Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Autorité et marginalité sur les scènes européennes (xviie-xviiie siècles)
- Pages : 299 à 303
- Collection : Rencontres, n° 269
- Série : Littérature générale et comparée, n° 16
Résumés
François Lecercle, « Saül et la sorcière d’Endor. Autorité précaire et marginalité réversible »
L’article étudie l’étonnante réversibilité des relations entre Saül et la sorcière dans les adaptations théâtrales de l’épisode d’Endor (I Rois/Samuel, 28) entre 1560 et 1830. De nombreux dramaturges (La Taille, Holzwart, Crane, etc.) donnent tour à tour aux deux protagonistes des positions d’autorité et de marginalité, pour en tirer des effets puissants destinés à plonger le spectateur dans le trouble. L’inventivité ainsi déployée n’est pas sans mettre en cause l’autorité de la Bible elle-même.
Béatrice Ferrier, « De la marginalité à l’aura sacrée. Judith en scène »
La reconstruction de la figure de Judith sur la scène des Lumières invite à reconsidérer la question de la marginalité comme signe d’élection biblique. L’écriture théâtrale atténue en effet la dimension marginale du personnage sans porter atteinte à son autorité qui repose alors sur les valeurs collectives. Marginalité sociale et autorité religieuse ou politique s’éloignent pour faire glisser la marginalité vers l’héroïsme et l’autorité vers la légitimité, en lien avec une autre forme de sacré.
Philippe Meunier, « Le personnage du morisque à l’aune de la Comedia Nueva. Le cas de Aimer par-delà de la mort de Calderón de La Barca : pour une réhabilitation ? »
La représentation sur la scène espagnole du morisque peut difficilement se soustraire aux coordonnées de la Comedia Nueva : la guerre civile de l’Alpujarre (1568-1570) est dramatisée en une affaire d’honneur entre dames et galants, de chaque côté d’une ligne géographique, religieuse et mentale qui sépare vieux et nouveaux chrétiens, autorité et marginalité. Le drame humain rapproche 300toutefois la figure historique de don Juan d’Autriche et celle imaginaire de don Alvaro de Tuzaní, tous deux marginaux à leur façon.
Antony McKenna, « Amphitryon : autorité, vérité, identité »
Chez Molière, les serviteurs et les servantes jouent souvent le rôle de miroir déformant de la société des honnêtes gens. Molière s’en sert aussi pour lancer une formule audacieuse en la faisant passer pour un lieu commun de la sagesse populaire : c’est une véritable stratégie de la marginalité. Amphitryon, exemple saisissant, introduit une dimension surnaturelle, et dédouble ainsi les maîtres et les serviteurs dans un contexte où se joue un drame de l’identité, lequel sera ramené à un drame de l’autorité.
Sylvie Ballestra-Puech, « “Liberté comique” ou “licence affreuse” ? Lysistrata entre autorité morale et marginalité esthétique de Fontenelle à Madame de Genlis »
À l’âge classique, Lysistrata cristallise le malaise qu’éprouvent ceux qui tentent de présenter Aristophane à un public enclin à juger la comédie en fonction du canon moliéresque. Le paradoxe d’une pièce à la fois éminemment morale et scandaleusement licencieuse dérive sans doute du sujet même de la pièce : l’abstinence comme arme politique des femmes ne peut se manifester sur la scène que par l’exacerbation du désir masculin et par une érotisation généralisée des corps comme du langage.
Anne Teulade, « Regards populaires sur l’autorité monarchique. Usages instables de la figure du soldat dans le théâtre d’histoire récente du Siècle d’Or espagnol »
Le soldat, d’abord marginal dans le théâtre sérieux, où prédominent des personnages dotés d’une plus grande dignité sociale ou militaire, acquiert la stature d’un personnage étoffé dans les comedias espagnoles du xviie siècle. Dans les pièces de guerre, son parcours illustre les conséquences des stratégies militaires des autorités espagnoles et peut être utilisé comme une caution de la politique des Habsbourg, comme il peut introduire une polyphonie porteuse de distance critique à l’égard du projet monarchique.
301Yona Dureau, « Crises de l’autorité et filiation dans Richard III et King Lear de Shakespeare »
La contestation de l’autorité dans les tragédies shakespeariennes s’exprime par le biais d’interactions mêlant la sphère familiale à la sphère politique, fondées sur les appétits et les pulsions humaines. Les tragédies où se joue la contestation de l’autorité interrogent le spectateur sur la nature et la légitimité du pouvoir. Cet article explore les liens entre crises de l’autorité patriarcale et crise de l’autorité royale, de droit divin, ainsi que les formes et sens ambivalents de l’évocation de ces crises.
