Le « monde », dont Larbaud est le « citoyen », se réduit à quelques centres. En un contexte de faillite du modèle occidental, de crise de l’Église catholique, de déclassement de la tradition gréco-latine et de la culture française, Larbaud confie la direction de l’univers politique, religieux ou littéraire aux siens : Européens, Latins et Français. Larbaud qui s’est voulu dégagé des contingences historiques est bien un homme de son temps. « [N]ous ne sommes pas des êtres sans tendances ; nous sommes fils de la terre1 », écrira Michel Arnauld à la reprise de La NRF en juillet 1919. Champion d’une littérature européenne concurrencée par l’attraction d’autres continents, d’une culture latine infériorisée comme d’un domaine français sur le déclin, Larbaud n’est pas exempt d’un certain « ethnocentrisme critique2 ». Sous les dehors d’un anarchiste, dont les traits accusés par provocation trahissent l’imposture révolutionnaire, Larbaud est l’héritier d’une terre qu’il ne démolit pas mais illustre et défend à travers l’ensemble de son œuvre.
1 Michel Arnauld, « Explications », La NRF, 1er juillet 1919, p. 205.
2 Pascale Casanova définit l’« ethnocentrisme critique » comme la « recherche systématique du même qui caractérise bien souvent la critique des espaces centraux », La République mondiale des lettres, op. cit., p. xiv.