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L’Alixandre le Grant de Michel Le Noir De la tradition manuscrite à l’imprimé
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Traductions imprimées, traductions pour l’imprimé (1470-1550)
- Auteur : Benenati (Stefano)
- Pages : 121 à 136
- Collection : Rencontres, n° 618
- Série : Civilisation médiévale, n° 58
L’Alixandre le Grant
de Michel Le Noir
De la tradition manuscrite à l’imprimé
La littérature médiévale en langue d’oïl a connu plusieurs ouvrages consacrés au personnage d’Alexandre le Grand et développés à partir des sources de l’Antiquité classique ou tardive1. L’un des plus répandus est le Roman d’Alexandre en prose (dorénavant RAp), une traduction française de la chronique latine Historia de preliis Alexandri Magni dans la version connue comme Rédaction I2 ou Orosius-Rezension (dorénavant HdpI2)2, composée par un auteur inconnu à une date indéterminée dans les trois dernières décennies du xiiie siècle3. La marque distinctive de 122cette œuvre par rapport aux autres textes français inspirés par le personnage du héros Macédonien consiste en la reconfiguration en prose romanesque de son histoire. Le traducteur a notamment agrémenté la structure strictement factuelle du texte-source en recourant à certains procédés caractéristiques de la composition des romans médiévaux, tels que l’entrelacement ou la description de scènes de bataille selon le schéma hérité des chansons de geste. D’ailleurs, il a enrichi son modèle de plusieurs emprunts à des sources secondaires telles que le Roman d’Alexandre en vers (Alexandre de Paris), l’Histoire Ancienne jusqu’à César (attribuée à Wauchier de Denain), le Livre du Trésor (Brunet Latin) et de nombreuses interventions originales portant spécialement sur une réflexion morale, sociale et politique4. En raison de la combinaison de ces éléments, le RAp résulte « une véritable adaptation des récits du faux Callisthène (c’est-à-dire de la tradition dont la HdpI2est issue) au goût du xiiie siècle ». Ainsi, il configure « dans tous les sens du mot un véritable roman. Par là s’explique sa grande popularité5 ».
Le RAp a effectivement joui d’une fortune remarquable. Il nous est transmis par dix-huit témoins manuscrits datés entre la fin du xiiie siècle et la seconde moitié du xve siècle, dont onze sont enluminés et cinq comportent des espaces pour les illustrations qui n’ont cependant pas été exécutées6. Il a connu en outre un véritable succès éditorial qui ne 123s’est éteint que dans la première moitié du xviie siècle. À présent, on peut recenser douze éditions anciennes7 :
1. ML 1 Paris, Michel Le Noir, 21 septembre 1506, pet. in-4o, car. goth., 58 f., 30 fig. s. bois8 ;
2. ML 2 Paris, Michel Le Noir (ou Jeanne Trepperel, ou Philippe Le Noir), entre 1507 et 1527, pet. in-4o, car. goth., 58 f., 30 fig. s. bois9 ;
3. OA 1 Lyon, Olivier Arnoullet, env. 1530, pet. in-4o, car. goth., 60 f., 10 fig. s. bois10 ;
4. AL 1 Paris, Alain Lotrian, 1531, pet. in-4o, car. goth., 58 f., fig. s. bois11 ;
5. AL 2 Paris, Alain Lotrian, env. 1530, pet. in-4o, car. goth., 54 f., fig. s. bois12 ;
6. JB Paris, Jean Bonfons, env. 1550, pet. in-4o, car. goth., 48 f., 11 fig. s. bois13 ;
7. OA 2 Lyon, Olivier Arnoullet, 20 juillet 1552, pet. in-4o, car. goth., 59 f., 18 fig. s. bois14 ;
1248. NB 1 Paris, Nicolas Bonfons, après 1560, pet. in-4o, car. romains, 44 f., 2 col., 10 fig. s. bois15 ;
9. BR. Lyon, Benoît Rigaut, 1579, in-8o, car. romains, 103 f., 1 fig. s. bois (frontispice)16 ;
10. NB 2 Paris, Nicolas Bonfons, 1584, pet. in-4o, car. romains17 ;
11. NB 3 Paris, Nicolas Bonfons, 1587, pet. in-4o, car. romains18 ;
12. NO Troyes, Nicolas Oudot, 1631, in-8o, car. romains, 64 f., 8 fig. s. bois19.
Puisque les douze éditions sont équivalentes en ce qui concerne le texte, exception faite d’une variance négligeable, Ross a considéré qu’elles ont toutes dû dépendre du modèle le plus ancien, qu’il s’agisse de l’édition de 1506 ou d’une édition plus ancienne perdue : « There exist in addition at least ten printed editions of this text ranging in date from 1506 to 1630. […] as all show substantially the same text, apart from minor variants due to faulty copying or attempted linguistic rejuvenation, it seems probable that all the later ones derive from the earliest, either that of 1506 or an earlier one now lost20 ». En poursuivant son étude, il est possible de prouver qu’elles dérivent de ML2, la réimpression de la première édition de l’Alixandre de Michel Le Noir que Ross n’a par ailleurs pas pu consulter. Bien que ML2 s’avère presque identique à ML1, elle présente quelques divergences mineures que l’on retrouve dans toutes les éditions plus récentes. Un cas typique est, entre autres, celui du f. B5r. Le passage concerné relate, au sujet de la prophétie relative à Bucifal, le cheval d’Alexandre, que : « pour ce avoit le roy Philippe | f. B5r. | 125grant fiance a sçavoir le fait de son regne par ce cheval21 ». La première ligne d’écriture, qui comprend les mots « grant fiance a sçavoir », n’est pas aisément lisible en ML1 à cause d’un défaut dans l’impression de l’encre dû vraisemblablement à une mauvaise disposition des caractères dans la matrice. Ce n’est pas un hasard si ce petit segment du texte est tombé dans ML2, qui lit : « Et pour ce avoit le roy | f. B5r. | le fait de son regne par ce cheval22 ». Le fait que toutes les éditions suivantes comportent la même omission, y compris la suppression du nom du roi « Philippe » qui est tout à fait lisible en ML1, constitue l’une des preuves de leur dépendance de ML2. Il s’ensuit que le modèle qui a été perpétué jusqu’au xviie siècle n’est pas à rechercher dans une éventuelle editioprinceps perdue, mais dans le projet conçu par Michel Le Noir en 1506, qui s’impose ainsi comme l’objet de notre analyse. Étant donné que ML1 et ML2 ne diffèrent que par certains détails minimes, il sera dorénavant plus pratique d’utiliser tout simplement le sigle ML pour désigner à la fois la première édition et sa réimpression.
