Avertissement
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Voyages. Roman et récits
- Pages : 71 à 72
- Collection : Bibliothèque du xviie siècle, n° 38
- Série : Voyages réels et voyages imaginaires, n° 2
AVERTISSEMENT
Je ne prétends point faire ici l’éloge du livre que je présente aujourd’hui au public, le nom seul de son auteur doit lui servir de lustre, chacun sait que M. Regnard a été un des plus beaux génies de son siècle, ses pièces de théâtre l’approchent de si près du célèbre Molière que l’on ne peut respecter la mémoire de l’un sans rendre justice aux ouvrages de l’autre ; aussi je me garderais de rien ajouter au nom qui se lit à la tête de ces œuvres, si je ne me croyais obligé de prévenir le lecteur sur quelques légers défauts qu’il remarquera dans ce livre. Il est à présumer que M. Regnard n’avait aucun dessein de faire imprimer ses Voyages, l’envie de se désennuyer et de contenter la curiosité de quelques-uns de ses amis particuliers, étaient, je crois, les seuls motifs qui l’ont obligé à les écrire ; cela est d’autant plus facile à persuader que l’on verra dans ce volume plusieurs répétitions copiées l’une sur l’autre, si mot à mot, qu’il est aisé de juger qu’il les envoyait à différentes personnes ; d’ailleurs le style en quelques endroits en paraît négligé, ce qui prouve clairement qu’il ne prétendait pas les mettre au grand jour ; cependant les curieux seront si satisfaits des découvertes dont M. Regnard leur fait part, qu’ils lui passeront sans peine de légers défauts. Ce n’est donc point pour eux que je mets cet avertissement à la tête de cet ouvrage, je ne l’ai fait que pour le lecteur satirique et pour prévenir ces objections. Il me demandera sans doute pourquoi ayant reconnu les fautes que je lui accuse, je ne les ai point corrigées ? À cela je lui répondrai que plusieurs de nos auteurs modernes que j’en avais prié, m’ont avoué avec une modestie peu ordinaire à leur profession, que les négligences peu châtiées de M. Regnard l’emporteraient toujours sur leurs corrections les mieux fondées ; et je crois effectivement que les fautes légères de certaines gens sont plus passables que la perfection de certains autres, je me flatte que la lecture de ce livre rangera mes lecteurs de mon sentiment. Il se rencontre à chaque pas des beautés dans 72cet ouvrage qui en réparent tellement les petites défectuosités, que je puis dire avec vérité que les unes servent de lustre aux autres. Je crois que toutes les personnes sensées n’auront qu’à lire pour se confirmer dans ce que je leur avance.