Résumés
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Séduire du Moyen Âge à nos jours. Discours, représentations et pratiques
- Pages : 327 à 332
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 26
Résumés
Céline Borello, Christophe Regina et Gabriele Vickermann-Ribémont, « Introduction générale »
Malgré la résonance positive et l’attractivité qui connote aujourd’hui la capacité à séduire, le terme de « séduction » implique, par son étymologie même, une transgression, le dévoiement d’un chemin tenu pour être le bon. Le concept implique une perspective normative, juridique, médicale ou morale que l’évolution sémantique éclaire pour introduire l’analyse des enjeux et des pratiques historiques, complexes et dynamiques, de la séduction.
Gabriele Vickermann-Ribémont, « La séduction à la lumière de la médecine et du droit. Introduction »
Terme d’origine juridique, la « séduction » connaît au Moyen Âge une nouvelle force discursive par le passage dans le discours religieux et l’importance théologique du péché originel. L’emploi figuratif du mot intègre le domaine médical et enrichit l’utilisation par le droit, permettant un usage aussi protéiforme que renforcé de sa charge morale normative, que la pratique judiciaire évacue seulement dans la deuxième moitié du xxe siècle.
Christine Orobitg, « Corps séduisant et corps séduit. La physiologie de la séduction dans l’Espagne de la première modernité (fin xve – fin xviie siècle) »
Ce travail étudie la représentation de la séduction dans les textes médicaux et littéraires de l’Espagne de la fin du Moyen Âge au xviie siècle, et plus particulièrement le processus d’innamoramento et ses significations et implications. Il fait apparaître des analogies entre la séduction et la fascination avec ses réseaux d’images (la femme sorcière ou enchanteresse, guerrière, meurtrière ou chasseresse, les plaies d’amour) dont la cohérence dépasse la dimension métaphorique.
328Fabrice Hoarau, « Le rapt de séduction dans la doctrine pénale des xviie-xviiie siècles »
La figure du séducteur apparaît dans l’ancien droit à travers le rapt de séduction, réprimé par la monarchie avec sévérité… malgré l’écart ostensible entre le droit et la pratique. La notion est plus complexe qu’il n’y paraît : elle n’est pas définie de manière univoque par la doctrine pénale ; sans s’appesantir sur les procédés de séduction, les jurisconsultes de la période s’attachent avant tout à mettre en évidence les périls que le séducteur représente pour l’ordre social et politique.
Stéphane Lamotte, « Tombés sous le charme. Rapt, inceste spirituel et enchantement ou les formes de la séduction dans l’affaire Girard-Cadière (1731) »
L’affaire Girard-Cadière active divers ressorts de la séduction. Des attaques fautives et malhabiles d’un jésuite, pris dans les rets d’un jansénisme local et national, aux stratégies amoureuses, mystiques et déviantes des deux accusés, se déploient de multiples motifs qui montrent l’évolution des représentations de l’opinion et les inflexions de la justice. Récit et réécritures de l’affaire s’entrelacent, offrent des interprétations renouvelées sans en épuiser le potentiel de séduction.
Katarzyna Pfeifer-Chomiczewska, « La séduction dolosive et la rupture fautive du concubinage »
La séduction qui peut être à l’origine du concubinage pouvait jadis influencer les conséquences juridiques d’une séparation. La réparation était octroyée en cas de rupture dite fautive, et l’analyse des arrêts du xixe siècle jusqu’aux années 1970 montre que la faute pouvait exister dès l’origine du concubinage : c’est la séduction dolosive qui constituait une faute au sens de l’article 1240 du Code civil (anc. 1382 C. civ.) et pouvait rendre le concubin-séducteur responsable des dommages causés.
Céline Borello, « Le corps et l’esprit, des outils pour séduire. Introduction »
Positive ou négative, la conception de la séduction implique un rapport à l’autre car point de séduction sans outils pour tenter de convaincre celui que le séducteur souhaite charmer et éventuellement tromper. L’art de séduire passe par différents vecteurs qui, à travers le temps et les espaces, ont pu varier et prendre des formes différentes, sans être exclusives les unes des autres.
329Ballé Niane, « La qayna et l’apprentissage de la séduction dans la littérature arabe médiévale »
Dans l’histoire du chant arabe, l’esclave-chanteuse, qayna, a longtemps dominé la scène musicale. Destinée à séduire et à tenir compagnie aux hommes à la recherche de plaisirs, cette experte est souvent présentée comme étant la femme de tout le monde qui entretient plusieurs amants à la fois. « Femme hors la loi », l’article vise à revenir sur l’identité particulière de la qayna et les outils dont elle use pour mieux séduire ainsi que sur une analyse de ses représentations dans littérature arable.
Sebastian Türk, « “L’archi-séducteur”. Nikolaus Ludwig de Zinzendorf selon ses adversaires piétistes Charles-Hector de Marsay et Andreas Frey »
Le propos vise à explorer la rhétorique du réformateur religieux Nikolaus Ludwig, comte de Zinzendorf, chef de file de la communauté protestante des « Frères de Herrnhut ». La personnalité charismatique de Zinzendorf a fasciné, mais aussi inquiété ses contemporains. L’analyse a porté sur deux témoignages, écrits par Charles-Hector de Marsay et Andreas Frey, qui se trouvent être deux adversaires piétistes de Zinzendorf. Pour eux, la rhétorique de ce dernier relève d’une séduction dangereuse.
