Combattant marotique, traducteur humaniste, auteur évangélique La trajectoire de Calvy de la Fontaine
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
2020 – 2, n° 40. varia - Auteur : Berthon (Guillaume)
- Pages : 163 à 182
- Revue : Cahiers de recherches médiévales et humanistes - Journal of Medieval and Humanistic Studies
Combattant marotique, traducteur humaniste, auteur évangélique
La trajectoire de Calvy de la Fontaine
Nombreux sont les jeunes poètes auxquels la querelle entre Marot et Sagon a mis le pied à l’étrier de façon décisive1. Parmi ces « rimeurs d’eaux douces » (si on peut lui appliquer l’invective qu’il réservait alors à l’un de ses adversaires2), Calvy de la Fontaine est peut-être le cas le plus paradoxal. Avec sa « Response à Charles Huet, dict Hueterie, qui feit du Mytouart le Grys, par C. de la Fontaine » et sa « Complaincte et testament de François Sagouyn, dict Sagon, envoyez à Frippelippes valet de C. Marot, par C. de la Fontaine », il constitue en effet le plus gros contributeur du recueil des Disciples et amys de Marot contre Sagon, La Hueterie, et leurs adherentz dont il remplit 27 pleines pages (contre 21 pour Nicole Glotelet, 9 pour Charles Fontaine, 7 pour Bonaventure Des Périers et 3 pour celui qui signe seulement « un sien amy »). Son testament parodique à la Villon (« Je Françoys Villon escolier » devenant « Je Françoys Sagouyn l’insensé ») a même le privilège de refermer le recueil collectif3, tandis que sa réponse à La Hueterie est la seule à bénéficier d’une nouvelle page de titre illustrée, à l’intérieur même du volume.
Malgré cette importante production, Calvy est bien souvent oublié des récits de la bataille quand il n’est pas régulièrement confondu avec Charles Fontaine ou pris pour un prête-nom4. Seuls les spécialistes 164de la traduction lui concèdent généralement une place de passeur de textes grecs et latins sous le règne de François ier, tout en relativisant généralement son apport5. À vrai dire, dès l’époque de la querelle, les méprises sont nombreuses. Dans sa Deffense […] contre Clement Marot, Sagon suppose qu’il se nomme « Colin » :
De Fonteines vient la fontaine,
Dont la veine m’est incertaine,
Si ce n’est ung nommé Colin,
Aultre que ce Germain maling6,
Qui se dict par lettres mon frere,
Et faict imprimer le contraire. […]
Fonteynes, ou Colin que je dy,
Est ung marotin estourdy,
Qui tyre mieulx un coup de paulme,
Que le sens d’ung vers ou pseaulme. […]
Colin, garde bien d’estre pris !
Marot qu’avant toy j’ay repris
T’a il conseillé d’ainsy dire ?
Garde toy de le plus escrire
Comme tu faictz trop lourdement
Escripvant mon faulx testament7.
Peut-être l’usage de l’initiale « C. » au lieu de « Calvy » suggère-t-il à Sagon le prénom de Colin. Et comme l’« Epistre à Sagon et à la Hueterie, 165par C. Fontaines » (Charles Fontaine) n’est pas plus transparente sur l’initiale, Sagon (ou son « page ») confond allègrement les deux dans la dernière partie de la Deffense et suppose de toute façon que c’est Marot qui écrit derrière eux :
Fonteines trop heureux serois,
Et tes deux cornes dresserois,
Si l’œuvre dont tu as le tiltre
(J’entendz testament et epistre)
Estoit corrigé de par moy.
On sçait qu’il n’y a rien de toy8.
Étrangement, dans la même Deffense, on trouvait un peu plus haut (fol. C4r) un rondeau « à Marot qui a faict le testament de Sagon, et le faict advouer à Calvy de Fonteyne ». Les rééditions des textes de la querelle ne feront qu’augmenter la confusion puisque l’une des occurrences du nom de Calvy dans les Disciples sera transformée dès 1539 en « Clement de la Fontaine9 »…
En 1537 pourtant, soit à l’époque de l’essor de la querelle, Calvy n’est plus tout à fait un inconnu. Certes, l’essentiel de son abondante production poétique semble avoir été diffusé sous forme manuscrite et de manière confidentielle : seuls deux volumes manuscrits similaires de la bibliothèque de Soissons en conservent la trace (ms. 201 et 202) et donnent à lire plus d’une trentaine de pièces10. On sait pourtant que certains textes courtisans ont connu les faveurs de la presse, notamment quelques pièces célébrant la mort héroïque de Philippe de Boulainvilliers, comte de Dammartin, au siège de Péronne (1536), probablement publiés 166à la suite d’un occasionnel11. Par ailleurs, le rimeur s’était aussi signalé en février 1537 (nouveau style) par la publication à Paris chez Vincent Sertenas et Arnoul L’Angelier d’une traduction de l’élégie du Noyer qu’on attribuait alors volontiers à Ovide. Devaient suivre dès le début des années 1540 quelques autres traductions, manuscrites (notamment l’Antigone de Sophocle) ou imprimées pour le compte de libraires parisiens (Denis Janot, Jean Longis et Vincent Sertenas).
Se dessine ainsi le profil d’un rimeur parisien hésitant entre deux carrières, celle du poète de cour célébrant les grands événements du royaume et sollicitant la protection des puissants, et celle du traducteur financé par les libraires, dont le métier commence alors à émerger. Mais Calvy paraît hésiter aussi entre les esthétiques concurrentes de deux générations, celle de Marot dont il se fait le héraut et le défenseur lors de la querelle avec Sagon et dont il rejoint la vénération pour la poésie ovidienne, et celle de la Pléiade qui partage davantage son goût pour le grec et l’érudition mythologique et dont il semble épouser les combats dans les années 1550 – cela avant l’ultime revirement de 1561 où le poète saisit la lyre chrétienne pour retrouver in extremis les accents évangéliques des textes marotiques les plus engagés et se taire définitivement12. C’est cette figure peu connue à la croisée des chemins que je voudrais étudier ici, à la fois pour faire le point sur la production de Calvy de la Fontaine, assez largement méconnue, et pour mettre en évidence les dynamiques littéraires et sociales qui animent alors l’un des meilleurs représentants de la « génération Marot ».
On ne sait rien de la vie et de la formation de Calvy de la Fontaine. Tout juste peut-on dire que ses œuvres datables ne sont pas antérieures à 1534 ni postérieures à 1561. Dans la toute première d’entre elles, une 167étrenne datée du 1er janvier 1534 que j’évoquerai plus loin, le poète invoque à son profit la « juvenile Hebes », soit Hébé, déesse de la jeunesse. On peut donc faire l’hypothèse (vague) d’une naissance au début du xvie siècle, peut-être autour de 1510.
