Paris, juillet-décembre 1793 « Une entière régénération »
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Robespierre. Une vie révolutionnaire
- Pages : 225 à 255
- Collection : Biographies, n° 4
Paris, juillet-décembre 1793
« Une entière régénération »
Pendant l’été de 1793, la République dut affronter une crise accablante. L’insurrection déchaînée de la Vendée absorbait la plupart des ressources militaires de la nation au moment même où les forces étrangères avançaient à travers le sud-ouest, le sud-est et le nord-est du pays. Le blocus britannique avait coupé la République de ses colonies et de ses alliés américains. Pas moins de 60 des 83 administrations départementales avaient contesté l’autorité de la Convention, outragées par l’arrestation des plus éminents députés girondins. Le déclin de la valeur marchande de l’assignat et le besoin d’approvisionner les armées aggravaient la pénurie alimentaire à Paris et dans les autres villes. La nation était littéralement en train de se désintégrer face à ces obstacles qui paraissaient être insurmontables.
Robespierre était lui aussi sur le point de s’effondrer. Lors d’occasions précédentes il avait admis qu’il était épuisé et il était particulièrement sujet à l’éreintement après des périodes de grande tension. Ce fut le cas après la purge des dirigeants girondins le 2 juin, qui s’était révélée pour lui une crise intellectuelle aussi bien qu’une crise physique. Il confessa au Club des Jacobins, le 2 juin, qu’il n’avait plus :
la vigueur nécessaire pour combattre les intrigues de l’aristocratie. Épuisé par quatre années de travaux pénibles et infructueux, je sens que mes facultés physiques et morales ne sont point au niveau d’une grande révolution, et je déclare que je donnerai ma démission1.
Malgré tout il réussit à rassembler ses forces et, à peu près en même temps, esquissa pour son propre usage ses principes généraux dans ce qui, plus tard, serait surnommé son « catéchisme » : « Il faut une volonté une. Il faut qu’elle soit républicaine ou royaliste2. » Pour vaincre les 226bourgeois de province qu’il blâmait pour les révoltes fédéralistes, « il faut que le peuple s’allie à la Convention et que la Convention se serve du peuple ». Pour accomplir le but de la Révolution – « l’exécution de la constitution en faveur du peuple » – il y avait trois grands obstacles à surmonter : l’ignorance du peuple, sa pauvreté et « la guerre étrangère et civile ». « Les hommes vicieux et les riches », « des plumes et des langues perfides », « les traîtres et les conspirateurs » devaient être punis en montrant « des exemples terribles de tous les scélérats qui ont outragé la liberté et versé le sang des patriotes ».
C’était une déclaration brutale du jugement de Robespierre en ceci que la victoire sur cette crise de l’été 1793 exigerait une censure, des arrestations et la punition des opposants aussi bien qu’une organisation à grande échelle pour la guerre. Il en était venu à la conclusion que seul un engagement sans relâche pouvait créer une unité d’intention et qu’« une volonté une » pouvait sauver ce qui avait été gagné depuis 1789, sans compter tout ce qui restait à gagner. Son monde était polarisé entre les traîtres et les patriotes. Le rapprochement de ceux qui partageaient les mêmes idées dans le gouvernement et à travers la République serait une mobilisation de toutes les ressources – militaires, économiques et émotionnelles – une poursuite sans relâche des ennemis intérieurs et extérieurs : la République serait « une et indivisible ». C’était une lutte à mort.
Le 27 juillet des soucis de santé contraignirent un membre du Comité du salut public à démissionner. La Convention accepta Robespierre comme le plus apte à le remplacer3. Pour la première fois, il entrait au gouvernement, mais il y entrait au moment le plus dangereux, et il venait d’avoir 35 ans. Alors que d’ordinaire les autres membres du Comité étaient choisis en raison de leur compétence personnelle, Robespierre était de fait un membre sans portefeuille, choisi par la Convention grâce à son expérience, sa réputation et sa popularité. Sa réputation était à son pinacle mais les défis qui l’attendaient, lui ainsi que ses pairs, semblaient écrasants4.
Les attentes du Comité du salut public étaient immenses. Les membres se réunissaient d’habitude dans le Pavillon d’égalité (l’ancien Pavillon de flore du palais des Tuileries) à 7 heures du matin pour lire et répondre aux dépêches ; certains assistaient au Club des Jacobins avant de se réunir 227à nouveau au Comité à 19 ou 20 heures. Aux neufs membres initiaux s’en ajoutèrent trois autres supplémentaires avec les remplacements et la nomination d’autres Jacobins – Carnot, Prieur de la Côte-d’Or, et les plus militants, Collot d’Herbois et Billaud-Varenne – en août et en septembre. Le Comité était sujet à une réélection tous les mois, mais il avait des pouvoirs extraordinaires : il pouvait délivrer des mandats d’arrêt (28 juillet), contrôler les dépenses du service-secret (2 août), nommer les membres de comités spéciaux (13 septembre), superviser les généraux et les fonctionnaires (10 octobre) et mener la politique étrangère (4 décembre). Finalement, le 17 avril 1794, le conseil des ministres fut remplacé par des délégués exécutifs responsables envers le Comité. Seule la police n’était pas sous son contrôle, mais elle s’est réunie avec le Comité de sécurité générale à vingt occasions5.
Robespierre continuait à préparer ses discours pour la Convention et le Club des Jacobins chez les Duplay, ainsi qu’à y recevoir des visites et s’y détendre. Il est devenu proche de Philippe Lebas, qui venait également d’Artois, et l’y voyait souvent. Le 26 mars 1793, Lebas épousa Élisabeth Duplay le jour de son vingtième anniversaire. Des années plus tard, elle se souvenait de Robespierre : « nous l’aimions comme un bon frère ! Il était si bon ! […] Il était si vertueux ! Il avait pour mon père et ma mère de la vénération. Nous l’aimions tous bien tendrement. » Un de ceux qui leur rendait visite était Filippo Buonarroti, chargé par Robespierre d’organiser les révolutionnaires italiens expatriés. On lui avait accordé la citoyenneté française en mai 1793. Il s’est plus tard souvenu de la profonde affection qui animait les relations des Duplay avec Maximilien : « il était tempérant, désintéressé, laborieux et bon. Ces qualités le rendirent cher aux personnes qui l’approchaient. » Les rares journées de repos, il se contentait de visiter les villages au sud de Paris et de partager un repas avec des amis : avec Marguerite Chalabre à Vanves et d’autres à Issy, Créteil, Choisy, Fontenay-aux-Roses et Maisons-Alfort. Ces lieux lui étaient déjà familiers depuis des excursions hebdomadaires comme écolier à Louis-le-Grand6.
228Robespierre était immensément populaire à Paris mais, contrairement aux autres Jacobins qui s’identifiaient aux sans-culottes, il avait gardé ses rituels de toilette matinale, refusant d’adopter les vêtements révolutionnaires ou de se dispenser de porter une perruque. Était-ce la marque des habitudes profondément ancrées d’un homme sérieux et réservé ou, comme son biographe Max Gallo l’affirme, sa « volonté de masquer le corps […] façon inconsciente de pratiquer l’amour de soi et de refuser la partie charnelle, animale, de l’homme7 » ? De même, un aristocrate et maintenant député jacobin, Paul Barras, devait plus tard affirmer que Robespierre ne tutoyait jamais ses amis, renforçant l’image d’un homme refoulé incapable de se défaire des habitudes de l’ancien régime. Mais, en fait, ce n’était pas le cas : bien qu’il ait vouvoyé tous ceux qui n’étaient pas de sa famille, même Antoine Buissart, à partir de 1793, désormais, il le tutoyait ainsi que ses amis tels que Danton, Camille et Lucile Desmoulins et les Jacobins qui lui étaient proches : Collot, Saint-Just, Marc-Antoine Jullien, Joseph Lebon, François Chabot, Stanislas Fréron, André Dumont, Armand Guffroy et d’autres8.
