Liminaire
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Antoine Arnauld, théologien de Port-Royal (1612-1694)
- Pages : 9 à 11
- Collection : Univers Port-Royal, n° 46
Liminaire
Le présent ouvrage est né d’un étonnement. De très nombreuses études ont été consacrées, ces trente dernières années, au « Grand Arnauld1 », disciple de l’abbé de Saint-Cyran, défenseur de Jansénius, véritable « chef de file des théologiens augustiniens liés à Port-Royal », ainsi que l’écrit Philippe Sellier2 : notices de dictionnaires ou d’encyclopédies, articles et interventions de colloques, ouvrages ou écrits divers, dont beaucoup portent sur sa philosophie, en particulier sur sa philosophie du langage et de la connaissance, sur ses relations avec Nicolas Malebranche, et sur sa théologie. Pour retrouver le nom de la plupart de leurs auteurs, il n’est que de se reporter au volume 44 de la revue des Chroniques de Port-Royal, où sont réunies les communications du colloque du tricentenaire de la mort du philosophe-théologien, colloque organisé en 1994 par la Société des amis de Port-Royal.
Or, à l’exception du monumental ouvrage d’Émile Jacques sur Les années d’exil d’Antoine Arnauld (1679-1694), aucune biographie historique d’ensemble n’a été publiée. Aussi nous a-t-il semblé intéressant de reprendre la Vie de Messire Antoine Arnauld, docteur de Sorbonne, composée par Noël de Larrière, telle qu’elle figure au tome quarante-troisième des Œuvres du théologien, publiées sour le titre : Œuvres de Messire Antoine Arnauld, docteur de la Maison et Société de Sorbonne, à Paris et se vend à Lausanne, chez Sigismond d’Arnay, libraire à Lausanne, en 1775-17833. Certes, « le but apologétique de l’entreprise n’est que trop clair », ainsi 10que l’écrit Jean-Robert Armogathe4 : en dotant la mémoire d’Arnauld de ce monument, ses auteurs entendaient présenter Port-Royal et tout le mouvement janséniste ultérieur dans l’aura du “plus savant mortel qui ait jamais écrit” (Épitaphe d’Arnauld par Boileau) ». En dépit des limites et des défauts de cette publication5, il faut reconnaître le mérite des éditeurs rassemblant autant d’écrits du théologien-philosophe et les présentant avec autant de précision et de justesse.
Quoi qu’il en soit, les responsables de l’édition de Lausanne sont au nombre de trois : « Le principal éditeur des œuvres d’Arnauld fut l’abbé Jean Hautefage (1735-1816 », ancien chanoine d’Auxerre, installé « à Lausanne durant six ou sept ans », écrit A. Gazier6 ; le deuxième est Gabriel du Pac de Bellegarde (1717-1789), théologien et historien, auteur d’une Histoire abrégée de l’Église métropolitaine d’Utrecht (1765), qui vécut en Hollande, ainsi qu’à Lausanne.
Le troisième éditeur d’Arnauld est Noël de Castera de Larrière, l’auteur de la Vie, est né à Aillas, près de Bazas en 1735 (ou 1738), et mort à Aillas en 1802 (ou 1803). Après avoir fait ses études chez les oratoriens de Condom, il se rend à Paris, où il prend le parti des appelants. Auprès de Bellegarde et de Haufage, il participe à la publication des Œuvres d’Arnauld : il en compose la biographie, qui, par bien des côtés, a tout du panégyrique, même si elle fournit des informations de toute première main. Sans être ecclésiastique – on ne sait même s’il a été tonsuré –, l’abbé de Larrière, ainsi qu’on l’appelle, participe aux Nouvelles Ecclésiastiques, puis aux Annales de la religion. Il est connu pour être un partisan zélé de la Révolution française, signant la constitution civile du clergé, mais doit retourner vivre dans sa ville natale, où il meurt peu après.
La présente publication reprend la Vie de Messire Antoine Arnauld, docteur de Sorbonne, par Noël de Larrière. Elle sera suivie d’une seconde 11partie, qui réunira plusieurs annexes susceptibles d’éclairer la vie et les œuvres du théologien7 : les familles Arnauld, du Moyen Âge au xviie siècle ; des textes d’Antoine Arnauld lui-même sur ses études de théologie, ainsi que de très brefs passages de son Journal perdu (1663) ; puis le témoignage exceptionnel d’un manuscrit, le Recueil de choses diverses, issu de milieux proches de Port-Royal et remontant aux années 1670-1671 : extraits relatifs à Arnauld, à Nicole et aux Messieurs de Port-Royal ; la Relation de Léonard de Guelphe sur la retraite d’Antoine Arnauld en 1679.
« Que la personne et l’œuvre d’Arnauld soient de celles qui dominent l’ensemble du xviie siècle, écrit Jean Mesnard, ne se déduit pas seulement des dates de sa naissance et de sa mort, 1612-1694, mais du fait, qu’il n’a jamais cessé d’être présent dans la vie intellectuelle de son temps, et pas seulement au titre du mouvement que l’on appelle, faute de mieux, janséniste ».
1 L’expression se lit dans l’Épître Xde Boileau, v. 124.
2 Pascal et la littérature III. De Cassien à Pascal, Paris, H. Champion, 2019, p. 16.
3 Sur cette publication, voir Augustin Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste depuis ses origines jusqu’à nos jours, Paris, Champion, 6e éd., 1924, 2 vol., t. II, p. 113-115, et Perle Bugnion-Secretan, « L’édition des Œuvres complètes d’Antoine Arnauld », dans les Chroniques de Port-Royal, 44, 1995, p. 409-410 : « C’est […] Sigismond d’Arnay, [un riche] libraire [de Lausanne], et alors associé à l’imprimeur François Grasset, qui a édité Arnauld. […] Si on a indiqué comme lieu d’impression, c’est pour éviter la censure qui existait à Lausanne, introduite par Berne, qui dominait alors sur le pays de Vaud » (p. 410).
4 Études sur Antoine Arnauld (1612-1694), Paris, éd. Classiques Garnier, 2018, p. 11.
5 On a souligné, par exemple, que certains écrits d’Arnauld manquent dans cette édition, comme La Perpétuité de la Foy de l’Église catholique touchant l’Eucharistie, Paris, Ch. Savreux, 1669-1674, 3 vol. in-4o, rééditée chez Sigismond d’Arnay en 1680-1681, et que de nombreuses lettres n’y figurent pas (voir la liste fournie par Jean Laporte dans La doctrine de Port-Royal, t. II, Exposition de la doctrine (d’après Arnauld), Les vérités de la grâce, Paris, Presses Universitaires de France, 1923, p. xxxviii-xxxix).
6 « Voir son Éloge, [par Louis Silvy], imprimé en 1816, Paris, A. Égron, 24 p. in-8o », A. Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste, op. cit., t. II, p. 115, n. 1.
7 Ce sera l’objet d’une partie du t. IV de mes Images de Port-Royal (à paraître).
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11362-1
- EAN : 9782406113621
- ISSN : 2491-2530
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11362-1.p.0009
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 24/11/2021
- Langue : Français