Les particularités de ML peuvent être mises en relief au moyen d’une confrontation rapprochée avec la tradition manuscrite du roman. Le cas du RAp se révèle fructueux à cet égard, parce qu’il a été possible repérer dans la tradition manuscrite de l’œuvre un témoin qui correspond exactement à ML sur le plan du texte, de la mise en page et de l’apparat iconographique. Par conséquent, on s’arrêtera tout d’abord sur une brève analyse philologique qui vise à identifier la position ecdotique de ML par rapport aux autres témoins du RAp. Ensuite, une fois ce repère identifié, il sera possible de distinguer plus clairement les caractéristiques innovantes de l’édition en ce qui concerne le récit et les images.
126L’édition ML à la lumière
de la tradition manuscrite du RAp
Après les recherches de Ross sur la tradition manuscrite du RAp, la pratique s’est instaurée de distinguer deux “rédactions” du texte23. La deuxième est notamment caractérisée par l’ajout de deux emprunts provenant de l’Estorie le roy Alixaundre, une traduction anglo-normande datant de la deuxième moitié du xiiie siècle de la compilation latine appelée Compilation de Saint-Alban, composée par l’abbé Ralph Gubiun24. Puisque ML et toutes les éditions postérieures transmettent à leur tour ces deux interpolations, elles doivent sans doute être rattachées à ce groupe de témoins. D’ailleurs, dans le cadre de cette famille, ML s’avère sensiblement proche du ms Br (Bruxelles, KBR, 11040), transcrit dans les Flandres ou dans le Nord-Est de la France à la fin du xiiie siècle25. 127D’abord, les deux témoinspartagent un nombre remarquable de lacunes caractéristiques qui peuvent être repérées, en excluant les cas des bourdons, dans les chapitres suivants (les passages mentionnés ci-dessous sont identifiés en se référant aux chapitres et aux numéros de page et de ligne de l’édition Hilka 1920)26 :
–Chap. 17 : éd. Hilka p. 39.18 – 23 | Br f. 13d ; ML f. B.VIv
–Chap. 47 : éd. Hilka p. 112.1 – 3 et 17 – 19 | Br f. 32c ; ML f. E.IIIv
–Chap. 66 : éd. Hilka p. 117.13 – 17 | Br f. 34b ; ML f. E.Ir
–Chap. 85 et 86 : éd. Hilka p. 161.14 – 163.3 | Br f. 47d ; ML f. G.IIIv
–Chap. 98 : éd. Hilka p. 186.22 – 25 | Br f. 57b ; ML f. H.IVv
–Chap. 113 : éd. Hilka p. 224.18 – 30 | Br f. 68b ; ML f. K.Ir
–Chap. 121 : éd Hilka p. 239.4 – 13 | Br f. 74c ; ML f. K.IVr
–Chap. 123 : éd. Hilka p. 244.10 – 21 | Br f. 76d ; ML f. K.Vr
–Épilogue : éd. Hilka p. 264.29 – 263.2 | Br f. 83d ; ML f. L.IIIv
La parenté ecdotique entre Br et ML est enfin démontrée par la présence d’un ensemble de leçons innovantes communes. Pour ne fournir qu’un exemple typique, dans la suite de la bataille de Cilicie du chap. 49 où le deuxième affrontement entre Alexandre et Daire, roi de Perse, s’est déroulé, le RAp énumère les pertes du camp Persan mais ne rapporte pas le nombre des effectifs Macédoniens tombés au combat27. Br et ML, en revanche, donnent un compte rendu précis de l’état de l’armée d’Alexandre après la victoire28 :
128Éd. Hilka 1920, p. 116 :
En cele bataille ot ochis de ceaus de Persse ·xxx· mil houmes a piét et ·x· mil houmes a cheval et si ot pris ·xl· mil personnes.
Ms Br (f. 33d) :
En celle bataille ot ochis de la gent de Persse ·xxx· mil homes a pié et ·x· mil homes a cheval et se i ot ochis de la gent Alixandre ·viixx· homes a ceval et ·viixx· homes a pié. Et sachiés que il i eut pris de la gent au roi Dayre ·xl· mil personnes.
Éd. ML (f. E.IVv)
En celle bataille fut occis des gens de Perse trente mille hommes a pié et dix mille a cheval et de la gent d’Alixandre sept vingtz hommes a cheval et sept vingtz a pié. Et saichés qu’il y eut prins de la gent a Daire quarante mille personnes.