En dépit de sa stabilité, dans sa vie privée ses relations familiales proches continuaient à inquiéter Robespierre. Le Comité de salut public avait confié à Augustin et au député Jean-François Ricord une mission politique au sud-est à la suite de la révolte fédéraliste. Ricord avait emmené sa jeune femme Marguerite avec lui ; Augustin a décidé de faire venir Charlotte. Alors que les députés étaient harcelés et parfois humiliés par des autochtones hostiles aux Jacobins, Charlotte se brouilla avec ses compagnons, accusant Marguerite de séduire son frère. Elle rentra seule et remplie d’amertume à Paris. Elle ne renoua jamais sa relation avec Augustin9. Les nouvelles qui venaient d’Arras, où la guerre n’était qu’à peu de distance de la ville, étaient aussi inquiétantes. L’allié de Robespierre, le curé artésien Joseph Lebon, s’était défroqué et avait gagné un siège à la Convention lorsque le député Antoine Magniez démissionna, en guise 229de protestation, après le 2 juin 1793. En août 1793, Lebon était à nouveau envoyé en mission dans les départements du Pas-de-Calais et du Nord après la chute de Valenciennes le 28 juillet. Il enrôla 6 800 hommes dans le Pas-de-Calais pour écraser une insurrection surnommée la « Petite Vendée » – et il y entama une répression systématique, au sujet de laquelle les anciens amis de Robespierre allaient bientôt se plaindre10.
La Convention nomma, au sein de ses rangs, des députés en mission comme Lebon pour superviser l’effort de guerre. Elle passa des décrets d’urgence, tels ceux qui condamnaient les émigrés à la mort civile et le contrôle des prix du pain et du grain. Les Jacobins ont tenté de créer une alliance urbaine et rurale avec un mélange d’intimidation, de force et des politiques destinées à satisfaire les doléances populaires tout en mettant le pays entier sur le pied de guerre. En juin-juillet, la Convention a passé une série de lois désignées à soulager les doléances les plus pressantes des paysans. Le 3 juin, les propriétés des émigrés ont été mises en vente en petits lots avec une aide donnée au plus pauvres pour l’acquisition d’un lot, et le 10, la Convention décréta que les terres communales seraient divisées entre chaque habitant, si la communauté en était d’accord. Puis, le 17 juillet, les droits seigneuriaux furent abolis sans compensation : le régime féodal était finalement défunt11. En retour, le 23 août, tous les hommes célibataires entre 18 et 25 ans furent enrôlés dans l’armée par une levée en masse.
La fuite de milliers de prêtres et la mort ou l’emprisonnement de beaucoup d’autres avait créé un effondrement presque total de l’éducation primaire12. Les assemblées successives reçurent mais ne les mirent pas 230en œuvre des plans radicaux pour une réforme totale de l’éducation primaire, en accord avec les impulsions régénératrices de la Révolution. La plus récente, en avril, a été fatalement compromise car Condorcet en était l’auteur. Le 13 juillet, Robespierre avait résumé à la Convention une esquisse de la réforme totale de l’éducation primaire développée par l’éminent Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, noble devenu jacobin, qui a été assassiné le 20 janvier après avoir voté la mort de Louis XVI. Avec la Constitution et le code civil, il argumentait que cette politique était un des « trois monuments » que la Convention devait à l’histoire : il était convaincu « de la nécessité d’opérer une entière régénération et, si je peux m’exprimer ainsi, de créer un nouveau peuple13 ». Le jour même où Robespierre encouragea cette « régénération », Jean-Paul Marat était assassiné chez lui par Charlotte Corday, une sympathisante des Girondins. La contre-révolution menaçait les députés parisiens au cœur même de la capitale.
La proposition résumée par Robespierre était remarquablement ambitieuse et vaste. Il insistait sur les vertus spartiates qu’il avait absorbées en lisant la Vie de Lycurgue de Plutarque14. Le système englobait tous les aspects de la vie – allant des études civiques, à l’exercice physique au travail manuel, de l’habillement et à la nourriture. Comme l’agōgē de Lycurgue, la République française retirerait également les enfants de leurs parents pour une durée de six ou sept ans.
L’objet de l’éducation nationale sera de fortifier le corps des enfans, de le développer par des exercices de gymnastique, de les accoutumer au travail des mains, de les endurcir à toute espèce de fatigue, de former leur cœur et leur esprit par des instructions utiles, et de leur donner les connoissances qui sont nécessaires à tout citoyen, qu’elle que soit sa profession.
Les garçons et les filles devaient apprendre les notions « de la morale universelle, de l’économie rurale et domestique ». Les garçons apprendraient aussi la constitution de leur pays et « les premières notions du mesurage et de l’arpentage », les filles à « filer, à coudre et à blanchir ». Tous les enfants devaient accomplir du travail manuel et – en contraste 231avec le système en pratique à Louis-le-Grand – il n’y aurait aucun domestique. Les enfants recevraient :
une nourriture saine, mais frugale ; un habillement commode, mais grossier ; ils seront couchés sans molesse ; de telle sorte que, quelque profession qu’ils embrassent, dans quelques circonstances qu’ils puissent se trouver durant le cours de leur vie, ils apportent l’habitude de pouvoir se passer des commodités et des superfluités, et le mépris des besoins factices.
Robespierre était le seul député qui préconisait l’adoption du rapport dans son intégralité : d’autres hésitaient face à la mesure cruciale de l’internat obligatoire. Le jour suivant, la Convention suspendit toute considération supplémentaire du décret, préférant l’approche bien plus pragmatique de Gabriel Bouquier à la fin de l’année15. Robespierre était plus en harmonie avec la Convention quand il chantait les louanges des martyrs de la patrie : en particulier Lepeletier de Saint-Fargeau, le Jacobin lyonnais Chalier et les enfants-soldats Joseph Viala et Joseph Bara. C’étaient les jeunes patriotes comme Bara que les Français devaient prendre en exemple, un rappel du stoïcisme des enfants spartiates. Le garçon de 14 ans avait apparemment crié « Vive la République ! » pendant que les rebelles vendéens l’exhortaient à crier « Vive le Roi ! » Robespierre faisait son éloge à la Convention le 28 décembre comme « un plus parfait modèle pour exciter dans les jeunes cœurs l’amour de la gloire, de la Patrie et de la vertu16 ».
Les Jacobins qui dominaient maintenant la Convention et le Comité de salut public avaient aussi cherché à réaliser leur vision d’une société régénérée par des festivals dignes de la grandeur de la Révolution17. Le 10 août 1793, l’anniversaire du renversement de la monarchie fut célébré en tant que festival de l’Unité et de l’Indivisibilité de la République. Les symboles de la monarchie ont été brûlés en place publique, puis, pendant un immense pique-nique républicain de pain et de poisson, 232les membres de la Convention ont bu un liquide qui jaillissait des seins de la Déesse de la liberté, symbolisant le lait de la liberté. De cette fontaine de régénération, trois mille colombes ont été relâchées, chacune d’entre elles avec un petit étendard attaché à la patte proclamant « Nous sommes libres ! Imitez-nous ! » La nouvelle Constitution avait été soumise à un référendum et les résultats (1,8 millions de « oui » contre 11 600 « non ») furent rendus publics lors de ces célébrations. La Constitution a ensuite été portée dans un coffret de cèdre de la Bastille à la Convention. Il devait être ouvert une fois la crise passée.
