![Traductions imprimées, traductions pour l’imprimé (1470-1550) - Copie, remaniement et réécriture de la Vie de saint Louis de Joinville](https://classiques-garnier.com/images/Vignette/EabMS02b.png)
Copie, remaniement et réécriture de la Vie de saint Louis de Joinville Essai de définition typologique
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Traductions imprimées, traductions pour l’imprimé (1470-1550)
- Auteur : Robecchi (Marco)
- Pages : 153 à 176
- Collection : Rencontres, n° 618
- Série : Civilisation médiévale, n° 58
COPIE, REMANIEMENT ET RééCRITURE
DE LA VIE DE SAINT LOUIS DE JOINVILLE
Essai de définition typologique
Une tradition inusuelle
et une définition complexe
Le Livre des saintes paroles et des bons faiz nostre saint roy Looÿs, mieux connu sous le titre de Vie de saint Louis, est la chronique « strictement personnelle » de Jean de Joinville, seigneur champenois qui suivit le roi saint Louis dans sa première croisade et qui en donna ensuite, entre 1305 et 1309, un récit à la requête de Jeanne de Navarre, reine de France mariée à Philippe le Bel et mère de Louis le Hutin, dédicataire du livre. Le succès de ce texte au Moyen Âge semble restreint à une circulation à l’intérieur de la famille royale, sans que l’on ait envisagé un public plus large, car aucun auteur ou chroniqueur n’y fait allusion1.
Cette œuvre présente, à maints égards, une tradition textuelle peu habituelle mais intéressante pour un texte en prose du début du xive siècle. Elle est transmise par un seul manuscrit médiéval, daté de la première moitié du xive siècle ; les quatre autres témoins datent du xvie et du xviie siècle, dont deux sont des imprimés. Sa transmission se place donc dans l’ensemble des traductions intralinguales qui traversent les siècles et le passage crucial de la copie manuscrite à l’imprimé, à l’intérieur du même diasystème linguistique. Certes, la conservation de la prose comme modalité de discours affranchit en quelque sorte la Vie de saint Louis des réflexions autour des mises en prose ou dérimages. Nous souhaitons cependant placer notre réflexion dans un cadre linguistique et structurel plus général, afin de contribuer à la réflexion autour des pratiques de 154transformation textuelle à travers le temps (sur l’axe diachronique) et l’espace (sur l’axe diatopique). Si le côté diaphasique n’est que partiellement impliqué (la prose reste prose), la transformation diamésique (du manuscrit à l’imprimé) peut éventuellement être liée à des conditions diastratiques (changement de public)2.
La première exigence qui se présente à nos yeux est celle de définir une nomenclature plus transparente et univoque : Monfrin affirme que les deux manuscrits contiennent une « copierajeunie dans la langue et le vocabulaire », tandis que pour les imprimés il parle à la fois de « traduction, parfois développée jusqu’à devenir une paraphrase, parfois fortement abrégée3 » et de « travail de réécriture complète4 ».
Il a récemment été souligné qu’à côté de la prolifération des études sur cette typologie de textes on assiste à l’emploi d’une « terminologie foisonnante » générée par un manque de « confrontation systématique avec les études précédentes5 ». Le point de départ théorique concerne les mises en prose, qui seraient, tout comme les traductions, de « nouvelle[s] écriture[s] … un acte original de création, plus que l’emploi d’un arsenal de nouveaux moyens stylistiques6 ». Kullmann et Lalonde parlent 155à ce propos de « “ré-écriture”, [qui] rapproche ce travail du processus d’écriture pure et simple, mettant ainsi en valeur le réécrivant comme auteur de plein droit7 ».
D’autre part, Doutrepont déjà appliquait l’étiquette remaniements aux mises en prose, en proposant une macro-distinction entre une « école large » et une « école étroite ». À l’intérieur de ces deux pôles, il avait proposé une classification de 11 différents types de remaniements8, mais ses propos portaient uniquement sur des facteurs de type structurel et non pas linguistique. C’est pour cette raison qu’Arrigo formule une distinction entre :
[ la ] réécriture [où] la présence de l’élément écriture fait directement référence à la (re)production littéraire, c’est-à-dire à des choix effectués au niveau textuel [et le]remaniement[qui] est un terme plus vague qui, bien qu’il s’avère souvent interchangeable avec réécriture, peut aussi recevoir des connotations plus personnelles de certains chercheurs9.
Presqu’en parallèle, Raymund Wilhelm reprenait et précisait les types de transformation textuelle formulés pour l’ancien allemand par Thomas Klein, lequel distingue notamment entre i) la copie (Abschrift) qui remplace les graphèmes, ii) la transposition (Umschrift) qui touche au niveau phono-morphologique, iii) la traduction (Übersetzung) qui inclut le lexique et la syntaxe, iv) le remaniement (Bearbeitung) qui restructure certaines parties de l’œuvre, et v) la réécriture (Wiedererzählung) qui opère sur le texte entier10. Raymund Wilhelm observe alors que la traduction englobe la transposition, car les deux portent sur la langue – en termes coseriens – ; le remaniement opère sur le discours, tandis que la réécriture opère sur le texte entier11. Une autre, dernière tentative de théorisation 156est celle proposée par Marcello Barbato dans le même volume, qui reprend l’idée de « commutazione linguistica » avancée par Alberto Varvaro12 et propose un schéma circulaire du « continuum copia-traduzione-rielaborazione13 » qui, à notre avis, peut être simplifié et superposé à celui de Wilhelm. On réduira aussi les « copista scrupoloso » et « assimilatore » au seul niveau de la copie, le « copista-traduttore » et le « traduttore » au niveau de la langue, le « traduttore-rifacitore » et le « rifacitore » au niveau du discours, et enfin le « rielaboratore » au niveau de la réécriture14. Ces nuances graduelles semblent en effet dépendre d’un certain jugement subjectif et pas quantifié, voire quantifiable, pour rester si nettement distinctes.
De notre côté, enfin, nous plaçons la tradition textuelle intralinguale de la Vie de saint Louis dans un cadre théorique constitué par les éléments suivants15 :
– copie : modifie essentiellement la veste grapho-phonétique ;
– transposition : concerne le niveau morpho-syntaxique et le lexique (= langue)16 ;
– remaniement : concerne la structure du texte, qui peut être abrégé, amplifié, ou dont les épisodes sont déplacés (= discours) ;
– réécriture : lorsque le texte a subi une transposition et un remaniement en même temps.
