Introduction
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Taux d’intérêt négatifs, le trou noir du capitalisme financier. Essai
- Pages : 27 à 27
- Collection : Bibliothèque de l'économiste, n° 15
Introduction
Le (vieux) professeur a aujourd’hui le plus grand mal à être crédible lorsqu’il décrit à ses étudiants nés dans les années 1990 le monde dans lequel il évoluait lorsqu’il avait leur âge. L’épouvantail soviétique dont on craignait encore qu’il finisse par surpasser son rival américain ; le triplement en quelques semaines du prix du baril et l’envol de celui de l’essence à la pompe ; l’inflation à deux chiffres et les taux d’emprunts hypothécaires supérieurs à 15 % ; l’indexation ex-post des salaires grâce à l’échelle mobile…
Ce monde a disparu en moins de dix ans pour faire place à la globalisation de l’économie et à l’adhésion des pays nouvellement ouverts à l’économie de marché et à la finance dérégulée.
Comment un basculement aussi radical a-t-il pu se produire aussi rapidement ? Et quelles en étaient les racines ?
La désinflation et la baisse des taux d’intérêt qui l’a accompagnée ont créé les conditions d’un âge d’or boursier (la capitalisation boursière américaine sera multipliée par quatorze en moins de vingt ans). Pourtant le bilan économique et financier de ce renouveau du capitalisme est loin d’être concluant. Des crises de plus en plus violentes se sont succédées et l’abolition du cycle économique, Graal des tenants de la dérégulation, a lamentablement échoué dans la pire récession de l’après-guerre. Quant à la croissance globale, elle n’a cessé de ralentir tout au long de trois décennies. Les classes moyennes des pays industrialisés, reines des trente glorieuses et moteur de la croissance fordiste, sont laminées et celles du monde émergent, certes en forte progression, ne masquent ni l’insécurité économique dans lesquelles elles évoluent ni la persistance d’une extrême pauvreté (selon la Banque mondiale, près de 800 millions de personnes vivent encore avec moins de 1,90 dollar par jour). Ces performances médiocres n’empêchent pas, bien au contraire, l’attachement de ces classes moyennes au principe de capitalisation de l’épargne individuelle, attachement par lequel elles sont devenues les alliés objectifs des détenteurs du capital.