La combinaison des réformes jacobines radicales et des initiatives populaires a créé un une force extraordinaire de « régénération ». Les partisans de la Révolution – les « patriotes », tels qu’ils étaient communément nommés – ont marqué la répudiation de l’ancien monde en tentant d’effacer toutes ses traces, en donnant aux enfants des noms tirés de la nature, de l’antiquité classique ou de héros contemporains et en purgeant les toponymes de connotations religieuses ou royales. Les noms des rues arrageoises, par exemple, ont été changés pour reconnaître les premiers révolutionnaires, tels le réformateur agraire Tiberius Gracchus et le poète et républicain anglais John Milton. Les deux grandes places sont devenues la place de la Fédération et la place de la Liberté. Plus radicalement, afin de marquer l’amplitude de ce qui avait été accompli depuis la proclamation de la République le 22 septembre 1792, la Convention a introduit un nouveau calendrier qui remplaçait le calendrier grégorien avec ses fêtes de saints et ses cycles religieux par un calendrier décimal basé sur le décadi de dix jours, dont les noms étaient tirés de la nature et des vertus. Le calendrier fut inauguré le 24 octobre 1793 : le 22 septembre 1792 étant le premier jour de l’an I de la liberté et de l’égalité18.
Le Comité, bien que dépourvu des formalités d’un conseil de ministres, agissait comme un conseil de guerre et la nature de ses décisions reflétait ses préoccupations concernant la mobilisation et l’approvisionnement de l’armée, ainsi que la stratégie militaire. Les sphères de responsabilité 233étaient claires. Dans les quatre derniers mois de 1793, le Comité a promulgué 920 décrets, dont la rédaction pouvait dans 272 cas être attribuée à Carnot (affaires militaires), dans 244 cas à Barère (politique étrangère) et dans 146 à Prieur de la Côte-d’Or (munitions). Robespierre, qui était loin d’être un expert en matière militaire, n’en fut l’auteur que de 7719. Il n’a jamais visité le front et se contentait de laisser l’organisation et les décisions stratégiques à ceux qui avaient une réelle expérience militaire. Carnot et Prieur étaient parmi ceux qui étaient convaincus que seul le regroupement de nouvelles armées rapidement déployées pouvaient réussir, et Robespierre soutenait systématiquement les mesures qui rappelaient aux simples soldats qu’ils étaient l’épine dorsale de la nation, que la promotion reposait strictement sur le mérite et le devoir des officiers était de donner un exemple de courage sans faille20.
Bien que seuls Prieur et Saint-Just aient été plus jeunes que lui, la position de Robespierre au sein du Comité était telle qu’il exerçait une influence puissante sur la direction générale et les objectifs en cours. Il y avait des sujets spécifiques sur lesquels il ne put faire prévaloir son point de vue, mais les déclarations politiques les plus importantes étaient les siennes. Il avait toujours été méticuleux avec sa correspondance, et, ceci combiné à sa popularité politique et la renommée de ses discours principaux, en fit, aux yeux du peuple, le dirigeant du Comité. Il recevait des lettres de toute la France durant ces mois-là – de Bayonne à Montmédy, de Perpignan à Coutances – allant de requêtes pour un meilleur approvisionnement de l’armée à des dénonciations ou des propositions de nouvelles réformes21. On approchait Robespierre autant qu’on le blâmait sur n’importe quel sujet. Depuis novembre 1792, par exemple, Anne-Marguerite Andelle apparaissait chez les Duplay, cherchant à rencontrer le « premier républicain » afin de détailler des conspirations avec encore plus de détails que dans ses longues lettres, en échange d’une solide rétribution. Quand elle a été finalement arrêtée, elle fournit des informations sur des complots des prisons à la Salpêtrière 234(« jamais Sodome n’a renfermé tant d’horreurs »). Il n’y a aucune preuve que Robespierre ait donné l’ordre de son incarcération, mais elle l’a plus tard accusé de tous ses malheurs22.
De nombreuses méthodes et moyens de guerre devaient nécessairement poursuivre ceux de l’ancien régime, mais ceci devait être une lutte à grande échelle, non seulement pour une autodéfense territoriale, mais pour la survie même de la République et de la Révolution. Les armées d’invasion et leurs partisans contre-révolutionnaires étaient inévitablement décrits en termes manichéens : comme leur ennemis, les Jacobins s’exprimaient volontiers en termes « d’extermination » et « d’annihilation » de leur adversaire. Bien qu’il s’agisse de rhétorique, l’amplitude du conflit entre les armées intérieures et extérieures au territoire signifiait que la règle de droit ordinaire n’était plus applicable. Quand fin août, les troupes de Jean-François Carteaux ont écrasé l’insurrection fédéraliste à l’intérieur et autour de Marseille, Robespierre, alors président de la Convention, s’est montré satisfait : « que les traîtres expirent, que les mânes des patriotes assassinés soient apaisés, Marseille purifiée, la liberté vengée et affermie contre les attentats de ses lâches ennemis23 ! »
L’ampleur de la charge qui incombait au Comité de salut public était écrasante. Avec le recul du temps, « la terreur » qu’il infligea semble un monolithe dont Robespierre était l’architecte. À l’époque toutefois, les membres de la Convention nationale qui avaient mis en place ces blocs de construction au petit bonheur la chance, n’étaient pas munis de cette prescience. En effet, tous les indices suggèrent qu’ils vivaient en sursis au jour le jour. C’était la nature désespérée de la crise de mi-1793 et le manque de ressources et d’institutions pour y faire face, qui ont forcé les députés à réduire à contrecœur, les libertés civiles qu’ils considéraient d’ordinaire comme intouchables24.
235Il n’y eut aucun moment précis où la Convention nationale se décida à qualifier ce système de gouvernement comme « la terreur ». La seule fois où l’on s’en approcha est celle où elle soutint une délégation des 48 sections et du Club des Jacobins qui demandaient de « mettre la terreur à l’ordre du jour » le 5 septembre 179325. La Convention refusa. Bien au contraire, depuis octobre 1792, la Convention et ses comités avaient assemblé une série de mesures d’urgence organisées dans le but de vaincre les armées d’invasion et la contre-révolution sous toutes ses formes, afin de venir à la rencontre des griefs persistants de la population urbaine et rurale, et de contrôler les actions de militants qui prétendaient représenter la volonté du peuple. Pour cela il fallait un Tribunal révolutionnaire, la mobilisation en masse des ressources humaines et matérielles pour l’armée, le contrôle des prix, des salaires et de la production, l’abolition définitive du système féodal et un exécutif d’urgence avec des pouvoirs extraordinaires. La période commençant avec l’entrée de Robespierre dans le Comité est mieux décrite comme une époque de mesures gouvernementales rigoureuses pour gagner une guerre civile et étrangère, plutôt que « la terreur », épithète qui ne serait utilisée que par la suite.
Une tradition plus ancienne associait « terreur » avec la puissance et le pouvoir monarchique26. En adressant la nécessité d’intimider ou d’éveiller la « terreur » dans les esprits des contre-révolutionnaires, les Jacobins se référaient à un précédent historique plutôt qu’à l’avenir : aussi récemment que pendant les années 1770, les partisans et les opposants du pouvoir royal s’accusaient mutuellement d’imposer la terreur en usant de l’image des guerres de religions du siècle précédent. En fait, beaucoup de cette violence, plus tard regroupée sous le maître mot de « la Terreur », consistait en des tentatives du gouvernement de canaliser la fureur et la division au sein de la population en une volonté nationale qui pourrait assurer la victoire dans la violence de la guerre – à la fois civile et étrangère – qui était combattue sur le sol français.
236La crise militaire préoccupait la Convention et le Comité de salut public, mais elle était liée à une deuxième urgence. Comment des armées qui se développaient si rapidement pouvaient-elles être approvisionnées en même temps que les villes, surtout Paris ? En dépit de la nouvelle récolte, le ravitaillement des armées en particulier signifiait que le peuple de Paris devait faire face à une pénurie alimentaire, de pain en particulier. La loi du 4 mai 1793 exigeait que les départements s’assurent que le commerce des produits essentiels, comme les céréales, soit libre et que le ravitaillement des villes soit assuré. Cependant, très peu de blé provenait des régions de production qui ceinturaient Paris.