Les données de la collation du texte de l’édition avec celui des manuscrits sont en accord avec la confrontation de la mise en page. Br est un manuscrit richement enluminé et comporte une configuration du paratexte qui lui est propre et qui diffère de celle des autres témoins illustrés de la deuxième rédaction du RAp. ML correspond parfaitement à ce schéma, notamment en ce qui concerne la segmentation du récit en paragraphes, la distribution des illustrations et des rubriques, le texte de ces dernières. Un exemple est fourni par les deux épisodes de la présentation au roi de Macédoine du cheval monstrueux et anthropophage Bucéphale (chap. 14) et celui de son étonnant domptage par le jeune Alexandre (chap. 15). Br est effectivement le seul témoin enluminé du RAp qui comporte deux miniatures distinctes pour représenter les deux scènes, notamment au f. 12v,colonnes c et d29. ML reproduit exactement la même composition, non seulement parce que l’édition présente à son tour deux illustrations distinctes pour les deux épisodes, mais aussi parce que ces dernières y sont disposées sur la même page (f. B5r) en dépit de la surcharge qui en résulte30.
129Dans un autre cas, la confrontation nous permet de révéler dans ML une faute dans la segmentation en paragraphes. Dans Br,au f. 44r, le paragraphe qui relate l’épisode de la première bataille d’Alexandre contre le roi des Indes Porus (chap. 80) est coupé en deux par une rubrique qui annonce la victoire des Macédoniens et par une enluminure qui occupe entièrement le bandeau inférieur du folio. La partie restante du paragraphe, qui ne comporte que six lignes de texte, est par conséquent séparée et reléguée dans la colonne de droite. Ce décalage dans la mise en page, qui n’est attesté que dans Br, explique pourquoi cette même portion du texte a été confondue avec une partie de la rubrique précédente dans ML :
Br (f. 44r)
Si dura la bataille ·xx· jors qu’il ne pooient savoir qui le meillour en eust.
Coment Alixandre et son ost entre en bataille avoec les Yndiens et Porrus fu desconfis / colonne 44b / Mes en la fin fuissent tuit li Percien desconfi se ne fust Alixandre qui entra en la bataille o toute sa gent et le fist tan bien et si gentement que les Yndiens li guerpirent le camp. Quant Porrus vit sa gent fuir si s’em parti maintenant et se mist a sauveté.
ML (f. G1r)
Et dura la bataille huyt heures que on ne sçavoit qui le meilleur avoit.
⸿ Comment Alixandre et son ost entra en la bataille avec les Yndiens et Porrus fut desconfit mais en la fin fussent tous les Persiens desconfitz se n ’ eust esté Alexandre qui entra en la bataille a toute sa gent et fit tant bien et si tres gentement que les Yndiens luy laisserent le champ
Quant Porrus vit ses gens fuyr il s’en partit comme eux et se mit a asseurance.
Cette comparaison montre que l’atelier qui a prédisposé la première édition connue du RAp a dû travailler à partir d’un modèle enluminé tout à fait similaire à Br. Ce dernier constitue par conséquent le repère de confrontation le plus pertinent.
130Les caractéristiques de ML
par rapport à Br
Le texte transmis par ML est tout à fait équivalent à celui de Br, exception faite d’une variance négligeable due à l’enchaînement des copies, d’une générale modernisation de la langue surtout au niveau des graphies et du lexique, et de certains raccourcissements de la narration31. Le seul phénomène de variation que l’on peut observer avec régularité consiste en l’augmentation des clôtures des paragraphes de courts fragments de texte :
Chap. 1
Br (f. 7c)
se taist ichi li livres de lui et de ses œuvres et retorne a Nectanebus le pere d’Alixandre qui ert partis d’Egypte en tapinage.
ML(f. A6v)
se taist icy le livre de luy et de ses oeuvres et retourne a Nectanebus le pere d’Alixandre qui est party d’Egypte secretement sans la congnoissance de personne de son pays.
Chap. 4
Br (f. 9a)
Puis entra ou lit et baisa la roine et se deduirent grant piece ensemble.
ML (f. B1v)
Et puis entra au lict et la baisa et se deduyrent grant piece ensemble tres amoureusement.
Chap. 13
Br (f. 11c)
L’estoile de Jovis est plus resplendissans.
ML (f. B4r)
L’estoille de Jovis est la plus resplandissant, laquelle tu peulx veoir clerement, que t’en semble ?
Chap. 17
Br (f. 14a)
Mout en ot d’abatus et d’ochis et de navrés en cele assemblee.
131ML (f. B6r)
Il en y eut de mors, d’abatuz et de navrez en celle assemblee tant que merveilles.
Chap. 20
Br (f. 18c)
Quant li cors fu enterrés si retorne en son palais et conforta sa mere.
ML (f. C3v)
Quant le corps fut enterré, il s’en alla en son palays et reconforta sa mere comme filz doit faire.
Chap. 87
Br (f. 43b)
Si coumanda li rois Alixandres que l’en meist le fu es chaines.
ML (f. G4r)
Alixandre commanda que on mist le feu dedans les chesnes et boys qui couppez estoient entour l’estang.
Chap. 87
Br (f. 49d)
Ochist d’eaus ·xxvii· et navra ·lii·, mais en la fin si l’ocist Emenidus.
ML (f. G4v)
Elle navra des gens a Alixandre cinquante et deux et en occist ·xxvii· mais a la fin l’occist le noble roy Alixandre par son grant couraige.
Chap. 95
Br (f. 55c)
Ne por enviellir ne perdent lor beauté.
