Conclusion
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : « Briller par la diversité ». Les recueils collectifs de poésies au xviie siècle (1597-1671)
- Pages : 477 à 478
- Collection : Lire le xviie siècle, n° 66
- Série : Voix poétiques, n° 9
Conclusion
Miroirs de la production contemporaine, les compilations poétiques offrent un accès privilégié au goût poétique dominant des lecteurs du xviie siècle. Les changements progressifs du répertoire permettent de dégager une évolution dans la composition des pièces poétiques du temps et, partant, d’esquisser, au fil des publications, une histoire de la poésie du xviie siècle au travers des recueils collectifs
L’analyse des formes les plus représentatives de l’expression poétique donne la possibilité de décrire concrètement le concept de diversité, tant prisé à cette époque. En effet, si la variété qui caractérise les compilations poétiques des trente premières années du siècle a une importante dimension thématique, celle de la poésie galante résidera, elle, surtout dans la diversité formelle. Dans la seconde moitié du siècle, l’éventail des genres s’élargit, les formes d’écriture et les modes d’énonciation se diversifient, autres facteurs de variété.
Révélatrice des changements des préférences esthétiques est notamment la réception de Jean Bertaut au cours du xviie siècle. L’évêque de Sées fait partie des auteurs les plus goûtés du début du xviie siècle, non parce qu’il ferait partie d’une « arrière-garde1 » de la Pléiade, mais parce que sa poétique est moderne, et proche de celle de Malherbe. Poète du sentiment amoureux, Bertaut exploite tout l’éventail des poncifs du néo-pétrarquisme. Parce que celui-ci reste le code dominant de l’expression 478amoureuse tout au long du siècle, le poète garde une certaine actualité encore dans les années 1650. Si ses poésies ne sont pas réimprimées dans les recueils collectifs du milieu du siècle, c’est moins pour des raisons thématiques que des raisons formelles : les genres utilisés par Bertaut ne correspondant plus aux préférences des lecteurs du milieu du siècle, qui goûtent notamment les pièces brèves en vers mêlés. D’un point de vue énonciatif, la plainte sérieuse de l’amant transi a fini par paraître éculée et si l’expression sérieuse est encore parfois goûtée, c’est quand elle est prise en charge par un je lyrique féminin. Mais ce qui emporte surtout l’adhésion du public des années 1660, c’est l’infléchissement ludique du discours, bien que celui-ci demeure innervé par les topoï du néo-pétrarquisme.
Dans le contexte galant en particulier, les lecteurs des recueils collectifs ne sont pas seulement des consommateurs passifs. Une partie d’entre eux du moins s’adonne aussi à la composition poétique. L’étude du prosimètre et des vers mêlés invite à penser que certains choix d’écriture sont dictés par des considérations pratiques, la souplesse formelle facilitant l’élaboration des pièces. L’analyse des formes les plus pratiquées permet ainsi de dégager des règles de composition qui invitent à lire ces recueils aussi comme des arts poétiques. C’est cette étude, entre d’autres, qui sera approfondie dans la partie qui va suivre.
En effet, si le recueil collectif constitue un baromètre des goûts et esthétiques dominants d’une période précise, la question des usages et des lectures qu’il a pu susciter demeure encore entière.
1 Selon l’expression d’É. Pasquier dans ses Recherches de la France : « Depuis la mort de Henry, les Troubles qui survindrent en France pour la Religion, troublerent aucunement l’eau que l’on puisoit auparavant dans la fontaine de Parnasse toutes-fois reprenans peu à peu nos esprits, encores ne manquasmes nous de braves Poëtes que je mets pour l’arriere-garde, uns Philippes des Portes, Scevole de Saincte Marthe, Florent Chrestien, Jacques Grevin, les deux Jamins, Nicolas Ramin (sic pour “Rapin”), Jean Garnier, le Seigneur de Pibrac, Guillaume Saluste Seigneur du Bartas, le Seigneur du Perron, & Jean Bertaut, avec lesquels je ne douteray d’adjouster mes Dames des Roches de Poictiers mere & fille, & specialement la fille qui reluisoit a bien escrire entre les Dames, comme la Lune entre les Estoilles. » (Paris, L. Sonnius, 1621, VII, 7 p. 739 [nos italiques]).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-10964-8
- EAN : 9782406109648
- ISSN : 2257-915X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-10964-8.p.0477
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/08/2021
- Langue : Français