« Pierre qui roule amasse mousse… » Les pérégrinations médicales de Montaigne dans le BSAM
- Publication type: Journal article
- Journal: Bulletin de la Société internationale des amis de Montaigne
2012 – 2, 56. varia - Author: Brancher (Dominique)
- Pages: 159 to 176
- Journal: Bulletin for the International Society of Friends of Montaigne
« Pierre qui roule amasse mousse… »
Les pérégrinations médicales de Montaigne
dans le BSAM
Cette enquête portera moins sur ce que Montaigne a dit de la médecine que sur ce que les médecins ont fait de Montaigne, tant est-il que ce sont surtout des praticiens, de Jean Beverwyck (1631) à Jean Starobinski, qui ont ausculté les rapports ambigus de l’essayiste à l’art d’Esculape, ou se sont passionnés pour son œuvre. L’histoire même de la Société des Amis de Montaigne en témoigne. En 1912, le docteur Armangaud en pose le fondements avec pour président Anatole France, comme pour contredire le partage entre médecine et littérature dicté par le xixe siècle et qui sera érigé en dogme de la « double culture » par Snow en 19591. Par sa ferveur montaigniste, Armangaud prenait la relève du Dr Payen (1800-1870), qui s’attacha à collecter tous les documents relatifs à l’auteur auquel il voua un véritable culte : on sait que les pans de sa bibliothèque étaient couverts de pensées de Montaigne, découpées dans les ouvrages qu’il avait en double ou dans les revues, et « cette maison qui parle », selon les vœux de Leo dans un dialogue d’Erasme2, rendait hommage aux solives et poutres de la librairie. En 1870, à la mort du médecin, la Bibliothèque nationale devint propriétaire du fonds Payen qui trouva sa place dans un cabinet spécial (fonds auquel récemment, en 2007, Marcella Leopizzi a consacré un ouvrage3).
Perpétuant cette tradition et sous l’impulsion de son fondateur, la SIAM compte dès ses débuts de nombreux médecins. Loin de tenir rigueur à celui qui s’était exclamé, aux bains della Villa, « la vaine chose que c’est que la médecine4 », ils reconnaissent en Montaigne, à son corps défendant, un des leurs, un esprit scientifique au sens moderne du terme qui « sut ce que devait être la médecine » à un moment où « faire de la science consistait seulement à ergoter sur de vieux textes » (Dr. H. Abrand, BAM, 1942). Cette récupération téléologique, qui recatégorise Montaigne comme « auteur scientifique » (c’est le titre d’un livre de Paul Vivier paru en 19205), gouverne tous les travaux des médecins qui, à partir de 1939, rendent compte de leurs travaux ou de ceux de leurs collègues dans le bulletin. Entre 1960 et 1962, après une ellipse de près de 20 ans, les membres de la Société profitent notamment des communication du docteur François Batisse sur Montaigne et la médecine qui donneront lieu au premier et dernier livre sur la question6, tant elle demeure négligée par la critique. C’est aussi dans les années 1960 que René Bernoulli, professeur de médecine à Bâle, commence à contribuer au bulletin : il est sans doute celui qui a le plus activement réfléchi à la place de Montaigne dans l’histoire de la médecine, titre de l’un de ses articles7. Cette cohorte de praticiens montanophiles perpétue l’esprit a-disciplinaire de la médecine du xvie siècle, où la posture du médecin apparaît comme brouillée par les fondements humanistes des savoirs scientifiques (partout en Europe, on requiert alors des étudiants en médecine qu’ils soient déjà bacheliers ès arts et leurs bibliothèques gardent la trace de ce passage par les humanités). En revanche, en se passionnant pour le point de vue du patient Montaigne, qui tente d’assigner un sens à l’événement essentiellement intime de sa maladie et de ses douleurs, ces docteurs rompent avec l’histoire de la médecine classique qui s’est concentrée sur la figure institutionnelle du médecin, celui qui soigne et non celui
qui souffre. Il n’y a ainsi que deux entrées Montaigne dans l’Histoire de la pensée médicale en Occident de Mirko Grmeck (1995-1999)8.
Progressivement et très sporadiquement, les « profanes » se mettent aussi à aborder cette question, enquêtant sur le Journal de Voyage et les rapports entre les Essais et le Quod nihil scitur du médecin Sanchez, interrogeant la relation de Montaigne à son corps propre qui devient un sujet à la mode à partir des années 1980. Starobinski écrit alors que l’engouement pour les diverses modalités de la conscience du corps peut apparaître comme « le symptôme de la considérable composante narcissique qui caractérise la culture occidentale contemporaine9 ». Lui-même joue à Narcisse avec son Montaigne en mouvement (1982), où le beau chapitre « Le moment du corps » opère un retour à la lettre remarquable, négligée dans les précédents travaux « au profit d’“idées” erratiques et rassemblées en des reconstructions toujours aléatoires10 ». On mettra ici en lumière cette tendance évolutive de la critique, ce linguistic turn qui fait passer peu ou prou de l’illusion référentielle et de la synthèse artificielle à la reconnaissance des dispositifs textuels, en suivant les pérégrinations médicales de Montaigne dans le bulletin tout en le faisant dialoguer avec d’autres travaux menés en ce domaine.
Montaigne diagnostiqué
Dans l’essai « de l’Oisiveté », les esprits déréglés qui courent sans bride dans le « vague champ des imaginations » se forgent des « chimères, semblables à des rêves de malades », velut aegri somnia, vanae finguntur species. Tandis que l’Art poétique d’Horace, à qui sont empruntés ces vers,
condamne les livres où se succèdent sans art et confusément les idées produites par un cerveau malade, Montaigne fait l’éloge paradoxal de ses chimères cognitives, relativisant l’opposition entre santé et maladie, devenue levier fécond de l’écriture. Car c’est à ses rêveries déréglées qu’il va donner corps et skeleton dans l’essai vigoureux, transformant la sensation en notation, la pensée en pesée. L’expérience morbide dépasse le pathologique pour devenir condition d’une perception aiguisée de soi comme être vivant, jouissant et écrivant, ce qui peut ressortir en partie à un modèle médical. En effet, si dans l’histoire de la culture occidentale, l’histoire des malades fut principalement racontée par des médecins, ceux-ci furent aussi les premiers à se produire eux-mêmes comme cas, à commencer par Galien. Ainsi que le rapporte Laurent Joubert dans ses Erreurs Populaires, bien connues de Montaigne puisqu’ils partagent le même éditeur bordelais, Millanges : « Galien aussi an quelques androis, confesse son infirmité naturelle11 ».