Le mystère entoure jusqu’au prénom de l’auteur. Dans un passage de sa Bibliothèque françoise (1747, t. 6, p. 94), l’abbé Goujet le nomme « François Calvy de la Fontaine » mais il n’y revient nulle part ailleurs. Quoique ce prénom de « François » soit pourtant très souvent repris depuis, jusque dans la notice d’autorité de la BnF, il s’agit probablement d’une confusion13 ; la seule signature que l’on voit figurer dans les imprimés du xvie siècle est « Calvy de la Fontaine » ou « C. de la Fontaine ». L’abréviation « C. » paraît indiquer que « Calvy » était bien son prénom et non le patronyme très diffusé que l’on connaît ; de fait, La Croix Du Maine, dans la table des auteurs qui ouvre le premier volume de sa Bibliotheque qu’il classe par « surnom » (soit par nom de famille), range le poète à « de la Fontaine Calvy14 ».
Les œuvres poétiques rassemblées dans le manuscrit de Soissons nous apprennent peu de choses par ailleurs. Son univers est de toute évidence parisien : dès 1543, il signe ses éditions « Calvy de la Fontaine Parisien » et la traduction des Trois declamations de Beroaldo donnera l’énigmatique formule « Calvy de la Fontaine N. N. de Paris15 ». Le fait qu’il compose une épitaphe pour célébrer un clerc (un certain « Jehan Louviers ») tué devant l’école de Saint-Germain l’Auxerrois le 18 juin 1536 (fol. 86r-v) signifie-t-il que Calvy s’est formé dans cette célèbre école et qu’il est encore à cette date l’un de ces étudiants prompts à sortir la dague ?
Parmi les pièces recueillies par le scribe du manuscrit de Soissons, les textes d’actualité se bornent à la série d’épitaphes déjà signalée (sur la mort du comte de Dammartin), ainsi qu’à une longue élégie prêtée à George Boleyn, « millort de Rochefort », avant sa décapitation en mai 153616 (fol. 137v-140v). Ce morceau d’éloquence de 192 vers montre 168Calvy s’essayant à l’amplification versifiée d’un discours en prose. Mais rien n’indique dans quelle intention ni pour quelle destination le poète l’a entreprise. De même, la première des épitaphes de Dammartin, adressée au roi, suggère qu’il a fréquenté la cour et recherché le soutien du monarque – manifestement sans y parvenir car son nom n’apparaît nulle part dans les Actes de François ier17.
D’autres pièces nous apprennent aussi que Calvy a sollicité des protecteurs moins haut placés afin d’assurer sa subsistance. Une étrenne en rondeau est adressée à « mondit seigneur F. » le 1er de l’an 1535 (fol. 87v) : ledit seigneur semble avoir été un homme d’État âgé accusé à tort après s’être donné toute sa vie « corps et biens » pour la justice et s’étant montré très généreux envers l’Église. Dans le manuscrit, le rondeau est entouré d’une étrenne pour 1534 et d’une épître-étrenne pour 1535 adressées à une demoiselle, que la première prénomme « Helizabet ». L’épître brosse le portrait d’une femme dévote et indifférente aux intrigues de cour, « Qui maine vie trop plus rude et austere/ Que ung regulier en estroict monastere », mais qui souffre elle aussi « Soubz les hayneulx et leur faulx bec beccu ». Comme le seigneur « F. », Calvy la place parmi les « esleuz » « qui leurs vies durans/ En suyvans [Dieu] sont à tort endurans ». Je n’ai pas su tirer davantage de ces maigres indices. D’autres sollicitations émaillent les pièces du poète, sans que l’on sache jamais à qui elles s’adressent. Une autre épître brode ainsi spirituellement sur le motif traditionnel de la maladie d’argent (fol. 93r-v) :
Le corps infirme et tres mal sain
Pour recouvrer sa guarison
Doit chercher le bon medecin
S’il a que[l]que peu de raison.
Le mal qui a bien la saison
Nommé partout faulte d’argent
Entour moy tient sa garnison
Qui m’est ung mal dur et urgent.
Monseigneur, de cest indigent
Faictes tant que le mal s’en aille :
169Il ne fault herbes ny unguent
Mais seulement de la cliquaille18…
La conclusion suggère toutefois la difficulté du poète à accéder audit seigneur :
Vous suppliant qu’à son audace
Pardonniez, et n’ayez esgard
Si vers vous il n’a prins la trace :
Il l’eust faict mais on l’en engard.
Un triolet sur le même propos supplie de nouveau (fol. 91v) : « Monseigneur ne usez de reffuz/ Ou diray : J’ay esté, je feuz/ Et à present suys sans apuys ! »
Apparemment fort dépourvu, Calvy s’adresse également à ses amis pour se tirer d’embarras, qu’il s’agisse d’un « Double tryolet pour avoir prest ou nouvelles de son amy » (fol. 92r) ou d’un « Rondeau pour emprunter de l’argant sur gaige par le premier », par lequel l’auteur tente de soutirer cent écus à un destinataire qu’il tutoie (fol. 91v) :
Faulte d’argent tant me tourmente
Que je croy que d’icy à Mante
Homme n’est point plus esperdu.
J’ay au jeu tout le myen perdu
Dont de dueil je pleure et guermente19.
Là encore, malheureusement, les noms nous manquent pour reconstituer un réseau de sociabilité qui paraît pourtant vigoureux, comme l’atteste cet énigmatique huitain (fol. 89r) :
Maulgré Venus l’inconstante et lubricque,
Mes chers seigneurs, soiez tresbien venus
Soubz ce tauldis qui n’est couvert de bricque,
Ains de grans cielz verdoians et fueilluz.
Aions dont cueurs joyeulx et gogueluz,
Chassons soucy de cent lieues à la ronde ;
Jusques cent ans vivent sains et non plus
Les compaignons de ceste table ronde !
170Quels étaient ces joyeux compagnons de la table ronde qui se retrouvaient sous la ramée pour se consoler des mauvais tours joués par Vénus ? On imaginerait volontiers une réunion d’étudiants parisiens désargentés, ce qui ne jurerait guère avec le récit des pertes au jeu et du meurtre d’un clerc devant l’école Saint-Germain, mais il est difficile d’en dire davantage.