ML (f. H3v)
Ne por envieillir ne perdoient leur beaulté qui est moult merveilleuse et plaisante.
Ces ajouts, souvent redondants, ont vraisemblablement été intégrés pour sauvegarder l’équilibre de la mise en page. À en juger par l’articulation spécifique du texte et du paratexte telle qu’elle nous est attestée dans ML, ces modifications s’expliquent par la volonté d’éviter que la fin d’un paragraphe ne s’arrête sur la même ligne de justification que celle du paragraphe suivant ou précédent, ou encore de la rubrique suivante.
132Le cycle iconographique
du Roman d’Alexandre gravé sur bois
Les enluminures des manuscrits illustrés du RAp composent un véritable cycle iconographique qui, dans certaines de ses composantes, est dérivé d’un modèle conçu dans l’Antiquité tardive et qui par conséquent a été dénommé en anglais « late antique picture-cycle32 ». La stabilité iconographique de ce modèle dans les nombreux témoins du RAp est remarquable, mais il a néanmoins subi certaines modifications, réductions ou adjonctions au cours de sa transmission jusqu’à l’époque moderne33. Br atteste notamment d’une reformulation individuelle de cet apparat figuratif, qui se reflète à son tour dans les éditions imprimées les plus anciennes, comme on l’a démontré plus haut. Le volume de Michel Le Noir ne pouvait cependant pas égaler la complexité du précieux manuscrit conservé à Bruxelles, qui ne comporte pas moins de 92 miniatures de taille variable. Plus modestement, ML comprend vingt-huit gravures différentes, dont deux sont répétées, la plupart provenant de bois de réemploi. Bien qu’il ne soit pas ici question d’une correspondance biunivoque, il est à noter que l’emplacement de ces illustrations par rapport au texte dans ML correspond toujours à la disposition des enluminures correspondantes dans Br.
Cinq bois ont spécifiquement été gravés pour illustrer le texte du RAp34 : il s’agit des illustrations qui se trouvent aux f. B2r (conception 133d’Alexandre)35, B2v (Nectanébo fait irruption au banquet sous forme de dragon), B3v (Alexandre tue son véritable père Nectanébo), B4ra (présentation de Bucéphale à Philippe), B4rb (domptage de Bucéphale), K2r (vol d’Alexandre dans une cage traînée par des griffons)36. Du point de vue iconographique, le graveur, tout en respectant le modèle consolidé, a introduit quelques innovations et s’est laissé inspirer par une lecture rapprochée du texte. L’épisode de la conception d’Alexandre (chap. 4), par exemple, a été illustré de façon originale. Le devin et pharaon d’Égypte Nectanébo couche avec la reine Olympias en prenant la forme d’un dragon. Tous les manuscrits enluminés du RAp comportent une illustration pour cette scène : les enlumineurs y ont sans exception représenté le personnage de l’enchanteur scindé en deux figures, l’homme allongé avec la reine, le dragon au bout du lit37. Le graveur, quant à lui, a interprété cet épisode de manière plus littérale, ou peut-être avec plus d’ironie, et a placé le dragon monstrueux sous les draps. La trace d’une hypothétique dépendance d’un modèle illustré comparable à Br se retrouve, en revanche, dans l’illustration du f. B3v représentant le meurtre de Nectanébo l’enchanteur38. L’image se rapporte au chap. 13 où Alexandre, ignorant que le devin est en fait son père, le tue en le jetant dans un fossé pour infirmer la prédiction selon laquelle il devrait perdre la vie par les mains de son propre fils. Ayant appris la vérité par les derniers mots du magicien, Alexandre se précipite vers le palais, où il proteste auprès de sa mère en lui attribuant la responsabilité de l’homicide parce qu’elle a gardé le secret sur sa conception. Dans ML, cependant, la femme est représentée à côté du jeune Alexandre sur les créneaux des murailles. Cette variante iconographique, interprétée à la lettre, implique un contresens : si la reine avait été présente sur le lieu du crime, elle aurait certainement pu l’empêcher. L’enluminure correspondante de Br (f. 11d) est divisée en deux parties : elle comporte à gauche la scène de l’assassinat de Nectanébo, et à droite Alexandre et Olympia y assistant depuis une fenêtre à meneaux d’un palais. Un tel modèle, où la division bipartite représente l’enchaînement chronologique des deux scènes, a pu 134inspirer l’illustration de ML dans laquelle, cependant, les deux phases consécutives de l’épisode ont été réunies dans une seule image. Par ailleurs, parmi les enluminures de cet épisode dans les manuscrits du RAp, celle de Br est la seule qui inclue le personnage d’Olympia.