157La tradition textuelle
Cinq témoins transmettent donc la Vie de saint Louis de Jean de Joinville :
–ms. A, Paris, BnF, fr. 13568 (parchemin, 225 x 150 mm, sur deux colonnes ; 391 pages). C’est la seule copie ancienne de l’œuvre, qui daterait des années 1330-1340 environ17. Il a probablement été copié « pour l’usage de la famille royale18 ». La copie serait à localiser à Paris ou, selon Monfrin, dans le Nord-Est19 ;
–ms. L, Paris, BnF, fr. 10148 (vélin, 272 x 181 mm ; 160 pages) ; lacunes aux pages 84-85 (§ 337-434) et 96-97 (§ 479-527). Il remonterait au deuxième quart du xvie siècle. Écu écartelé aux armes d’Antoinette de Bourbon et de son mari, Claude de Lorraine, duc de Guise et seigneur de Joinville, au f. 120. Probablement copié en Lorraine21 ;
–ms. B, Paris, BnF, n.a.fr. 6273 (papier, 183 x 268 mm ; 200 pages). Manuscrit frère du ms. L, copié à la même époque. Les filigranes (Briquet 2996 et 12168) renvoient au Nord-Est de la France. La signature qui se lit à la fin du manuscrit, [(…) Nicho]laum du Quercu Rothomagensis, semblerait plutôt celle d’un possesseur que d’un copiste, sa graphie ne correspondant pas à celle de la copie ; le manuscrit devait se trouver à Rouen au xvie siècle ;
158–imprimé P, édition d’Antoine Pierre (né à Rieux, dans le Minervois). L’édition a été publiée à Poitiers en 1547, avec privilège du roi22 et une dédicace à François Ier. Cf. infra, p. 16123 ;
–imprimé M, édition de Claude Ménard, conseiller du roi Louis XIII et lieutenant à la Prévôté d’Angers. Publiée à Paris en 1617, elle est complétée par des Observations sur l’histoire du roy saint Louis, par les vies latines de Geoffroi de Beaulieu et de Guillaume de Chartres, ainsi que par deux sermons et la bulle de canonisation de Boniface VII. Ménard aurait trouvé son manuscrit de base à Laval ; celui-ci est plus complet que celui utilisé par Antoine Pierre et sa structure respecte le découpage du ms A.
La tradition textuelle se divise en deux familles, selon le stemma proposé par Gaston Paris et repris par Jacques Monfrin (Figure 1)24. Le manuscrit original, perdu, est siglé H (copie de Louis le Hutin). Une première famille est formée par le seul ms A. La deuxième famille est 159à son tour divisée en deux branches, l’une formée par les ms LB (= G), l’autre par les deux imprimés PM (= T). D’un point de vue géographique, le ms. A se place dans le Nord-Est, voire à Paris, en milieu princier. La branche G se placerait entre la Champagne méridionale et la Lorraine, et dépendrait d’un modèle qui a modernisé la langue de Joinville25. La branche T, enfin, se serait formée dans l’Ouest, probablement dans l’Anjou, avant le début du xvie siècle26. René d’Anjou (1409-1480), parmi ses nombreux titres, était aussi duc de Lorraine grâce à son premier mariage avec Isabelle de Lorraine (1410-1453) : il pourrait être donc le trait d’union du transfert de ce texte de la Lorraine à l’Anjou. Le sub-archétype x, modèle commun à T et G, daterait donc au plus tard du milieu du xve siècle et proviendrait de la Champagne méridionale ou de la Lorraine, proche des possessions des héritiers de Jean de Joinville27.
160Figure 1.
161L’imprimé P de 1547
L’édition de 1547 a été préparée par Antoine Pierre. Après avoir fait des études de droit, il a publié deux traductions de textes latins à Poitiers chez les imprimeurs Marnef, le traité d’agriculture de Constantin César en 1543 et un traité médical en 154428. Quant au texte de Joinville, Antoine Pierre décrit sa découverte dans une préface où il prononce une célébration sur la valeur de l’histoire et des personnages historiques français, avant de finir sur une dédicace au roi François Ier :
Il y a deux ans, ou environ, que moy estant à Beaufort en Valee, au pais d’Anjou, visitant quelques vieulx registres du feu Roy René de Cecile [= René d’Anjou], pour y cuider trouver quelque antiquité, dont il avoit esté amateur, aurois trouvée la Cronique du Roy S. Loys, escripte par ung Seigneur de Jonville seneschal de Champaigne, qui estoit en ce temps là, & avoit accompaigné ledict Roy S. Loys en toutes ses guerres. Et pource que l’histoire estoit ung peu mal ordonnée, & mise en langage assez rude, ay icelle veue, au moins mal qu’il m’a esté possible : et l’ayant polie & dressée en meilleur ordre qu’elle n’estoit au par avant, pour donner plus grande cognoissance, des grandz & vertueux faictz de la tres chrestienne maison de France, ay icelle voulu mettre en lumiere. (P, p. a iii verso)
Sans analyser l’allure rhétorique de ce prologue, on peut remarquer la perplexité d’Antoine Pierre face à la langue « assez rude » du xive siècle et à l’ordre du récit, c’est-à-dire la structure globale du Livre de Joinville, qu’il prend soin de polir et de restructurer29.
162Au niveau du discours
D’un point de vue structurel, le Livre de Joinville est organisé en 769 paragraphes, identifiés par des lettrines décorées, qui se retrouvent intacts dans les trois manuscrits. La source T du milieu du xve s. aurait supprimé une centaine de paragraphes portant sur des épisodes secondaires mais aurait gardé en gros la structure originale, que l’on retrouve dans M30. Antoine Pierre va plus loin et réduit ces paragraphes à 94 chapitres, en supprimant en outre les paragraphes initiaux du récit (ceux qui décrivent les affaires angevines du roi Louis avant son départ pour la croisade) et en y ajoutant 7 chapitres qui constituent une sorte d’interpolation d’intérêt méridional concernant la soumission du comté de Toulouse, la guerre contre le comte de La Marche et les Lusignan et les différends entre le comte de Toulouse et le comte de Provence31. Au niveau structurel, ou discursif, il se place dans la logique du remaniement.
Au niveau de la langue
Nous avons choisi d’analyser trois passages narratifs de la Vie de saint Louis. Nous donnons le texte de A (édité par Monfrin) comparé à celui de P, mais tous les témoignages sont pris en compte lors de la discussion des variantes. Accompagnées des concepts de stemmatique et stratigraphie de la copie, nos analyses se placent dans une optique de “philologie diachronique”32, qui permet de dégager les innovations linguistiques survenues entre le début du xive et le début du xviie siècle, notamment pour le texte d’Antoine Pierre. Nous avons exploité de manière systématique la lexicographie de référence de l’ancien et du moyen français, ainsi que les grammaires ; une place de premier plan est réservée au FEW, qui se confirme un outil indépassable pour les analyses de linguistique diachronique galloromane33.