Toujours est-il que plusieurs autres textes de Calvy mettent en avant l’écriture conçue comme une activité collective, au premier chef le recueil des Disciples et amys de Marot contre Sagon. Si la belle gravure qui orne la page de titre évoque moins le « tauldis » verdoyant de notre huitain qu’un confortable studiolo d’humaniste, elle montre en tout cas trois amis s’affairant sur leurs écritoires et terrassant l’ennemi tels de nouveaux saint Michel20. Elle rappelle une ballade de Calvy dont on ne connaît aucune impression, mais que le manuscrit de Soissons a recueillie21. Celle-ci met en scène « Troys gais espritz de gentille nature » voulant se délasser après le travail. Le « puisné », l’« aisné » et le « maisné » vont tour à tour se moquer des notes dissonantes émises par le Coup d’essay de Sagon (« C’est de Sagon l’essay qui sonne cas22 ») avant que Polymnie ne soit dépêchée tout exprès de l’Hélicon pour maudire le malheureux rimeur23. À l’instar de cette ballade, le livret des Disciples est soudé par l’idée d’un joyeux compagnonnage autour de la défense de Marot, modèle poétique et éthique à la fois, meilleur auteur et traducteur du royaume :
Tous bons espritz sont consentans
Qu’il n’y eust poete puys cent ans
Plus nayf quant à nostre langue.
171Et s’il fault mectre une harangue
Du latin en ryme françoise,
Il fault soubdain que Marot voise,
Qui a la Muse en habandon,
Et non pas toy gros Rustandon.
Doncques sans faire le retif,
Cours à ce grand poete inventif
Crier mercy à deux genoulx.
Tu sçays qu’il est clement et doulx24.
Contrairement à ce ton faussement irénique, c’est une scène de bastonnade qui permettra aux poètes réunis de sceller leur union :
Sus enffans, que l’on mecte un bas
Sur cest asne, qu’il soit basté,
Qu’il soit sanglé, qu’il soit frotté. […]
Ma foy, voylà son vray mestier.
Chassez ce gros Asne d’icy :
Il rompt la teste à ces gens cy25.
« Ces gens cy », le syntagme dit bien le sentiment d’appartenance à un collectif qui voit dans la bataille de plumes l’occasion rêvée de célébrer son unité.
Mais l’émulation poétique et amicale n’est pas uniquement liée à la veine satirique. Elle est également au cœur de l’unique œuvre de Calvy pour laquelle une impression nous est connue (hormis les textes inclus dans les Disciples) : l’Eglogue sur le retour de Bacchus en laquelle sont introduictz deux vignerons assavoir Colinot de Beaulne et Jaquinot d’Orleans. Le texte constitue une plaquette gothique de huit feuillets publiée sans lieu ni date, mais probablement imprimée à Paris autour de 154026. S’emparant 172de la forme de l’églogue récemment introduite en français par Marot27, Calvy décide de la moduler sur un ton délibérément facétieux : celui de la joute poétique entre deux bergers chantant les louanges du dieu de l’ivresse. Outre l’inspiration bachique déjà présente dans le manuscrit de Soissons28, l’églogue réaffirme le goût de Calvy pour les échanges poétiques et amicaux, cimentés cette fois par l’évocation complice des vignobles de France, au sein desquels l’Île de France (Noisy, Montreuil, Meudon, Suresnes, Sèvres, Auteuil, Saint-Cloud, Issy) tient une place étonnamment importante, ce que l’origine parisienne de Calvy explique aisément29.
Les autres œuvres composées par Calvy relèvent pour la plupart d’une veine traditionnelle : on y trouve pêle-mêle des textes d’inspiration religieuse (un « Rondeau du caresme » et une mise en vers français du Stabat mater), courtoise (épîtres et étrennes amoureuses adressées à une dame inconnue), satirique (« Rondeau d’une vieille babillarde », « Rondeau pour garder une fille d’estre pareseuse »), ou encore obscène et priapique (« Rondeau d’une paillarde », huitain sur « Ung gaillard moyne » culbutant « sa dame Magdelaine », ainsi que trois textes mythologiques indiqués comme « Translation du latin de la Priaperie »).
C’est toutefois l’histoire singulière d’une traduction qui nous permet de deviner la métamorphose de l’activité de Calvy de la Fontaine du milieu des années 1530, pendant lesquelles on le voit faire ses gammes dans tous les styles de l’époque, aux années 1540 où l’activité de traduction paraît absorber la totalité du temps qu’il 173consacre à l’écriture. Le texte en question est la Complaincte du Noier (Nux) que l’on attribuait alors à Ovide, et que Calvy met en vers français. Son existence est connue depuis longtemps par une mention de Du Verdier dans sa Bibliotheque à l’article « Calvy de la Fontaine » (p. 142 : « L’Elegie d’Ovide sur la complainte du Noyer, impr. à Paris 16o par Arnoul L’Angelier, sans date ») ; mais aucun exemplaire n’en avait jamais été signalé. On peut en fait encore aujourd’hui consulter un exemplaire du livre camouflé dans une trompeuse édition des Œuvres de Clément Marot bricolée par Arnoul L’Angelier pour écouler des exemplaires obsolètes d’une ancienne édition marotique30. Le Noyer de Calvy couronne la traduction par Michel d’Amboise du dixième livre des Métamorphoses d’Ovide, publiée par les frères L’Angelier sous un privilège appartenant à Vincent Sertenas et daté du 26 février 1536 (ancien style, soit 1537). Si Michel d’Amboise dédie sa traduction à l’abbé d’Ivry Jean de Luxembourg dans une épître liminaire, la traduction de Calvy est simplement adressée « Au Lecteur » dans un douzain d’envoi placé juste avant le texte :
Quant j’ay voulu (benevole lecteur)
Mettre en avant l’Elegie presente,
Je luy ai dict (Sans craindre detracteur) :
Va hardyment, pense tu estre exempte
Du vieulx Momus qui vers toy se presente ?
Non certes non, Aussi tant je te prise
Que faicte n’est que pour estre reprise.
Mais scez tu bien que pour ta paix feras ?
De l’envyeulx tousjours te defferas
Et du Satyre à la teste cornue,
Et humblement ailleurs t’adresseras
Où (possible est) que mieulx seras venue31.
Suit immédiatement un quatrain qui met en scène la rencontre de la traduction et de son lecteur :
174Cherche le jour, patetique oraison,
Et du Noyer descouvres le blason
Sans craindre point le scrupuleux lecteur :
La raison est qu’Ovide en est l’acteur.
À la lecture de ces deux avertissements, la traduction paraît relever de la seule initiative d’un jeune poète qui craint la critique, sans s’inscrire dans le cadre d’un hommage rendu à un mécène. Peut-être même le texte constitue-t-il déjà une commande des libraires pour qui le poète travaillera à plusieurs reprises entre 1543 et 1556.
