Coda
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Ruskin, Proust et la Normandie. Aux sources de la Recherche
- Pages : 389 à 391
- Collection : Bibliothèque proustienne, n° 42
Coda
La Normandie de Ruskin et de Proust a bien changé…
Ruskin s’est beaucoup plaint de la destruction et de la mutilation de bâtiments historiques, du fait des révolutions, des guerres, de la négligence et du manque d’entretien. Mais rien n’a été comparable, hélas, aux ravages générés par la Seconde Guerre mondiale. La Normandie a été un immense champ de bataille, où s’est joué une partie de l’avenir de la France.
La Bataille de Normandie, dans laquelle les forces britanniques, américaines, françaises et alliées se sont engagées pendant de longs mois pour combattre l’armée allemande, a eu comme théâtre la plupart des villes visitées par Ruskin, puis par Proust. Dans la mémoire collective désormais, ces lieux et ces noms ont une résonance différente de celle d’autrefois : Avranches a été détruite aux trois quarts ; Caen a été au centre de combats terribles ; à Falaise, point stratégique, quatre-vingt-cinq pour cent de la ville a été rasé ; Le Havre, cité portuaire, a été réduite à un tas de gravas entre les 5 et 11 septembre 1944 par les opérations aériennes menées par les Alliés ; Rouen a subi des destructions par les bombes et les incendies de 1940 à 1944, et a été ravagée au cours de la « semaine rouge », du 30 mai au 5 juin 1944 ; Saint-Lô, important centre de résistance, a reçu le nom de « capitale des ruines » car quatre-vingt-quinze pour cent de la ville (qui ne fut libérée que le 19 juillet 1944) a été détruit ; Lisieux a été aussi l’objet de plusieurs bombardements alliés, suivis d’incendies entraînant la perte d’une grande partie du centre ancien et de nombreuses maisons à pans de bois, mais épargnant miraculeusement la cathédrale. Et l’on se gardera d’oublier les nombreuses victimes civiles.
Cabourg, éloignée du front, a été à partir de 1914, pour deux années, un centre hospitalier (le Casino a été réquisitionné comme hôpital de guerre). Durant la Seconde Guerre mondiale, la ville devient une station de détente pour la Wehrmacht. Les villas sont occupées par les soldats allemands. Le 21 août 1944, les Belges de la Brigade Piron libèrent la 390ville désertée. Les habitants reviennent courant septembre, dans une ville qui ne présente que quelques destructions, mais surtout à l’intérieur des villas transformées en bunkers, dont l’aspect extérieur n’a pas été modifié.
La Normandie peut savoir gré à Ruskin et à Proust – le premier si ignoré en France, quand le second y est si célébré – d’avoir transmis le souvenir d’une province avant que les malheurs de la guerre ne vienne s’abattrre sur elle.
391Fig. 50 – Carte pratique du voyage circulaire en Normandie, Annexe des guides Conty, 1876, collection Guy Pessiot (© G. Pessiot).