163L ’ enterrement du chevalier
A, f. 153 (éd. Monfrin) |
P, p. xciiii |
(§ 297) La vegile de quaresme pernant vi une merveilles que je vous weil raconter. Car ce jour meismes fu mis en terre mon seigneur Hue de Landricourt, qui estoit avec moy a baniere. Là où il estoit en biere en ma chapelle,.vi. de mes chevaliers estoient apuiez sus pluseurs saz pleins d’orge ; et pour ce que il parloient haut en ma chapelle et que il faisoient noiseau prestre, je leur alai dire que il se teussent, et leur dis que vileinne chose estoit de chevaliers et de gentilz homes qui parloient tandis que l’en chantoit la messe. (§ 298) Et il me commencierent a rire et me distrent en riant que il li remarieroient sa femme. Et je les enchoisonnai et leur dis que tiex paroles n’estoient ne bones ne beles, et que tost avoient oublié leur compaingnon. Et Dieu en fist tel vengance que l’endemain fu la grant bataille du quaresme prenant, dont il furent mortou navrez à mort, par quoy il couvint leur femmes remarier toutes .vi. |
(§ 297) Il advint en ce temps là une chose que je n’ay voulu obmettre, sans en faire mention. Il mourut ung vaillant & hardy Chevalier, qui avoit nom Messire Hugues de Landrycourt, qui estoit avec moy à Baviere, & feut enterré en ma Chapelle : & comme le corps estoit dans la Chapelle, pour faire le service, & que l’on disoit la messe, il y avoit six de mes Chevaliers, qui estoient appuiez sur des sacz d’orge, lesquelz parloient & rioyent ensemble haultement, en sorte qu’ilz faisoient grand ennuy au Prestre qui chantoit la Messe : & alors je me levay, & leur allay dire qu’ilz se teussent, & que c’estoit chose villaine de parler & crier ainsi durant le service : (§ 298) & ilz me respondirent en riant, qu’ilz parloient ensemble de remarier la femme d’icelluy messire Hugues qui estoit là mort : dequoy je les reprisdurement, & que bien tost ilz avoient oublié leur compaignon : mais Dieu les pugnit de leur follie, car peu aprés ilz se trouverent entre les Turcz, en maniere qu’ilz furent tous six mis à mort, & furent leurs corps gisans aux champs, sans estre enterrez, & depuis ay veu les femmes de chascun d’eulx qui se sont remariees, parquoy appert que tel se moque d’autruy, qu’en fin il est moqué. |
L’imprimé P offre une introduction narrative redondante « Il advint … sans en faire mention » ainsi qu’une conclusion parénétique « Parquoy appert que tel se moque d’autruy, qu’en fin il est moqué » (qui assume un accent plus religieux dans M : « Parquoy est à croire, que Dieu ne laisse riens impugny de son malfait »). Notons la locution être à bannière “au premier rang”, vraisemblablement sortie de l’usage au cours du xve siècle34 : être à Baviere semble une tentative d’Antoine Pierre de restituer un sens acceptable à la phrase, où la modification aurait été favorisée par la confusion graphique entre n et v.
Dans la construction causale, coordonnée avec reprise de la conj35., « et pour ce que il parloient hault… et que il faisoient noise… je leur alai dire » transmise par A, les ms LB conservent la loc. conj. pour ce que mais omettent le que de reprise. Le modèle T a supprimé la loc. conj. : par conséquent, dans P on lit une principale + relative « il y avoit six de mes Chevaliers… lesquelz parloient et rioient », dans M une principale et une reprise par coordination « six de mes Chevaliers estoient là appuiez… & parloient hault… & faisoient ennuy au Prestre ». La loc. pour ce que était fréquente en afr., mais « subsiste avec valeur causale jusqu’au xviie siècle36 » : il se peut que son emploi se fût déjà réduit au xvie s.37. Notons que P insère la loc. conj. à valeur consécutive en sorte que, qui apparaît à la fin du xve s. chez Philippe de Commynes38 et reste au cours du xvie s. chez des auteurs de l’Ouest39.
165Quant à la conj. temporelle tandis que, qui marque la simultanéité d’aspect duratif, elle est attestée par le ms A et l’imprimé M ; elle apparaît au xiie siècle et devient de plus en plus fréquente aux xiiie-xive s.40. La loc. conj. pendant que de G témoigne d’une innovation apparue au xve siècle41. La loc. conj. durant que de P est encore plus rare et récente42 et survit dans les dialectes de Normandie et Saintonge (FEW 3,188b s.v. dūrare : « Bray, PtAud, SeudreS. »).
Quelques notes lexicales. L’emploi transitif de morir est attesté entre le xiie et le xve s. (« Roland-Chastell », cf. FEW 6/3,132a s.v. mŏri43). Presque disparu au xve siècle, G lui substitue « furent occis » (attesté jusqu’au xviie s., FEW 7,298b s.v. ŏccīdĕre44). Quant aux imprimés, P paraphrase avec le syntagme « furent mis à mort » (déjà Chrétien de Troyes avec le sens de “tuer qqn”, cf.DÉCT s.v. mort)45. Quant à M, il a choisi le verbe tuer, « il fussent tuez », qui, selon DMF, « se substitue progressivement à occire et mourir » (cf. FEW 13/2,446b s.v. tutari).
Faire noise au sens d’“importuner qqn” est enregistré jusqu’à la fin du xvie siècle (FEW 7,56b s.v. nausea : « Alexis-Stœr 1628 », mais DMF ne donne aucun ex. après le milieu du xve s.). Le modèle G le remplace par nuisance “tort, dommage, préjudice” (cf. FEW 7,161b s.v. nŏcēre : « PsCambr-Oud 1660 ») qui, cependant, ne respecte pas le sens donné par l’auteur (les chevaliers bavardent et dérangent le prêtre, mais ils ne le menacent pas) ; enfin, le modèle T emploie le syntagme faire ennui “faire obstacle, constituer une menace” typique du mfr. (« Froiss … DuBell »dans FEW 4,702a s.v. inodiare, où en outre ennui “tristesse 166profonde, chagrin” ou “danger, tribulation”). On peut voir, dans les transformations de GT, une sorte de rapprochement para-étymologique face au mot noise qui commençait à être perçu comme ‘vieilli’ au xve s.
La diffusion du lexème enchoisonner (FEW 7,296a s.v. occasio) est limitée à la Champagne méridionale, aux Vosges et à l’anglo-normand, en contexte juridique, entre 1235 et 132946 ; variante d’ochoisonner, ce dernier n’est presque pas attesté après la fin du xive s. (cf. DMF). Cela explique le remplacement de x (= GT) par le vb. reprendre “blâmer, réprimander, admonester qqn”, non marqué et utilisé encore en français moderne (cf. FEW 10,272b s.v. rĕprĕhĕndĕre).
Enfin, la forme lendemain de x, avec agglutination de l’article, s’explique facilement comme une préférence pour une forme plus récente et qui s’affirme dans le français moderne (cf. FEW 3,37a s.v. de mane, qui indique lendemain comme « seit 14. jh. » ; endemain, avec concrétion de la préposition, aurait en revanche été employé entre le xiie et le xve s.).