Un autre scénario se dessine pourtant à la lecture de l’étrenne composée pour le 1er janvier 1534 (Soissons, fol. 86v-87v). Calvy l’adresse à un seigneur qu’il qualifie de « chef » des « gens d’honneur ». Longue de 42 vers, la pièce constitue le monologue d’un poète modeste, convaincu de son indignité, et dont l’esprit est agité par l’affrontement de plusieurs dieux antiques. D’un côté, « Suadella, de bien parler deesse » veut le faire taire,
Saichant que qui charge trop oneree
Veult entreprandre, en fin n’est honoree
L’entreprinse ; car ou ploier ou rompre
Soubz elle fault. Telz motz ont faict corrompre
Ma volunté, la mectant soubz rabais.
Voyant cecy, la juvenile Hebes
Plus viste qu’onc ne fut Athalenta
Vers moy se tire et tant m’enthalenta,
Non par amour mais par telle contraincte
Que sans avoir palladienne craincte
Me suis gecté, de sens et sçavoir vuyde,
Sur ung livret dict le Noyer de Ovide
Que j’ay traduict (de ce fere non digne)
Petitement en ma petite ryme.
Ainsi traduict certes ores ne sçay
Le dedier.
Suivant enfin les bons conseils de Mercure (« Qui de complaire à Juppiter mect cure »), le jeune poète décide d’offrir sa traduction au destinataire de l’étrenne versifiée :
Pour vostre estreine et vous esbanoyer
Present vous faiz de ce petit Noier
Qui porte en soy d’un fruict à grant planté.
Ce n’est merveille : Ovyde l’a planté.
175Le geste conclusif similaire à celui du quatrain liminaire de l’édition imprimée semble indiquer les vicissitudes de la fortune de ce premier essai important de Calvy. Sans doute le présent n’a-t-il pas eu l’effet escompté : le traducteur s’est donc résolu deux ans plus tard à le faire imprimer en passant sous silence le nom du destinataire. L’histoire paraît symptomatique de la trajectoire de Calvy, des premières tentatives manifestement infructueuses de trouver un mécène, à la découverte du métier émergent de traducteur au service de libraires qui font de la publication de traductions un véritable fonds de commerce, notamment l’association L’Angelier-Sertenas-Longis-Janot32. Le fait que la première traduction imprimée après le Noyer soit un ouvrage de Beroaldo essentiellement anti-courtisan n’est peut-être pas étranger à ces déconvenues de jeunesse33.
Le début des années 1540 marque en tout cas pour Calvy l’essor de son activité de traducteur, qui semble mettre un terme net à l’écriture d’œuvres propres – du moins n’ont-elles pas été conservées. Dès 1542, Calvy met en vers français une traduction en prose de l’Antigone de Sophocle dont on ne connaît aucune impression34. Le manuscrit comporte toutefois une épître liminaire adressée (comme pour la traduction du Noyer) simplement « Au Lecteur » pour le « prouffit et plaisir » duquel Calvy dit s’être mis au travail « liberallement35 ». Il jette aussi son dévolu sur un traité de l’humaniste italien Filippo Beroaldo l’Ancien (1453-1505), De la Fœlicité humaine, qui est achevé d’imprimer le 12 juin 1543 par Denis Janot pour lui-même, Jean Longis et Vincent Sertenas36. À nouveau, aucune dédicace précise, mais une simple épître liminaire « Au lecteur » doublée d’une pièce en vers « Au detracteur ». S’inscrivant dans la même veine, une traduction de La Manière de bien et heureusement instituer et composer sa vye, forme et maniere de vivre, en fait le discours 176d’Isocrate à Démonicos, est imprimée en 1544 par Denis Janot pour le compte de Vincent Sertenas dans un format miniature37. Elle est précédée d’un très bref avis « Aux lecteurs » dans lequel Calvy ne dévie pas de ses principes : « J’ay en vostre faveur et soubz vostre bouclier (O Nobles lecteurs) et de tous gentilz personnaiges d’honneur et vertu desireux, mys en nostre heureuse et fertille langue ce present œuvre d’Isocrates escripvant à l’adolescent Demonicus ». Cette intense activité s’arrête brutalement après cette édition, pour ne reprendre qu’en 1556, date à laquelle paraît chez Vincent Sertenas la traduction-amplification des Trois declamations de Beroaldo (à nouveau) qu’accompagne celle du dialogue d’Alberti Mercure et Vertu (à l’époque régulièrement donné à Lucien). Le paratexte se réduit une nouvelle fois à un bref « Argument » de l’œuvre adressé « Aux lecteurs », reprenant la même rhétorique de l’utile dulci (aussi présente dans quelques épigrammes liminaires imitées de Martial).
Le travail de Calvy ne s’est sans doute pas réduit à nourrir le commerce de ces quatre libraires régulièrement associés en leur offrant la primeur de ses traductions ; on le surprend aussi à trousser un sonnet élogieux à Claude Gruget pour orner sa traduction des Dialogues de Speroni publiés en 1551 par Étienne Groulleau pour lui-même, Vincent Sertenas et Jean Longis (fol. ã8v). Il est probable que d’autres pièces du même type m’aient échappé, qui confirmeraient les liens étroits tissés par Calvy de la Fontaine avec les libraires parisiens du Palais38, liens que couronne la publication du dernier livre connu de l’auteur, une œuvre propre cette fois : ses Estrenes chrestiennes à tous les estatz de ce royaume, composées pour le 1er janvier 1561 à l’adresse des États généraux réunis à Orléans au même moment, à nouveau publiées par Vincent Sertenas39.
177Ces traductions sont révélatrices de la personnalité littéraire et de l’évolution de Calvy. Elles révèlent tout d’abord son goût pour la paraphrase et l’amplification davantage que pour la traduction elle-même. Calvy crée des versions françaises très libres des textes qu’il choisit, n’hésitant pas à opérer ici des coupes, là des augmentations. Observant la version française du De Fœlicitate, Silvia Fabrizio-Costa et Frank La Brasca remarquent que
la traduction de Beroaldo par Calvy mériterait davantage le titre d’adaptation que de traduction. Elle se caractérise en effet par un certain nombre d’“habitus” de traduction qui aboutissent à un texte beaucoup plus prolixe que l’original où abondent les dittologies et les gloses plus ou moins explicatives qui constituent une confirmation ultérieure, s’il en était besoin, du niveau de culture moyen du public potentiel visé par la traduction de Calvy et plus généralement par les entreprises éditoriales de D. Janot40.