Catherine Ramond, « La crise de l’autorité paternelle et les mutations de la comédie nouvelle. L’exemple de Destouches »
Parallèlement aux mutations sociales et à l’évolution des relations familiales, le théâtre de Destouches met en scène des parents autoritaires et des conflits entre parents et enfants, mais aussi des personnages muables, pères et mères sensibles et bienveillants, soucieux du bonheur de leurs enfants et qui suscitent l’adhésion au lieu de provoquer le rire. Ce renversement de l’autorité et de la fonction des parents dans la comédie nouvelle s’accompagne d’une mutation esthétique : la comédie devient touchante.
Julien Garde, « Le rôle d’Achille dans Iphigénie en Aulide (1774) de Gluck. Noblesse et vérité d’un personnage dissident »
La réforme de l’opéra mise en place par Gluck dès 1762 est en elle-même un acte de dissidence par rapport à l’opéra italien alors tentaculaire. Cette idée de marginalité, loin d’être théorique, est incarnée par certains personnages. Achille est de ceux-ci, rejetant la rhétorique musicale pour un langage authentique et innovant. L’énergie qu’il dépense à se dresser contre le tyran se révèle en tant que recherche de solutions dramatiques pour un genre plus proche du drame et de l’humain.
Marie Saint-Martin, « “L’éloquence sans art, sans travail, & sans peine”. Qelle autorité pour un public de marginales ? »
Nombreux sont les théoriciens classiques à déplorer la transformation du public moderne à partir de 1640. Les femmes semblent occuper, dans le discours 302des hommes, mais aussi à l’intérieur d’un théâtre dont elles occupent les loges et jamais le parterre, un rôle paradoxal d’autorité, puisqu’elles décident du bon goût et du succès d’une pièce, et remettent en cause les autorités savantes traditionnelles, alors même que ce rôle s’accompagne d’une nouvelle forme de marginalisation signalée par les paratextes.
Françoise Poulet, « Le personnage du fou dans les “pièces d’asile” françaises des xviie et xviiie siècles. Entre marginalité et contestation ludique de l’autorité rationnelle »
Au théâtre, le fou peut être considéré comme l’archétype du personnage marginal, surtout lorsqu’il est mis en scène dans une « pièce d’asile », comédie prenant pour décor un hôpital d’insensés. Or, dans les « pièces d’asile » françaises des xviie et xviiie siècles, la marginalité du fou ne perturbe bien souvent l’autorité rationnelle que de façon ludique et éphémère. Elle apparaît moins comme une forme de transgression morale, voire politique, que comme une manière de célébrer l’illusion.
Jean-François Lattarico, « Hermaphrodites et eunuques en scène. Indifférenciation et marginalité sexuelles dans le théâtre vénitien au xviie siècle »
Cet article étudie les figures de la marginalité du théâtre vénitien du xviie siècle. Leur présence témoigne à la fois de l’héritage du théâtre pastoral, genre hybride et monstrueux, dont l’hermaphrodite est une figure emblématique, et de l’idéologie libertaire de la Sérénissime dominée par l’académie des Incogniti. Ce théâtre du triomphe de l’hybride et de l’indétermination montre la place importante accordée à la marginalité, brisant ainsi la dimension hiérarchisée des genres canoniques jusqu’alors dominants.
Martial Poirson, « Relevons l’infâme ! Deschauffours ombre (théâtrale) projetée de la (mauvaise) conscience occidentale »
Dans une parodie dramatique anonyme de 1739 restée manuscrite, l’Enfer est l’espace d’une réhabilitation de l’ombre allégorique de l’« infâme Deschauffours », célèbre pédo-proxénète et pédo-criminel brûlé en 1726. À travers la glorification de la jouissance sans entraves et la satire de la répression normative des comportements considérés comme déviants, s’exprime 303cependant une économie libidinale qui occulte la réciprocité du plaisir et exprime l’apologie d’une sexualité tarifée sans consentement mutuel.
Marion Lafouge, « En marge de soi-même. Marginalité et redéfinition du sublime dans la Mirra d’Alfieri »
Le rejet de l’autorité est au centre de la vie et de l’œuvre de V. Alfieri, qui rompt à la fois avec la figure de l’écrivain courtisan et avec les modèles dramatiques liés à la monarchie absolue, pour promouvoir un théâtre de la marge qui explore et redéfinit la notion de sublime. L’exemple de Mirra met ainsi en œuvre, à travers le traitement de la passion incestueuse, plusieurs types de sublime dont la superposition aboutit à tisser pour le spectateur un nouveau voile de Timanthe.
- Thème CLIL : 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN : 978-2-406-06245-5
- EAN : 9782406062455
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06245-5.p.0299
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 29/09/2017
- Langue : Français