Le chrétien renié 47
A, f. 204-205 (éd. Monfrin) |
P, p. cxxiii |
(394) Endementres que le roy attendoit le paiement que sa gent fesoient aus Turs pour la delivrance de son frere le conte de Poitiers, un Sarrazin molt bien atiré et moult leal[bel Monfrin] home de cors vint au roy et li presenta lait pris en pos et fleurs de diverses manieres, de par les enfans le Nasac, qui avoit esté soudanc de Babiloine ; et li fist le present en françois. |
(394) Une autre chose je veis, dont je fuz grandement esbahy : ainsi que le Roy attendoit sur le fleuve, le payement qu’il faisoit faire, pour avoir son frere le Comte de Poictiers, il vint vers luy ung Sarrazin moult bien habillé, & fort bel homme à regarder, lequel presenta au Roy du lart prins en potz, & des fleurs de diverses manieres, qui estoient moult odorantes : & luy dist que s’estoient les enfans du Nazat du Souldan de Babyloine, qui avoient esté tuez, qui luy faisoient ce present. Quant le Roy entendit celluy Sarrazin parler Françoys, |
167
(395) Et le roy li demanda où il avoit apris françois, et il dit que il avoit esté crestian ; et le roy li dit : « Alez vous en, que a vous ne parlerai je plus48 ! ». Je le trais d’une part et li demandai son couvine. Et il me dit qu’il avoit esté né de Provins et que il estoit venu en Egypte avec le roy Jehan, et que il estoit marié en Egypte et grant riche home. Et je li diz : « Ne savez vous pas bien que se vous mouriés en ce point, que vous iriez en enfer ? ». (396) Et il dit : « Oÿl », car il estoit certein que nulle loi[om. A] n’estoit si bone comme la crestienne ; « mes je doute, se je aloie vers vous, la povreté la ou je seroie, et le reproche, toute jour me diroit l’en : “Veez ci le renoié !”. Si aimme miex vivre riche et aise que je me meisse en tel point comme je vois ». Et je lidis que le reproche seroit plus grant au jour du Jugement…. |
(395) il luy demanda qui le luy avoit aprins : & il respondit au Roy, qu’il estoit Chrestien renyé. Et incontinent le Roy luy dist, qu’il se tirast à part, hors de devant luy, & qu’il ne parleroit plus à luy. Lors je le tiray à quartier : & luy demanday dont il estoit, & comment il avoit renyé nostre Loy. Et il me respondit qu’il estoit né & natif de Provins en Brie, & qu’il estoit venu en Egypte avec le feu Roy Jean, & depuis si estoit marié, & avoit aquis beaucoup de biens. Alors je luy dis, « ne sçavez vous pas bien que si vous mourez en tel estat, que vous descendrez tout droict en Enfer, & serez dampné à jamais ? ». (396) Il me dist, que ouy certes, il le sçavoit bien, & si croyoit fermement qu’il n’estoit Loy meilleure que celle des Chrestiens : mais fist il, je crains de m’en retourner en France, pource qu’il me conviendroit vivre povrement, & endurerois de grandz infamies & reproches, que l’on me donneroit toute ma vie, en m’appellant renyé. Pourtant (disoit il) j’ayme mieulx vivre à mon ayse, & estre riche homme, que de devenir en tel poinct ». Et de rechief je luyremonstray qu’il valloit trop mieulx craindre la honte de Dieu …. |
Notons tout d’abord l’emploi typiquement afr. de gent au sg.f. dont le verbe est conjugué au pl., omis par les imprimés, mais que B transforme au pl. « ses gens faisoient » (L est lacunaire). En outre, le pron. pers. P3 c.r. atone indirect li, typique de l’afr., est systématiquement remplacé par lui, phénomène qui survient entre le xive et le xve s49.. De même, les témoins du xvie s. dégagent la valeur circonstancielle causale de l’adverbe « passe-partout » si (< sīc), avec parquoyB et pourtant PM (= T).
168La locution adverbiale endementres que ne serait attestée que jusqu’à la fin du xive s.50, d’où le besoin pour x (= BPM) de le remplacer par ainsi que, typique du moyen français (cf. FEW 11,574b s.v. sīc : « fr. “au moment où, pendant que” (ca 1340–1659)51 ».
Quant au lexique, l’adjectif atiré “qui a belle prestance” (formé sur le part. pass. du vb. atirier), surtout attesté entre Picardie et Champagne jusqu’au xive s. (cf. Gdf et DMF), est remplacé par deux mots plus récents qui apparaissent au xve s., acoustré “habillé” (cf. FEW 2,1100a s.v. consūtūra) B et habilléPM, sens qui entrera dans le français de référence (cf. TLF s.v. habiller).
L’incompréhension provoquée par lait pris AB, qui « a une coloration régionale [lorraine et champenoise] certaine52 », est cachée derrière la facile confusion entre <i> et <r>, quoique le lart pris PM n’ait pas de sens.
Le mot couvine, avec le sens de “situation où se trouve une personne”, disparaît selon FEW (2,1129b s.b. *convenium) au milieu du xvie s. et est remplacé par la périphrase « luy demanday dont il estoit » par x (= BPM ; la deuxième question, « comment il avoit renyé nostre loy », a été introduite par T).
Dans la locution traire d’une part, le modèle x (= BPM) remplace traire (devenu désuet au xvie siècle, cf. FEW 13/2,177b s.v. trahĕre « Brendan-Destrees [pic. 1501] ») par tirer ; en outre, T (= PM) choisit la locution tirer à quartier qui, d’après les attestations disponibles, a l’air d’être une innovation du xvie siècle de l’Ouest de la France (cf. Gdf 10,456a, même si cela ne suffit pas pour établir la régionalité du syntagme).
L’emploi actif de douter avec COD disparaît au cours du xvie s. (FEW 3,169b s.v. dubitare), d’où la construction pronominale de B (« seit 15. Jh. » selon FEW) et le remplacement par craindrePM (FEW 13/2,238b s.v. trĕmĕre) ; à noter l’emploi prépositionnel avec de + inf. : « je crains de m’en retourner en France » P.
169Enfin, le verbe assez générique dis a été remplacé par remonstrayT (= PM) “exposer qqc. (à qqn) pour le convaincre”, innovation lexicale dont les premières attestations remontent à Froissart.