De son côté, René Sturel notait déjà à propos de l’Antigone : « Sa traduction est d’ailleurs extrêmement libre : de toutes celles que j’étudie ici, c’est assurément la plus originale, et je crois qu’on peut ajouter, la plus heureuse41. » Au-delà des contractions ou des expansions que Calvy se permet, il n’hésite pas à pratiquer d’importantes interpolations, comme dans le traité De la Fœlicité humaine où figurent en plein milieu six pages empruntées à Érasme et signalées comme telles (« j’ay franchement (oultre nostre Beroalde) icy entremys et translaté à propos, ce que veritablement et bien le grand et docte Érasme a heureusement escript du malheur et perdition des richesses… », fol. 36v). De la même façon, le texte des Trois declamations est largement enrichi de citations que Calvy emprunte aux fonds français et néo-latin, inconnues de l’auteur italien. Et lorsqu’il feint de citer par exemple « l’illustre poëte Bourbonnois » (soit Nicolas Bourbon), il donne en fait une version française très personnelle qui amplifie en huit vers le modeste distique latin42.
178Ensuite, ces traductions successives attestent l’évolution du goût pour les textes de l’Antiquité. Pour la génération Marot, Ovide trône au sommet du Parnasse. Que le jeune Calvy tourne son attention vers les marges du corpus ovidien, avec le Noyer publié à la suite du dixième livre des Métamorphoses, n’a rien pour surprendre. Un huitain recueilli dans le manuscrit de Soissons, et donc probablement composé dans la seconde moitié des années 1530, s’en prend significativement « à ung prebstre qui ne tenoit sa promesse d’envoyer le livre d’Ovyde » : le livre convoité est justement les Métamorphoses et le prêtre récalcitrant se nomme « Maistre Laurens » (fol. 92r). La salve de publications des années 1540 marque aussi un goût prononcé pour les œuvres relevant de l’érudition humaniste et notamment de la littérature gnomique. Professeur autant qu’éditeur et commentateur prolifique, Beroaldo est représentatif de la première génération d’enseignants ayant pleinement bénéficié de l’invention de Gutenberg. En France, sa réputation est assurée dès le début du siècle et les imprimeurs multiplient les éditions de ses travaux. Geoffroy Tory dit avoir suivi ses cours à Bologne et Marot traduit son Carmen lugubre qu’il publie parmi les premiers textes de son Adolescence clementine43. Comme l’a remarqué René Sturel, les éditions des Varia opuscula de Beroaldo (notamment celles que publie Josse Bade à Paris) contiennent côte à côte le De Fœlicitate, la Declamatio et le discours d’Isocrate à Demonicus traduit en latin par Beroaldo le Jeune, soit trois des textes choisis par Calvy qui les a sans doute puisés dans le même livre44. Bref, il n’y a pas grand-chose dans cette sélection qui s’éloigne de l’univers intellectuel de la génération marotique45.
Et pourtant, dès les années 1540, Calvy affirme sa singularité en choisissant de traduire l’Antigone de Sophocle, œuvrant alors parmi les pionniers46. Certes, il ne travaille probablement pas directement sur le texte grec, mais plutôt à partir d’une traduction latine ou française47 ; mais cette prédilection pour les tragiques grecs (dont les noms sont totalement 179absents des œuvres marotiques) le rapproche assurément davantage de la génération de Ronsard que de celle de Marot – on se souvient que Jean-Antoine de Baïf traduira à son tour l’Antigone quelques décennies plus tard. Or on remarque aussi dans les années 1550 que Calvy troque le modèle marotique pour celui de Ronsard. La vaste amplification à laquelle il se livre dans les interstices des Trois declamations fait en effet apparaître le nom de Ronsard comme un véritable totem, « divine lire Vendomoise », « souverain Poëte, nostre tres excelent et premier Pindare, l’Apollon de tout ce Parnasse48 ». Calvy truffe ainsi la déclamation de morceaux (tirés notamment du tout récent Livret des folastries) de celui qu’il nomme aussi tout simplement « nostre Poëte » – à l’exclusion de tout autre, le défunt Marot n’ayant pas même droit à la mention de son nom. Peut-être la transition a-t-elle été favorisée par la fréquentation du cercle littéraire animé par Jean Brinon, dont on sait qu’il a accueilli une part importante de ce qu’Enea Balmas appelle la « generazione “perduta” che visse tra la scomparsa di Marot e il trionfo di Ronsard », parmi lesquels ses amis Claude Gruget, Charles Fontaine et Claude Colet49. Dans les Trois declamations, Calvy n’oublie pas ainsi de rappeler que l’Hymne de Bacchus qu’il cite est « dedié à l’angelique esprit Jean Brinon » (fol. 41v).
Ultime palinodie toutefois : le grondement des guerres de religion incite encore Calvy à prendre la plume pour exhorter les trois États du royaume réunis à Orléans dès décembre 1560 à la charité envers les pauvres. Le texte de ces Estrenes chrestiennes est tissé de références scripturaires (indiquées en marge) et fait retrouver au poète la veine évangélique si caractéristique de Marot. On y entend notamment les accents véhéments de l’épître que Clément avait adressée de Venise en juillet 1536 à Renée de Ferrare, dans laquelle il fustigeait le matérialisme païen des Vénitiens, tout occupés à bâtir des églises somptueuses ornées de statues dorées, qu’il opposait à leur absence de charité envers les pauvres, « nudz, palles et languissans50 ». Une même rhétorique imprègne les Estrenes chrestiennes. Après avoir longuement paraphrasé un célèbre passage de l’évangile de Matthieu (25, 31-46), le poète exhorte 180ainsi vivement les riches seigneurs, hommes et femmes, à exercer la charité, tout en condamnant leurs dépenses somptuaires :
Là donq, Seigneurs, là donq. Ne soiez negligens
Mesme en temps si divers d’aider aux indigens
Malades et captifz : ô l’homme bien heureus
Qui entend et pourvoit au pauvre et langoureux
Certes en jour mauvais et tribulation
Dieu sera son secours et sa salvation :
Là doncq dames, là donc, là doncques damoiselles :
Retranchez quelque peu les queues et les ailes
De ces trop chers habitz, et superflues bagues :
Moderez un petit ces outrageuses bragues :
Et soit ce trop d’exces et superfluité
Aux pauvres converty, et leur calamité :
C’est à l’homme un honneur et gloire incomparable
D’aider et subvenir à son proche et semblable.
C’est là le vray sentier pour parvenir aux cieux,
Tant les pauvres à Dieu sont chers et precieux51.
Mais si j’ai parlé de palinodie, c’est que Calvy inclut dans son rejet du superflu ce qu’il a lui-même pratiqué jusqu’alors. L’impératif de charité rend tout le reste vain :
Que diréz vous là contre (ô Seigneurs terriens
Sans charité aucune) ? Excuses n’y font riens,
Ny gloses ny commentz : toutes raisons humaines
N’y serviront de rien, ains s’y trouveront vaines :
Car cecy ne sort point des oracles doubteus
Des faux dieux controuvéz : ny des comptes menteus
De ces Grecz mensongers : ny fables de Virgile
Ains du vray et seul Dieu et son sainct Evangile52.
