam ») suggère que la nouvelle victoire que doit accomplir Louis xii est d’offrir un héritier légitime au royaume. Cependant, si l’on compare ces vers à l’évocation de la reine dans le De Neapolitana Fornoviensique victoria de 47Fausto Andrelini, où celle-ci n’était représentée qu’en procréatrice, le rejet et la répétition du nom d’Anne, mis en valeur en début de vers, et la figuration de celle-ci en « héroïne » témoignent du statut nouveau qu’a acquis Anne de Bretagne autour de 1510.
Une « héroïde »
Tout comme Antoine Forestier, Jean Marot place la reine au rang des « illustres et claras heroidas » dans Le Voyage de Venise, où Anne de Bretagne bénéficie de nombreuses comparaisons glorifiantes avec des héroïnes antiques. Tandis que le roi, à la veille d’Agnadel, « sembloit Hercule » (v. 1249), le poète imagine la reine en Amazone s’armant pour la bataille :
Je ne croy pas si Anne de Bretaigne
Presente fust à ceste dure allee,
Qu’elle ne print, fust à perte ou à gaigne,
Armes, chevaulx, comme Panthasilee. (v. 1251-1254)
Cependant, plutôt qu’à la chaste Penthésilée, c’est surtout à des héroïnes amoureuses que Jean Marot l’associe, dans des comparaisons qui prennent la forme de la surenchère21 :
Anne Royne, des Dames la plus noble,
Ne peult parler pour sa dure detresse.
Sembloit Dido quant Eneas delaisse,
Ou Isiphile habandonnant Jazon.
Mais ceste dame a plus grant raison
D’avoir douleur plus aspre et furibonde,
Voyant celluy qui n’a comparaison
D’honneurs et biens saillir de sa maison
Pour guerroyer les plus fiers de ce monde. (v. 878-886)
Comme la douleur d’Anne au moment de la séparation dépasse celle de Didon ou d’« Isiphile », sa fidélité surpasse celle de Pénélope qui attend le retour de son époux :
48Penelope, en depriant les dieux
Pour Ulixes, ne distilla des yeulx
De larmes tant en souspirs ennuyeulx,
Comme elle a fait. (v. 1694-1697)
Le point commun entre ces héroïnes, Pénélope, Didon et « Isiphile » – dans laquelle on reconnaît Hypsipyle, reine des Lemniennes et maîtresse de Jason –, est qu’elles se sont vu toutes trois attribuer une héroïde par Ovide. La comparaison de la reine à ces héroïnes antiques délaissées par leur époux ou leur amant a pu être suggérée à Marot, surtout dans le cas de la moins célèbre Hypsipyle, par la récente traduction des Héroïdes d’Ovide procurée par Octovien de Saint-Gelais22, qui avait contribué à mettre ce genre à la mode à la cour de Louis xii23. Marot pourrait notamment avoir repris la déformation du nom d’Hypsipyle – que Saint-Gelais orthographie « Ysiphile » ou « Hysiphile » – à cette traduction. Sa connaissance des Héroïdes d’Ovide s’était d’ailleurs déjà manifestée dans La Vraye disant Advocate des Dames composé en 1506, où l’on rencontre Médée (v. 131-144) et Didon, toutes deux représentées positivement comme elles avaient pu l’être par Ovide, aux côtés d’Ariane (v. 145-146) ou encore de Sapho (v. 460-461), tandis que les Prieres de 1512 assimileront encore Anne de Bretagne à Didon (v. 496 et v. 771), autant de témoignages d’une fréquentation personnelle du texte des Héroïdes par Jean Marot. L’intérêt qu’il porte, tout au long de sa carrière poétique, aux élégies épistolaires d’Ovide est sans doute à l’origine, dans Le Voyage de Venise, du tableau pathétique de la douleur d’Anne de Bretagne, peinte sous les traits d’une héroïne ovidienne, et nourrit la mise en scène de la correspondance qu’elle entretient avec son époux :
Mais, dessus tous, ceste noble Princesse,
Royne de France,
49Voyant l’escript, qui donnoit congnoissance
De la victoire24, eut telle esjouyssance
Qu’au lieu de pleurs, dont avoit jouyssance
Par cy devant,
Va tout soulas et plaisir recevant.