Le sauvetage en mer
A, f. 338-339 (éd. Monfrin) |
P, p. clxxxvii |
(650) Une autre avanture nous avint en mer car mon seigneur Dragonés, un riche home de Provence, dormoit la matinee en la nef, qui bien estoit une lieu devant la nostre ; et appela un sien escuier et li dit : « Va estouper ce pertuis, car le solleil me fiert ou visage ». Celi vit que il ne[om. A] pooit estouper le pertuis se il n’issoit de la nef. De la nef issi ; tandis que il aloit le pertuis estouper, le pié li failli et cheï en l’yaue. Et celle n’avoit point de barge de cantiers, car la nef estoit petite. Maintenant fu esloingnee celle nef. Nous qui estions en la nef le roy cuidions que ce feust une somme ou une bouticle, pour que celi qui estoit cheu en l’yaue ne metoit nul conseil en li. (651) Une des galies le roy le queilli et l’aporta en nostre nef, là où il nous compta[om. A] comment ce li estoit avenu. Je li demandai comment ce estoit que il ne metoit conseil en li garantir, ne par noer ne par autre maniere. Il me respondi que il n’estoit nul mestier ne besoing que il meist conseil en li, car si tost comme il commença à cheoir, il se commenda à Nostre Dame …. |
(650) Une autre Navire arriva en mer, en la Nef de messire Dargones, qui estoit l’ung des plus puissans Seigneurs de Provence : c’est que luy estant au lict, le Soleil venoit frapper sur son visage par ung pertuys, lors il appella ung de ses Escuyers, & luy commanda de boucher le pertuys : & pour ce faire l’Escuyer sortit hors de la Nef, & en sortant, le pied luy faillit, & cheut en la Mer. Incontinent qu’il fut cheut, la Nef s’esloigna de luy, & n’y avoit aucun esquif pour le secourir : nous qui estions en la Nef du Roy, qui venions aprés, le veismes bien une lieue loing de la Nef, dont il estoit cheut, & cuydions que ce feust quelqu’autre chose, qui fust en la Mer : car celuy Escuyer ne se bougeoit, ne ne s’aydoit en aucune façon. (651) & quant nous l’eusmes apperceu de pres, l’une des Gallees du Roy le recueillit, & fut mys en nostre Nef. Nous luy demandasmes pourquoy il ne s’aydoit autrement en la Mer, ou à nager, ou à crier aux gens de sa Nef. Et il nous dist, qu’il n’avoit nul besoing de le faire : car si tost qu’il fut tombé en la Mer, il avoit invocque nostre Dame de Vauvert … |
On retrouve, dans ce passage, le remplacement de la loc. tandis que par commeG (= BL) marquant la simultanéité53 et la transformation en proposition participiale par T, « & pour ce faire l’Escuyer sortit hors de la Nef, & en sortant, le pied luy faillit » P et « il se mist dehors : & en 170allant le cuider estoupper, le pié lui fouyt » M (cf. 3.2.1.). L’adv. maintenant “aussitôt”, qui exprime « l’immédiateté de l’enchaînement d’une action sur une autre54 », devient tantost G (= BL) et tantost queM (FEW 13/2,118b s.v. tŏstus, déjà attesté au xiie s.) ; l’imprimé P, quant à lui, choisit la loc. adv. incontinent que, qui « commence à être couramment utilisé[e] à la fin du xve siècle … et disparaîtra au xviie siècle55 ».
La barge de cantiers, hapax de Joinville56 omis par BL, a été assez correctement interprété comme barque de couste par M et remplacé par esquifP, innovation lexicale du xve siècle empruntée à l’italien (FEW 17,109a s.v. *skif).
La somme et la bouticle que Joinville et ses camarades croient tombées à la mer ont été omises par x. Somme “charge, fardeau (que porte une bête de somme)” (FEW 11,61a s.v. sagma) aurait pu être compris, puisqu’employé jusqu’au xixe siècle ; en revanche, bouticle “caisse percée de trous et fixée au fond d’un bateau … pour y conserver le poisson vivant” (Gdf 8,361a ; FEW 25,21a s.v. apotheca) n’est attesté que depuis le xive s. dans des documents de Paris et de Seine-Inférieure, que x pouvait ne pas connaître. Cela explique le choix de lui substituer le plus vague autre chose.
171Enfin, la disparition en mfr. du syntagme mettre conseil en qqn “s’aider” (nombreux exemples afr. dans TL 2,721 mais absent de DMF), explique la variante aider de x ; à noter qu’à la deuxième occurrence, G l’a remplacé par mettre peine à soy garendir “s’efforcer de se sauver”, qui résume mettre conseil et le suivant n’estoit nul mestier ne besoing. Comme le subst. conseil disparaît, le déterminant nul est transformé en adv. nullement par G57, tandis que T fait des choix moins marqués et lui substitue la locution en aucune façon et l’adverbe autrement.
Si l’on revient sur un fait de type discursif, notamment sur la micro-structure du récit, on s’apercevra que le modèle T a non seulement renouvelé le lexique et la syntaxe, mais a aussi perturbé l’ordre des constituants logico-syntaxiques pour restructurer complètement l’allure du récit original (Figure 2).
172Figure 2.
173Conclusions
J’en viens aux conclusions. Si l’on essaie de résumer les innovations ici présentées en nous plaçant dans une logique « stratigraphique », et sans porter de jugements ecdotiques sur la qualité des leçons, on remarquera que la plupart des divergences présentes dans P (autant d’un point de vue linguistique, surtout sur l’axe diachronique, que d’un point de vue discursif) remontent en effet à ses ancêtres et pas à l’initiative personnelle d’Antoine Pierre. Par ailleurs, la distribution des innovations respecte de manière cohérente la proposition de stemma de Paris et Monfrin.
L’axe chronologique
Le facteur dynamique principal qui provoque la variation est d’ordre chronologique : le tournant principal se place entre la 2e moitié du xve et le début du xvie s., l’époque présumée de rédaction de x (et par conséquent des versions G et T). Ce constat est valable autant pour les principaux faits morpho-syntaxiques que pour les faits lexicaux. Ainsi, par exemple, le remplacement de li par lui s’achève à la fin du xve siècle, les locutions temporelles tandis que et endementiers que deviennent désuètes à la fin du xve siècle. Certains phénomènes ne semblent disparaître qu’au xviie s., d’après nos outils, mais les témoins indiqueraient que déjà au cours du siècle précédent ils allaient être évincés par des innovations. C’est le cas de la locution conjonctive pour ce que, qui subsisterait jusqu’au xviie siècle (cf. FEW) mais qui a été remplacée ou réélaborée par tous les témoins, tout comme le substantif noise, dont on compte de moins en moins d’exemples au cours du xve siècle. La datation du FEWdépend du fait qu’il reprend les informations d’autres dictionnaires, lesquels enregistrent souvent, par inertie, des entrées désormais désuètes mais transmises de dictionnaire en dictionnaire.
Les témoins plus récents peuvent choisir des mots ou des construction syntagmatiques qui sont i) des innovations de leur époque qui ne survivent pas ou ii) des innovations qui se généralisent dans le français de référence58. Pour i) c’est le cas de durant queP, attesté depuis 1463, de 174acoustréB attesté au xvie siècle, de davantaige B, qui s’affirme durant la 2e moitié du xve siècle, ou de remonstrerT, attesté depuis Froissart. Pour ii), nous pourrions évoquer le choix du verbe tuerM, de reprendreGT, de habillerT, de tirerBT, de craindreT. On observera comme la plupart de ces choix concerne T et les imprimés PM, dont la langue est désormais ouverte aux innovations du français préclassique.
L’axe diatopique
Le paramètre géographique joue un rôle aussi important que le paramètre chronologique dans l’analyse de la variation, quoiqu’il ressorte de manière moins évidente des passages ici analysés. Le type de réaction est semblable : i) soit le texte de Joinville contient un régionalisme qui provoque une réaction, ii) soit les copies insèrent un régionalisme à leur tour. Pour i), on mentionne enchoisonner, terme juridique et régionalisme de Champagne méridionale, de Lorraine et d’Angleterre, remplacé par le synonyme reprendreGT ; lait pris, régionalisme de Champagne et Lorraine qui est conservé par G (ce qui supporte l’hypothèse d’une copie orientale) mais remplacé par lart prisT. Pour ii), nous mentionnerons l’insertion d’en sorte que et de durant queP, dont les exemples disponibles plaident pour une origine occidentale de la locution conjonctive.
La nature de la réélaboration
Essayons donc de placer les différents témoins à l’intérieur du schéma classificatoire proposé au début (cf. supra, p. 153-156, et Figure 3)59.
175Figure 3.