Pour Stéphane Grisi, les Essais relèvent de l’« autopathographie », genre où le patient et l’observateur ne font qu’une seule personne ; ils en constituent même un des premiers jalons profanes en français12. Revendiquant la consubstantialité de l’œuvre avec son auteur, Montaigne se livrait du même coup aux griffes, ou plutôt aux forceps des pathographes, ces adeptes de l’approche psychopathologique de l’artiste. À la fin du xixe siècle, le neurologue allemand Paul Julius Möbius donne une impulsion décisive à ce mouvement en rédigeant de célèbres études sur Nietzsche, Goethe et Rousseau qui convoquent la notion de « dégénéré supérieur13 ». Ces premières biographies médicales de grands hommes, fondées sur l’analyse de leur hérédité, de leur constitution et de leur psychopathologie, lancent le nouveau genre médico-littéraire de la pathographie dont Montaigne fera très vite les frais. Dès le xixe siècle,
toute une nébuleuse de médecins lettrés s’emploie à annexer le champ du littéraire au médical en disputant, parfois âprement, du cas Montaigne. Ces gens de l’art témoignent d’une double ambition : d’une part, porter un diagnostic clinique, en réduisant le texte littéraire à un document psychopathologique référant directement au corps vivant ; d’autre part, rendre compte des particularités de l’œuvre par la pathologie reconnue ou présumée chez Montaigne. Or les diagnostics portés se contredisent, réalisant non sans ironie cette diaphônia, ce conflit d’opinions, dont Montaigne curiste faisait une caractéristique inquiétante de la médecine, tiraillée de conflits intestins : « De vings consultations, il n’y en avoit pas deux d’accord entre elles ; elles se condamnaient presque toutes l’une l’autre, et s’accusaient d’homicide14 ». De même, si pour Paul Vivier, en 192015, l’essayiste serait un « géocathodique », il est pour Merleau-Ponty, en 190316, un « neurasthénique organique » et pour le professeur Cruchet un « obsédé ». En 1907, le Prof. Landouzy ajoute qu’il serait aussi hypocondriaque17, remarque qui fait monter aux barricades son ami le Dr. Armaingaud : « Serait-il possible que Montaigne, ce grand maître de la sagesse humaine, ce grand hygiéniste de l’esprit, et par là même du corps, ce professeur d’équilibre mental, ait été lui-même un déséquilibré, un désorienté, un obsédé18 ? ». Cela n’arrête pas le docteur Batisse, qui dans son ouvrage inédit paru en 1962, Montaigne et la médecine, explique : « La maladie installée, et le saisissant chaque jour de plus près, sa mélancolie, d’abord tempérée par sa malice et par sa bonne humeur, se change en hypocondrie sous les douleurs répétées […] Tout l’agace, il devient hargneux19 ».
Ces débats se prolongent jusques dans des numéros récents du bulletin, notamment dans un article de 1996 où les causes de la mort de Montaigne sont rediscutées lors de la consultation posthume d’un cénacle de médecins spécialistes. Penchés sur le corps textuel des Essais et du
Journal de Voyage, ainsi que sur une longue lettre d’Etienne Pasquier, les gens de l’art finissent par conclure, dans leur jargon, à un « accident neurologique cérébro-vasculaire ayant entrainé une aphasie avec apraxie bucco-linguale20 ». Puis dans un numéro de 1998, c’est la « lésion énormissime » de « Sur des Vers de Virgile » qui déchaîne la rivalité herméneutique. Francis Pottiée-Sperry, chirurgien urologue, y détecte une hernie, contre les partisans, tels Pierre Leschemelle, de la théorie de l’impuissance21. Gabriel-André Pérouse, dans un numéro de 1999, freine à bon escient les ardeurs de ces Esculapes littéralistes qui confondent le signe et son référent extralittéraire. Sur le plan des signifiants, note-t-il, il n’est absolument pas question de médecine, mais de droit, « lésion » étant un terme juridique archi-classique qui s’applique notamment au dommage subi par un acheteur ou un vendeur. Cela dit, c’est bien à une réalité physiologique que renvoie cette métaphore juridique filée22.
Les médecins proposent donc une lecture qui asservit le texte à sa fonction informative, sans prendre en compte les formes jubilatoires et métaphoriques d’une écriture en mouvement qui mine toute possibilité de fixer un diagnostic définitif et qui thématise son écart avec les res. Pour trouver le corps du patient, paradoxalement, ils oublient le corps du texte et nient son épaisseur charnelle.
Les Essais diagnostiqués
À la volonté de lire l’homme à travers son œuvre répond le désir de déchiffrer l’œuvre à travers l’homme en détectant l’influence de la maladie sur le style des Essais. Cette articulation causale entre rythme vital et écriture relève d’une théorie expressive du style, qui envisage le
texte comme trace, symptôme, des états d’un sujet soumis à la dramaturgie de ses fluides corporels. On assiste dès lors à la manifestation physiologique du sujet dans sa parole. Ainsi, en 1907, dans une thèse de médecine consacrée à « Montagne malade et médecin », Raymond Delacroix fait le portrait de Montaigne en Juif errant, les névropathes juifs étant des névropathes voyageurs selon la suggestion douteuse de Charcot lors de ses leçons du mardi à la Sapêltrière23. Selon lui, l’œuvre même fait symptôme et porte, dans ses contradictions et son tracé erratique, la marque de l’hypochondrie et de l’instabilité nerveuse d’un grand malade. Le défaut d’unité des Essais et de « liaison logique dans les idées » résulterait aussi d’une mémoire défaillante que Montaigne aurait su retourner à son avantage avec un style « amusant » et « imprévu ».