Soline Anthore, « La séduction face au paradoxe de la mode. L’exemple des comédies de Carlo Goldoni »
La mode et la séduction sont intimement liées. Le choix d’un vêtement est un acte de communication dans un cadre culturel donné, et l’habit est un outil d’affirmation de soi, un moyen de convaincre l’autre. Or, actrice du processus de séduction, la mode a invariablement incarné un paradoxe : pour être « à la mode », il faut à la fois suivre les goûts du moment et se montrer subtilement en avance sur ces tendances, un paradoxe qui, chez Carlo Goldoni, prend corps entre originalité et conformisme.
Céline Borello, « La séduction par et dans les arts. Introduction »
Après avoir montré l’importance des sens comme l’ouïe ou la vue dans les stratégies de séduction, il s’agit de voir comment les arts qui, plus que n’importe quelle autre production humaine, mobilisent les sens, et particulièrement l’œil et l’oreille, peuvent être des laboratoires d’analyse de la séduction.
330Anthony Saudrais, « Les machines de Circé. La séduction sur la scène théâtrale française dans la seconde moitié du xviie siècle »
Articulant texte, image et musique, la théâtralité mécaniste louis-quatorzienne interroge le rapport à la séduction. Le propos vise à revenir sur le succès remporté par le mythe de Circé en s’interrogeant sur sa séduction verbale et visuelle, politique et esthétique. Le rapport entre séduction et machination sera également posé en démontrant que la figure de Circé allégorise la nature humaine telle qu’elle apparaît dans la seconde moitié du xviie siècle, celle d’un homme-machine, conspirateur.
Isabelle Luciani, « Le Casanova de Fellini. Antiportrait d’un séducteur par le vide ? »
La lecture que le cinéaste Federico Fellini fait des mémoires de Casanova (1976) converge étonnamment avec une interprétation par le vide de l’expérience séductrice, déjà présente chez ses contemporains. Pourtant, comme l’a fait remarquer Roland Barthes dans La Chambre claire (1980), le spectateur, à son extrême limite, passe outre l’ennui et le dégoût pour être à son tour séduit par le vide. N’est-ce pas parce qu’il renvoie chacun de nous à l’illusion fragile de la vie et de la rencontre de l’autre ?
Pierre Noual, « Réinterprétation de la séduction et forcing de l’idéalisation sexuelle dans l’œuvre de Pierre et Gilles (1977-2017) »
Teintée d’une douce séduction érotique, l’entreprise du « flirt » ou du « marivaudage » dans l’œuvre de Pierre et Gilles se présente sous une forme de défi. Seuls ou en couples, les héros présentés s’efforcent de susciter l’attirance et les sentiments tant dans leur propre histoire que dans le miroir du spectateur contemplateur. Face à la production des héros mythologiques et des icônes contemporaines, comment les artistes traitent-ils et réinterprètent-ils la séduction dans leurs créations ?
Gabriele Vickermann-Ribémont, « Séduction, sexualité et genre, ou l’anthropologie littéraire de la séduction. Introduction »
La littérature accompagne l’évolution des discours et des pratiques de la séduction avec son potentiel de représentation et de modélisation des 331comportements humains. Entre réflexion discursive, analyse psychologique et l’ironie fictionnelle qui joue sur l’imaginaire traditionnel de la séduction, les textes exploitent les possibilités thématiques et esthétiques de la séduction tout en reflétant les questionnements anthropologiques de leur époque.
Laurence Sieuzac, « Coquettes, galantes et libertines au xviiie siècle »
Anthropologiquement la séduction serait genrée : la femme plaît et l’homme séduit selon Rousseau. Or, au xviiie siècle, la littérature, notamment chez Marivaux, l’abbé Prévost, Crébillon fils, Vivant Denon, Laclos ou Sade, met sous les feux de la rampe des personnages de séductrices, coquettes, galantes et libertines, qui vont peut-être bouleverser les codes et les pôles de la séduction, avec de nouvelles scénographies, rhétoriques et dramaturgies.
Anne-Marie Baranowski, « Trois avatars de la séduction féminine dans l’œuvre de Tieck, Baudelaire et Poe »
Les textes relevant de cette étude – Runenberg de Ludwig Tieck, les Histoires extraordinaires Morella et Ligeia d’Edgar Allan Poe et Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire – dépeignent un rapport de séduction inégal entre une femme ou l’idée d’une femme hors normes, surpassant de loin son partenaire. Cette inégalité engendre une relation ambivalente d’amour-haine qui finit par explorer toutes les formes de transgression culminant avec le désir de meurtre, voire le meurtre réalisé.
Carme Figuerola, « Visages de la séduction chez Irène Némirovsky »
Irène Némirovsky, comparée à Balzac, rappelle plutôt son contemporain Stefan Zweig pour son analyse psychologique qui scrute particulièrement le pouvoir de séduction de ses protagonistes. La séduction joue chez elle un rôle qui dépasse l’univers amoureux et retentit sur la réalité sociale. Submergés dans une société qui se désagrège, les personnages cherchent leur salut dans la quête de la richesse ou de l’amour, faisant de la capacité à charmer un outil qui structure même leurs existences.
332Bernard Ribémont, « Fantastique, surnaturel et séduction féminine. Les jeux de Thomas Owen sur une tradition littéraire »
Les xixe et xxe siècles sont héritiers de l’image de l’Ève séductrice qui a imprégné la culture chrétienne, comme de celle de Salomé qui connut un vif succès dans la littérature et l’art « fin de siècle ». Aux origines de la littérature fantastique, on trouve ainsi une exploitation d’une séduction féminine dangereuse, ambiguë, symbolisée par des créatures d’un autre monde. Dans ce contexte historique, l’article étudie la figure de la séductrice chez Thomas Owen, le maître du fantastique belge.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-11486-4
- EAN : 9782406114864
- ISSN : 2492-0150
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-11486-4.p.0327
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 08/09/2021
- Langue : Français