Le manuscrit A est une copie, avec ses modifications scriptologiques et les erreurs ou variantes typiques du processus de copie médiéval. L’ancêtre x et le modèle G se placent dans le cadre d’une transposition intralinguale ou rajeunissement : la langue est mise à jour, mais le discours du récit, micro- et macro-structurel, demeure inchangé. Cela relève peut-être de la forme médiale, s’agissant d’un manuscrit très luxueux (et donc, dans une certaine mesure, ‘diastratiquement’ marquée), qui aurait ainsi favorisé la conservation de la forme originelle du texte de Joinville avec un goût quelque peu archéologisant.
Le modèle T, c’est-à-dire le supposé manuscrit de René d’Anjou, aurait ultérieurement modifié la langue, la micro-structure du récit et plus généralement la macro-structure, en supprimant plusieurs paragraphes, déjà au milieu du xve siècle, donc avant le passage à l’impression : j’oserais qualifier ce travail de véritable réécriture du récit de Joinville, faite dans le but de mettre en relief l’image du roi saint Louis, aïeul de René d’Anjou. Le travail d’Antoine Pierre, avec sa restructuration invasive, se placerait ainsi dans une optique de remaniement d’une réécriture.
176L’étude systématique des imprimés (et des témoins tardifs, plus généralement) non seulement permet de valoriser leur exploitation ecdotique en vue de l’établissement du texte critique, mais contribue à l’histoire de la langue française et de ses variétés ; nous espérons avoir montré, enfin, qu’elle apporte des précisions pour la catégorisation des opérations de transformation textuelle qui ont été opérées entre la toute fin du Moyen Âge et la Renaissance en France.
Marco Robecchi
Libera Università di Bolzano
1 Jacques Monfrin, Joinville. Vie de saint Louis, Paris, Classiques Garnier, 1995, p. 97.
2 Cf. déjà G. Roques à propos de l’étude des mises en prose : « On réintroduirait aussi de la diachronie, de la diatopie et de la diaphasie dans des études trop préoccupées des comparaisons intemporelles, abstraites et finalement éloignées de la vie des textes médiévaux » (Gilles Roques, « Les variations lexicales dans les mises en prose », Mettre en prose aux xive-xvie siècles, éd. M. Colombo Timelli et al, Turnhout, Brepols, 2010, p. 31) ; plus récemment, M. Barbato : « Ovviamente, nei casi reali, più assi di variazione sono contemporaneamente implicati » (Marcello Barbato, « Trasmissione testuale e commutazione del codice linguistico », Transcrire et/ou traduire. Variation et changement linguistique dans la tradition manuscrite des textes médiévaux, éd.R. Wilhelm, Heidelberg, Winter, 2013, p. 197).
3 Jacques Monfrin, « Philologie et histoire : l’exemple de Joinville », Études de philologie romane, éd. G. Hasenohr, Genève, Droz, 2001, p. 952 ; nous soulignons.
4 Ibid., p. 968.
5 Fleith, Gay-Canton et Veysseyre listent ces exemples : « en français, réécriture, remodelage, remaniement, rédaction, (ré)actualisation ; en anglais retelling, rewriting ; en allemand Wiederzählen, Retextualisierung, Redaktion, Neufassung, Adaptation, Überarbeitung, Übertragung » (Barbara Fleith et al., « Introduction. Penser la textualité médiévale : héritage critique et questions de méthode », De l’(id)entité textuelle au cours du Moyen Âge tardif. xiiie-xve siècle, éd. B. Fleith et al., Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 54-55). Ce foisonnement est expliqué par le fait que « on en est encore au stade où chaque nouvelle étude monographique consacrée à la transmission manuscrite d’un texte enrichit et affine les données du problème, non sans le complexifier » (ibid.).
6 Pierre Demarolle, « De La Châtelaine de Vergy à l’Heptaméron : modalités textuelles d’une nouvelle écriture », Mettre en prose aux xive-xvie siècles, éd. M. Colombo Timelli et al., Turnhout, Brepols, 2010, p. 119.
7 Dorothea Kullman et Shaun Lalonde, « Introduction », Réécritures. Regards nouveaux sur la reprise et le remaniement de textes, dans la littérature française et au-delà, du Moyen Âge à la Renaissance, éd. D. Kullman et S. Lalonde,Toronto, Pontifical Institute of Medieval Studies, 2015, p. 2.
8 Georges Doutrepont, Les Mises en prose des épopées et des romans chevaleresques du xive au xvie siècle, Bruxelles, Palais des Académies, 1939 [Genève, Slatkine, 1969], p. 332-353.
9 Nicholas Arrigo, « La réécriture française : quelques éléments pour un état des recherches », Réécritures. Regards nouveaux sur la reprise et le remaniement de textes, op. cit.,p. 301.
10 Thomas Klein, « Umschrift – Übersetzung – Wiedererzählung. Texttransfer im westgermanischen Bereich », Der Schreiber als Dolmetsch. Sprachliche Umsetzungstechniken beim binnensprachlichen Texttransfer in Mittelalter und früher Neuzeit, éd. W. Besch et T. Klein, Berlin, Schmidt, 2009, p. 226.
11 « Introduction », Transcrire et/ou traduire. Variation et changement linguistique dans la tradition manuscrite des textes médiévaux, éd. R. Wilhelm, Heidelberg, Winter, 2013, p. 6.
12 « La formazione delle lingue letterarie », Lexikon der romanistischen Linguistik, éd. G. Holtus et al., Tübingen, Niemeyer, vol. 2/1, 1996, p. 532.
13 Marcello Barbato, « Trasmissione testuale e commutazione del codice linguistico », op. cit., p. 195.
14 Ibid., p. 196.
15 Nous renvoyons à la fin de cette contribution pour une visualisation graphique de cette structure.
16 Ce niveau de transformation pourrait aussi être défini « traduction », tout en nécessitant de préciser s’il s’agit d’une traduction intralinguale (la langue-source et la langue-cible appartiennent au même diasystème, cf. Roman Jakobson, « On Linguistic Aspects of Translation », On Translation, éd. Reuben A. Brower, Cambridge Mass., Harvard University Press, 1959, p. 223) ou interlinguale (deux diasystèmes différents).
17 C’est l’opinion de Jacques Monfrin (Joinville, op. cit., p. 96), qui s’appuie aussi sur l’identification par François Avril de la main de l’enlumineur Mahiet.
18 Ibid., p. 97.
19 Le copiste serait le même qui a copié la Vie et Miracles de saint Louis composés par Guillaume de Saint-Pathus du ms BnF, fr. 5716 [3e q. xive s.] (cf. Jacques Monfrin, « Philologie et histoire : l’exemple de Joinville », op. cit., p. 961).
20 Le manuscrit, découvert en 1740 à Lucques par La Curne de Sainte-Palaye, contenait aussi les Récits d’un ménestrel de Reims. La partie contenant ce deuxième récit a été démembrée et reliée à part sous la cote BnF, fr. 10149.
21 Monfrinmentionne la proposition de l’académicien Bimard de La Bastie qui suggérait en 1743 « qu’Antoinette aurait trouvé au château de Joinville un exemplaire ancien, et peut-être l’original de l’auteur, à partir duquel elle aurait fait effectuer le travail conservé par les manuscrits L et B » (Jacques Monfrin, Joinville, op. cit., p. 103).
