Avant-propos
- Prix de la Fondation Catherine Gide 2018
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : André Gide et ses critiques (1951-1969)
- Auteur : Codazzi (Paola)
- Pages : 9 à 10
- Collection : Bibliothèque gidienne, n° 30
Avant-propos
Un peu plus de cinquante ans ont passé depuis la parution de l’anthologie Les Critiques de notre temps et Gide, dans laquelle Michel Raimond avait rassemblé des extraits d’ouvrages et d’articles consacrés à l’auteur à partir de ses débuts littéraires. C’était l’occasion de célébrer une des figures phares du xxe siècle, celui qui, par « sa complexité et par le long cheminement de sa pensée », affirmait Raimond, « a suscité dans l’opinion les réactions les plus variées1 ». La lecture de ces pages le confirme. Elles nous offrent un aperçu des études gidiennes de la première heure, avec une attention particulière portée aux essais parus au lendemain de la mort de l’écrivain.
Au moment où l’œuvre de Gide se retrouve dans le domaine public, il nous a semblé tentant de réexaminer sans partis pris la réflexion et les mouvements d’idées de cette époque, où « l’auteur est un “tu” et non pas un “il”, un interlocuteur avec qui on débat de valeurs humaines2 ». Dans cette vision, le critique serait alors, lui aussi, un auteur, et cela convient parfaitement à quelqu’un comme Gide, pour qui cerner la valeur d’une œuvre, et partir à la découverte du secret de sa forme, est une épreuve d’artiste. Dans le prolongement du travail de Raimond, le présent volume se propose de formuler un premier bilan de la critique universitaire et journalistique des années 50 et 60, des champs qui à l’époque animaient de véritables débats, mais qui, depuis un certain temps, ne suscitent qu’un faible intérêt. Nous espérons que cet ouvrage contribuera, bien que de manière modeste, à un regain d’intérêt pour la « chose » critique. Rendre hommage à Gide et à ses commentateurs, c’est aussi s’interroger – en tant que critiques de notre temps – sur les frontières vers lesquelles on s’achemine.
10Par sa pluralité de voix, celles d’hier et d’aujourd’hui, l’ouvrage traduit pleinement l’esprit de notre recherche, dont le projet a mûri dans le dialogue avec les participants à cette réflexion commune. Il serait souhaitable qu’elle se poursuive, s’élargissant à d’autres espaces culturels – qu’en est-il par exemple des études gidiennes en Chine ? Et en Inde ? – et à d’autres périodes historiques. Faute de pouvoir reproduire ici des extraits des essais étudiés, la bibliographie en fin de volume fournit des renseignements utiles. Elle se veut une invitation à prolonger le discours, en lien avec un des credos de Gide, à savoir que l’œuvre ne s’impose pas au lecteur, qu’elle ne vient pour ainsi dire pas du dehors, mais que son sens le plus profond se dégage d’une collaboration, et plus précisément de l’effort critique s’inscrivant dans le prolongement de l’effort créateur.
Paola Codazzi