À ce modèle continuiste entre vie du corps et tracé de la plume, la thèse de la mélancolie de Montaigne a opposé un paradigme disruptif. Dans Le mal à l’âme (1991), ouvrage qui perpétue la vieille tradition psycho-somato-biographique et qui fut présenté en 1992 à la Société24, Pierre Leschemelle diagnostique chez Montaigne un malaise intime lié à une propension à la « mélancolie ». En vertu de l’étroite couture entre l’âme et le corps, les troubles organiques de l’essayiste l’exposent en effet à la bile noire qui provoque à son tour une réaction de défense et la décision d’écrire pour « chercher à se connaître, à surmonter cette contradiction majeure entre un tempérament gai et ces pulsions dépressives, à se reprendre enfin et développer au terme de cette quête cette sagesse optimiste25 ». L’écriture compensatoire va pourrait-on dire à contre-humeur, prenant à rebours le modèle de l’inspiration humorale.
André Tournon s’est à plusieurs reprises, et notamment dans le bulletin de 2006, insurgé contre la prétendue « mélancolie » de Montaigne « dont Screech et ses disciples ont cru distinguer l’aveu dans les Essais et qui depuis lors encombre[rait] une bonne partie de la critique26 ». Montaigne fait de son tempérament une donnée mal déterminée mais
faisant fi de ses hésitations, cette lecture synthétique polarise de manière réductrice la topique des Essais, privilégiant une signification pour conférer une unité factice à des propos épars et souvent contradictoires, et opérant « un travail d’abstraction et de généralisation étranger à l’enquête de Montaigne, attaché au concret et au singulier27 ». En mettant en garde contre les exigences de l’esprit de synthèse, qui annexe de force une pensée complexe et la dénature, en invitant à penser en termes de « configurations textuelles, plutôt que de concepts ou de notions définies à l’intérieur d’un des systèmes accrédités à l’époque de Montaigne28 », André Tournon ouvre une voie essentielle pour saisir la logique déconcertante des Essais, notamment pour ce qui touche les rapports conflictuels de Montaigne avec la médecine. En effet, la tradition critique a eu le plus souvent tendance, par diverses stratégies, à éluder les difficultés significatives que soulève la position paradoxale de l’auteur. C’est à ces stratégies que je vais maintenant m’intéresser.
Réception des paradoxes montaigniens
Dans le bulletin de 1963, Dujarric de la Rivière, Membre de l’Institut et de l’Académie de Médecine, reconnaît qu’il n’est pas aisé de faire une synthèse, tant les opinions de Montaigne sont contradictoires, mais il n’y renonce pas pour autant29. De fait, on surmonte la difficulté en optant soit pour la réfutation, voire l’indignation devant l’ennemi personnel, soit pour l’admiration hagiographique envers celui qui devient un champion promoteur du positivisme.
C’est le praticien hollandais Jean Beverwyck, calculeux lui-même, qui ouvre la première voie, dans une Refutatio parue en 1631 qui prend la forme d’un dialogue contrapuntique faisant alterner la voix de Montaigne et la
réplique du médecin30. L’auteur opère une véritable chirurgie sélective de l’essai II, 37, prélevant les passages concernant uniquement la médecine et se débarrassant des considérations plus autoréflexives sur le livre, la souffrance, la transmission paternelle. Une telle entreprise d’équarrissage thématique, qui s’opère au préjudice de la complexité du texte, sera reproduite à maintes reprises31. Le découpage de Beverwyck a un effet paradoxal : il accule le médecin à reconnaître les limites de son art (« tout ce que je sçai, c’est que je ne sçai rien »), de sorte que la différence entre le réquisitoire et le plaidoyer se brouille, que le mouvement de l’examen critique contamine l’assurance du médecin. Victoire de l’essayiste : on sortirait plutôt moins rassuré de la lecture du médecin que de la sienne. Plus fondamentalement, toute tentative de riposter à Montaigne ne revient-elle pas à faire le jeu du scepticisme, et à contribuer à ses dépens au régime de l’epochè pyrrhonienne ? Qui est contre le sceptique est en effet avec lui, comme le souligne Sextus Empiricus :
Et si un dogmatique entreprend de contredire l’une de ces remarques, il renforcera le raisonnement sceptique en affermissant lui-même la suspension de l’assentiment […]32.
C’est ce dont ne se doutait pas le docteur Constantin James, qui, lisant le Journal de Voyage, recula d’horreur devant tant d’hérésies et d’indécences. Le livre même faillit lui échapper des mains. Son ouvrage, Montaigne et ses voyages aux eaux minérales, paru en 1859, constitue une réponse et une vengeance où il distribue, comme il l’explique dans une lettre au Dr. Payen, de « simples coups de pattes à celui qui nous a décoché des ruades ». La BNF possède un exemplaire annoté par le Dr. Payen qui prend la défense de l’intimité bafouée de Montaigne, s’exclamant :
Il est certain que Montaigne n’avait pas l’intention de publier son voyage, peut-être n’avait-il pas le droit de le faire au moins il ne faut pas plus l’en rendre responsable que si on publiait le mémoire de sa blanchisseuse ou la dépense de ses torche-culs33.
On constate à nouveau la diaphônia des opinions médicales, ce mode fondateur sur lequel une partie considérable de l’effort sceptique de Sextus Empiricus s’est concentré34.
Autre voie dans la réception, celle de l’hagiographie. Lorsque les contradictions de Montaigne ne sont pas excusées comme un autre symptôme regrettable de sa neurasthénie, elles deviennent la marque d’élection d’un esprit lucide, affranchi de l’obscurantisme de ses contemporains35. Aux yeux de tous les médecins qui ont collaboré au bulletin, Montaigne apparaît comme un cartésien avant la lettre dont la tabula rasa ouvre la voie royale au triomphe de la science moderne – de la pratique expérimentale, comme le démontre le docteur Batisse36, à la psychoanalyse freudienne, comme le suggère en 1979, après d’autres confrères, le docteur Bernoulli37, piste
reconduite par Fausta Garavini38. Même le goût du voyage à cheval, qui secoue de manière efficace le cavalier, ferait de lui un génial précurseur, à en croire Maurice Rat dans le bulletin de 196839. Dès le fin du xixe siècle en effet, les médecins préconisent aux calculeux de circuler à vélo dans une rue mal pavée ou dans un compartiment des trains départementaux « assez rudes », intuition confirmée en 1968 par une communication à l’Académie de médecine qui fait état de l’expulsion des calculs rénaux par vibration. Notons encore que, dans les traités de médecine, Montaigne figurera très vite comme référence obligée en matière d’impuissance, dès qu’il s’agira d’évaluer les pouvoirs de l’imagination sur l’appareil génital et d’inventer des moyens pour remédier à ses cuisantes faillites40. Il suffit de se plonger dans l’article « ligature » de l’Encyclopédie ou dans le traité de l’impuissance et de la stérilité du médecin Descourtilz (1831, p. 80). Rien d’étonnant si lors du quatrième centenaire de sa naissance, Maurice Creyx estimera Montaigne digne à titre posthume d’un doctorat honoris causa en médecine41.