[…]
Lettres, adonc, par toute France envoye,
Où doulcement à prier Dieu convoye
Grans et petitz et faire feux de joye… (v. 2634-2654)
Mais en choisissant de représenter Anne de Bretagne en « héroïde » dans Le Voyage de Venise, Jean Marot participe aussi à l’entreprise collective des poètes du cercle de la reine qui rédigent, durant les mêmes années, une correspondance fictive entre les époux royaux dans le contexte de la guerre contre Venise puis contre le pape Jules ii. Cette relation épistolaire sur le modèle de l’héroïde ovidienne a été inaugurée dans une épître latine composée par Fausto Andrelini en 150925 : la reine qui pleure son époux parti combattre en Italie s’y compare à Pénélope et à Laodamie26, s’imagine un instant le rejoindre, telle Sémiramis, sur le champ de bataille27, puis décrit sa joie à la lecture de la lettre de Louis xii qui lui annonce sa victoire sur Venise, avant d’organiser des festivités dans tout le royaume. La miniature qui illustre la traduction de cette épître par Macé de Villebresme dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg et qui montre la reine en train d’écrire tout en essuyant ses larmes, avec à ses pieds un petit chien symbole de fidélité (fol. 1v), rappelle les portraits des épistolières en pleurs peints par Robinet Testard dans un manuscrit de la traduction des Héroïdes par Saint-Gelais28. 50Quant à la réponse adressée à la reine, au nom de Louis xii, par le poète néo-latin Gian Francisco Suardo et traduite en vers français par Jean d’Auton, elle reprend le parallèle du couple royal avec le couple mythique d’Ulysse et Pénélope :
Si Penelope eut parfaicte bonté
Vers Ulixes et chaste volunté,
Sans varier continance abstinée,
Ta foy loyalle et amour obstinée,
Que as envers moy, sera lors par raison
Plus à louer et sans comparaison.
Dont plus heureux seray et par excés
En cest endroit que ne fut Ulixes29.
Si Fausto Andrelini s’est approprié dans son Epistola la forme de l’héroïde et le pathétique de la plainte de l’épouse abandonnée, il a cependant moralisé et politisé le lyrisme érotique ovidien à la manière de l’héroïde conjugale qui fleurissait alors en Italie et inauguré en France un nouveau genre d’écrit d’actualité30. La reine n’est pas seulement sous sa plume une héroïne ovidienne, mais aussi la porte-parole du peuple qui souhaite le retour du roi en France, relayant dans l’épître les inquiétudes des Français privés de leur souverain parti combattre en Italie31 :
Ne mea cum patria frustreris pectora gente
Spes propera expulsis invidiosa moris.
Pour ne pas frustrer mon cœur et le peuple de ta patrie,
Mon cher espoir, hâte-toi et chasse tout retard. (v. 175-176)
Dans le début de l’Epistola, l’absence de pronoms personnels confère à l’expression de la douleur que cause à la reine l’éloignement du roi une relative indétermination, qui permet au traducteur Macé de Villebresme d’interpréter ces vers dans le sens d’une identification de toute la France à la reine :
51Hic alta ex imo suspiria corde trahuntur
Et vigil intensi cura doloris adest.
Hic lux et multis nox irrequieta querelis
Et facies pulso macra sopore iacet.
Hic ipsa exuperans absynthia regnat amaror,
Humida et exundans lumina flumen habent. (v. 11-16)
Icy en France on fait soupirs segretz,
Pleurs doloreux et ung tas de regretz,
Doubtes de dueil, ennuyeuses pensees,
Et jours et nuytz sont sans repoux passees.
