Introduction à la troisième partie
- Publication type: Book chapter
- Book: Théorie(s) de l’ecphrasis entre Antiquité et première modernité
- Pages: 201 to 201
- Collection: Rhetorical Universe, n° 7
« Il n’y a rien qui ne puisse être décrit », affirme le P. Masen dans sa Palæstra oratoria. Morceau de bravoure et séquence pathétique, en effet, le discours descriptif ne se cantonne pas aux seuls passages décoratifs. Il peut également assumer une fonction argumentative et participer d’une visée plus faiblement informative. Tout peut être revêtu de l’éclat de l’enargeia, tout peut devenir un spectacle, pour charmer, émouvoir, persuader. De ce fait, la description constitue l’un des ressorts le plus puissants de l’arsenal de l’orateur. Elle peut rehausser les objets les plus infimes, comme anéantir les plus élevés. Mais si tout peut être décrit, comment maîtriser une matière aussi ample ? Car on l’a vu, si tout peut faire l’objet d’une représentation énargique, tout ne doit pas pour autant être mis devant les yeux.
Les mises en garde des théoriciens contre l’excès des détails dénoncent notamment le risque d’une hypertrophie descriptive aussi bien que de l’introduction d’images malséantes. Les rhéteurs antiques le faisaient déjà remarquer, il ne faut pas s’attarder sur certains détails ouvrant la voie à la représentation de l’horreur ou de ce qui n’est pas moralement ou socialement tolérable. La description, en effet, qui est d’autant plus efficace qu’elle s’insinue dans l’imagination, voire l’envahit, se rapproche dangereusement des limites de l’acceptable. Pour endiguer cette prolifération d’images, et pour donner aux écoliers et futurs orateurs des inventaires raisonnés de thèmes descriptifs, les théoriciens ont recensé des catégories générales d’objets le plus fréquemment décrits.
Pour mieux cerner les traits de l’ecphrasis telle qu’elle parvient aux écrivains et aux lecteurs d’Ancien Régime, il nous semble utile de nous pencher sur la théorie de la description dans cette perspective thématique, autrement dit de passer en revue les objets de la description tels qu’ils ont été traités dans les ouvrages sur lesquels s’appuie notre étude. Pour ce faire, nous nous proposons d’aborder dans le détail les principales catégories descriptives proposées par les traités et Progymnasmata antiques, et leur réception à l’âge prémoderne : descriptions de personnes, d’actions et choses, de lieux et de moments.