L’exercice même du doute, d’après le Dr. Batisse, le rapproche de Claude Bernard et des principes de la médecine expérimentale, selon lesquels les causes premières sont hors de la portée des savants. De surcroît, note le Dr. Dujarric de la Rivière dans le bulletin de 1963, les praticiens, qui se sentent souvent impuissants à guérir, ne sont-ils pas les premiers à s’exclamer : « Que sais-je42 ? ». De fait, dès l’Antiquité, le scepticisme a joué un rôle décisif à l’intérieur du champ médical et contribué à son renouvellement, en questionnant les principes d’un art conjectural que les médecins de la Renaissance hésitent eux-mêmes à
élever au statut de scientia : si Montaigne peut critiquer la médecine, c’est que Galien, Pline, Celse et ses contemporains l’ont fait avant lui, comme il le relève lui-même en II, 37. Se pose ici la question des liens de Montaigne avec le médecin sceptique Francisco Sanchez (1552-1632), dont le père, médecin lui-même, vint s’installer à Bordeaux où il exerça avec succès. Le Quod nihil scitur, qui s’attaque à la science et décrète que toute définition est verbale et n’a aucun rapport avec la réalité de la chose, paraît en 1581, quelques mois avant la première édition des Essais. Depuis Victor Cousin, on se demande si Montaigne ne lui répond pas avec le célèbre « Que sais-je » de 1588, question reconsidérée dans le bulletin de 1989 par Jean Cobos43 tandis qu’en 1974, Michiko Ishigami découvre entre un passage de l’expérience et le Quod nihil scitur des ressemblances troublantes44.
En faveur de ces thèses sur Montaigne médecin de génie, on peut certes être frappé du détail de ses recensements urologiques, qui mêlent curiosité narcissique et précisions cliniciennes, jusqu’à lui faire acquérir lors du Voyage une réputation de spécialiste. Ou encore, comme le montre Robert Cottrell45, de son esprit d’investigation critique qui lui fait élever, puis autopsier un bouc pour en arriver à la conclusion que le sang du cobaye n’est pas cette drogue prétendument « admirable », cette manne céleste pour « rompre la pierre ». Cependant, transformer l’expérience montaignienne en expérimentation scientifique, c’est la dénaturer : Montaigne utilise précisément ses observations pour souligner l’irréductibilité du phénomène et exclure toute hypothèse. Rien de plus étranger au perpetuum mobile de la zététique montaignienne que la revendication du Dr. Batisse : « L’essentiel dans notre inquisition est de savoir chercher, d’être apte à trouver46 ». Ce médecin impute à la paresse ou à une forme d’esprit trop mobile l’incapacité de Montaigne à muer sa science d’observation expérimentale en méthode. Il faut attendre
l’article de Georges Pholien, « Montaigne et la science », dans le bulletin de 1990, pour échapper à ce type d’étiologie biologique et reconnaître à Montaigne, redevenu un homme du passé auquel l’ « esprit scientifique » est étranger, une distance réfléchie avec les possibilités de la science : l’observation ne peut être objective et systématique47.
L’écriture pyrrhonienne
C’est en fait seulement à partir des années 80 que l’attention se tourne vers le trajet du texte et ses configurations contradictoires, nous rappelant qu’il est une seule parmi ces « trosgnes magistrales » de médecin dont on puisse dire que Montaigne ait attentivement étudié la technè, et réinvesti à sa façon les modalités discursives : Sextus Empiricus, ce médecin du iie ou iiie siècle après JC, auteur des fameuses Hypotyposes pyrrhoniennes48. En ce sens, borner le scepticisme médical de Montaigne à la répudiation d’un savoir et à un régime de vie purement autarcique revient à méconnaître le mouvement dialectique qui caractérise les modalités énonciatives pyrrhoniennes des Essais. De fait, la suspension de l’assentiment à la médecine n’empêche pas totalement le recours à ses services et une rage de dent peut jeter Montaigne dans les bras du praticien (dans le bulletin de 2004, les compétences d’une pharmacienne permettent d’élucider la
composition des calmants pris par Montaigne49). De même, les thérapies naturelles comme le thermalisme échappent à l’anathème porté contre la confusion liquide des potions d’apothicaire, à moins qu’elles ne soient l’alibi, comme le propose Olivier Pot dans le bulletin en 2000, d’un principe de plaisir voyeuriste et exhibitionniste50. En bon pyrrhonien, Montaigne ne renonce donc pas aux pratiques de son temps et il refuse une constance dans la transgression qui impliquerait une conviction dogmatique. Selon la même logique, comme le montre Jean Céard en 199151, il garde ses distances avec certains dissidents contemporains violemment anti-galéniques (Paracelse, Fioravanti, Argenterius) alors qu’il pouvait se sentir des affinités avec ces figures controversées, à divers titres (refus de la tutelle des anciens, conscience de l’instabilité doctrinale de la médecine, etc.). Car elles ont le défaut de substituer une Autorité à une autre, sans qu’aucun critère n’en garantisse la supériorité. Attitude bien sceptique : Montaigne répugne à mettre sa vie à l’épreuve des « nouvelletez ». Ceux qui préfèrent se fourvoyer avec Galien plutôt que d’y renoncer et ceux qui refusent de l’idolâtrer font pareillement école. Quant à la bibliothèque médicale de Montaigne, elle est sans doute plus fournie que son dilettantisme de bonne compagnie ne veut bien l’admettre. Comme l’a dévoilé Robert Cottrell dans le bulletin de 1982, les Erreurs populaires et le Traité du ris du médecin Laurent Joubert figurent parmi ses sources52. De son côté, dans son Montaigne en mouvement (1982)53, Jean Starobinski a montré que l’autoportrait physiologique de l’essai « de l’expérience », au-delà d’une négligence feinte, traverse les différentes rubriques des traités d’hygiène, ou choses « non naturelles » : l’air, le boire et le manger, le travail et le repos, le dormir et le veiller, etc. En somme, pour celui qui se prétend « contre la médecine », il ne s’agit pas de proposer un autre discours pour se dire, mais de se réapproprier
les lieux communs d’une tradition elle-même conflictuelle. Enfin, on retrouve la leçon hippocratique dans l’idée de laisser faire la maladie et de se confier à une nature médicatrice, dont Claire Couturas analyse le principe de modération dans le bulletin de 2003 : « L’excès ne fait pas partie du projet de la nature qui contient en elle-même la mesure parfaite, et cette mesure est moyenne, medietas, juste équilibre entre le trop et le trop peu. Il ne reste qu’à se laisser guider par elle54 ».
