Introduction Politiques monétaires non conventionnelles. Remède miracle ou thérapie iatrogène ?
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Taux d’intérêt négatifs. Le trou noir du capitalisme financier
- Pages : 197 à 198
- Collection : Classiques Jaunes, n° 706
- Série : Économies, n° 5
Introduction
Politiques monétaires non conventionnelles.
Remède miracle ou thérapie iatrogène ?
En dépit d’un élargissement incontestable de la recherche des origines de la crise, comme celle que l’on a évoquée au chapitre précédent, la focalisation sur des remèdes exclusivement monétaires a la vie dure. On peut bien sûr imputer, comme le fait le document du « G30 », cette obstination au caractère humiliant que revêtirait la reconnaissance officielle d’une erreur collective de diagnostic aux conséquences aussi colossales. Dans le même ordre d’idée, garder le cap évite aux titulaires actuels de la charge de mettre en péril la sacro-sainte crédibilité des institutions qu’ils dirigent. Ces arguments technico-tactiques masquent pourtant la vraie raison de cet entêtement qui est le refus catégorique de considérer la disqualification du travail et les distorsions qu’elle introduit sur les échanges internationaux comme causes principales de la crise. À moins que le motif ne soit, mais cela revient au même, l’interdiction de reconnaître publiquement cette vérité dérangeante.
Vue de la fenêtre des sociétés transnationales et des détenteurs du capital financier, la mondialisation a en effet représenté une occasion unique de dévier à leur seul profit les gains gigantesques provenant de l’arrivée sur le marché du travail de centaines de millions de travailleurs à (très) bas salaires et protection sociale nulle. Alors que les gains de productivité commençaient à décliner, le capitalisme international a trouvé dans la délocalisation de la production des biens consommés en Occident un moyen d’augmenter massivement ses marges. La meilleure illustration de ce système est fournie par Wal Mart, numéro un mondial de la (grande) distribution. Selon différentes estimations, le géant américain importerait chaque année aux États-Unis des produits fabriqués en Chine pour 50 MD USD, soit environ 25 % de son chiffre d’affaires domestique.
198Générateur de profonds déséquilibres, ce système a dès sa mise en route commencé à cahoter (crises de 1997) avant de sombrer dans le surendettement des pays du Nord précédemment considérés comme avancés et désormais en grandes difficultés pour préserver leur niveau de vie.
Bien que proscrite par le dogme libéral, la monétisation des dettes a constitué le principal remède (le seul en Europe après la proclamation de l’austérité) à cette poussée de fièvre aiguë. Cette stratégie, prévue pour être temporaire, a sans conteste rempli son premier objectif, la restauration du système financier mondial. Mais elle n’a rien résolu sur le fond, son résultat le plus visible étant de propulser les valorisations des actifs financiers à des niveaux n’ayant plus aucun rapport avec l’état réel de l’économie. Alors que le bilan à court terme des résultats des politiques non conventionnelles reste mitigé, leurs implications à long terme sont franchement négatives. Se profile alors la redoutable question de la sortie de ces politiques (« exit strategy ») dont on sait par expérience qu’elle ne peut être indolore, a fortiori après être allé aussi loin aussi longtemps dans le « non-conventionnel ».
Face au marasme économique et à la fragilité des marchés, la normalisation de la politique monétaire, évoquée pour la première fois par la Réserve fédérale à l’été 2013 reste, au moment où sont écrites ces lignes (septembre 2016), à l’état de souhait ou de menace. On pressent en même temps que les atermoiements ne font qu’augmenter le coût prévisible d’un retour à la normale, pour les marchés et pour l’économie réelle. Et on peut même redouter que l’attentisme affaiblisse la résistance à toute crise exogène future, voire finisse par déclencher à lui seul une crise (endogène) de confiance aux conséquences incalculables.
Les Banques centrales disposent de deux canaux pour la mise en œuvre de la politique monétaire : le canal qualitatif des taux directeurs, qui déterminent le coût de refinancement des banques commerciales ; le canal quantitatif par lequel les comptes de réserves de ces banques sont alimentés en leur achetant les actifs qu’elles détiennent. Le soutien exceptionnel des Banques centrales après la crise de 2008 a pris d’abord la forme de la ZIRP (zéro interest rate policy mise en place dès les années 2000 au Japon) puis celle du QE (assouplissement quantitatif ou quantitative easing, par achat massif de créances aux banques). |
Encadré 4 – Taux zéro (ZIRP) et quantitative easing (QE).
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-09961-1
- EAN : 9782406099611
- ISSN : 2417-6400
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09961-1.p.0197
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 30/12/2019
- Langue : Français