Icy voit on faces toutes pallies,
Toutes de taingct naturel defaillies,
Icy n’a cours qu’abscinte tres amere,
Herbe qui est d’amertume la mere,
Sans cesse icy sont les yeulx lermoyans
Qui de pleurer ont tres justes moyens. (v. 27-36)
Ainsi les déclarations d’amour formulées dans l’héroïde d’Anne de Bretagne n’ont-elles rien de privé : elles symbolisent les sentiments que le peuple porte (ou devrait porter) à son roi. Les quatre épîtres composées par Jean d’Auton et réunies à celles d’Andrelini dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg le confirment : elles mettent en scène des personnifications des États du royaume dont les sentiments s’expriment dans les mêmes termes que ceux de la reine. Ainsi, c’est bien une héroïde qu’Eglise Militante adresse à Louis xii sous les traits d’une Dame pleurant son bien-aimé, la dernière lettre du manuscrit faisant écho à la première et assimilant Anne de Bretagne et Eglise Militante par leur chagrin commun32 :
Ne lesse pas pourtant si l’escripture
Semble tachee, en ouyr la lecture,
Car tu veoirras au moings si la deffermes
Que les ruisseaulx et torrens de mes lermes,
Dont ma face est arrosée et moillée,
Ont mon epistre ainsi taincte et soilee,
Ce qui te doit (si tu as amytié
Aucune à moy) esmouvoir à pitié33.
Si l’amour qui unit le couple royal revêt une signification politique dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg, il en va de même dans Le Voyage 52de Venise. En effet, dans la scène épistolaire citée ci-dessus, qui n’est pas sans rappeler celle de la première Epistola d’Andrelini dans la traduction de Guillaume Cretin dont elle partage certaines rimes34, ce n’est pas à Louis qu’Anne écrit après avoir reçu sa lettre qui lui annonce la victoire, mais à tout le royaume. En diffusant les nouvelles qu’elle a reçues, la reine joue un rôle de médiatrice entre le roi et le peuple.
La reine médiatrice
Érigée en modèle d’attachement conjugal, la reine incarne également l’affection du peuple tout entier pour son roi. La relation entre les époux mise en scène dans Le Voyage de Venise fournit même un modèle pour la relation entre le roi et le peuple, fondée sur un amour réciproque. Nicole Hochner a souligné le rôle central que joue la reine dans la réalisation de « l’idylle » du roi et de ses sujets : elle participe à renforcer les images de concorde et d’amour qui sont au cœur de la symbolique du « père du peuple35 ». Dans Le Voyage de Venise, poème héroïque au sujet pourtant guerrier, le mot « amour » revient en effet fréquemment : si le roi manifeste son amour pour ses sujets français et italiens par sa largesse et sa clémence, qui appellent en retour l’amour du peuple envers lui, c’est la relation que Louis xii entretient avec son épouse qui fournit le meilleur symbole de cet amour réciproque et fidèle qui permet la cohésion du royaume de France et peut seul garantir la paix dans les cités italiennes, car « Les roys ne sont sires de leur pays/ Quand de leurs serfz et subjectz sont hays36 ». Ainsi, au moment de son départ pour la guerre, le roi manifeste son amour en épargnant les taxes à ses sujets, tandis que l’amour du peuple envers lui s’exprime par des larmes qui rappellent celles qu’a versées la reine, avec la reprise en écho de la dérivation sur le mot part dans le treizain cité plus haut (v. 764-776) :
53Sachant que l’estandart
De leur bon Roy tyroit devers la part
Des Italles, adonq leur cueur se part
En pleurs et plains. (v. 969-972)
Tout comme dans l’épître de Fausto Andrelini, la reine et le peuple partagent un même chagrin et une même joie au point que la reine incarne et donne voix aux émotions des sujets du royaume de France, s’en fait littéralement l’« avocate », s’affirmant comme une intermédiaire entre le peuple et le roi37.
Ce rôle de médiation et d’intercession de la reine se retrouve, sur un plan supérieur, entre le royaume et Dieu. Dans Le Voyage de Venise, c’est en effet la « Royne tres chrestienne » dont l’esprit « jamais ne se tenne/ De prier Dieu pour cil qui tant desire » (v. 937 et 940-941) qui intercède auprès de Dieu en faveur du roi. Alors que les Français s’apprêtent à combattre sur le champ de bataille d’Agnadel, le poète interrompt son récit pour montrer la reine en « oraison » :
Las, non sans cause, eust ceste Dame peur,
Veu qu’en tel sort le plus fort n’est asseur ;
A Dieu gist tout, car force ne faveur
Vers luy ne peult.