Dernier point, l’analyse de la douleur dans les Essais témoigne aussi d’étroites affinités avec la pensée pyrrhonienne plutôt qu’avec la passion chrétienne, comme le soutenait Jacques de Feytaud dans le bulletin de 1963, identifiant « cette longue quête de Montaigne sur les sentiers de la douleur » avec « l’Imitation de Jésus-Christ55 ». Or, c’est moins le corps qui croit que le corps qui pense qui intéresse Montaigne, ce corps dont les états organiques déterminent les contenus cognitifs. Cette conception témoignerait, selon Marcel Conche dans le bulletin de 2000, des « tendances matérialistes » de Montaigne56. On y retrouve en tous les cas la marque de Plutarque, qui dans Les règles et préceptes de santé, défend, à travers la bouche de Zeuxippus, la nécessité de l’enquête philosophique et cénesthésique sur le corps propre : « tu es naturellement enclin à la philosophie, et ne treuves pas bon qu’un philosophe n’aime la médecine, te semblant estrange qu’il estime luy estre plus convenable qu’on le voye estudiant en la geométrie, en la dialectique, ou en la musique, que d’enquerir et d’apprendre Ce qu’il y a de bien ou de mal chez luy : c’est à dire, dedans son corps57 ». Inversement, la médecine peut disputer à la philosophie les maladies de l’âme comme son domaine de compétence, puisqu’elles affectent le corps ou trouvent leur origine dans le dérèglement humoral. On assiste aussi au croisement de la physiologie et de la philosophie morale de Galien58 au médecin bordelais Pierre Pichot, qui
publie en 1574 chez Millanges, alors que Montaigne rédige ses Essais, le de animorum morbis59. L’essayiste l’a-t-il lu ?
Précieuse à l’essayiste, la solidarité du corps et de l’esprit joue un rôle essentiel chez Sextus Empiricus60. La reconnaissance des affects constitue en effet un des fondements de la vie du sceptique, qui préfère composer avec ses pathè plutôt que de s’acharner à les supprimer comme le font les stoïciens. Son effort ne prend donc absolument pas la forme d’une ascèse tendant à abolir les exigences naturelles, ce que Montaigne tient à souligner : « Il a un corps, il une ame ; les sens le poussent, l’esprit l’agite » (II, 12, 506A, repris de Cicéron, Luc. XXXI : « Habet corpus ; habet animum : movetur mente ; movetur sensibus »). On peut même concevoir le langage sceptique au sens premier comme une pathologie, comme s’il s’agissait d’une suite de « aïe », « ouf », « oh ! », etc., qui échappe à l’assertivité : on ne peut en effet affirmer dogmatiquement quoi que ce soit sur ces sensations (puisque on ne peut les mettre en suspens ni se tromper sur le fait qu’on les ressent) mais seulement manifester ce qu’elles nous font éprouver. Le sceptique s’interdit seulement de juger si ce qu’il éprouve est en soi un bien ou un mal, et de ce fait ses sentiments sont plus modérés que ceux des personnes sujettes à des désirs, peines et plaisirs non-nécessaires.
C’est précisément cette modération, cette metriopathie au sens sceptique du terme, que Montaigne met en action sous les attaques de sa gravelle : il ne s’agit pas en effet de se dominer, mais de se mesurer ; de laisser la douleur s’exprimer mais de ne pas s’y perdre : « Qu’importe que nous tordons nos bras pourveu que nous ne tordons nos pensées ! […] (A) Si le corps se soulage en se plaignant, qu’il le face ; si l’agitation luy plaist, qu’il se tourneboule et tracasse à sa fantasie ». Mais qu’en même temps Nature « maintienne l’ame capable de se reconnoistre, de suyvre son train accoutusmé ; […] (C) capable de commerce, capable d’entretien jusques à une certaine mesure61 ». Montaigne semble appeler de ses vœux cette
tranquillité qui selon Sextus accompagne toute âme garantie de préjugé. Mais si la rupture de l’ataraxie entraîne l’accroissement inévitable de la douleur, l’inverse est également vrai : l’accroissement de la douleur physique peut non seulement paralyser les facultés expressives (comme l’a montré Fausta Garavini dans le bulletin de 198962), mais encore menacer à son tour l’ataraxie : « Je ne dy pas que je ne puisse estre emporté un jour à cette opinion ridicule de remettre ma vie et ma santé à la mercy et gouvernement des medecins63 ». L’usage conditionnel du subjonctif esquisse à plusieurs reprises cette limite possible où sous l’effet de la douleur le jugement capitule et se « desmanche », où le pyrrhonisme et l’ataraxie prennent fin. C’est dans cette défaite de l’esprit critique que commence selon Montaigne la vraie maladie, « aspre fievre » qui saisit l’âme lorsqu’elle accepte de se laisser envoûter par cet « enchantement magicien » et se rend à une opinion dogmatique.
Ce sont d’abord des médecins qui se sont intéressés aux rapports entre Montaigne et leur art, en pratiquant une lecture psychopathologique dont le xixe siècle avait posé les prémisses. Quand il s’agit de disputer du cas Montaigne, ils découpent le texte de manière sélective et l’interprètent de manière littéraliste, annexant de force une pensée complexe pour obéir aux exigences de la formulation d’un diagnostic. Lorsqu’ils attribuent au texte la valeur de symptôme, ils interprètent comme asservissement physiologique un style qui relève au contraire de l’engagement physiologique d’un malade qui « [se] tâte au plus épais du mal » (II, 37) et de la langue.