Voilà repoussées d’un seul geste la mythologie et les œuvres grecques et latines ! La réédition des Estrenes chrestiennes à Paris chez Vincent Normant supprimera purement et simplement ce seul passage, sans que l’on sache à qui attribuer la censure. Pour un homme qui avait fait de la transmission de l’héritage gréco-latin son activité littéraire principale, ces Estrenes chrestiennes constituent d’étonnants ultima verba.
181Des étrennes maladroites de 1534 aux Estrenes chrestiennes de 1561, la riche variété et l’évolution de la pratique littéraire de Calvy apparaissent désormais nettement. Alors qu’il entre tout juste en poésie, Calvy multiplie les essais personnels sur les thèmes à la mode, dans un décalque réussi du style de Marot qu’il suit jusque dans ses choix de traduction. Mais s’il récite ses gammes, c’est au sein d’un concert de voix caractéristique de la production du règne de François ier pendant lequel (Marot mis à part) les recueils collectifs, imprimés ou manuscrits, constituent la pratique poétique dominante53. La querelle Marot-Sagon n’est que l’une des cristallisations de ce goût pour ce qui constitue une véritable sociabilité poétique.
Mais dès les années 1540, Calvy semble définitivement prendre le tournant de la traduction-paraphrase. Dorénavant, il ne s’exprimera plus en son nom propre mais dissimulera sa voix dans celle des autres : la traduction, aussi librement conçue soit-elle, constitue alors l’unique activité littéraire connue de Calvy de la Fontaine. Il y prolonge les goûts qui avaient marqué l’école de Marot (notamment une prédilection pour l’Antiquité digérée par l’humanisme italien d’un Beroaldo notamment) tout en en renouvelant les orientations en se tournant vers le théâtre grec. Calvy ouvre ainsi la voie aux futurs membres de la Brigade auxquels il se rallie dans les années 1550, chantant la gloire de Ronsard après s’être fait le champion de Marot.
L’évolution de sa carrière est sans doute à mettre en rapport avec les circonstances matérielles de l’écriture : à l’aube des années 1540, il faut reconnaître que Calvy n’a pas réussi à imposer sa voix au-delà du joyeux chahut de la querelle, alors que ses aînés continuent à écrire (Marot, Saint-Gelais ou Héroët) et que ses frères d’armes de 1537 ont mieux su que lui tirer parti de la querelle pour se faire une place au soleil (Des Périers ou Charles Fontaine). Calvy embrasse ainsi une nouvelle carrière de traducteur en se mettant directement au service du clan des libraires du Palais – un autre rescapé de la querelle, Claude Colet, ne fera pas autrement54. Son ultime publication sonne comme un coup de théâtre. Si Calvy paraît y confirmer son refus de parler d’une voix véritablement 182personnelle, pour se faire le fidèle interprète de la voix de l’Évangile, il amorce aussi la condamnation de la culture humaniste dont il s’était fait le héraut.
Son parcours demeure néanmoins troué de lacunes trop importantes pour que cette chronologie soit absolument fiable. La découverte de nouveaux témoignages de son activité nuancerait sans doute le tableau. Peut-être y découvrirait-on un Calvy plus éclectique que je ne l’ai dit, évoluant certes selon l’esprit du temps, mais ne se reniant pas, modulant seulement sujets et couleurs au gré des occasions.
Guillaume Berthon
Université de Toulon, Babel
1 Ph. Desan, « Le feuilleton illustré Marot-Sagon », La Génération Marot. Poètes français et néo-latins (1515-1550), Actes du Colloque international de Baltimore, 1996, éd. G. Defaux, Paris, Champion, 1997, p. 348-380, ici p. 370.
2 Les disciples et amys de Marot contre Sagon, Paris, [Louis Blaubloom] pour Jean Morin, 1537, in-8o, BnF (Rés. Ye 1582), fol. G3v.
3 Voir l’édition moderne du texte par P. et M.-H. Servet, Testaments pour rire. Testaments facétieux et polémiques dans la littérature d’Ancien Régime (1465-1799), Genève, Droz, 2013, t. 1, p. 687-717.
4 Charles Fontaine s’amuse de cette homonymie dans un quatrain qu’il adresse à son ami Calvy : « Ton nom du tout semblable au mien… » (Les Ruisseaux de Fontaine, Lyon, Thibaud Payen, 1555, p. 208).
5 Dans l’ordre chronologique, voir : R. Sturel dans son « Essai sur les traductions du théâtre grec en français avant 1550 (suite) », Revue d’histoire littéraire de la France, 1913, en particulier p. 643-652 ; R. Aulotte, « Calvy de La Fontaine traducteur d’un dialogue de pseudo-Lucien », Travaux de linguistique et de littérature, XIII/2, 1975, p. 23-29 ; P. Chavy, Traducteurs d’autrefois. Moyen âge et Renaissance. Dictionnaire des traducteurs et de la littérature traduite en ancien et moyen français (842-1600), Paris/Genève, Champion-Slatkine, 1988, t. 2, p. 819 ; Calvy de la Fontaine, L’Antigone de Sophoclés, éd. M. Mastroianni, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2000 ; S. Fabrizio-Costa et F. La Brasca, Filippo Beroaldo l’ancien : un passeur d’humanités/ Filippo Beroaldo il Vecchio : un umanista ad limina, Bern, Peter Lang, 2005, notamment p. 77-114 ; M. Mastroianni, « La lettera proemiale dell’Antigone di Calvy de La Fontaine (1542) », Corpus Eve [En ligne], mis en ligne le 18 octobre 2013, consulté le 16 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/eve/695 ; Histoire des traductions en langue française (xve et xvie siècles, 1470-1610), dir. V. Duché, Lagrasse, Verdier, 2015, p. 1203-1207.
6 Il s’agit de Germain Colin auquel Sagon reproche son double discours, distinct de Fontaine-Colin dont il est question dans ce passage.
7 Deffense de Sagon Contre Clement Marot, Paris, Pierre Vidoue, [1537], in-8o, fol. D3r. Pour toutes les citations extraites des textes de la querelle, je me suis permis d’introduire la ponctuation (souvent absente ou déficiente) afin d’en faciliter la lecture de textes à la syntaxe parfois encombrée.
