Notice
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Théâtre de femmes de l’Ancien Régime. Tome III. xviie-xviiie siècles
- Pages : 469 à 470
- Collection : Bibliothèque du xviie siècle, n° 47
- Série : Théâtre, n° 9
Notice
Madeleine-Angélique Poisson est née à Paris (Saint-Sulpice) le 22 novembre 1684. Fille des acteurs Paul Poisson et Marie-Angélique Gassaud Du Croisy, elle était également la petite-fille d’une des figures de proue de l’Hôtel de Bourgogne, le comédien et auteur Raymond Poisson. Mariée à un gentilhomme espagnol, Dom Gabriel de Gomez, réputé riche mais en réalité endetté, elle eut recours à sa plume pour survivre.
Elle prit vite goût à l’écriture théâtrale, comme en témoignent ses premières œuvres : quatre pièces, dont la plus célèbre est sa tragédie Habis (1714) qui allait figurer au répertoire de la Comédie-Française jusqu’en 1732 et qui, fait curieux, fut même traduite en hollandais en 1718. Devant le succès de cette tragédie, critiques et accusations se multiplièrent, d’où sa préface dans laquelle Mme de Gomez revendiqua sa qualité d’autrice. En 1724, elle réimprima la pièce dans ses Œuvres mêlées, aux côtés des trois autres : Sémiramis et Cléarque, Tyran d’Héraclée, respectivement jouées à la Comédie-Française en 1716 et 1717, et Marsidie, reine des Cimbres, jamais représentée.
Une période fructueuse commença alors : Mme de Gomez se livra à une production narrative intense et ininterrompue pendant près de vingt ans. En 1724, elle avait déjà écrit deux romans, des « histoires secrètes », au cadre historique mais de caractère anecdotique, et s’attelait à la suite des Journées amusantes, dont le premier volume était sorti en 1722 et le second venait de paraître. Dans ce best-seller européen de nature didactique et journalistique, l’autrice renoua avec la tradition de l’Heptaméron de Marguerite de Navarre (vers 1545), et celle, plus contemporaine, des romans de Mlle de Scudéry et de Mme d’Aulnoy. Elle prit aussi part aux controverses poétiques, de façon explicite, à travers sa Lettre sur le Poème de Clovis (1725) et Le Triomphe de l’Éloquence (1730), en offrant un tableau nuancé des mérites respectifs de la poésie et de la prose. Dans les préfaces de Crémentine, Reine de Sanga, des Anecdotes persanes (1727) et de La Jeune Alcidiane (1733), suite du roman de Gomberville (1651), elle s’inscrivit 470également dans les débats de l’époque concernant le potentiel didactique de l’écriture romanesque et la notion d’historicité, ravivant le rapport complexe entre la narration d’une histoire à teneur historique et sa fidélité à l’Histoire. De 1731 à 1739 parut la suite des Journées amusantes, sous le titre des Cent nouvelles nouvelles, qui fut un nouveau succès de librairie. Durant cette même période, Mme de Gomez publia une autre anthologie de contes, La Nouvelle Mer des histoires (1733-1735). Vers 1737, alors veuve, elle se remaria à un certain Bonhomme, union qui semble coïncider avec la fin de sa carrière littéraire. Elle se retira, avant 1764, à Saint-Germain-en-Laye, lieu de retraite des anciens comédiens et de la famille Poisson en particulier. Elle y mourut le 28 décembre 1770, ayant joui d’une grande popularité de son vivant, comme en font foi, au cours du xviiie siècle, les multiples réimpressions et traductions étrangères de sa prose.
Ce qui sous-tend l’écriture polymorphe de Gomez, c’est sa teneur « féministe » – très marquée dans la préface d’Habis, mais qui s’exprime aussi à travers la célébration de ses contemporaines dans les Œuvres mêlées (dédiées à l’actrice Desmares, et où figurent la diva La Rochois, ainsi que les autrices Mlle de La Force et Mlle de Scudéry) et dans les Entretiens nocturnes de Mercure et de la Renommée au Jardin des Tuileries (1731), où elle esquisse une historiographie des femmes de lettres. C’est aussi en interrogeant constamment l’idéologie androcentrique de son temps que Gomez élabora l’univers romanesque de son théâtre : la voix féminine, certes héritée de la dramaturgie cornélienne et racinienne, offrit à son public de nouveaux modèles féminins de référence, qu’elle continua d’explorer dans sa prose. En outre, durant sa brève carrière de dramaturge, Mme de Gomez puisa une grande part de son inspiration dans les sources latines et grecques, tout en changeant cependant de stratégie au fur et à mesure de sa production : dans ses deux dernières pièces, elle ne s’appuie plus sur des faits légendaires, comme dans Habis et Sémiramis, mais enjolive des faits historiques vérifiables. Ses pièces témoignent ainsi de la prédilection de cette autrice férue de lectures classiques pour l’Histoire. Elles illustrent également l’usage à la fois érudit et fictif qu’elle en fit, comme le révèle le reste de sa production littéraire, où elle s’érige et en historienne et en conteuse confirmées.
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN : 978-2-406-12965-3
- EAN : 9782406129653
- ISSN : 2258-0158
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12965-3.p.0469
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 05/05/2022
- Langue : Français