Introduction
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Œuvres complètes. Tome XIII. Essais littéraires
- Pages : 605 à 607
- Collection : Bibliothèque de littérature du xxe siècle, n° 46
INTRODUCTION
Si Rolland a réuni en recueils la plus grande part de ses articles et préfaces sur les écrivains et la littérature dans Les Précurseurs (1923) et Compagnons de route (1936), il en a pourtant laissé de côté un certain nombre. Il était donc nécessaire que, dans ce volume des Essais littéraires, soient réintégrés des textes demeurés à l’écart – y compris quand Rolland, accablé de sollicitations en tous genres, s’excuse de n’avoir pu rédiger la préface qu’on lui demandait et se contente de la remplacer par une lettre1.
À première approche, la liste de ces textes peut sembler disparate. D’emblée, on constate en effet qu’ils sont d’ampleur très inégale, relèvent de genres différents (des préfaces, des comptes-rendus de lecture ou bien encore des réponses à des enquêtes), et que les écrivains réunis pour l’occasion ont peu de choses en commun. Ils proviennent d’horizons culturels éloignés (Italie, Pays-Bas, Roumanie, Inde, Japon, Indonésie) ; et surtout, ce sont aussi bien des auteurs consacrés, comme Stefan Zweig ou Rabindranath Tagore, que des écrivains oubliés ou pratiquement inconnus.
Si les choix de Rolland peuvent par ailleurs surprendre, c’est qu’ils ne sont pas subordonnés à des critères esthétiques – les considérations formelles passent chez lui au second plan – mais à des relations personnelles. Rolland connaissait bien Jean-Richard Bloch et Stefan Zweig. Il est possible même que Rolland ait exprimé sa reconnaissance amicale à des auteurs dont les propos louangeurs l’avaient particulièrement touché : les préfaces à Amok de 1930 et à …Et Cie de 1926 seraient un acte de gratitude auctoriale envers deux écrivains que Rolland connaissait tous deux depuis 1910 et qui n’avaient pas ménagé leurs efforts pour mettre en avant l’œuvre de leur ami : dans Romain Rolland : der Mann und das Werk (1921) pour l’un, et dans différents 606articles pour l’autre, que ce soit sur son « théâtre du Peuple », Liluli ou ses prises de position autour de Barbusse, autant d’interventions publiques qui avaient participé à la diffusion de ses idées et de son œuvre. De la même façon, il avait longuement rencontré Tagore en 1926, avec qui il entretenait une correspondance depuis 1919, avait noué un lien particulier avec Jean de Saint-Prix, qui en pleine guerre et à l’âge de vingt et un an lui avait rendu visite en Suisse, et plus encore avec Panaït Istrati, écrivain débutant sur lequel il avait exercé une sorte de magistère (comme il était courant à l’époque) qui n’est pas sans rappeler celui de Gide avec Jean Malaquais. Dans d’autres cas, un tiers avait servi de garant : André Suarès et Louis Gillet, compagnons de thurne de Rolland, respectivement pour Alice Kampmann et pour Virgilio Brocchi, ou Lode Roelandt, traducteur de ses œuvres en néerlandais, pour Noro Souroto. À quoi il faut ajouter enfin ces écrivains que Rolland ne connaissait pas auparavant, mais qui le frappèrent par l’intensité dramatique de leur expérience (Henri Nadel et l’expérience des tranchées ; Lauro de Bosis et son héroïsme sacrificiel). Mais l’essentiel est que, par-delà ces spécificités, cette famille d’esprits entre en résonance avec l’univers de Rolland du fait que, tout en dépeignant le monde sans complaisance, les écrivains considérés gardent confiance en l’homme et en l’avenir. Malgré les obstacles dont elle jalonne le parcours des hommes, – des affres causées par les passions humaines aux horreurs de la guerre, – la vie reste un objet de foi pour tous ceux qui sont animés de cette force humble mais héroïque dont Rolland se fait ici le chantre.
En ce qui concerne notre connaissance de l’écrivain lui-même, l’apport de ces préfaces et articles est de nature variable. Parfois, comme pour Rabindranath Tagore, Stefan Zweig, Jean-Richard Bloch ou Panaït Istrati, ces textes viennent compléter et illustrer les nombreuses informations fournies par les correspondances. Mais à d’autres moments, comme pour Jean de Saint-Prix, Coomasrawamy, Noto Souroto ou Lauro de Bosis, ces pages isolées sont d’autant plus précieuses qu’elles évoquent des noms et des titres dont on ne trouve pas trace dans le reste de l’œuvre. À côté de ceux qui expriment ses goûts de lecteur (Stendhal, Bazalgette, Paul Fort, Marcel Martinet), d’autres textes enfin, comme ces Chroniques écrites en 1912-19132, ont 607le mérite de restituer, au même titre que les réponses à des enquêtes3, des moments de la vie culturelle française dont toute sa vie, malgré son exil en Suisse et ses répugnances de la vie mondaine, Romain Rolland fut un observateur avisé.
Jacques Poirier
et Roland Roudil
NB – Sauf mention contraire, les notes sont celles de l’éditeur.
- Thème CLIL : 3436 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques
- ISBN : 978-2-406-14734-3
- EAN : 9782406147343
- ISSN : 2258-8833
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14734-3.p.0605
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/09/2023
- Langue : Français