8 Ibid., fol. I3r.
9 Plusieurs traictez, par aucuns nouveaulx poetes, du different de Marot, Sagon, et la Hueterie, Paris, [Michel Fezandat], 1539, in-16o, Badajoz, Biblioteca de Extremadura (FA 262), fol. 101r. La première édition de ce recueil ([Paris, Olivier Mallard], 1537, in-16o) reprenait plus fidèlement les noms du livret original. Pour la description de ces deux éditions, je me permets de renvoyer à ma Bibliographie critique des éditions de Clément Marot (ca. 1521-1550), Genève, Droz, 2019, 1537/13 et 1539/7.
10 Dans le manuscrit 202, on dénombre précisément 35 pièces qui portent en marge le nom de « Calvy ». Dans le 201 figure la traduction d’Antigone. M. Mastroianni (L’Antigone, p. 11) a suggéré que les 15 pièces qui suivent la devise de Calvy « Suffire ou rien » (placée à la fin de la traduction) pourraient être également de lui, mais leur attribution me paraît trop incertaine. Je veux dire ici ma dette amicale à l’égard de C. Sicard qui s’est donné du mal pour me fournir une numérisation intégrale du microfilm réalisé par l’IRHT pour le manuscrit 202, numérisation qui m’a permis de travailler bien en amont de ma visite à la bibliothèque de Soissons. Qu’elle en soit vivement remerciée !
11 Je n’ai pas retrouvé l’imprimé en question, mais trois des quatre pièces composées par Calvy à l’occasion conservées dans le manuscrit de Soissons 202 (fol. 182r-183r) sont indiquées en marge par le copiste comme ayant été imprimées. Elles ne figurent pas à la suite de La deploration sur le trespas de feu monseigneur le Daulphin de France […] Ensemble l’epitaphe du conte Dampmartin (USTC 49863) ni de la Lettre faicte sur l’ordonnance de Peronne. Avec plusieurs Epitaphes du Conte Dampmartin (USTC 49860).
12 Il faut en effet attribuer à Calvy les Estrenes chrestiennes à tous les estatz publiées à Paris pour le premier jour de l’an 1561 chez Vincent Sertenas. La signature en initiales « Par C. D. L. F. Parisien » et le nom du libraire constituent déjà de bons indices en faveur de l’attribution. La devise « Ne çà ne là » qui figure à la fin de cette édition se retrouve par ailleurs sur la page de titre de la traduction de Beroalde publiée par le même Sertenas en 1556 (Trois declamations) dûment signée par « Calvi de la Fontaine N. N. de Paris ».
13 C’est notamment l’avis de M. Mastroianni dans son édition de L’Antigone, p. 7.
14 Mais le scribe du manuscrit Soissons 202 n’indique que « Calvy » en marge de la trentaine de textes qu’il lui attribue.
15 L’auteur de la très brève notice biographique qui accompagne la réédition de 1874 des Trois Declamations (San Remo, J. Gay et fils, p. v) lit « né natif » pour « N. N. », interprétation que reprennent S. Fabrizio-Costa et F. La Brasca dans leur édition déjà citée de 2005, p. 97. Elle me paraît peu convaincante.
16 Le texte a été anciennement édité par G. Ascoli dans La Grande-Bretagne devant l’opinion française, depuis la guerre de Cent ans, jusqu’à la fin du xvie siècle, Paris, Gambi, 1927, p. 273-278.
17 Catalogue des Actes de François ier. Académie des sciences morales et politiques, Paris, Imprimerie Nationale, 1867-1908, 10 vol. Le « grant palais royal » est aussi la scène d’une épître amoureuse dans laquelle le poète fait une offre de service à une dame dont le nom reste inconnu (fol. 89v-90r).
18 Pour toutes les citations du manuscrit, je prends le parti de ponctuer le texte (qui ne l’est presque jamais) afin de faciliter la lecture.
19 Pour ce dernier vers, le manuscrit comporte la leçon erronée « pleurer » que j’ai corrigée.
20 Sur l’analyse détaillée de cette gravure, voir la thèse de J. Bichüe, « Par satire replicquer ». La querelle Marot-Sagon : une œuvre collective (1535-1539), dir. N. Dauvois et G. Berthon, Université Sorbonne Nouvelle, soutenue le 25 septembre 2020.
21 Fol. 174v-175r. La ballade a été signalée la première fois dans Sturel, « Essai sur les traductions », p. 644.
22 « Sonner cas » signifie « sonner faux ». On trouve dans le « Testament de Sagon » écrit par Calvy deux vers qui semblent constituer la matrice de la ballade (à moins que ce ne soit l’inverse). Évoquant le Coup d’essay, le poète écrit « ce n’est rien qu’un petit cas, / Qui de tous costez sonne cas ».
23 Sur la convocation facétieuse de tout le personnel du Parnasse (qui montre le goût prononcé de Calvy pour la mythologie), je me permets de renvoyer à mon article « Tempête sur le Parnasse. Enjeux des représentations du “parc des Muses” autour de la querelle Marot-Sagon », La Muse s’amuse. Figures insolites de la Muse à la Renaissance, éd. A.-P. Pouey-Mounou et P. Galand, Genève, Droz, 2016, p. 181-197.
24 Les disciples et amys de Marot, fol. F4v.
25 Ibid., fol. G3r.
26 Exemplaire unique conservé à la bibliothèque du Musée Condé à Chantilly (IV D 146) – je remercie chaleureusement H. Jacquemard de m’en avoir envoyé quelques clichés. Je dois à l’œil infatigable et amical de R. Cappellen d’avoir repéré l’unique lettrine S dans une impression d’Antoine et/ou Nicolas Cousteau pour Jean Saint-Denis (ca. 1528, fol. f4v, USTC 55604) ainsi que dans une impression beaucoup plus tardive de Jean Réal pour la veuve de François Regnault (1554, fol. DD2v, USTC 37638). L’état de la lettrine suggère une impression entre ces deux dates, ce que confirme la présence de la devise « Suffire ou rien » qui n’apparaît que dans les œuvres datées de 1542-1544 (la traduction d’Antigone, De la Fœlicité humaine de Beroalde et La Manière de bien et heureusement instituer et composer sa vye). Les textes antérieurs portent la devise « Encores plus » (la Complaincte du Noier) ou « Trop de peu » (dans les Disciples). Les derniers textes seront signés « Ne çà, Ne là » (ou pour une seule édition des Estrenes chrestiennes « Rien sans charité »).