Seulle oraison est le don qu’il recueult
Pour donner l’heur où il luy plaist et veult,
Et la bonté du demandant l’esmeut,
Faire tel grace.
Parquoy ne fut heure, jour ny espace
Que vers le Ciel ne levast cueur et face,
Priant Jesus que ce hault bien luy face
Donner victoire
A son espoux, des Françoys l’heur et gloire.
Apres s’en va en temple et oratoire
Dire oraisons, faire maint riche offertoire
En plusieurs lieux. (v. 1678-1693)
Non seulement Anne de Bretagne demande la victoire dans ses prières, mais elle attise la ferveur populaire et organise des processions dans lesquelles se manifeste la communauté entre la reine et le peuple tout entier, « nobles et mecanicques, / Femmes, enfans et tous bons catholicques » (v. 1714-1715) :
54Voyla comment toutes gens deprierent
Avec la Royne, à laquelle donnerent
Joye et solas et moult la conforterent. (v. 1722-1724)
Jean Marot confère ici à la reine un rôle qui appartient traditionnellement à l’ordre ecclésiastique. Cette attribution des prérogatives des clercs à la reine ne lui est pas propre mais s’inscrit dans le conflit qui oppose le roi très chrétien au pape à cette période38. Comme l’ont relevé Jonathan Dumont et Alain Marchandisse dans leur étude du manuscrit de Saint-Pétersbourg, Fausto Andrelini se concentre de même dans l’Epistola sur la piété de la reine et du peuple, nécessaire pour que Dieu offre la victoire au roi, les ecclésiastiques n’ayant plus le monopole du colloque avec le divin : « récupérée par le pouvoir monarchique – ici, la reine – la prière devient un instrument qui permet de lier davantage le peuple et ses souverains, de les rassembler autour d’une cause commune39 ». Dans les Prieres de 1512, en pleine crise gallicane, Jean Marot ira même jusqu’à faire de la « Royne deux foys divinement sacrée » le chef de l’Église et le seul espoir de « paix en region terrestre » tant que le pape se montrera indigne du trône de saint Pierre40. En montrant la reine en « oraison » dans Le Voyage de Venise, après avoir souligné dans un énoncé gnomique inspiré des Psaumes, « A Dieu gist tout » (v. 1680), que seule la prière peut incliner Dieu à accorder la victoire, Marot fait en outre de sa maîtresse un acteur-clé des événements et lui attribue un rôle décisif dans l’issue de la bataille d’Agnadel, regrettant par conséquent que la reine n’ait pas pris part à Milan aux cérémonies du triomphe aux côtés du roi :
Que pleust à Dieu que Anne tres chrestienne
Là eust esté
Pour avoir part à la solemnité
Des haulx honneurs et grant dignité
Que son espoux en toute humanité
Receut alors. (v. 3982-3987)
55Anne, « souveraine duchesse » de Bretagne
C’est cependant toujours comme épouse de Louis xii et reine de France qu’Anne de Bretagne joue un rôle éminent dans Le Voyage de Venise. Le poème de Jean Marot contraste ainsi significativement avec les poèmes héroïques néo-latins composés sur la bataille navale qui mit aux prises La Cordelière et la flotte anglaise venue attaquer la Bretagne en août 1512, dans lesquels elle se trouve mise en scène comme souveraine et même cheffe de guerre. Germain de Brie et Humbert de Montmoret y représentent en effet, dans ces circonstances propices, Anne de Bretagne non plus seulement comme épouse du roi de France, mais surtout comme duchesse de Bretagne lorsqu’elle envoie pour la défense des côtes bretonnes son propre navire, La Cordelière, sous le commandement du capitaine Hervé de Porzmoguer :
Herveus cui provida classis
Anna uni Regina suae moderamen et omne
Imperium dederat.