À la suite des nouvelles pressions exercées sur la Convention le 4 et le 5 septembre, quand Robespierre était président de la Convention, les députés se sont sentis obligés de faire passer une loi mettant les suspects en garde à vue et d’imposer un « maximum général » dès le 29 septembre. Ceci consistait en des prix fixes pour trente-neuf denrées. Une armée révolutionnaire de 6 000 Parisiens sans-culottes – et, en définitive, atteignant un nombre de 56 armées provinciales – auraient pour mission de réquisitionner de la nourriture pour les villes et les armées, le paiement des taxes, l’expurgation des contre-révolutionnaires, la recherche de déserteurs, la saisie de métaux dans les églises pour l’effort de guerre et l’entretien du zèle révolutionnaire27.
Le nouvel appareil d’état qui avait été mis en place pendant l’année 1793 était aussi une façon de contrôler la violence et l’action directe qui rendaient les gouvernements vulnérables à Paris. L’horreur des massacres de septembre 1792 pesait lourdement au-dessus de la Convention et les insurrections de mai-juin 1793 évoquaient à tous les députés le pouvoir des sans-culottes d’imposer leur volonté aux dépens des représentants du peuple. Les journées révolutionnaires de 1789 et de 1792 avaient fait la Révolution. À présent, avec un gouvernement républicain élu démocratiquement en état de siège, les représentants de la nation pourraient-ils demeurer les mandataires des Parisiens ? En septembre 1793, le dernier défi à l’autorité de la Convention a décidé le gouvernement à réimposer le contrôle d’état sur l’espace public28.
237Le 9 septembre, la Convention a accepté la motion de Danton et le Comité de salut public a réduit le nombre des réunions des sections à deux par semaine. Les citoyens nécessiteux recevraient deux jours de salaire en compensation pour le temps perdu. Ceci fit cesser la permanence des sections qui avait été proclamée dans toute la France le 25 juillet 1792. Ce décret a suscité une forte opposition parmi les membres militants des sections de Paris, pour qui cela représentait une attaque sur la souveraineté populaire. Se déclarant leur porte-parole, Jean Varlet fit face à la Convention le 17 septembre : « voulez-vous fermer l’œil du peuple, attiédir sa surveillance ? » Basire, Jeanbon Saint-André et Robespierre ont rejeté l’accusation, ce dernier a ajouté que bien trop souvent « c’étaient les riches, les intrigans, les muscadins » qui avaient le loisir de se présenter aux réunions. Avec seulement deux réunions par semaines, « les artisans et la classe honorable des ouvriers » pourraient les remplacer29.
Robespierre et la Convention subissaient aussi la pression des militantes féminines. Il était président de la Convention quand, le 26 août, Claire Lacombe a présenté la pétition de la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, qui avait été fondée en mai. La Société demandait l’introduction d’une nouvelle constitution, l’exclusion de la noblesse de tout emploi, l’épuration de toutes les administrations gouvernementales et la création de tribunaux extraordinaires. Robespierre était en accord avec leurs points de vue en général, mais la suggestion que la Convention était dilatoire ou complaisante le mettait sur la défensive : « il est dans cette assemblée des hommes d’un vrai patriotisme ; il en est beaucoup, et cette assemblée est au-dessus de toute atteinte. » Le 5 septembre, la Société des citoyennes a obtenu le soutien de la Convention, qui demandait le port de la cocarde tricolore pour les femmes. Mais leur zèle leur créait des ennemis parmi les Jacobins influents, à la façon dont les exigences de leur allié Jacques Roux s’aliénait la Convention. Jacques Roux fut arrêté le jour même. Tout en soutenant le récent « maximum général », les membres de la Société des citoyennes continuaient à faire des allégations sur la corruption parmi les éminents Jacobins, tels Chabot et Basire, et faisaient appel à de nouvelles purges. Lacombe s’est opposé à la Convention fin octobre sur les « monstres sans nombre qu’a produit le 238sexe masculin » ; Robespierre nota dans son carnet, « dissolution des f.r.r ». Il en a résulté que la Société des citoyennes et près de trente autres clubs féminins ont été fermés à travers le pays dans la répression générale des sociétés populaires. Les citoyennes avaient éveillé le vitriol des Jacobins renommés, tel Amar qui utilisa des arguments biologiques et naturels : « les femmes sont peu capables de conceptions hautes et de méditations sérieuses. […] elles peuvent éclairer leurs époux, leur communiquer des réflexions précieuses, fruit du calme d’une vie sédentaire. » Pour Robespierre, en revanche, il n’était question que de simple politique30.
Septembre a été un point tournant dans l’approche de Robespierre envers les cercles concentriques de crise qui entouraient la Convention et ses comités. Les notes privées dans son journal – les éléments les plus personnels que nous possédons car il les écrivait uniquement pour lui-même – mettent ceci en évidence, comme le font ses discours et ses actions en réponse aux crises militaires, économiques et politiques interdépendantes qui confrontaient le gouvernement sans répit. Fin octobre, il commençait à articuler des attitudes et des pratiques qui attenaient à la « terreur » : où les procès devant le Tribunal révolutionnaire n’avaient pas besoin de durer plus de trois jours si les jurés étaient convaincus et où il n’était pas nécessaire de fournir des explications aux suspects concernant leur arrestation31.
Comme aujourd’hui, les gouvernements et les autorités se sont tournés vers des réseaux de fonctionnaires composant le personnel qui occupaient les fonctions critiques. La pression qui les poussait à agir de la sorte était plus aiguë en pleine crise nationale. Dans le cas de Robespierre, ses réseaux s’étendaient de ceux avec qui il avait déjà été familier en Artois, aux centaines de connaissances et d’amis qu’il s’était faits à Paris. En septembre 1793, les membres nommés au Tribunal révolutionnaire comprenaient des personnalités qu’il connaissait en Artois 239– son président Herman et les juges Le Fetz et Lanne – ou des Jacobins de son milieu politique parisien, comprenant son propriétaire Duplay et le jeune Joachim Vilate, qui faisaient partie des soixante jurés. Le 9 décembre (19 frimaire de l’an II, selon le nouveau calendrier) Carnot écrivit au vieil ami de Robespierre, Buissart, pour le nommer dirigeant de l’administration d’Arras, le rassurant par ces mots : « vous le devez moins à notre amitié qu’à vos principes républicains et à vos talens ». On a offert à Dubois de Fosseux, bien connu de Robespierre pour son prodigieux travail en tant que secrétaire de l’académie d’Arras, le poste de secrétaire-général du Comité de salut public, mais il refusa. On a donné à Marc-Antoine Jullien, le fils de 18 ans d’amis personnels de la Drôme, le rôle extraordinaire d’agent spécial pour le Comité de salut public, pour lequel il a voyagé travers la Bretagne, la Vendée et le Bordelais32.
C’est probablement à cette époque que Robespierre a dressé plusieurs listes des « patriotes ayant des talens plus ou moins ». Il s’agissait d’un groupe hétérogène, comprenant des artisans et des commerçants aussi bien que des avocats et des politiciens dans une tranche d’âge allant de Jullien (18 ans) à Saint-Just (26) et de Claude Payan (28) à Martial Herman (44) et Maurice Duplay (57). La base institutionnelle de ce régime était étayée par l’hypothèse que les agents révolutionnaires et le Tribunal révolutionnaire n’étaient composés que de patriotes dont la vertu n’était égalée que par leur compétence et leur humanité. Robespierre était censé avoir un jour demandé à Duplay ce qui se passait au Tribunal. Quand il lui a répondu « Maximilien, je n’ai jamais cherché à connaître ce que vous faites au Comité de salut public », Robespierre lui aurait chaudement serré la main33. Il était persuadé que Duplay protègerait la procédure judiciaire de toute pression politique, mais d’autres rapports sur le manque de scrupules des autorités révolutionnaires contredisaient cette perception. Il supposait que l’équitable mise en œuvre de la répression pouvait compter sur la probité de ses agents, mais il n’y avait pas 240le moindre doute que des vengeances étaient assouvies et des atrocités étaient commises.