Les illustrations restantes proviennent de bois de réemploi. Ross a identifié la gravure à pleine page du frontispice avec celle de l’édition parisienne du Roman des sept sages de Rome (dorénavant RSS) de 1489 par Pierre Le Rouge, ou peut-être d’une édition inconnue plus ancienne39. Cette figure, destinée à représenter la scène où l’empereur de Rome Dioclétien confie la garde de son fils aux sept sages, a été employée par Michel Le Noir pour illustrer l’épisode où Aristote se voit chargé par le roi Philippe de l’éducation du jeune Alexandre. L’édition Le Rouge des Sept sages ne comporte cependant pas d’autres illustrations que celle de la page du titre. En revanche, on découvre que Michel Le Noir lui-même a imprimé une édition illustrée du RSS40 : il s’agit d’une édition sans date in-4o de 64 feuillets, complétée par 28 gravures sur bois, dont 8 sont répétées41. Sans surprise, cette édition présente 135non seulement l’illustration du frontispice déjà mentionnée, mais cinq autres illustrations qui ont été également employées dans l’Alixandre le Grant42. Cette comparaison permet par ailleurs de mettre en évidence certains cas de réemploi qui se distinguent par leur ingéniosité. Dans l’édition Le Noir du RSS, l’illustration bipartite du f. F5va été sans doute conçue pour accompagner le chapitre du roman intitulé « le second exemple43 ». Une fine colonne couronnée d’un petit chapiteau répartit la figure en deux panneaux correspondant aux deux scènes qui composent la nouvelle racontée par la reine. À droite, un roi à l’aspect répugnant commande à son sénéchal de lui procurer une femme avec qui passer la nuit en la payant mille florins. À gauche, la femme de l’avide sénéchal, forcée à s’offrir afin qu’il puisse s’emparer de la généreuse récompense, est représentée au lit avec le roi44. Dans l’édition de l’Alixandre le Grant cette même image est employée pour deux épisodes consécutifs. Le panneau de gauche représentant le roi et la femme du sénéchal sous les draps est censé illustrer le chapitre 113 où des femmes monstrueuses qui vivent dans certains fleuves en Extrême Orient séduisent les soldats Macédoniens et les tuent, comme des sirènes, en les attirant dans l’eau et en ayant des relations sexuelles avec eux45. Poursuivant le récit, dans le chapitre 114 Alexandre atteint l’extrémité du monde connu où il découvre les célèbres colonnes d’Hercule46. La petite colonne centrale, qui dans l’édition du RSS n’avait pas de fonction figurative mais servait à diviser l’espace en deux tableaux, est amenée ici à représenter les piliers mythologiques qui marquent la fin du monde et devient ainsi un élément fondamental dans la mise en image de l’épisode.
136Conclusions
Il n’est pas possible de déterminer à présent si l’édition de l’Alixandre le Grant imprimée par Michel Le Noir à Paris en 1506 (ML1)constitue la première éditiondu RAp. Il est cependant certain que ce fut l’édition Le Noir, notamment la réimpression ML2, qui fut imitée sans cesse par les éditeurs parisiens, lyonnais et enfin troyens des xvie et xviie siècles, fournissant la facies dans laquelle l’œuvre a été transmise jusqu’à la modernité. L’aménagement du volume, en ce qui concerne le texte, ses partitions et l’apparat des illustrations (dont cinq ont spécifiquement été gravées pour l’occasion) témoigne de l’effort de reproduire le plus fidèlement possible le modèle manuscrit enluminé parvenu à l’atelier de l’imprimeur, qui devait être tout à fait similaire au ms Br. L’édition Le Noir de l’Alixandre le Grant constitue ainsi un exemple emblématique de l’introduction sur le marché du livre, au début du xvie siècle, d’une œuvre médiévale composée plus de deux siècles auparavant.
Stefano Benenati
Scuola Normale Superiore di Pisa
Université de Lille – alithila
1 Pour un aperçu sur les différentes versions du Roman d’Alixandre dans la littérature française (et anglo-normande) médiévale, voir : Paul Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française du Moyen Âge, Paris, F. Vieweg, 1886, 2 vol. ;George Cary, The Medieval Alexander, Cambridge, Cambridge University Press, 1956 ; Jan Cöllin, Susanne Friede, Hartmut Wulfram, Alexanderdichtungen im Mittelalter. Kulturelle Selbstbestimmung im Kontext literarischer Beziehungen, Göttingen, Wallstein, 2000 ; Laurence Harf-Lancner, « Medieval French Alexander Romances », A Companion to Alexander Literature in the Middle Ages, éd. D. Zuwiyya, Brill, Leiden, 2011, p. 201-230 ; les volumes de la série Alexander Redivivus dirigée par Catherine Gaullier-Bougassas, Margaret Bridges, Corinne Jouanno et Jean-Yves Tilliette chez l’éditeur Brepols, en particulier La fascination pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes (xe-xvie siècle). Réinventions d’un mythe, éd. C. Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2015, 4 vol. ; Venetia Bridges, Medieval Narratives of Alexander the Great. Transnational Texts in England and France, Cambridge, D. S. Brewer, 2018.
2 L’édition critique de l’ouvrage a été établie par Alfons Hilka en 1933, mais elle n’a paru que posthume en deux volumes sous la direction de Bergmeister (1976) et de Grossman (1977) : Historia Alexandri Magni (Historia de Preliis) Rezension J2 (Orosius – Rezension), éd. critique par Alfons Hilka, Meisenheim am Glan, Anton Hain Verlag, 1976-1977, 2 vol.
3 L’édition critique principale propose à côté du texte français celui de son texte-source latin : Der Altfranzösische Prosa-Alexanderroman nach der Berliner Bilderhandschrift nebst dem lateinischen Original der Historia de preliis (Rezension J2), éd. critique par Alfons Hilka, Halle an der Saale, Niemeyer, 1920. Deux autres éditions ont paru récemment : Roman d’Alexandre en prose (British Library, Royal 15.E. VI, fol. 2v-24v), éd. critique par Christine Ferlampin-Acher, Yorio Otaka, Hideka Fukui, Osaka,Centre de la recherche interculturelle à l’Université Otemae, 2003 et Le Roman d’Alexandre en prose. Le manuscrit Vu 20, Kungliga biblioteket, Stockholm ; édition et étude linguistique, éd. critique parMariaJouet, Stockholm, Department of Romance Studies and Classics, Stockholm University, 2013.