« Hervé à qui, entre tous, la sage
Reine Anne avait confié la direction de sa flotte et toute
Autorité41. »
Anne de Bretagne semble exercer pleinement le commandement militaire durant cette campagne, tant dans le texte de Brie (« imperium dederat ») que dans sa traduction par Pierre Choque (« Par le command et voulloir magnagnime/ De ta femme duchesse et royne digne42 »), alors que son rôle militaire lors de la guerre contre Venise n’avait été que fantasmé par Fausto Andrelini, qui l’avait peinte sous les traits de Sémiramis, et brièvement par Jean Marot, sous ceux de l’Amazone Penthésilée, même si ce dernier reconnaîtra à la reine une force « virile » dans son épitaphe : « C’estoit un cueur viril assiz en corps de dame » 56(v. 21). Anne de Bretagne est désignée dans les poèmes sur le combat de La Cordelière comme une « souveraine duchesse43 » à l’action politique autonome, au point d’apparaître autant comme l’alliée du roi de France que comme son épouse dans le contexte des guerres d’Italie où les auteurs réinscrivent la bataille navale44. Pierre Choque donne ainsi toujours à Anne de Bretagne son titre de duchesse à côté de son titre de reine, comme dans cette répétition sous forme de chiasme de son double statut :
Anne, Royne et souueraine de notre region,
La duchesse, femme du Roy de France. (v. 276-277)
Si dans ces poèmes, l’amour reste une thématique centrale dans le traitement de la figure d’Anne de Bretagne, il ne s’agit plus seulement comme chez Jean Marot de l’amour qui l’unit au roi et offre une image idéale de la relation entre Louis xii et son peuple, mais de l’amour qui unit directement la duchesse à ses sujets, toujours présentés comme des « Bretons », tandis que la figure du roi de France passe au second plan. Germain de Brie, tout comme Humbert de Montmoret45, montre ainsi les combattants mus par l’amour de leur souveraine – c’est son règne qui est assimilé à un « âge d’or », sans que le roi soit évoqué – et prêts à mourir pour la gloire de celle-ci :
Et quae vos meritis omnes (ut caetera desint)
Una movere suis debet, qua principe laetos
Aurea felices per saecula ducitis annos,
Anna animos saltem vestros et pectora tangat,
Anna suam in vestra quae spem virtute locavit.
« Et que celle qui, si les autres ne le peuvent, doit vous
Émouvoir tous par ses mérites, cette femme unique sous le règne de laquelle
Vous vivez, chanceux, des années joyeuses pendant un âge d’or,
Qu’Anne du moins touche vos âmes et vos cœurs,
Anne qui a placé son espoir dans votre courage. » (v. 82-86)
57Conclusion
Au terme de cette rapide lecture des poèmes historiographiques composés sous les deux règnes d’Anne de Bretagne, on peut mesurer la spécificité du portrait que Jean Marot élabore de la reine dans Le Voyage de Venise. Celui-ci reflète tout d’abord le renforcement de l’autorité politique d’Anne de Bretagne du règne de Charles viii à celui de Louis xii : la place et le rôle qui lui sont attribués dans Le Voyage de Venise contrastent en effet fortement avec Le Voyage de Naples composé à l’issue de la première guerre d’Italie. L’ouvrage de Jean Marot s’inscrit dans le concert de poèmes qui font d’Anne une héroïne à l’image des épistolières ovidiennes, orchestré dans les années 1509-1512 par les poètes vernaculaires et néo-latins du cercle de la reine. Le portrait qu’il propose de celle-ci présente en particulier de nombreux points de convergence avec celui que brosse au même moment le poeta regineus Fausto Andrelini dans son héroïde latine. Leur commune représentation de la reine comme épouse aimante et pieuse prend un sens politique : l’amour de la reine pour le roi constitue à la fois une garantie de l’unité du royaume et un modèle pour l’attachement des sujets à leur souverain, tandis que sa piété renforce la position gallicane que défend le roi de France alors en conflit avec le pape. De sa double identité d’épouse du roi de France et de duchesse souveraine de la Bretagne, Jean Marot ne retient cependant que la première dans Le Voyage de Venise, contrairement à des poètes comme Germain de Brie et Humbert de Montmoret qui louent l’action autonome de la duchesse de Bretagne : il donne à voir en Anne de Bretagne la partenaire indispensable de Louis xii pour assurer la cohésion et l’harmonie du royaume de France, les « cueurs loyaux » du roi et de la reine devant demeurer « joincts » à jamais46. Dans la prière qui conclut Le Voyage de Venise, à défaut de triomphe partagé par les époux, le poète décerne la gloire au couple royal indissociablement uni dans une même « Majesté » :
58Priant à Dieu le tres souverain Sire
Que heur et santé,
Joye et plaisir doint à la Majesté
Du Roy et Royne et pardon merité,
Gloire sans fin en haulte eternité.
