Notice
- Publication type: Book chapter
- Book: Théâtre de femmes de l’Ancien Régime. Tome III. xviie-xviiie siècles
- Pages: 241 to 242
- Collection: Seventeenth-Century Library, n° 47
- Series: Théâtre, n° 9
Notice
On ignore presque tout de la vie de Catherine Durand. Sa date de naissance et celle de son mariage sont inconnues. Elle n’utilisa jamais le nom de Bédacier dans ses publications, préférant son nom de jeune fille parce que, dit-on, elle avait commencé à écrire avant son mariage. Pour la date de sa mort, les historiens ont proposé soit 1712-1714, soit 1736. Dans la préface de son dernier roman, Henry Duc des Vandales (1714), l’éditeur déclare que Les Belles Grecques (1712) furent le dernier ouvrage qu’elle avait fait imprimer avant sa mort. Cependant, la préface du volume contenant ses ouvrages posthumes, paru en 1737, donne l’impression que sa mort aurait été assez récente. Il n’est pas précisé qui a obtenu le privilège collectif pour la publication de ses œuvres complètes en 1732, mais on pourrait supposer que ce fut Mme Durand elle-même, désireuse de perpétuer sa réputation littéraire. Dans ce cas-là, elle dut décéder en 1736, avant la parution du dernier volume de la collection. Puisque tous les historiens, depuis Joseph de Laporte en 17711, affirment qu’elle mourut en 1736, et qu’on comprend mal pourquoi, si l’autrice était décédée vers 1712, le dépositaire de ses manuscrits aurait attendu une vingtaine d’années avant de les faire publier, nous croyons que l’éditeur de 1714 avait été mal renseigné.
Une seule date de la vie de Catherine Durand demeure irréfutable : en 1701, elle remporta le prix annuel de l’Académie Française pour une ode devant louer le roi Louis XIV autant pour ses qualités d’honnête homme que pour ses talents royaux. Cette ode, ainsi que ses petits ouvrages en vers, ne témoigne pas d’une grande inspiration. Mme Durand n’ayant jamais tenté ses chances sur la scène, son œuvre dramatique se limite à une série de proverbes dramatiques – divertissements de salon qui renferment une devinette –, destinés soit à la lecture, soit à une représentation privée, et 242à un livret d’opéra maladroit et apparemment inachevé, Adraste, publié après sa mort. C’est surtout comme romancière qu’elle se fit connaître, cultivant une variété de genres, de la nouvelle courte au grand roman en deux volumes. Elle pratiqua surtout la fiction historico-galante, mais certaines de ses histoires d’amour ont parfois un cadre plus contemporain. Toujours attentive au goût du public, elle participa à la nouvelle mode des contes de fées en en insérant quelques-uns dans ses premiers romans, La Comtesse de Mortane (1699) et Les Petits Soupers de l’été (1702).
Mme Durand étala le plus d’originalité dans les ouvrages où elle peignit le monde qu’elle fréquentait et chérissait, celui des salons. Son portrait des cercles aristocratiques raffinés domine non seulement des romans réalistes, tels que Les Petits Soupers de l’été, mais aussi des ouvrages historiques tels que Les Belles Grecques, étude de quatre courtisanes de l’antiquité, qu’elle refuse de condamner pour leur profession, préférant mettre en relief leur intelligence et leur raffinement, voire dans certains cas leur fidélité à l’homme sincèrement aimé. Ce goût pour la peinture mondaine se retrouve également dans ses contes de fées : le rôle du surnaturel y est réduit au minimum, les palais magiques renvoient aux résidences aristocratiques du monde réel, et les fées apparaissent comme des coquettes frustrées dont les amours finissent mal. C’est surtout dans ses ouvrages dialogués, Les Comédies en proverbes et les Dialogues des Galantes modernes (1737), qu’elle afficha sa grande admiration pour son sexe, et son intérêt pour les questions sociales et morales. Certes, l’autrice ne se risqua pas à bafouer les lois de la morale et les convenances sociales, et dans la plupart des comédies et des dialogues ce sont les personnages bien pensants qui ont le dernier mot. Néanmoins, beaucoup de ses personnages féminins osent s’émanciper de la tutelle parentale ou maritale, et revendiquent le droit aux plaisirs personnels, y compris le droit de prendre un amant avant ou pendant le mariage, ou même d’arranger son propre mariage. Mme Durand satirise l’hypocrisie des bienséances concernant les femmes, elle dénonce les lieux d’emprisonnement (couvents, maisons isolées à la campagne), et, dans deux proverbes, elle ose mettre des jeunes aristocrates arriérés en contraste avec des fiancées spirituelles et entreprenantes. Cette vision satirique, où le cynisme n’empêche pas un regard tendre et amusé, donne toute sa saveur à ces comédies de mœurs en miniature.
1 Joseph de Laporte, Histoire des femmes qui se sont rendues célèbres dans la littérature française, Paris, J. P. Costard, 1771, t. 3, p. 85.
- CLIL theme: 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN: 978-2-406-12965-3
- EAN: 9782406129653
- ISSN: 2258-0158
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12965-3.p.0241
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 05-05-2022
- Language: French