En 1791, Robespierre avait été l’un des défenseurs les plus ardents de la liberté de la presse, voyant l’étendue de la « calomnie » comme un moindre mal comparé à celui de contrôler la liberté d’expression. L’aigreur du conflit avec les Girondins au cours de l’hiver 1792-1793, et, en particulier, le fait que Roland, alors ministre de l’Intérieur, était préparé à utiliser les fonds publics pour disséminer les attaques contre les Jacobins, l’avait poussé à reconsidérer cette prémisse. Dans le contexte de la crise militaire désespérée et la contre-révolution armée, la loi des suspects du 17 septembre devait à présent être utilisée explicitement pour détenir ou intimider ceux qui « par leur conduite, soit par leurs relations, soit par leurs propos ou leurs écrits, se sont montrés partisans de la tyrannie ou du fédéralisme et ennemis de la liberté34 ». L’arrestation de « suspects » par les comités de surveillance était dirigée contre ceux qui par parole, par action ou par statut, étaient associés à l’ancien régime ou étaient accusés de paroles ou d’actes antirévolutionnaires, critiquant le gouvernement ou amassant des réserves de marchandises.
Néanmoins, il n’y avait pas de presse censurée et monolithique, suggérée par l’épithète de « dictature », et de la même façon, au sein de la Convention, des députés continuaient à exprimer leur mécontentement. Il est certain que le nombre de journaux a décliné en 1793-1794, d’une soixantaine à environ cinquante, mais nombre d’entre eux continuaient à se montrer critiques envers le régime, même du point de vue royaliste, par des nuances et des rapports sélectifs. Certains journaux royalistes ont continué avec des titres différents jusqu’en 1794. Ils avaient fait farouchement campagne pour Louis XVI pendant son procès au début de l’année. À présent, ils faisaient de même pour Marie-Antoinette et les Girondins incarcérés. Bien qu’ils ne puissent ouvertement promouvoir la victoire des rebelles en Vendée ou celle des fédéralistes, ils atteignirent leur but en publiant les manifestes des soulèvements en tant que reportages pour plaider leur cause35.
241Le Comité de salut public n’était pas plus indemne de critiques directes. Le 25 septembre, un député du département du Nord, Philippe Briez, qui était à Valenciennes lors de la capitulation de la ville en juillet, reprocha au Comité de ne pas avoir pris les précautions nécessaires. L’opposition au sein de la Convention a saisi cette occasion, en ajoutant Briez au Comité, mais il refusa, en prétextant son manque de capacité. Robespierre était furieux et attaqua Briez pour avoir abandonné les troupes à Valenciennes. Les citoyens avaient tous les droits de critiquer le Comité, mais non celui qui n’avait pas accompli son devoir :
Depuis deux ans, cent mille hommes ont été égorgés par trahison et par faiblesse : c’est la faiblesse pour les traîtres qui nous perd. On s’attendrit pour les hommes les plus criminels, pour ceux qui livrent la patrie au fer de l’ennemi ; moi, je ne sais m’attendrir que pour la vertu malheureuse ; je ne sais m’attendrir que pour l’innocence opprimée ; je ne sais m’attendrir que sur le sort d’un peuple généreux qu’on égorge avec tant de scélératesse.
On n’arrêta pas Briez pour son éclat, et tous les pouvoirs de persuasion de Robespierre furent nécessaires pour convaincre la Convention de renouveler le mandat du Comité. Ce n’était pas la première fois que la pression de gérer une confrontation politique aigue combinée à une lourde charge de travail aient eu des conséquences physiques. Robespierre semble avoir été malade pendant deux brèves périodes du 19 au 23 septembre et du 26 septembre au 3 octobre36.
La question de la durée du mandat du Comité de salut public et le statut de la Constitution en suspens avaient toujours plané au-dessus de la tête de la Convention. Le 8 octobre, Robespierre fut forcé d’argumenter contre une motion de mettre à exécution certaines sections de la Constitution :
Cette exécution partielle de la Constitution paralyserait les mesures révolutionnaires, et livrerait la France à nos ennemis, en comblant leurs vœux. Entendez leurs cris : Divisons les patriotes, provoquons la dissolution de la Convention. Citoyens, attendons le calme pour exécuter dans son ensemble une Constitution qui fera l’admiration de la postérité.
Cette tension entre les mesures pour vaincre les contre-révolutionnaires et l’engagement continu des députés envers les valeurs qui faisaient 242partie intégrante de la Constitution de 1793 devaient rester au cœur de la politique de l’an II37. Le 10 octobre, la Convention a décrété que « le gouvernement sera révolutionnaire jusqu’à la paix » : tous les corps de gouvernement et l’armée ont été placé sous le contrôle du Comité de salut public, qui devait faire un rapport hebdomadaire à la Convention. Aucun quartier ne devait être accordé aux ennemis de la Révolution ; en revanche les amis de la Révolution ont été prévenus que la Convention et ses comités représentaient la seule source d’initiative politique.
Les Girondins en détention étaient particulièrement vulnérables. N’avaient-ils pas lancé des appels de sirène pour entrer en guerre à l’hiver 1792 ? Un général girondin, Dumouriez, n’était-il pas passé au camp de l’ennemi ? N’avaient-ils pas tenté d’empêcher l’exécution de Louis XVI ? Et n’étaient-ils pas les instigateurs de la révolte fédéraliste au moment de la plus grand crise militaire ? Le rôle des députés girondins dans la révolte fédéraliste avait exposé ceux qui étaient incarcérés à Paris à l’accusation d’avoir voulu renverser la République, en pleine crise interne et externe. Le choc de la reddition de Toulon le 27 août, rendue publique à Paris le 2 septembre, a inspiré des appels pour un procès immédiat. Néanmoins, si d’autres Jacobins, menés par Desmoulins, Billaud et Amar, avaient déchaîné une attaque concertée sur plus de soixante Girondins accusés d’avoir fomenté une conspiration systématique contre la République, Robespierre agit pour en mitiger les conséquences. Il s’est opposé à la motion de Billaud qui cherchait à forcer la Convention à voter sur le sort des Girondins, sous prétexte que cela polariserait les représentants de la nation, et il a débattu avec succès pour que les soixante-quinze autres députés, incarcérés pour avoir signé une contestation des arrestations, ne soient pas jugés. Il affirma que « parmi les hommes mis en état d’arrestation, il s’en trouve beaucoup de bonne foi, mais qui ont été égarés par la faction, la faction la plus hypocrite dont l’histoire ait jamais fourni l’exemple38. »
Le 14 mars 1793, Robespierre avait argumenté en faveur d’un examen plus rigoureux de « conspiration », de crainte que le Tribunal 243révolutionnaire ne soit consumé par des revendications de factions rivales. Pourtant, si les conspirateurs usaient de dissimulation et de fausses proclamations concernant leur amour de la « patrie » pour déguiser leur perfidie, comment les preuves adéquates pouvaient-elles être découvertes et utilisées ? C’était une chose de savoir que les généraux La Fayette et Dumouriez étaient des contre-révolutionnaires depuis qu’ils étaient passés à l’ennemi, mais comment pouvait-on savoir l’étendue des tentacules d’influence qui se propageaient encore au sein de la République ? Dans le contexte du procès de Brissot et des Girondins en octobre, Robespierre et d’autres se sont inspirés d’une puissante analogie historique – la tentative de la faction aristocratique sous Catilina de saisir le pouvoir dans la Rome du ier siècle av. J. C. et la prompte et sévère réaction de Cicéron. Le récit de Cicéron lui-même, partie intégrante des incontournables classiques dont la génération de Robespierre à Louis-le-Grand était imprégnée, soulignait la perversité et la duplicité des conspirateurs de la conjuration de Catilina39.