Amen. (v. 4085-4090)
Sandra Provini
CÉRÉdI,
Université de Rouen-Normandie
1 Jean Marot, « Epitaphe de la feue royne Anne », Les deux Recueils Jehan Marot de Caen, éd. G. Defaux et Th. Mantovani, Genève, Droz, 1999, p. 226.
2 Jean Marot, Prieres sur la restauration de la sancté de Madame Anne de Bretaigne Royne de France, v. 294, dans Les deux Recueils, p. 131.
3 Le texte du contrat de mariage de 1499 par lequel Anne de Bretagne a cherché à garantir l’autonomie de son duché est cité et analysé par Michel Nassiet dans son article « Anne de Bretagne, a Woman of State », The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne. Negotiating Convention in Books and Documents, éd. C. J. Brown, Cambridge, D. S. Brewer, 2010, p. 163-174, ici p. 165. Voir aussi du même auteur « Les Traités de mariage d’Anne de Bretagne », Pour en finir avec Anne de Bretagne ?, éd. D. Le Page, Nantes, Archives départementales de Loire-Atlantique, 2004, p. 71-81.
4 Voir sur ce point D. Le Fur, Louis xii (1498-1515). Un autre César, Paris, Perrin, 2001, p. 140-144, et surtout N. Hochner, Louis xii : les dérèglements de l’image royale (1498-1515), Seyssel, Champ Vallon, 2006, « La reine, cet ‘‘autre’’ roi », p. 245-278.
5 N. Hochner, « Revisiting Anne de Bretagne’s Queenship : On Love and Bridles », The Cultural and Political Legacy of Anne de Bretagne, éd. C. Brown, p. 147-162. Voir aussi, de la même autrice, Louis xii, p. 253-258. Sur l’amour dans la pensée politique française à la fin du Moyen Âge, voir J. Krynen, Idéal du prince et pouvoir royal en France à la fin du Moyen Âge (1380-1440). Étude de la littérature politique du temps, Paris, Picard, 1981, p. 119-123 ; J. Barbier, M. Cottret, L. Scordia, « Introduction », Amour et désamour du prince du haut Moyen Âge à la Révolution française, Paris, Kimé, 2011, p. 7-13.
6 Cette fidélité est déjà en soi une « vertu politique », selon P. Eichel-Lojkine : « non seulement elle maintient le duché de Bretagne dans le domaine royal, mais elle donne une image d’harmonie à la tête de l’État et représente symboliquement l’affection réciproque du peuple et de son prince », Claude de Seyssel, Les Louenges du Roy Loys xii (1508), éd. P. Eichel-Lojkine et L. Vissière, Genève, Droz, 2009, p. 44.
7 Bibliothèque de Saint-Pétersbourg, manuscrit FR. F.V. XIV. 8. Ce manuscrit a été décrit par G. Tournoy-Thoen, « Fausto Andrelini et la cour de France », L’Humanisme français au début de la Renaissance, Paris, Vrin, 1973, p. 65-79, par J. Britnell, « L’épître héroïque à la cour de Louis xii et d’Anne de Bretagne : le manuscrit FR. F.V.XIV.8 de Saint-Pétersbourg », Analisi linguistica e letteraria, 1-2, 2000, p. 459-484 et par J. Dumont et A. Marchandisse, « Le manuscrit FR. F. V. XIV, 8 de la Bibliothèque nationale de Russie à Saint-Pétersbourg au prisme de l’analyse littéraire et historique », L’Œuvre littéraire du Moyen Âge aux yeux de l’historien et du philologue, éd. L. Evdokimova et V. Smirnova, Paris, Classiques Garnier, 2014, p. 43-63.