4 « [Les modifications de l’auteur] apportent une conception de la royauté très inattendue dans un texte sur Alexandre. Avant même la narration de la naissance du roi, elles introduisent un discours politique qui devient un fil conducteur de l’adaptation française, tout en évoluant ensuite vers la célébration d’une théocratie royale ». Catherine Gaullier-Bougassas, « De l’Alexandre en prose du xiiie siècle à Wauquelin : vers une théocratie royale ? », La fascination pour Alexandre le Grand dans les littératures européennes (xe-xvie siècle), op. cit., vol. 2, p. 825-841 (en particulier p. 829). Voire aussiMartin Gosman, « Le Roman d’Alexandre en Prose. Un remaniement typique », Neophilologus, no 69, 1985, p. 332-341.
5 Paul Meyer, Alexandre le Grand dans la littérature française du Moyen Âge, op. cit.,vol. 2, p. 313.
6 Pour la tradition manuscrite du RAp voir surtout Maud Pérez-Simon, Mise en roman et mise en image. Les manuscrits du Roman d’Alexandre en prose, Paris, H. Champion, 2015. À son recensement il faut ajouter le bifeuillet récemment retrouvé au Stadsarchief de Oudenaarde (cote : Perkamenten, mmfc-10464, nr.56 k), qui a été extrapolé vraisemblablement d’un manuscrit de la fin du xiiie siècle provenant du Nord-Est de la France ou des Flandres.
7 Un premier aperçu sur les éditions anciennes du RAp a été dressé par Ross, qui en comptait onze : David John Athole Ross, « The Printed Editions of the French Prose Alexander Romance », The Library, no 7, 1952, p. 54-57.
8 USTC no 55516. Ex. : London, BL, C.39 d.64. Voir Sergio Cappello, « Répertoire chronologique des premières éditions des romans médiévaux français aux xve et xvie siècles », Studi in ricordo di Guido Barbina. Est Ovest. Lingue, stili, società, éd. G. Borghello, Udine, Forum, 2001, p. 167-186 (en particulier p. 178).
9 USTC no 768461. Ex. : Philadelphia, University of Pennsylvania, Kislak Center for Special Collections – Rare Books and Manuscripts, FC A100 520a. Voir Lyman W. Riley, « The French Prose Alexander Romance », The Library,no 20, 1965, p. 243-244. Il s’agit d’une réimpression de ML1 : le caractère typographique est le même, le texte a été réinitialisé mais la collation demeure inchangée, les initiales de paragraphe manquantes en ML1ont été intégrées, toutes les illustrations reviennent à leur place à l’exception de celle du f. G. Ir qui a été substituée.
10 Ex. : Paris, BnF, RES-Y2-954 (fragmentaire).
11 USTC no 46973. Ex. : Chantilly, Mus. Condé, III-F-108.
12 Il s’agit probablement d’une édition différente de la précédente, comme le montrent les différences de mise en page du titre, dont le libellé est cependant identique, du nombre de pages et de la collation. Voir Jacques-Charles Brunet, Manuel du Libraire et de l’Amateur de Livres, Paris, Firmin-Didot, 1878, vol. 1 (Supplément), p. 24. Une copie de cette édition a été vendue par le libraire Tross (en novembre 1865) pour 380 fr.
13 Entre 1543 et 1566, selon la notice bibliographique du catalogue de la Bibliothèque nationale de France. USTC no 95201. Ex. : Paris, BnF, RES-Y2-620.
14 USTC no 80031. Ex. : Milano, B. Trivulz., I 1430 ; Oxfrod, Bodl. Libr., Douce A. 270.
15 Entre 1573 et 1618, selon la notice bibliographique du catalogue de la Bibliothèque nationale de France. USTC no 80031. Ex. : Paris, BnF, RES-Y2-620, Oxfrod, Bodl. Libr., Mason JJ.29 ; Cambridge, Trinity Coll., Grylls 6 171.
16 Voir Jean George ThéodoreGraesse, Trésor de livres rares et précieux ou Nouveau dictionnaire bibliographique, Dresden, B. Kuntze, 1859, vol. I, p. 70 ; USTC no 88160. Ex. : Wolfenbüttel, HAB, 310 6 Hist (1).
17 USTC no 95203. Aucune copie connue. Voir Jean George Théodore Graesse, Trésor de livres rares et précieux, op. cit., ibid. ; Jacques-Charles Brunet, Manuel du Libraire, op. cit., vol. 1, p. 164.
18 Aucune copie connue. Voir Guillaume Favre, « Histoire Fabuleuse d’Alexandre le Grand », Mélanges d’histoire littéraire, Genève, Ramboz et Schuchardt, 1856, vol. 2, p. 5-184 (en particulier p. 167).
19 USTC no 6802472. Ex. : Oxford, Bodl. Libr., Douce R 494.
20 David John Athole Ross, « Some Notes on the Old French Alexander Romance in Prose », French Studies, no 6/2, 1952, p. 135-147 (en particulier p. 137).
21 Alixandre le Grant, éd. M. Le Noir, Paris, 21 septembre 1506, f. B4v-B5r.
22 Alixandre le Grant, éd. M. Le Noir, Paris, entre 1507-1527, f. B5r.
23 David John Athole Ross, « Some Notes on the Old French Alexander Romance in Prose », op. cit.
24 Charles Russell Stone, « Investigating Macedon in Medieval England : The St Albans Compilation, the Philippic Histories, and the reception of Alexander the Great », Viator, no 42, 2011, p. 75-111 ; F. E. A. Arnold, « The Prophecy of Daniel in the Old French Prose Alexander », French Studies, no 17/4, 1963, p. 324-330 ; David John Athole Ross, « The Old French Alexander Romance in Prose : a Postscript », French Studies, no 6/2, 1952, p. 353 ; Francis Peabody Magoun, « The Compilation of St. Albans and the Old-French Alexander Romance », Speculum, no 1, 1926, p. 225-232.