Au diagnostic des maladies de Montaigne s’articule immanquablement la question de ses rapports conflictuels avec les médecins et la médecine de son temps. Que cela soit par le rejet ou l’hagiographie, qui ramène les Essais à l’« orthodoxie épistémologique64 » d’un programme scientifique, on neutralise les difficultés d’une pensée paradoxale. Les modalités sceptiques d’énonciation permettent en effet à Montaigne de nuancer le procès fait à la médecine. Depuis les années 80, des travaux
épars mettent en valeur ces antipéristases en revenant à la lettre du texte. Le terrain des res medica montaigniennes demeure cependant encore en friche et appelle de futures investigations attentives à la physiologie énonciative, notamment au travail de la métaphore thérapeutique. Loin d’échapper à toute logique, l’essai épouse en effet spontanément la rigueur naturelle d’un panser, qui en vertu de l’orthographe indécise du siècle, est aussi pansement, remède, compresse, aux idées toutes faites. Citons l’essai II, 25 (« De ne contrefaire le malade ») :
Si nous ne commençons de bonne heure à nous penser, quand aurons nous pourveu à tant de playes et à tant de maus ? Si avons nous une tres-douce medecine que la philosophie : car des autres on n’en sent le plaisir qu’apres la guerison, cette cy plait et guerit ensemble65.
Montaigne renoue ici avec la féconde tradition de la philosophie comme thérapie de l’âme66, où le scepticisme joue un rôle privilégié. Car loin de constituer un courant parmi les autres, le logos sceptique se veut l’antidote de toute la philosophie malade des dogmatiques67. Puisant dans les angoisses propres à son époque, Montaigne de son côté écrit : « La peste de l’homme, c’est l’opinion de savoir » (II, 12) et délivre un salutaire conseil, qui conjoint les opérations du corps et celles de la pensée : « Faictes ordonner une purgation à vostre cervelle, elle y sera mieux employée qu’à votre estomac68 ».
Dominique Brancher
1 Charles Percy Snow, The Two Cultures, a d’abord été présenté comme une conférence à l’Université de Cambridge en 1959, puis publié à maintes reprises (voir notamment l’édition de Stefan Collini, Charles Percy Snow, The Two Cultures, Cambridge University Press, 1993).
2 Cité dans Alain Legros, Essais sur poutres : inscriptions et peintures de la tour de Montaigne, berceau des Essais, Paris, Klincksieck, 2003, p. 17.
3 Marcella Leopizzi, Michel de Montaigne chez le docteur Payen : description des lettres et des ouvrages concernant Montaigne dans le fonds Payen de la Bibliothèque nationale de France, Fasano, Schena ; Paris, Lanore, 2007.
4 Montaigne, Journal de Voyage, éd. F. Garavini, Paris, Gallimard, 1983, « Bains della Villa », p. 277.
5 Paul Vivier, Montaigne auteur scientifique, Paris, Maurice Mendel, 1920.
6 Dr. François Batisse, Montaigne et la médecine, Paris, les Belles Lettres, 1962.
7 René Bernoulli, « Aperçu sur la place de Montaigne dans l’histoire de la médecine », in Montaigne et les Essais, (1580-1980), Actes du Congrès de Bordeaux (juin 1980), Paris, Champion ; Genève, Slatkine, 1983, p. 323-335.
8 Parmi les historiens de la médecine, seuls Andrea Carlino et Vivian Nutton ont consacré des études à Montaigne (A. Carlino, « Afflizione e scetticismo : Montaigne e la letteratura contra medicos », Medicina nei secoli, vol. 14 no 2, 2002 ; V. Nutton, « Medicine in the age of Montaigne », in Montaigne and his age, Exeter, éd. K. Cameron, 1981).
9 Jean Starobinski, « Brève histoire de la conscience du corps », Revue Française de Psychanalyse, 1981, vol. 45, no 2, p. 261-279, 278.
10 Frank Lestringant, compte-rendu dans le BSAM, 1983, no 13-14, janvier-juin, p. 116-117 d’Antoine Compagnon, « Montaigne chez les postmodernes », Critique, no 433-434, juin-juillet 1983, p. 522-534.
11 Laurent Joubert, Erreurs populaires, 1578, livre I, chap. ii, « S’il est possible par la médecine allonger la vie des hommes », p. 21-22.
12 Stéphane Grisi, Dans l’intimité des maladies : de Montaigne à Hervé Guibert, Paris, Desclée de Brouwer, 1996.
13 Paul Julius Möbius, J.-J. Rousseau’s Krankheitsgeschichte, Leipzig, Vogel, 1889 ; Über J.J. Rousseaus Jugend, Langensalza, Beyer, 1899 ; Über das Pathologische bei Goethe, Leipzig, Barth, 1898 ; Über das Pathologische bei Nietschze, in Grenzfragen des Nerven- und Seelenlebens, (H. 17), Wiesbaden, J.F. Bergmann, 1902. Sur le genre de la pathographie, voir M.D. Grmek, « Histoire des recherches sur les relations entre le génie et la maladie », Revue d’histoire des sciences et de leurs applications, 1962, vol. 15, p. 52-68.
14 Journal de voyage, p. 291.
15 Paul Vivier, Montaigne auteur scientifique, Maurice Mendel, Paris, 1920.
16 Merleau-Ponty, Montaigne et les médecins, Paris, librairie médicale et scientifique Jules Rousset, 1903 (thèse).
17 Séance du 31 décembre 1907 de l’Académie de médecine, in Bulletin de l’Académie de Médecine, 1907, 3e série, t. VIII, p. 617.
18 Dr. Armingaud, « Montaigne était-il hypocondriaque ? », Bulletin de l’Académie de Médecine, 1908, 3e série, t. LIX, p. 272-282.
19 Batisse, Montaigne et la médecine, p. 44-45.
20 « La mort de Michel de Montaigne. Ses causes rediscutées par la consultation posthume de médecins spécialistes de notre temps : M. Daudon, J. Thomas, P. Trotot, R. Bernoulli, P. Albou, A. Eyquem et F. Pottiée-Sperry, 28 décembre 1995 & 24 février 1996 », BSAM, 1996, 8e série, no 4, juillet-décembre, p. 7-16, 15.
21 Pierre Leschemelle, « Mal à l’âme ou hernie ? », BSAM, 1998, 8e série, no 11-12, juillet-décembre, p. 94-95.
22 Forum : Gabriel-André Pérouse, « Vous avez dit “lésion” ? », BSAM, 1999, 8e série, no 13-14, janvier-juin, p. 69.
23 Raymond Delacroix, Montaigne malade et médecin, thèse présentée à la Faculté de médecine et de pharmacie de Lyon, Lyon, A. Rey, 1907, p. 9-10.