8 Humbert de Montmoret, Germain de Brie, Pierre Choque, L’Incendie de la Cordelière : l’écriture épique au début de la Renaissance, éd. S. Provini, La Rochelle, Rumeur des Âges, 2004.
9 André de La Vigne, Le Voyage de Naples, éd. A. Slerca, Milan, Vita e pensiero, 1981, v. 413, 481, 513, 613, 946, 1507, 2375 et II, [576].
10 Fausto Andrelini, De Neapolitana Fornoviensique victoria, Paris, G. Marchand et J. Petit, 1496, I, v. 170-178.
11 Valerand de La Varanne, Carmen de expugnatione Genuensi cum multis ad Gallicam historiam pertinentibus, Paris, N. Desprez, 1508 ; Fausto Andrelini, De regia in Genuenses victoria libri tres, Paris, J. Bade, 1509.
12 C. J. Brown, « Le mécénat d’Anne de Bretagne et la politique du livre », Patronnes et mécènes en France à la Renaissance, éd. K. Wilson-Chevalier, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2007, p. 195-224, ici p. 222. Voir aussi son analyse plus détaillée du Voyage de Gênes dans The Queen’s Library. Image-Making at the Court of Anne of Brittany, 1477-1514, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2011, p. 81-107.
13 Brown, « Le mécénat d’Anne de Bretagne », p. 223.
14 K. M. Hearne, « Le Voyage de Gênes : The Queen’s Perspective », Art et Litterature, Le voyage entre texte et image, dir. J.-L. Korzilius, Amsterdam-New York, Rodopi, 2006, p. 61-85, ici p. 62.
15 Hearne, « Le Voyage de Gênes », p. 73.
16 Hearne, « Le Voyage de Gênes », p. 85. Ce rôle « De chercher la Paix » est l’un de ceux que Jean Marot attribue aux princesses dans le Doctrinal des princesses et nobles dames (rondeau xviii).
17 « Priame » désigne sans doute une fille de Priam, Cassandre ou Polyxène, sur le modèle du latin Priameia virgo (Virgile, Énéide, II, 403 et III, 319).
18 Voir E. Delvallée, Poétiques de la filiation. Clément Marot et ses maîtres : Jean Marot, Jean Lemaire et Guillaume Cretin, thèse de doctorat, Université Grenoble Alpes, 2017, p. 325.
19 Amours, I, 5, 25.
20 Antoine Forestier, De triumphali atque insigni christianissimi invictissimique Francorum regis Ludovici duodecimi in Venetos victoria. Chilias Heroica, Paris, De Marnef, s.d. (c. 1510), v. 962-965.
21 Sur ce topos encomiastique, voir E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen Âge latin, tr. J. Bréjoux, Paris, PUF, 1956, p. 270-274.
22 Cette traduction, achevée en 1497, a été publiée en 1500 pour la première fois avec un grand succès dont témoignent ses nombreuses rééditions dans la première moitié du xvie siècle : Les xxi epistres d’Ovide translatees de latin en françoys par reverend pere en Dieu monseigneur l’evesque d’Angoulesme, Paris, M. Le Noir, 29 octobre 1500.
23 Sur le développement du genre de l’héroïde autour de 1500, outre l’article cité de Britnell, « L’épître héroïque à la cour de Louis xii », je me permets de citer mon article sur « Les étapes de la translatio d’un genre : l’héroïde politique sous le règne de Louis xii, de la première Epistola Annae Reginae de Fausto Andrelini (1509) aux ‘epistres royalles’ françaises », Langue de l’autre, langue de l’auteur, dir. A. P. Pouey-Mounou et M.-S. Masse, Genève, Droz, 2012, p. 327-345.