Le Tribunal révolutionnaire, rétabli le 10 mars, avait déjà condamné à mort plus de cinquante personnes avant que Robespierre ne rejoigne le Comité de salut public. Mais les chiffres augmentèrent dans les trois derniers mois de 1793 : 177 des 395 accusés devant le Tribunal révolutionnaire ont été guillotinés. Un nombre sans cesse croissant de personnalités contre-révolutionnaires, même parmi les Jacobins majoritaires, furent condamnées lors de procès politiques. Marie-Antoinette a été exécutée le 16 octobre, suivie le 31 par dix-neuf Girondins accusés d’être responsables de toutes les vicissitudes de la Révolution. Olympe de Gouges a été exécutée le 3 novembre et le cousin de Louis XVI, Philippe-Égalité, le 7. En août 1792, face à l’attitude distante de Robespierre, Manon Roland avait exprimé son désespoir. Une année plus tard, en prison, elle se plaignait amèrement et déchargeait son ressentiment sur l’homme « ardent, jaloux, avide de popularité, envieux des succès d’autrui », qu’elle considérait responsable de tous ses malheurs40. Elle a été guillotinée le 8 novembre ; deux jours plus tard, son mari se suicidait sur un chemin rural en dehors de Rouen, où il s’était caché. D’autres exécutions suivirent : 244Bailly, le premier à prononcer le serment du Jeu de Paume en juin 1789, a été guillotiné le 11 novembre, Barnave le 29 et deux autres éminents Girondins accusés de conspirer à la restauration de la monarchie, Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne et Armand Kersaint, le 5 décembre.
Alors que les membres de la Convention et les comités de gouvernance augmentaient leurs mesures de répression pour combattre la contre-révolution et d’autres formes d’opposition, ils furent attirés dans « la terreur des politiciens41 ». Les républicains – dont nombre d’anciens amis, comme Robespierre, Danton, Desmoulins et Brissot – sont entrés dans une spirale de doutes sur leur authenticité réciproque et leur intégrité révolutionnaire. Les doutes sur la duplicité, la corruption et la dissimulation étaient aggravés par la peur et l’épuisement. Le jour où les Girondins ont demandé la levée de l’immunité parlementaire et ont voté la mise en accusation de Marat en avril 1793, les enjeux étaient devenus mortels.
À partir d’octobre, l’univers mental de Robespierre était envahi de conspirations inéluctables : le vice et la vertu étaient les « esprits opposés ». Il voyait maintenant les ennemis internes et externes de la République ligués et il déclara à un certain point que, depuis le début de la Révolution, les vraies factions contre-révolutionnaires avaient été liées à des complots autrichiens et anglo-prussiens. En 1793, le dénominateur commun de la défaite militaire aux émeutes de la faim était Pitt, en cheville avec tous les « faux patriotes » de tout acabit. Robespierre était loin d’être le seul à avoir de telles convictions42.
La longue tradition de la France d’être un refuge pour tous les étrangers, y compris les réfugiés politiques, cherchant asile quelle qu’en soit la raison, était toujours mise à l’épreuve en temps de guerre. L’article 120 de la Constitution de 1793, par lequel « il donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. Il le refuse aux tyrans », avait été suspendu avec le reste de la Constitution. Le nombre d’étrangers vivant en France avait grossi avec les réfugiés de Liège et d’ailleurs dans le nord-est, ainsi qu’avec les déserteurs des armées d’invasion. Robespierre avait auparavant accueilli des réfugiés politiques à travers l’Europe, mais dès 1793 il avait conclu que les gouvernements étrangers hostiles avaient :
245dès long-tems vomi sur la France tous les scélérats habiles qu’elles tiennent à leur solde. Leurs agens infestent encore nos armées […] Ils délibèrent dans nos administrations, dans nos assemblées sectionnaires, ils s’introduisent dans nos clubs, ils ont siégé jusque dans le sanctuaire de la représentation nationale ; ils dirigent et dirigeront éternellement la contre-révolution sur le même plan.
Il existait de nombreuses exceptions individuelles et les pro-révolutionnaires belges étaient traités moins durement que les autres étrangers : il avait toujours considéré les mouvements révolutionnaires à Liège et ailleurs comme une prolongation de la Révolution française43. Mais « le complot étranger » le consumait.
Le 27 brumaire (17 novembre), Robespierre donna son premier discours important depuis quelques mois, un Rapport sur la situation politique de la République au nom du Comité de salut public. C’était avant tout le gouvernement anglais qu’il isolait, l’accusant de tous les maux, de vouloir remplacer Louis XVI par le duc de York (qui avait placé Dunkerque en état de siège), à tenter de pousser le sud de la France à devenir une fédération comme aux États-Unis. Il a même accusé les Girondins d’être de connivence avec les Anglais pour armer les esclaves de Saint-Domingue afin de détruire les colonies françaises44. Robespierre regrettait le manque de puissant soutien des autres peuples, il blâmait pour cela la malice des diplomates appointés par Brissot aux États-Unis et les manœuvres des Anglais en Turquie, « l’utile et fidèle allié de la France ». L’Autriche projetait d’annexer la Lorraine, l’Alsace et les Flandres si la France était vaincue ; « d’un autre côté, le Roussillon, la Navarre française, et les départements limitrophes de l’Espagne ont été promis à Sa Majesté catholique ». Comme c’était à présent le cas avec les déclarations politiques clés, le décret et le rapport devaient être 246« imprimés et traduits dans toutes les langues, répandus dans toute la République et dans les pays étrangers, pour attester à l’univers les principes de la République française et les attentats de ses ennemis contre la sûreté générale de tous les peuples ». Des copies du discours étaient publiées en anglais, en allemand, en italien et en espagnol. Les traductions anglaises par exemple étaient publiées à Londres, Belfast, New York, Philadelphie et Boston45.
Le 15 frimaire (5 décembre), Robespierre a de nouveau fait un rapport à la Convention au nom du Comité de salut public, cette fois-ci pour répondre au manifeste des têtes couronnées d’Europe que leur alliance était une alliance défensive contre « l’immoralité » de la Révolution française. Il se moqua de « la fidélité conjugale de Catherine » mais, à nouveau, les Anglais étaient ceux qui l’indignaient le plus :
Peuple insolent et vil, ta prétendue représentation est vénale sous tes yeux et de ton aveu. Tu adoptes toi-même leur maxime favorite : que les talents de tes députés sont un objet d’industrie, comme la laine de tes moutons et l’acier de tes fabriques […] Et tu oserais parler de morale et de liberté !
Après avoir été une nation qu’il avait un jour admiré pour avoir chèrement défendue sa liberté, la fière Albion était devenue le berceau de tous les complots étrangers. À certains moments, la fureur de Robespierre contre le gouvernement anglais s’étendait à une antipathie pour le peuple anglais tout entier – « Je n’aime pas les Anglais » – mais il déclara au Club des Jacobins le 30 janvier 1794 « qu’on voye ce peuple s’affranchir lui-même, et nous lui rendrons toute notre estime et notre amitié46 ».