25 La bibliographie sur le manuscrit est copieuse. Voir : Maud Pérez-Simon, Mise en roman et mise en image : les manuscrits du Roman d’Alexandre en prose, op. cit., p. 582-583 ; Alison Stones, « Notes on Three Illustrated Alexander Manuscripts », Alexander and the Medieval Romance Epic : Essays in Honour of D. J. A. Ross, éd. P. Noble, L. Polak, C. Isoz, New York – London, Nendeln, 1982, p. 193-254 ; Victor M. Schmidt, A Legend and Its Image. The Aerial Flight of Alexander the Great in Medieval Art,Groningen, Egbert Forsten, 1995, p. 179-180 ; Camille Gaspar, Frédéric Lyna, Les principaux manuscrits à peintures de la Bibliothèque Royale de Belgique, Paris, Société de reproductions de manuscrits à peintures, 1937,p. 228-234, no 26 ; Koichi Koshi, « Werkkatalog der Bildzeugnisse der Luftfahrt Alexanders des Großen », Bulletin annuel du Musée d’Art Occidental de Tokyo, no 10, 1976, p. 56-57 ; Chiara Settis-Frugoni, Historia Alexandri elevati per griphos ad aerem. Origine, iconografia e fortuna di un tema, Roma, Istituto Italiano per il Medio Evo, 1973, p. 235-236 ; David John Athole Ross, Alexander Historiatus. A Guide to Medieval Illustrated Alexander Literature, London, Warburg Institute, 1963, p. 56. La chaîne de conservation du codex a été ininterrompue à l’exception d’un déplacement à Paris à l’époque moderne entre 1794 et 1815. Il a fait partie de la collection de Charles de Croÿ, comte de Chimay, au xvie siècle comme l’atteste la note de possession du f. 86v, d’où il est entré dans la bibliothèque des ducs de Bourgogne et ensuite dans celle de Marguerite d’Autriche, gouvernante des Pays-Bas. Chrystèle Blondeau, Un conquérant pour quatre ducs. Alexandre le Grand à la cour de Bourgogne, Paris, CTHS-INHA, 2009, p. 168-181.
26 L’édition est basée sur le manuscrit B (Berlin, KK, ms 78 C 1) qui fait également partie de la deuxième rédaction du RAp. C’est pourquoi elle se prête à une confrontation ponctuelle avec Br et ML.
27 En revanche, la HdpI2 relate que « ex Macedonibus vero ceciderunt pedites centum triginta ». Historia Alexandri Magni, éd. A. Hilka, op. cit., vol. 1,p. 176.
28 Peut-être cette précision provient-elle du chap. 24 de l’Histoire Ancienne jusqu’à César : « La fu li rois Daires desconfis et sa gens mise a la voie sans recouvrer et a la fuite et li rois Daires ausi qui […] laissa ens ou champ de la bataille de sa gent a pié morte et ocise .lxxx. mile et de ses chivaliers .x. mile et .lx. mile en i ot pris qui tuit re- [f. 229v] -menerent a la volenté faire le roi de Macedonie et des gens le roi Alixandre a pié i ot ocis .vi. vins et .x. tant soulement et des chivaliers ausi i orent perdu .c. et .l. les vies ». Wauchier de Denain, L’Histoire Ancienne Jusqu’à César ou Histoires pour Roger, Châtelain de Lille. Histoire de la Macédoine et d’Alexandre, éd. Catherine Gaullier-Bougassas, Turnhout, Brepols, 2012, p. 132.
29 Il faut remarquer que C (Chantilly, Bibliothèque du château, 0651 (1486)), manuscrit de la première rédaction, comporte également aux f. 8c et 9a deux miniatures distinctes pour les deux scènes, mais celle du f. 8c, représentant l’offrande de Bucéphale à Philippe, a été exécutée à la place de l’illustration du chapitre précédent (chap. 13), comme la rubrique qui l’accompagne le prouve : « Come Alixandre bouta Nectanebus son pere d’amont aval et se rompi le col ».
30 Olivier Arnoullet, dans son effort d’imiter le plus fidèlement possible ML, s’est ici abstenu de reproduire la même composition de page et a uniquement reproduit dans OA1au f. B6r, l’illustration d’Alexandre domptant Bucéphale, qui a été sans doute copiée sur la gravure correspondante de ML. Cette figure est absente de la réimpression du même éditeur de 1552 (OA2).
31 La réduction la plus importante se trouve auf. F5v qui relate le chap. 77. En particulier, la lacune concerne l’épisode de la protestation des généraux d’Alexandre contre son intention de poursuivre la marche après la prise de Persépolis.
32 Comme l’a démontré Ross, les plus anciennes traces de ce cycle se trouvent dans les mosaïques murales de la villa de Soueidié (Baalbek-Heliopolis) au Liban. Voir : David John Athole Ross, Alexander Historiatus, op. cit., en particulier p. 50-57 ; Idem, « Olympias and the Serpent », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, no 26, 1963, p. 1-21 ; Idem, « Nectanebus in his Palace », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, no 15, 1952, p. 67-87. L’hypothèse d’une dérivation du cycle iconographique du RAp de tel modèle ancien a été contestée dans Victor M. Schmidt, « The picture cycle of the Old French Prose Alexander », Boeken in de late Middeleeuwen. Verslag van de Groningse Codicologendagen, éd J. M. M. Hermans, K. van de Hoek, Groningen, Egbert Forsten, 1994, p. 239-252.
