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Classiques Garnier

Conclusion

  • Type de publication : Chapitre d’ouvrage
  • Ouvrage : « Briller par la diversité ». Les recueils collectifs de poésies au xviie siècle (1597-1671)
  • Pages : 477 à 478
  • Collection : Lire le xviie siècle, n° 66
  • Série : Voix poétiques, n° 9
  • Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
  • EAN : 9782406109648
  • ISBN : 978-2-406-10964-8
  • ISSN : 2257-915X
  • DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-10964-8.p.0477
  • Éditeur : Classiques Garnier
  • Mise en ligne : 11/08/2021
  • Langue : Français
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Conclusion

Miroirs de la production contemporaine, les compilations poétiques offrent un accès privilégié au goût poétique dominant des lecteurs du xviie siècle. Les changements progressifs du répertoire permettent de dégager une évolution dans la composition des pièces poétiques du temps et, partant, desquisser, au fil des publications, une histoire de la poésie du xviie siècle au travers des recueils collectifs

Lanalyse des formes les plus représentatives de lexpression poétique donne la possibilité de décrire concrètement le concept de diversité, tant prisé à cette époque. En effet, si la variété qui caractérise les compilations poétiques des trente premières années du siècle a une importante dimension thématique, celle de la poésie galante résidera, elle, surtout dans la diversité formelle. Dans la seconde moitié du siècle, léventail des genres sélargit, les formes décriture et les modes dénonciation se diversifient, autres facteurs de variété.

Révélatrice des changements des préférences esthétiques est notamment la réception de Jean Bertaut au cours du xviie siècle. Lévêque de Sées fait partie des auteurs les plus goûtés du début du xviie siècle, non parce quil ferait partie dune « arrière-garde1 » de la Pléiade, mais parce que sa poétique est moderne, et proche de celle de Malherbe. Poète du sentiment amoureux, Bertaut exploite tout léventail des poncifs du néo-pétrarquisme. Parce que celui-ci reste le code dominant de lexpression 478amoureuse tout au long du siècle, le poète garde une certaine actualité encore dans les années 1650. Si ses poésies ne sont pas réimprimées dans les recueils collectifs du milieu du siècle, cest moins pour des raisons thématiques que des raisons formelles : les genres utilisés par Bertaut ne correspondant plus aux préférences des lecteurs du milieu du siècle, qui goûtent notamment les pièces brèves en vers mêlés. Dun point de vue énonciatif, la plainte sérieuse de lamant transi a fini par paraître éculée et si lexpression sérieuse est encore parfois goûtée, cest quand elle est prise en charge par un je lyrique féminin. Mais ce qui emporte surtout ladhésion du public des années 1660, cest linfléchissement ludique du discours, bien que celui-ci demeure innervé par les topoï du néo-pétrarquisme.

Dans le contexte galant en particulier, les lecteurs des recueils collectifs ne sont pas seulement des consommateurs passifs. Une partie dentre eux du moins sadonne aussi à la composition poétique. Létude du prosimètre et des vers mêlés invite à penser que certains choix décriture sont dictés par des considérations pratiques, la souplesse formelle facilitant lélaboration des pièces. Lanalyse des formes les plus pratiquées permet ainsi de dégager des règles de composition qui invitent à lire ces recueils aussi comme des arts poétiques. Cest cette étude, entre dautres, qui sera approfondie dans la partie qui va suivre.

En effet, si le recueil collectif constitue un baromètre des goûts et esthétiques dominants dune période précise, la question des usages et des lectures quil a pu susciter demeure encore entière.

1 Selon lexpression dÉ. Pasquier dans ses Recherches de la France : « Depuis la mort de Henry, les Troubles qui survindrent en France pour la Religion, troublerent aucunement leau que lon puisoit auparavant dans la fontaine de Parnasse toutes-fois reprenans peu à peu nos esprits, encores ne manquasmes nous de braves Poëtes que je mets pour larriere-garde, uns Philippes des Portes, Scevole de Saincte Marthe, Florent Chrestien, Jacques Grevin, les deux Jamins, Nicolas Ramin (sic pour “Rapin”), Jean Garnier, le Seigneur de Pibrac, Guillaume Saluste Seigneur du Bartas, le Seigneur du Perron, & Jean Bertaut, avec lesquels je ne douteray dadjouster mes Dames des Roches de Poictiers mere & fille, & specialement la fille qui reluisoit a bien escrire entre les Dames, comme la Lune entre les Estoilles. » (Paris, L. Sonnius, 1621, VII, 7 p. 739 [nos italiques]).