Bien que Robespierre n’ait laissé derrière lui ni journaux personnels, ni mémoires, il existe parmi ses papiers un carnet rédigé dans les derniers 247mois de 1793 : une liste d’instructions ou d’aide-mémoires concernant les actions à prendre par le Comité de salut public47. La plupart des entêtes se référaient à des individus ou à des groupes qui devaient être nommés à des fonctions ou dénoncés. D’autres se référaient à des nécessités sociales urgentes ou économiques dans l’intérêt du peuple : « assurer les secours des veuves et des enfans des défenseurs (de la République) […] Taxer les gros marchands en gros de manière que les débitants puissent vendre ». Avant tout, il était concerné par les quatre « points essentiels » du gouvernement : la subsistance et l’approvisionnement ; la guerre ; l’esprit public ; et les conspirations et la diplomatie. Mais la tâche primordiale était de renforcer l’esprit civique et de démasquer ceux qui sapaient l’unité, « seul moïen de terminer bientôt la Révolution au profit du peuple ».
Il sentait aussi qu’il était urgent de décourager l’éruption d’antichristianisme vengeur, en notant : « casser l’arrêté de la municipalité (de Paris) qui interdit la messe et les vêpres. Il n’en a pas le droit. C’est un moyen de trouble. » La « déchristianisation » avait été d’abord mise en place par Fouché dans les départements de la Nièvre et de l’Allier et elle s’était accélérée quand le décret du 16 brumaire (6 novembre) stipula qu’une commune avait le droit de renoncer à l’observance du catholicisme48. L’attitude de Robespierre envers les droits des fidèles et la déchristianisation était nécessairement pragmatique : les excès de cette dernière étaient une réponse autodestructrice et inutile à la ferveur populaire. Il n’avait aucun désir particulier de défendre le catholicisme en lui-même. Dans une circulaire de novembre du Comité de salut public à toutes les sociétés populaires, il se référait aux « convulsions du fanatisme expirant » mais conseillait que « le surplus, reste en arrière, exige des encouragements pour avancer à son tour. L’effrayer, c’est vouloir qu’il rétrograde49. »
Le 20 brumaire (10 novembre), sur l’initiative de la Commune de Paris, un festival de liberté s’est déroulé à l’emplacement de l’ancienne cathédrale de Notre-Dame. Quinze jours plus tard, la Commune avait sanctionné le fait accompli en décidant de fermer toutes les églises de Paris. Deux jours avant la fermeture, Robespierre donna aux Jacobins, 248un discours passionné et réussi sur les dangers que cela représentait. La Convention, exhortait-il, ne « permettra pas qu’on persécute les ministres paisibles du culte […] On a denoncé des prêtres pour avoir dit la messe ! Ils la diront plus long-temps si on les empêche de la dire. Celui qui veut les empêcher est plus fanatique que celui qui dit la messe ». Il admettait que « j’ai été, dès le collège, un assez mauvais catholique », mais il acceptait que « si Dieu n’existoit pas, il faudroit l’inventer50 ».
Il était d’accord sur la nécessité de réquisitionner du matériel nécessaire à l’effort de guerre : les milliers de cloches des 60 000 clochers de France avaient été saisies et fondues. Mais trop souvent ces saisies avaient été accompagnées d’un comportement qui allait inutilement indigner des pays étrangers neutres et un nombre immense de fidèles en France elle-même. Le 14 frimaire (4 décembre), Couthon, en revenant de sa mission à Lyon et au Puy-de-Dôme, a rapporté avec satisfaction qu’il avait constaté une « victoire complète sur le fanatisme et la religion » : à Issoire, par exemple, la société populaire avait organisé un autodafé de 200 statues de saints. Il avait beau insister que seul l’orgueil des prêtres et l’erreur du peuple étaient attaqués et non Dieu, pour Robespierre le danger était évident. Deux jours plus tard, il présentait un projet de loi sur la liberté de culte à la Convention qui a été immédiatement voté. La loi promettait que les autorités seraient aussi sévères avec ceux qui menaçaient cette liberté qu’elle l’était contre ceux qui pourraient se servir du « prétexte de la religion pour compromettre la cause de la liberté51 ».
Robespierre avait un exemple utile à portée de main avec l’aristocrate prussien devenu jacobin, Jean-Baptiste du Val-de-Grâce, Baron de Cloots, mieux connu comme Anarcharsis Cloots et souvent nommé « l’orateur de l’humanité ». Il était l’un de ceux qui avaient reçu la citoyenneté française en septembre 1792 et avait été élu à la Convention de l’Oise. Il était devenu personnellement impliqué dans la campagne de déchristianisation. Cloots était mal vu à cause de ses prétendues transactions avec les Vandenyver, les banquiers condamnés à mort pour corruption criminelle par le Tribunal révolutionnaire le 17 frimaire (7 décembre). 249Robespierre fulminait contre Cloots au Club des Jacobins le 22 frimaire (12 décembre), demandant avec succès « l’exclusion des Jacobins de tous les nobles, prêtres, banquiers et étrangers ». « Pouvons-nous regarder comme patriote un baron allemand ? Pouvons-nous regarder comme sans-culotte un homme qui a plus de cent mille livres de rente52 ? »
L’attaque sur les responsables de la déchristianisation faisait partie d’une action plus étendue engagée par Robespierre et Danton, destinée à miner le pouvoir politique de la Commune de Paris et ses militants officiels, tel Jacques Hébert. Cela comprenait la loi du 14 frimaire (4 décembre). Ostensiblement conçue pour assurer une supervision efficace des fonctionnaires publics, de fait elle assurait la primauté de l’autorité centrale. L’anxiété au sein du Comité concernant le rôle des armées révolutionnaires dans la diffusion de la déchristianisation, et l’inutile aliénation des populations rurales, présageait leur disparition dans la législation53.
Pendant toute l’année 1793, la Convention avait mis en place une série de mesures d’urgence désignées à placer la nation sur le pied de guerre, réprimant la contre-révolution et exerçant un contrôle central sur l’initiative politique. À la fin de l’année, les succès étaient prépondérants. Les forces républicaines menées par un jeune officier d’artillerie, Napoléon Bonaparte, avaient reconquis Toulon et les armées étrangères avaient subi des revers majeurs dans le nord-est à Wattignies le 15 octobre et dans le sud à Peyrestortes, juste au nord de Perpignan, le 17 septembre. L’insurrection vendéenne avait été contenue et les autres rébellions écrasées, au prix de lourdes pertes humaines. Bien que le « maximum général » n’eût pas été complètement appliqué, la chute de l’économie avait été enrayée et le pouvoir d’achat de l’assignat était remonté de 36, quelques mois plus tôt, à 48 % de sa valeur en 1790.
La rébellion grondait et s’embrasait dans de nombreux départements, mais il y avait de nombreuses régions où les demandes constantes du Comité et de la Convention étaient acceptées, fut-ce avec un manque d’enthousiasme. Dans les départements comme l’Yonne, l’Aude, le Tarn-et-Garonne, la Creuse et la Dordogne, les députés en mission réussissaient à imposer un calme relatif dans les circonstances les plus difficiles par un rationnement équitable et un usage judicieux des mesures contre 250les suspects54. Un autre rôle des députés en mission était d’établir des Clubs de Jacobins et des sociétés populaires. Près de 3 000 sur plus de 5 300 à travers la nation ont été implantées pendant ces mois. La popularité de Robespierre était évidente dans le discours de ces clubs, bien que dans certaines régions c’était sans doute un choix judicieux plutôt qu’une expression de sincérité55.
En même temps, des nouvelles parvenant à la Convention et à ses comités, annonçaient le lourd tribut à payer pour ces succès. De Nantes, Lyon et même d’Arras arrivaient des rapports de tueries généralisées et sans discernement. Pire encore, certains des responsables semblaient croire que de tel carnages étaient légitimes. Tout était-il permis pour le salut public ? La réponse viscérale aux ennemis internes de la Révolution tirait sa force d’une panique puisée dans le démantèlement possible de la nation elle-même. Alors que les Jacobins et les armées reconquéraient les villes et les régions des mains des Girondins et des contre-révolutionnaires, il y avait une série d’épisodes punitifs, parfois consternants, souvent accompagnés d’un langage d’extermination56.