27 Voir A. Hulubei, L’Églogue en France au xvie siècle, Paris, Droz, 1938, p. 209-224. Dans le même ouvrage (n. 2 p. 228), l’autrice rapporte la composition de l’églogue de Calvy au grand gel du printemps 1530 (parce que la fiction allégorique raconte comment Jupiter lance les quatre vents hivernaux contre les vignerons bagarreurs avant de leur pardonner et de refaire fleurir les vignes). L’indice reste toutefois très fragile, car les hivers rigoureux ayant fait geler les vignes ne sont pas rares (voir par exemple le gel de 1537 rapporté dans la Cronique du roy Françoys premier de ce nom, éd. G. Guiffrey, Paris, J. Renouard, 1860, p. 269). Les autres indices (voir la note précédente) invitent plutôt à une datation plus tardive.
28 Voir la ballade dont le refrain est « Contre raison c’est actempté » (fol. 89r) qui recommande l’usage du vin contre le mal des yeux…
29 Pour comparer avec la géographie habituelle des vignobles de France, voir L. Dauphant, Géographies : ce qu’ils savaient de la France (1100-1600), Ceyzérieu, Champ Vallon, 2018, p. 275-282.
30 Je me permets pour cela de renvoyer à mon article « Cadavres exquis bibliographiques. Ce qu’enseignent deux singuliers montages de libraire sur le marché du livre poétique au xvie siècle », Histoire et civilisation du livre, 9, 2013, p. 53-72. L’exemplaire est conservé à Göttingen, à la Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek sous la cote 8 P GALL I, 7112 (voir sa description précise dans ma Bibliographie critique, 1541/9).
31 À nouveau, le texte est presque dépourvu de ponctuation à part l’usage des parenthèses et d’une unique virgule au v. 6. Je ponctue donc plus systématiquement.
32 Voir l’Histoire des traductions en langue française, p. 282-286 sur l’association L’Angelier-Sertenas-Janot et p. 376-379 sur la professionnalisation progressive du métier de traducteur au xvie siècle.
33 Voir P. M. Smith, The Anti-Courtier Trend in Sixteenth Century French Literature, Genève, Droz, 1966, p. 100 et n. 2.
34 La date figure dans l’unique témoin de la traduction, le manuscrit de Soissons 201 (189A), fol. 60r-93v : La quatriesme tragedie de Sophoclés, poete grec, intitulee Antigone, traduicte en vers françoys, 1542 (voir l’édition moderne L’Antigone de Sophoclés, p. 10-11).
35 Mastroianni, « La lettera proemiale », § 18.
36 Voir Stephen Rawles, Denis Janot (fl. 1529-1544), Parisian Printer and Bookseller : a Bibliography, Leyde-Boston, Brill, 2018, no 190.
37 Voir Denis Janot, no 212.
38 De ce point de vue, je nuancerais volontiers l’affirmation de M. Molins selon laquelle « il n’existe pas à la Renaissance de traduction sans destinataire » (Charles Fontaine Traducteur. Le poète et ses mécènes à la Renaissance, Genève, Droz, 2011, p. 236). Si celle-ci montre clairement que, dans le cas de Charles Fontaine, les traductions s’inscrivent systématiquement dans une relation avec un mécène, il me semble que le cas de Calvy et l’étude du catalogue d’un Vincent Sertenas, par exemple, prouvent que des traductions pouvaient être entreprises à proximité directe des boutiques de libraire (voir notamment Michel Simonin, « Peut-on parler de politique éditoriale au xvie siècle ? Le cas de Vincent Sertenas, libraire du Palais », L’Encre et la lumière, Genève, Droz, 2004, p. 761-782).
39 Je donne la date de 1561 d’après le privilège du 26 décembre 1560. Il existe aussi une édition sans date ni privilège affiché, publiée à Paris chez Vincent Normant (le gendre de Vincent Sertenas), qui est probablement une réédition du texte (et peut-être la toute première édition connue publiée au nom de ce libraire). J’ajoute à cela que si l’Eglogue sur le retour de Bacchus a bien été imprimée par Jean Réal comme suggéré plus haut, il est possible qu’elle ait été vendue par les mêmes libraires du Palais, notamment les frères L’Angelier qui sont les premiers employeurs de Jean Réal tout au long de sa carrière.
40 Fabrizio-Costa et La Brasca, Filippo Beroaldo, p. 90.
41 Sturel, « Essai sur les traductions », p. 649. Voir aussi les remarques de S. Lardon sur les modifications opérées dans Antigone qui christianisent discrètement la pièce de Sophocle (Histoire des traductions en langue française, p. 1205-1207).
42 Trois declamations, Paris, Vincent Sertenas, 1556, in-16, BnF (Rés. P Z 430), fol. 32r. Pour l’original latin, voir l’édition-traduction par S. Laigneau-Fontaine : Nugae – Bagatelles (1533), Genève, Droz, 2008, p. 752-753.
43 Voir pour les références ma Bibliographie critique, p. 74.
44 Sturel, « Essai sur les traductions », p. 646.
45 Comme le rappelle S. Astier dans ce même dossier, Sagon traduit parallèlement le discours d’Isocrate à Nicoclès.
46 Pour reprendre la liste établie par S. Lardon dans l’Histoire des traductions en langue française, p. 1202, il n’est précédé que par la traduction des Suppliantes (anonyme, restée manuscrite et composée après 1536) et celle d’Électre par Lazare de Baïf (1537). Suivront l’Hécube de Guillaume Bochetel (1544), l’Iphigénie à Aulis d’Amyot (1545-1547) et de Sébillet (1549).
47 Voir M. Mastroianni dans son édition de L’Antigone, p. 103-104.
48 Trois declamations, fol. 36v et 41v.
49 E. Balmas, Un Poeta del Rinascimento francese : Étienne Jodelle, Florence, Olschki, 1962, p. 148.
50 Voir C. Marot, Œuvres complètes, éd. F. Rigolot, Paris, GF Flammarion, 2007-2009, t. 2, p. 565-568, notamment les v. 37-48.
51 Estrenes chrestiennes à tous les estatz, Paris, Vincent Sertenas, 1561, in-8o, BnF (Rés. Ye 3983), fol. a3r-v.
52 Ibid.
53 Voir N. Dauvois, « Formes lyriques et sociabilité de cour », La Poésie à la cour de François ier, Cahiers V.-L. Saulnier 29, éd. J.-E. Girot, Paris, PUPS, 2012, p. 121-136, notamment p. 132.
54 J’ai tenté de faire la synthèse des activités de Claude Colet pour l’association Groulleau-Longis-Sertenas dans un article coécrit avec R. Menini : « F. R. Carmen : Rabelais et Claude Colet chez Chrétien Wechel », L’Année rabelaisienne, t. 3, 2019, p. 413-433, notamment p. 421-424.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11263-1
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- ISSN : 2273-0893
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- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 04/01/2021
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : (Calvy de la) Fontaine, (Clément) Marot (Clément), Sagon, traduction, mécénat, Soissons (manuscrit 202)