22 « Par Privilege du Roy, est permis a Jehan & Enguilbert de Marnef freres, d’Imprimer, faire imprimer & vendre le present livre intitulé, L’histoire & Chronique du treschrestien Roy sainct Loys, ix. du nom, & xliiii. Roy de France. Avec deffences a tous Libraires & imprimeurs de non en imprimer, vendre, ne distribuer aultres, que ceulx imprimez par la permission des dictz de Marnef, sur les peines contenues par les dictes lettres : jusques au temps & terme de cinq ans, a compter du jour qu’ilz seront parachevez d’imprimer. comme plus amplement appert par lesdictes lettres, donnees a S. Germain en Laye, le xx. Janvier, mil cinq cens quarante & cinq. Et du regne dudict Seigneur, le trente deuxiesme. Par le Roy, maistre Martin Fumee, maistre des Requestes ordinaire de l’hostel present. Ainsi signé, le Iay [lire : je l’ay]. & seelles de cire jaulne par simple queue ».
23 Il existerait aussi un manuscrit conservé à la National Library of Scotland d’Édimbourg, sous la cote 15.1.16, un « exemplaire manuscrit offert au roi François Ier par Pierre de Rieux, le premier éditeur de Joinville » (Paul Meyer, « Chronique », Romania, no 23, 1894, p. 303).
24 Monfrin, qui choisit A comme manuscrit de base, affirme avoir retenu les variantes de BL « lorsqu’elles étaient significatives » et pour MP « ce qui [lui] paraissait utile » (Jacques Monfrin, Joinville, op. cit., p. 117). Nous ne reviendrons pas, ici, sur les questions ecdotiques ni sur l’importance des imprimés pour la constitution du texte critique, en nous contentant de renvoyer, entre autres, à Sophie Lecomte, « Le Guy de Warwick en prose entre manuscrits et imprimés. Problèmes d’édition », Le Roman français dans les premiers imprimés, éd. A. Schoysman et M. Colombo Timelli, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 81-93 ; Laura-Maï Dourdy, « Variance dans la tradition imprimée. Étude de la stratégie éditoriale de deux imprimeurs-libraires, Michel Le Noir et Nicolas Chrestien », Les lettres médiévales à l’aube de l’ère typographique, éd. R. Adam et al., Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 279-294 ; Barbara Ferrari, « Le rôle des imprimés dans l’édition d’une mise en prose manuscrite. La Belle Hélène de Constantinople », Les lettres médiévales à l’aube de l’ère typographique, éd. R. Adam et al., Paris, Classiques Garnier, 2020, p. 295-306.
25 Cf. Jacques Monfrin, « Philologie et histoire : l’exemple de Joinville », op. cit., p. 973.
26 « Nous sommes donc en présence d’une tradition de l’Ouest, “angevine” si l’on veut » (Jacques Monfrin, « Philologie et histoire : l’exemple de Joinville », op. cit., p. 969). Des citations de la Vie de saint Louis se lisent déjà chez Pierre Le Baud, historien breton de la fin du xve siècle (cf. Jacques Monfrin, Joinville, op. cit., p. 99).
27 Il s’agit, à notre avis, de la reconstruction la plus plausible, faute d’une analyse extensive et détaillée de l’ensemble de la tradition. Cf. encore Jacques Monfrin (« Philologie et histoire : l’exemple de Joinville », op. cit., p. 974), qui lui-même exprimait des doutes quant à la proposition de Paris, mais sans avancer des propositions alternatives.
28 Pierre Latour, « Mérites et facéties d’une publication oubliée de 1547 : la première édition de la Chronique de Joinville par trois Méridionaux », Annales du Midi, no 137, 1978, p. 209.
29 La phrase semble en effet reprendre un passage de Quintilien : « ordonnee » ferait référence à la dispositio, tandis que « rude » semblerait indiquer le stilus rudis (technicisme) plutôt que la langue ancienne ; la « lumiere » serait enfin la claritas. Cf. Quint. Inst. I 1, 28-9 : « Nam cum sit in studiis praecipuum, quoque solo verus ille profectus et altis radicibus nixus paretur, scribere ipsum, tardior stilus cogitationem moratur, rudis et confusus intellectu caret : unde sequitur alter dictandi quae transferenda sunt labor. XXIX. Quare cum semper et ubique, tum praecipue in epistulis secretis et familiaribus delectabit ne hoc quidem neglectum reliquisse ». Nous remercions Piero Andrea Martina pour la suggestion.
30 Cf. Jacques Monfrin,« Philologie et histoire : l’exemple de Joinville », op. cit., p. 968.
31 Cf. Pierre Latour, « Mérites et facéties d’une publication oubliée de 1547 », op. cit., p. 207-214.
32 Pour ce concept, cf. Greub : « la hiérarchie des rapports entre [les] manuscrit et […] la dynamique de la tradition » (Yan Greub, « Introduction », Quelle philologie pour quelle lexicographie ?, éd. S. Dörr et Y. Greub, Heidelberg, Winter, 2016, p. 7).
33 Nous partageons pleinement les considérations de Carles, Dallas, Glessgen et André : « la consultation du FEW se révèle très rentable pour ne pas réinventer la roue et surtout pour ne pas perdre de temps avec de fausses pistes. La lexicologie historique […] apporte surtout une aide précieuse, voire inestimable pour tout historien de la langue et, notamment, tout philologue qui souhaite éditer ou interpréter un texte antérieur à la Révolution française » (Hélène Carles et al., Französisches etymologisches Wörterbuch : eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes von Walther von Wartburg. Guide d’utilisation, Strasbourg, ELiPhi, 2019, p. 209). Cf. aussi Wilhelm : « La lessicografia potrebbe rivelarsi, infatti, un ambito particolarmente fecondo per un approccio che parte dalle varianti filologiche per ricostruire, parzialmente e con tutte le cautele del caso, la variazione linguistica all’interno dei volgari medievali » (Raymund Wilhelm, « Le varianti filologiche nella lessicografia storica. Parole e tradizione nello zibaldone di Giovanni de’ Dazi », Quelle philologie pour quelle lexicographie ?, op. cit., p. 165).
34 Cf. Giuseppe Di Stefano (Nouveau dictionnaire historique des locutions : ancien français, moyen français, Renaissance, Turnhout, Brepols, 2015, s.v. banniere), qui donne 3 attestations de la locution (Joinville, Grandes Chroniques et Gower) ; on en trouve un autre exemple dans l’AND (registres de John of Gaunt, xive s.). DMF mentionne « combatre sous baniere de » et « compain à banniere » dans FroissChron. La locution est absente du FEW.
35 « Au xiiie siècle, il est encore tout à fait exceptionnel de trouver la seconde proposition temporelle ou hypothétique introduite par et quant ou et se ou bien et que » (Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, Bordeaux, Bière,1988, § 213).
36 Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, op. cit., § 233.
