Pour déterminer l’éclairage que la Renaissance donne aux passions, et en particulier à la colère, il convient d’examiner comment elle organise le champ des connaissances. La scolastique reposait sur la spécialisation des savoirs, héritée de la structure du corpus aristotélicien, et sur leur hiérarchisation, qui faisait de la théologie la fin de toute connaissance. L’humanisme tend au contraire vers l’unité du savoir et accorde une égale dignité à toutes les disciplines. Il désigne parfois cette science totale par le mot de sapientia, que Cicéron définissait comme « science et connaissance des choses divines et humaines1 » ; parfois par celui de « philosophie ». Surtout, il crée le mot et la notion d’« encyclopédie », qui renvoie au cercle des sciences qui se confortent et s’engendrent l’une l’autre.
Si la Renaissance crée la notion d’encyclopédie et en fait une représentation idéale de la culture, elle n’abolit pas la distinction entre les disciplines. Elle perpétue la rivalité entre les arts. Elle ne renonce pas aux autorités : elle continue à structurer chaque discipline autour de grandes références, même si à Galien et à Aristote, elle ajoute Platon, et si les textes sont désormais lus à la lumière de la philologie et avec un esprit critique. Parce que la colère devient un objet d’étude pour des disciplines très diverses, elle offre un bon point de vue sur le dialogue que celles-ci nouent entre elles, mais aussi sur la lutte d’influences qu’elles se livrent.