Introduction
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Taux d’intérêt négatifs, le trou noir du capitalisme financier. Essai
- Pages : 69 à 70
- Collection : Bibliothèque de l'économiste, n° 15
Introduction
Le grand désordre financier a incontestablement commencé avec l’éclatement de la bulle technologique le 23 mars 2000. L’hystérie financière qui avait accompagné le délire de la Nouvelle Économie répondait à la première vague d’angoisse des papy-boomers. S’en est suivi un enchaînement bulle –krach parfaitement conforme au scénario en cinq étapes décrit par Minsky (op. cit.).
Cette crise boursière, aggravée par les évènements du 11 septembre 2001 puis en 2002 par la découverte des dérives managériales (Enron, World Com, Vivendi), n’a eu que des effets limités au plan économique, au point que l’on a pu parler d’une récession brève et douce (« short and mild »). C’est en fait la résolution de cette crise et le rebond de la croissance, quoiqu’elle ait été fort peu créatrice d’emploi (« jobless recovery »), qui ont mis en place les conditions de la suivante, soigneusement dissimulées sous les apparences de la « Grande modération ». De 2002 à 2007, l’économie américaine et, dans son sillage, quasiment toute l’économie mondiale ont connu une croissance sans heurts et sans inflation, jusqu’à ce que le retournement du marché immobilier américain vienne écrouler le château de cartes et déclencher la crise qui perdure.
Contrairement à ce que prétend le récit commun, qui la fractionne en épisodes indépendants, affublés de causes exogènes spécifiques, la crise économique et financière qui s’étend de 2006 à aujourd’hui, est en effet une crise unique. Elle a puisé ses racines dans l’aggravation des déséquilibres de l’économie réelle, en amont du système bancaire. Après avoir sévèrement ébranlé celui-ci, elle s’est transportée vers la dette publique, jusqu’à la crise grecque de 2015. Elle se prolonge par l’anomalie des taux nuls ou négatifs. En l’absence de changements radicaux, la prochaine étape sera inévitablement sa propagation au dernier bastion du système, c’est-à-dire aux Banques centrales elles-mêmes.
La crise était – et reste – en dehors du champ d’analyse des théoriciens orthodoxes qui ne s’intéressent guère aux conditions de financement de 70l’économie et aux interactions entre sphère réelle et sphère financière. Pourtant, au rebours de la version « officielle », le volet bancaire de la crise ne peut en aucun cas être imputé aux seules erreurs et inconduites de la profession, même si celles-ci l’ont incontestablement amplifiée. De même, l’explosion de la dette publique n’a pas eu pour cause principale l’indiscipline budgétaire, en dépit du laxisme évident de certains gouvernements.
La crise était prévisible à condition de porter un regard critique sur la reprise de l’économie américaine entre 2003 et 2006, au lieu de l’encenser béatement. De fait, elle n’a été annoncée que par la poignée d’économistes et de stratégistes financiers non-conformistes qui pensaient que l’instabilité est une caractéristique inhérente de la sphère financière, que l’innovation et la dérégulation avaient singulièrement accrue.
Le défaut général de prévision aurait normalement dû susciter des réflexions sur la validité de la pensée économique et déboucher sur un renouvellement des hommes et des idées. Au lieu de réformes en profondeur, dont quelques-unes furent brièvement esquissées et aussitôt abandonnées, on a vu les États-Unis repartir dans un nouveau « rally » boursier en dépit d’une reprise « mollassonne » sous perfusion des prêts étudiants (« students loans ») et des subprimes de retour, cette fois sur les crédits auto. Au même moment, les politiques d’austérité expansive (sic) s’employaient à asphyxier l’Europe tandis que les derniers bastions de la social-démocratie cédaient ouvertement à la tentation néo-conservatrice (cf. l’adhésion tardive du gouvernement Hollande-Valls à l’économie de l’offre), avec le résultat que l’on connait, croissance atone, emploi sacrifié à travers le chômage et l’apparition des « travailleurs pauvres » etc.
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-07244-7
- EAN : 9782406072447
- ISSN : 2261-0979
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-07244-7.p.0069
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 06/10/2017
- Langue : Français