24 René Bernoulli, compte-rendu de Pierre Leschemelle, Montaigne ou le mal de l’âme, Paris, Éditions Imago, 1991, BSAM, 1992, 7e série, no 27-28, janvier-juin, p. 117-121.
25 Leschemelle, « Mal à l’âme ou hernie ? », BSAM, 1998, 8e série, no 11-12, juillet-décembre, p. 94.
26 André Tournon, compte-rendu de deux ouvrages de Pierre Leschemelle (Montaigne, le badin de la farce, de la joie tragique à la gaie sagesse, Paris, Imago, 1995 ; Montaigne tout entier et tout nu. Anthologie des Essais, Paris, Imago, 1998), BSAM, 1998, 8e série, no 9-10, janvier-juin, p. 90-92.
27 André Tournon, « “Et séparément considérées”. Mélancolie : les leurres des lectures synthétiques », BSAM, 2006, 8e série, no 41-42, janvier-juin, p. 159-174, 169.
28 Ibid., p. 173.
29 René Dujarric de la Rivière, Membre de l’Institut et de l’Académie de Médecine, « Montaigne et la Médecine », BSAM, 1963, 3e série, no 27, p. 3-17.
30 Beverwyck, Montanus elenchomenos sive, Refutatio argumentorum quibus Michael de Montaigne impugnat necessitatem medicinae, 1631. Voir aussi la traduction française, Deffense de la medecine contre les calomnies de Montagne, en forme de dialogue par Sr. Beeverwyck… Traduit du holandois par Madame de Zoutelandt…, compris dans l’Eloge de la Medecine et de la Chirurgie, Paris, V. Rebuffe, 1730.
31 Du Dictionnaire médical des Essais de Spalikowski, paru en 1897, à Une interview de Montaigne sur la Médecine, propos recueillis par Philippe Albou, Paris, Klincksieck, 1992, sans compter les Pilules apéritives à l’extrait de Montaigne préparées ad usum medici de Pierre Pic, parues à Paris en 1908.
32 Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, introduction, traduction et commentaires par P. Pellegrin, Paris, Seuil, 1997, II, 259, p. 353.
33 Dr. Constantin James, Montaigne, ses voyages aux eaux minérales en 1580 et 1581, Paris, impr. de E. Thunot, 1859, notes manuscrites du Dr Payen.
34 Jonathan Barnes relève que le mot se trouve environ 150 fois dans les Hypotyposes (« La Diaphônia Pyrrhonienne », in Le Scepticisme antique, perspectives historiques et systématiques, Actes du Colloque international sur le Scepticisme antique, Université de Lausanne, 1-3 juin 1988, éd. par J. Voelke, Cahiers de la Revue de Théologie et de Philosophie, 15, Genève-Lausanne-Neuchâtel, 1990, p. 97-106).
35 Selon René Bernoulli, Johann-Peter Frank, auteur d’un System einer vollständigen medicinischen Polizey (1779-1819), semble un des premiers à voir en Montaigne un auteur scientifique digne d’être cité dans un ouvrage de médecine.
36 François Batisse, « Montaigne et les principes de la médecine expérimentale », in Georges Palassie, Mémorial du Ier Congrès international des études montaignistes, Bordeaux-Sarlat, 1er-4 juin 1963, Bordeaux, 1964, p. 204-214.
37 René Bernoulli, « Essai médico-psychologique sur Montaigne », BSAM, 1979, 5e série, no 29-30, janvier-juin, p. 37-47. Voir encore Laignel Lavastine, professeur à la Faculté de médecine de Paris et sociétaire de la SIAM, qui considère Montaigne comme un grand psychiatre et psychologue dans son livre Les malades de l’Esprit et leurs médecins du xvie au xixe siècle, dont rend compte le bulletin en 1942 : « Il a reconnu la folie là où la plupart de ses contemporains ne voyaient que le crime, et sa fonction de magistrat lui a donné l’occasion de combattre l’erreur de punir ceux qu’il fallait plutôt soigner et guérir » (Dr H. Abrand, « Montaigne, les Médecins et la Médecine », compte-rendu de G. Guichard, BAM, 1942, 2e série, no 12, p. 10-26, 25). On relèvera encore Roger Trinquet, « La curiosité psychologique chez Montaigne dès ses premiers essais (I, II, De la tristesse) », BSAM, 1974, 5e série, no 9, janvier-mars, p. 21-18 ; Marcel Françon, « Le subconscient chez Montaigne et chez Rousseau », BSAM, 1981, 6e série, no 5-6, janvier-juin, p. 117.
38 Fausta Garavini, « Le fantasme de la mort muette (à propos de I, 2, “De la tristesse”) », BSAM, juillet-décembre 1988, janvier-juin 1989, 7e série, no 13-14-15-16, p. 127-138. Voir aussi la contribution de Tristan Dagron, « Montaigne : clinique humaniste et psychologie du self », au volume Montaigne contemporaneo, Atti del Convegno, éds. N. Panichi, R. Ragghianti et A. Savorelli, Pise, Edizioni della Normale, 2011. De son côté, Gustave Lanson affirmait que Montaigne avait introduit l’analyse psychologique dans la littérature française (Les Essais de Montaigne : étude et analyse, Paris, Mellottée, 1930).
39 Maurice Rat, « Michel de Montaigne, médecin de soi-même », BSAM, 1968, 4e série, no 15, juillet-septembre, p. 29-31.
40 Sur ce point, voir Alain Corbin, L’Harmonie des plaisirs. Les manières de jouir du siècle des Lumières à l’avènement de la sexologie, Paris, Perrin, 2008, p. 192-193.
41 Maurice Creyx, « Montaigne, malade, médecin, hydrologue », in IVe Centenaire de la Naissance de Montaigne, 1533-1933, Conférences organisées par la ville de Bordeaux, Bordeaux, 1933, p. 182-212.
42 Dujarric de la Rivière, « Montaigne et la Médecine », BSAM, 1963, 3e série, no 27, p. 3-17.
43 Jean Cobos, « Entre Montaigne et Sanchez », BSAM, 1989, 7e série, no 17-18, juillet-décembre, p. 21-33.
44 Michiko Ishigami, « Le Quod nihil scitur de Sanchez et l’essai “De l’expérience” de Montaigne », BSAM, 1974, 5e série, no 9, janvier-mars, p. 11-19.