24 Il s’agit de la lettre de Louis xii adressée dès le 14 mai 1509 à la reine pour lui annoncer la victoire d’Agnadel.
25 Fausto Andrelini, Epistola in qua Anna gloriosissima Francorum regina exhortatur maritum potentissimum atque invictissimum ut expectatum in Galliam adventum maturet posteaquam de prostratis a se Venetis triumphavit, Paris, J. Bade, 1509. Cette épître a été traduite en français par Guillaume Cretin (Œuvres poétiques, éd. K. Chesney, Paris, 1932, p. 327-338) et par Macé de Villebresme (Epistre composee en latin par le renomme et royal poete Fauste Andrelin […]. Translatee icelle espistre en francoys par Mace de Villebresme, Bibliothèque de Saint-Pétersbourg, manuscrit FR. F.V.XIV.8.).
26 Sur l’intertexte ovidien dans cette épître, voir Provini, « Les étapes de la translatio d’un genre », p. 329-330.
27 Sur cette comparaison à Sémiramis, voir les belles analyses de Brown, The Queen’s Library, p. 217-219.
28 Il s’agit du manuscrit de Paris, BnF, fr. 875, offert à Louise de Savoie en 1497.
29 Fol. 58r, cité par Brown, The Queen’s Library, p. 214.
30 Voir Provini, « Les étapes de la translatio d’un genre », p. 330-332.
31 En 1509-1510, Andrelini compose deux autres héroïdes « politiques », la première attaquant Venise, la seconde le pape Jules ii. Voir G. Tournoy-Thoen, « Deux épitres inédites de Fausto Andrelini et l’auteur du Iulius Exclusus », Humanistica Lovaniensia, 18, 1969, p. 43-75. Cependant, ces deux épîtres ne proposent pas le même langage amoureux que la première, mais plutôt celui d’un conseiller politique et militaire (voir Brown, The Queen’s Library, p. 204).
32 Brown, The Queen’s Library, p. 224.
33 Fol. 101v, cité ibid.
34 « O Dieu celeste, en quelle esjouyssance / Fut le mien cueur ayant la jouyssance / De tes escriptz ! », Guillaume Cretin, Œuvres poétiques, p. 335, v. 271-273, je souligne.
35 Hochner, Louis xii, p. 245.
36 Jean Marot, Le Voyage de Venise, éd. G. Trisolini, Genève, Droz, 1977, v. 2995-2996.
37 Hochner, Louis xii, p. 273.
38 Voir J. Britnell, Le Roi très chrétien contre le pape. Écrits antipapaux en français sous le règne de Louis xii, Paris, Classiques Garnier, 2011.
39 Dumont et Marchandisse, « Le manuscrit FR. F. V. XIV, 8 », p. 61.
40 Jean Marot, Prieres, v. 295-306. Voir l’analyse de Fr. Cornilliat, « Rhétorique, poésie guérison : de Jean à Clément Marot », La Génération Marot. Poètes français et néo-latins (1515-1550), éd. G. Defaux, Paris, Champion, 1997, p. 59-79, ici p. 64.
41 Germain de Brie, Chordigerae navis conflagratio, dans L’Incendie de la Cordelière, v. 30-32.
42 Traduction de la Chordigerae navis conflagratio de Germain de Brie par Pierre Choque, héraut et roi d’armes d’Anne de Bretagne, dans L’Incendie de la Cordelière, v. 40-41. Voir E. Doudet, « Traduire pour la reine. La circulation des traductions autour d’Anne de Bretagne », Paris, carrefour culturel au tournant de 1500, Cahiers V. L. Saulnier, 33, éd. O. Millet et L.-A. Sanchi, Paris, Presses de la Sorbonne, 2016, p. 119-132.
43 Ibid., v. 135.
44 Germain de Brie, Chordigerae navis conflagratio, v. 15-20 ; Humbert de Montmoret, Herveis, dans L’Incendie de la Cordelière, v. 13-20.
45 Humbert de Montmoret, Herveis, v. 197-201 et 315-316.
46 Le Voyage de Venise, v. 771.
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- ISBN: 978-2-406-11263-1
- EAN: 9782406112631
- ISSN: 2273-0893
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-11263-1.p.0039
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-04-2021
- Periodicity: Biannual
- Language: French
- Keyword: Queen of France, Heroides, marital love, Italian wars, Louis XII