37 Cf. en outre Robert Martinet MarcWilmet, Syntaxe du moyen français, Bordeaux, SOBODI,1980, § 371 ; Christiane Marchello-Nizia, La langue française aux xive et xve siècles, Paris, Nathan, 1997, p. 367et372 ; FEW 9,400b s.v. pro et n. 11 : « Wird seit ende 15. jh. allmählich durch das im afr. seltene par ce que ersetzt, während kausales pour sich vor dem inf. perfekt hält ». Cf. aussi le § 291 « manjoient les gens mors pource que ce sont glous poissons » ALB, remplacé par une relative « qui est ung poisson qui se rend tousjours à ung corps mort, & en mange » PM.
38 La loc. ferait partie des occidentalismes de Commynes ; cf. GreubFarces 374 : « Ouest, Normandie exclue ».
39 FEW 12,122b s.v. sors ; l’attestation de Joinville viendrait des ms BL, § 184.
40 FEW 13/1,72a s.v. tam diu ; Philippe Ménard,Syntaxe de l’ancien français, op. cit., § 240 ; Robert Martin et Marc Wilmet,Syntaxe du moyen français, op. cit., § 160et 390 ; Christiane Marchello-Nizia, La langue française, op. cit., p. 370.
41 Cf. Kurt Baldinger, « Der Begriff “während”. Ein Beispiel syntaktischer Feldforschung », Zeitschrift für romanische Philologie, no 70, 1954, p. 324 et FEW 8,181b s.v. pĕndēre.
42 Kurt Baldinger, « Der Begriff “während” », op. cit., p. 325, donne une première attestation dans les Coutumes d’Anjou-Maine de 1463.
43 FEW 6/3,137b, no 3 : « Wird nur im part. passé, also in den zusammengesetzten zeiten in diesem sinn verwendet ». TLF signale une attestation tardive dans les Rodomontades de Brantôme (av. 1614 ; le DMF ne va pas au-delà de 1456/67).
44 Cf. aussi Curt Wittlin, « Qu’est-ce qui a tué occire ? Observation sur quelques changements lexicaux entre le texte original et l’édition 1488 de La Mort le Roi Artu », Le Moyen Français, no 22, 1989, p. 51-60.
45 La lexicographie n’enregistre pas le syntagme de manière systématique : dans DMF il semble prendre un caractère juridique de condamnation (qu’il garde jusqu’à présent) ou dans une formule de malédiction.
46 Cf. aussi Gdf 3,103c qui donne un exemple du lexème dans une lettre de Joinville de 1264.
47 Ce passage manque dans le ms L.
48 Ici, B remplace plus par davantaige, innovation lexicale du début du xve s., cf. DMF et FEW 24,6a s.v. abante : « Mfr. nfr. d’avantage “de plus” (Comm-Pom 1700), davantage “en plus grande quantité” (seit 1530, Palsgr 794) ».
49 Cf. Christiane Marchello-Nizia, La langue française, op. cit., 1997, p. 226.
50 Cf. FEW 3178b s.v. dum interim ; DMF signale uniquement MelusArrS [pic. 1393].
51 Cf. également § 81 : « Et endrementieres que le conte de Champaigne venoit… » A, mais ainsi queLB, tandis que MP réélaborent le passage ; d’après la lexicographie, endementieres que est ponctuellement attesté encore au milieu du xve siècle (GilTrasW [ca 1450] dans Gdf 3,128c ; JSaintréC [av. 1456] dans DMF s.v.), même si selon Christiane Marchello-Nizia (La langue française, op. cit., p. 370) « endementiers que est assez courant en moyen français ».
52 Roques ajoute : « son caractère régional rehausse le piquant de la scène : Joinville a retrouvé un compatriote champenois et qui se signale comme tel par ce syntagme » (Gilles Roques, Compte rendu de l’éd. Monfrin de 1995, Revue de Linguistique Romane, no 60, 1996, p. 622) ; aussi FEW 9,346a s.v. prĕhĕndĕre.
53 Cf. Philippe Ménard, Syntaxe de l’ancien français, op. cit., § 237 ; FEW 2,1542b s.v. quōmŏdo.
54 Annie Bertin (« Maintenant : un cas de grammaticalisation », Langue française, no 130, 2001, p. 20) signale en outre un recul en mfr. (ibid., p. 44) ; cf. aussi Christiane Marchello-Nizia (La langue française, op. cit., p. 290) et FEW 6/1,299a s.v. manū tĕnēre : « ca 1170–Stœr 1625 ».
55 Christiane Marchello-Nizia (La langue française, op. cit., p. 371) ; DEAF, I 181 s.v. incontinent que donne de rares exemples à partir PrêtreJeanPr2z (ca 1300 ?, mais le ms est de la fin du xve s.). L’adverbe incontinent a en outre été inséré par T au § 395 (sans correspondant dans le texte de AG). Sur la dynamique de substitution de maintenant > incontinent, cf. les exemples de Rochebouetqui a « pu relever le remplacement systématique de “maintenant”, présent dans le ms. R (daté de 1335-1340), par “incontinent” (mss. S et C, datés ca 1400) » (ThomasVerjans,« Les linguistes et la variante : quelle(s) leçon(s) en tirer ? », Le texte médiéval. De la variante à la recréation, éd. C. Le Cornec-Rochelois et al., Paris, PUPS, 2012, p. 94).
56 Le mot apparaît aussi au § 152 (barque de Cantres P). Il a été traduit comme “chaloupe” par de Wailly et Monfrin ; cf. TL 1,843 s.v. barge : « Strafbarke für Verbrecher, die vom Haptschiffe nachgeschleppt wird » ; FEW 2,226b s.v. cantherius : « 2.a. Fr. chantier “pièces de bois sur lesquelles on place des tonneaux dans une cave” (seit 1295) » et 227a : « Mfr. nfr. chantier “bord des rivières navigables, lisière qui doit rester libre pour le service de la navigation” (14.–18. jh., besonders Loiregegend und morv.) » ; il s’agirait d’une petite embarcation qui peut circuler dans les rivières, à côté des bords, interprétation soutenue par la leçon barge de couste de M. À exclure un rattachement à l’étymon canthus dans FEW 2,228a : « Mfr. chantier “côté” (ca 1550, AncThéât), bearn. cantè ».
57 Assez rare en afr., il devient de plus en plus fréquent à partir du xive s. ; cf. TL 6, 914 et FEW 7,232b s.v. nūllus : « Fr. nullement adv. “en aucune façon” (ca 1180 ; 1270 … ; seit 1370, Oresme) ».
58 Cette distinction n’est possible qu’à nos yeux, avec un regard a posteriori ; pour les copistes de l’époque, elles avaient la même valeur synchronique d’innovation.
59 Les flèches avec tirets représentent les transformations du texte. Dans notre représentation, la réécriture est le produit de la coprésence de rajeunissement et remaniement au sein du même texte.
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- ISBN : 978-2-406-16459-3
- EAN : 9782406164593
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-16459-3.p.0153
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 26/06/2024
- Langue : Français
- Mots-clés : Jean de Joinville, traduction intralinguale, tradition manuscrite, imprimés, analyse linguistique, lexicologie diachronique, Moyen français