45 Recension de Robert D. Cottrell (« Of Dialectics and Goat’s Blood in an Anecdote by Montaigne », Renaissance Quarterly, vol. XXX, no 1, Spring 1977, p. 101-102), BSAM, 1978, 5e série, no 27-28, juillet-décembre, p. 101-102.
46 Nous soulignons. Batisse, « Montaigne et les principes de la médecine expérimentale », p. 211.
47 « Il demeure un homme du passé. […] Ce serait une erreur de considérer le refus, affiché dans les Essais, de poursuivre l’investigation au-delà de certaines bornes comme un signe avant-coureur de positivisme, qui estime, lui aussi, que “les extrémités de notre perquisition tombant en éblouissement” (p. 544), la sagesse prescrit de s’en tenir aux faits. [[…] Il est à cent lieues d’un Claude Bernard, que stimulait le tourment de l’inconnu. Il est aux antipodes non seulement du scientisme du xixe siècle, mais aussi des savants du xxe qui estiment que, si le dernier mot de l’univers est hors de notre portée, l’amélioration de nos conditions de vie tient du moins à la découverte du plus grand nombre de ses mécanismes. Or le lien entre savoir et pouvoir échappe à l’auteur des Essais. [[…] Sans relation avec les faits, nos cogitations n’influent pas sur eux » (Georges Pholien, « Montaigne et la science », BSAM, 1990, 7e série, no 19-20, p. 61-70, 65 ; 67).
48 Sur les liens entre Montaigne, la médecine et le scepticisme, voir nos articles « “Ny plus ne moins que que la rubarbe qui pousse hors les mauvaises humeurs” : la rhubarbe au purgatoire », in L’écriture du scepticisme chez Montaigne, éds. M.-L. Demonet et A. Legros, Genève, Droz, 2004, p. 303-320 ; rubrique « Montaigne et la médecine » du Dictionnaire Montaigne, éd. P. Desan, Paris, Honoré Champion, 2004.
49 Jean-Pierre Le Vraud et Hélène Pouts, docteur en pharmacie, « Du remède et des souffrances », BSAM, 2004, 8e série, no 35-36, juillet-décembre, p. 44-66.
50 Olivier Pot, « Le Journal de Voyage en Suisse, ou un essayiste aux bains », BSAM, 2000, 8e série, no 19-20, juillet-décembre, p. 23-38.
51 Jean Céard, « Contributions italiennes aux mutations de la médecine selon Montaigne », in Montaigne e l’Italia, Atti del Congresso internazionale di Studi, Milano-Lecco, 26-30 ottobre 1988, éd. E. Balmas, Genève, Slatkine, 1991, p. 229-243.
52 Robert D. Cottrell, « Une source possible de Montaigne : le Traité du Ris de Laurent Joubert », BSAM, 1982, 6e série, no 9-10, janvier-juin 1982, p. 73-79.
53 Voir le compte rendu de l’ouvrage par Sylviane Bokdam-Huot dans le BSAM, 1983, 6e série, no 13-14, janvier-juin.
54 Claire Couturas, « De la modération (I, 30) : vertu “affaireuse” ou principe vital ? », BSAM, 2003, 8e série, no 29-30, janvier-juin, p. 59-74, p. 70.
55 Jacques de Feytaud, « La Doulou (Montaigne et la douleur) », BSAM, 1963, 3e série, no 25-26, p. 25-66.
56 Marcel Conche, « Tendances matérialistes chez Montaigne », BSAM, 2000, 8e série, no 19-20, juillet-décembre, p. 11-21.
57 Œuvres morales de Plutarque, traduites du grec par Amyot, t. V, Paris, Janet et Cotelle, 1819, Les règles et préceptes de santé, p. 48-49.
58 Voir Galien, Sur le diagnostic et le traitement des passions propres de l’âme de chacun, traité en deux livres respectivement consacrés l’un aux passions de l’âme et l’autre aux erreurs de jugement ; et Que les facultés de l’âme suivent les tempéraments du corps. Traduction française des deux traités par V. Barras, T. Birchler et A.-F. Morand, Galien L’âme et ses passions, Paris, Les Belles Lettres, 1995.
59 Titre abrégé (Pierre Pichot, De animorum natura, morbis, vitiis, noxis, horumque curatione, ac medela, ratione medica ac philosophica, Bordeaux, Millanges, 1574). Pour une notice bio-bibliographique, voir Alain Legros, « La vie et l’œuvre d’un médecin contemporain de Montaigne, Pierre Pichot », RFHL, 1996, no 90-91, p. 361-374.
60 Voir notre article « Montaigne face à la médecine : écriture sceptique et modèle médical à la Renaissance », BSAM, 2007, 8e série, janvier, p. 41-65.
61 Michel de Montaigne, Essais, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 1992 (1924 puis 1965), II, 37, p. 761.
62 Garavini, « Le fantasme de la mort muette (à propos de I, 2, “De la tristesse”) », BSAM, 1989, p. 127-138.
63 Essais, II, 37, p. 785.
64 Tournon, « “Et séparément considérées”. Mélancolie : les leurres des lectures synthétiques », BSAM, 2006, p. 170.
65 II, 25, 690A.
66 Voir André-Jean Voelke, La philosophie comme thérapie de l’âme : études de philosophie hellénistique, Fribourg, Éditions Universitaires, 1993. Elle remonte à Cicéron (Tusculanes, IV, 10) et repose sur une analogie d’origine stoïcienne (voir Jackie Pigeaud, La maladie de l’âme. Etude sur la relation de l’âme et du corps dans la tradition médico-philosophique antique, Paris, Les Belles Lettres, 1989, p. 287-291).
67 « Le sceptique, du fait qu’il aime l’humanité, veut guérir par la puissance du logos la présomption [qu’on peut aussi traduire par “opinion”] et la précipitation des dogmatiques » (Sextus Empiricus, HP, III, 280).
68 II, 37, 768C.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-8124-3977-3
- EAN: 9782812439773
- ISSN: 2261-897X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-8124-3977-3.p.0159
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-21-2013
- Periodicity: Biannual
- Language: French