33 De telle sorte que Pérez-Simon a pu déduire de l’analyse iconographique des miniatures une répartition des témoins de l’œuvre française en groupes de « parenté ». Maud Pérez-Simon, Mise en texte mise en image, op. cit.,p. 573.
34 « A few were undoubtedly made to illustrate the text. These are based on the cycle illustrating the manuscripts which is of very widespread occurrence and derives ultimately from a late classical or early Byzantine model ». Voir David John Athole Ross, « The printed editions of the French prose Alexander romance », op. cit., p. 55.
35 Cette illustration est reproduite dans George Cary, The Medieval Alexander, op. cit., p. 47.
36 George Cary, The Medieval Alexander, op. cit.,p. 134.
37 « La répétition du même personnage sous forme humaine et animale sert à rendre plus claire aux yeux du lecteur la métamorphose en la décomposant » : Maud Pérez-Simon, Mise en texte mise en image, op. cit.,p. 318.
38 Cette illustration a été copiée par Olivier Arnoullet dans sa réédition OA1 au f. B5r.
39 « Cut from Le Rouge edition of Roman des Sept Sages of 1489 or earlier ». David John Athole Ross, « The printed editions of the French prose Alexander romance », op. cit., p. 54. Un exemplaire de l’édition de Pierre Le Rouge de 1489 (USTC nos 70667 et 765973) est conservé à la Bibliothèque nationale de France sous la cote RES M-Y2-1. Le choix de ce frontispice par Michel Le Noir place l’édition de l’Alixandre le Grand en dehors de la série des romans publiés par le même éditeur à partir du début du xvie siècles, caractérisés par la même illustration du frontispice. Voir : Sergio Cappello, « Les stratégies éditoriales de Michel Le Noir (1486-1520), éditeur de romans », Stratégies d’élargissement du lectorat dans la fiction narrative. xve-xvie siècles, éd. P. Mounier, H. Rabaey, Paris, Classiques Garnier, 2021, p. 175-202 (en particulier p. 185).
40 Ex. : Paris, B. Mazarine, Rés. 4o 11105 K-4. On apprend l’existence de cette édition d’après Sergio Cappello, « Fragments ovidiens dans les premiers imprimés : Orpheus et Perseus (Paris, Michel Le Noir, vers 1509-1510) », Ovide en France : du Moyen Âge à nos jours. Études pour célébrer le bimillénaire de sa mort, éd. S. Cerrito, M. Possamaï-Pérez, Paris, Classiques Garnier, 2021, p. 153-172, en particulier p. 166.
41 Le colophon de l’édition atteste que le volume a été « imprimé a Paris par Michel Le Noir libraire juré demoura[n]t en la rue Sainct Jacques a l’enseigne de la rose blanche couronnee ». Michel Le Noir a acheté la maison de la Rose Blanche Couronnee le 27 avril 1506, comme l’atteste l’acte conservé aux Archives Nationales de Paris sous la cote S 904 (f. 100v), publié par Philippe Renouard, Documents sur les imprimeurs, libraires, cartiers, […] ayant exercé à Paris de 1450 à 1600, Paris, H. Champion, 1901, p. 166. On peut en déduire que l’édition est postérieure à cette date : « Le 20 avril 1507 et le 11 janvier 1508, il rachète différentes rentes portant sur cette maison. À partir de ce moment, toutes ses éditions porteront l’adresse de la rose blanche, sous différentes formes ». Voir Florine Stankiewicz, Répertoire de l’imprimeur Michel Le Noir. L’EAD au service du livre ancien, Diplôme de conservateur des bibliothèques, Mémoire d’étude sous la direction de R. Mouren, Université de Lyon-ENSSIB, 2010, p. 21.
42 Il s’agit notamment des illustrations qui se trouvent dans l’Alixandre le Grant aux folios suivants (les pages du RSS de Le Noir sont indiquées entre parenthèses) : C1v(A7r) ; E2vet G1r (C6v) ; F4v(B3v, D4r, F3r, H2v) ; H1r(G1r) ; K1r(F5v, G6v).
43 Deux rédactions du Roman des Sept Sages de Rome, éd. Gaston Paris, Paris, Firmin Didot, 1876, p. 9-11.
44 Le fait que l’image soit inversée par rapport à la diégèse du récit suggère qu’elle ait été copiée à partir d’une autre édition.
45 « Quant ces femmes virent ces gens estranges nouer parmy l’eaue, ils les tirtrent a elles et les faisoient tant gesir avec elles que l’ame leur partoit du corps », Alixandre le Grant, éd. M. Le Noir, 1506 (ML), f. K1r.
46 « Et allerent jusques a la fin de la terre sur la mer Occeane qui joingt au ciel par semblant. Illec trouva Alixandre les coulonnes que Hercules si avoit mises au rivage de la mer pour demostrer que c’estoit la fin de la terre », Alixandre le Grant, éd. M. Le Noir, 1506 (ML), f. K1r.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-16459-3
- EAN : 9782406164593
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16459-3.p.0121
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/06/2024
- Langue : Français
- Mots-clés : Michel Le Noir, édition illustrée, bois de réemploi, roman chevaleresque, du manuscrit à l’imprimé