L’une des connaissances de Robespierre à Arras, Joseph Fouché, professeur au Collège, avait chevauché les vents du changement en passant des Girondins aux partisans militants d’Hébert et, dans l’Allier et la Nièvre, il avait mené la campagne de déchristianisation. À Lyon, il avait organisé, avec Collot d’Herbois, une sanglante répression et, à son retour à Paris, Robespierre lui avait demandé des comptes sur son comportement. La répression, comprenant 1 800 exécutions, était la plus virulente du pays, exceptée celle de la Vendée. Les comités et la Convention avaient donné carte blanche à Collot et Fouché de punir militairement et sans délai les contre-révolutionnaires. Que le flou du décret, qui ordonnait aussi la destruction de toutes les maisons des riches, ait été conçu pour servir d’exemple à d’autres foyers de rébellion, les députés en mission le prirent au pied de la lettre, fortement encouragés par les Jacobins locaux57.
251Au moment même où les plus grands progrès avaient été accomplis, tout demeurait encore dans la balance, deux des alliés les plus proches et les plus admirés de Robespierre – Georges Danton et Camille Desmoulins – décidèrent que le temps d’un changement de direction était arrivé. La lutte s’est déclenchée quand François Chabot – un ancien moine, à présent militant jacobin, discrédité pour avoir épousé la sœur de banquiers autrichiens suspects – rendit visite à Robespierre en personne le 14 novembre et lui conta une fable sur une conspiration démesurée désignée à corrompre des dirigeants Jacobins. Le lendemain, Chabot et Basire déclarèrent au Comité de salut public que le baron de Batz, un financier aristocrate suspecté (avec raison) d’être un agent étranger, utilisait les fonds de la liquidation de la Compagnie des Indes orientales pour payer Hébert et ses partisans afin de saper la République avec des excès délibérés. Pire encore, Chabot impliqua Georges Danton, qui revint à toute hâte de sa maison à Arcis (Aube) avec sa nouvelle épouse58.
Robespierre avait eu à défendre son vieil allié Danton à plusieurs reprises contre des accusations qui mettaient en doute son comportement et ses attaches personnelles. En juillet, il avait répondu à une accusation qui accusait Danton d’avoir favorisé un fonctionnaire corrompu marseillais, en mettant en garde ses détracteurs des dangers de la calomnie contre un homme qui avait offert « toute sa vie à la liberté ». En août, Robespierre avait dû prendre la parole pour défendre Danton contre les Enragés Roux et Leclerc, affirmant que « des hommes nouveaux, des patriotes d’un jour veulent perdre dans le peuple ses plus anciens amis ». Puis, quand Danton est rentré, il a dû intervenir pour empêcher le Club de Jacobins de l’expulser sur le champ59. À son tour, Danton a soutenu l’attaque de Robespierre contre la déchristianisation, mais avait aussi fait appel à une plus grande « économie du sang des hommes ». Alors que d’autres regimbaient contre Danton, Robespierre le défendait à nouveau : il est vrai qu’il aurait pu agir plus tôt contre Dumouriez, Brissot et ses complices, mais :
nous lui avons dû bien des victoires sur les ennemis du peuple. Je l’affirme sous les rapports politiques ; j’ai observé Danton […] je l’ai vu le même et 252toujours je l’ai rencontré sur le chemin du patriotisme […] et la différence qui se trouvait entre nous deux ne venait que de celle qui existe entre nos tempéraments60.
Camille Desmoulins était d’égale stature à Danton. Le jour suivant la loi du 14 Frimaire (4 décembre), Desmoulins lança son journal Le Vieux Cordelier61. Les deux premières parutions, approuvées par Robespierre, visaient les Hébertistes et la déchristianisation, mais Desmoulins fut attaqué au Club des Jacobins le 24 frimaire pour avoir écrit avec sympathie au sujet des Girondins, « ils meurent en républicains, en Brutus ». Robespierre s’est senti à nouveau poussé à défendre son ami et co-révolutionnaire. Oui, il avait été trop proche de Mirabeau et des Lameth, mais
j’ai connu Camille au collège, il fût mon compagnon d’étude, il étoit alors un jeune homme de talent sans un jugement bien mûri. Camille a développé depuis l’amour le plus ardent pour la République […] il ne faut pas séparer un point de sa vie morale, c’est l’ensemble qu’on doit prendre ; c’est en masse qu’on doit l’examiner.
Il a rappelé son courage en défendant l’idée d’une République en 1788, dans La Philosophie au peuple français : « alors, au fond de ma province, j’ai appris avec un secret plaisir que l’auteur étoit un de mes camarades de collège62 ».
La pression pour relâcher les contraintes sur les libertés personnelles – la détention d’un grand nombre de suspects particulièrement – venait d’une autre source. Dans la soirée du 22 frimaire (12 décembre) nombre de femmes étaient venues protester au bar de la Convention contre la détention de leurs époux. Le 30 frimaire, un groupe plus important et plus diversifié de cinquante femmes a fait son apparition, comprenant des femmes de la Commune-Affranchie (anciennement Lyon) et une délégation des mères, des épouses, des filles et des sœurs des détenus à Paris. Ces femmes cherchaient à obtenir « la liberté de tous les détenus innocents et victimes de l’erreur ou des passions humaines », rappelant que la Convention avait chargé son Comité de sûreté générale de lui présenter un rapport sur la pétition du 22 frimaire en moins de trois jours, et 253que huit jours s’étaient maintenant écoulés. La pression était si forte que Robespierre proposa que la Convention créât une commission afin que les deux comités gouvernants examinent toutes les détentions promptement et libère les innocents. Une semaine plus tard, Barère et Robespierre étaient encore en désaccord sur la composition de la commission. Ce dernier était persuadé que « Mr Pitt » serait enchanté et demeurerait convaincu que peu de patriotes innocents peuplaient les prisons. Finalement, Billaud s’est opposé à son élaboration et l’idée fut abandonnée63.
Le ton de la troisième parution du Vieux Cordelier le 25 frimaire (15 décembre) était différent, rempli de satires et d’allusions classiques et posant les questions difficiles. Les régimes despotiques avaient-ils la politique qu’il « vaut mieux ne pas punir plusieurs coupables que de frapper un seul innocent ». L’aphorisme bien connu de Robespierre était dénigré par cette inversion. Desmoulins s’inspirait brillement de Tacite pour insinuer que le gouvernement révolutionnaire ressemblait au despotisme de Tibère. À la Convention, des appels se faisaient entendre pour changer les membres du Comité et ouvrir les prisons.
La quatrième parution du journal, datée du 30 frimaire mais qui ne sortit pas avant le 4 nivôse (24 décembre), était encore plus explosive. Tout en répondant aux contre-attaques des Hébertistes, Desmoulins lançait maintenant un strident appel à la clémence : « Vous voulez exterminer tous vos ennemis par la guillotine ! Mais y eût-il jamais plus grande folie ? Pouvez-vous en faire périr un seul à l’échafaud sans vous faire dix ennemis de sa famille ou de ses amis ? » Les ennemis les plus dangereux de la Révolution étaient maintenant morts ou en exil : la crise était passée. « Je pense bien différemment de ceux qui vous disent qu’il faut laisser la terreur à l’ordre du jour ». Le journal contenait aussi un appel direct à Robespierre à se souvenir des jours passés ensemble à Louis-le-Grand : « O mon vieux camarade de collège ! toi dont la postérité relira les discours éloquents ! souviens-toi de ces leçons de l’histoire et de la philosophie : que l’amour est plus fort, plus durable que la crainte. » Le numéro était chargé d’allusions brillantes à l’histoire classique, qui ne pouvaient échapper à son ancien camarade.
La campagne de Desmoulins et de Danton était courageuse et humaine, mais inepte, car la crise était loin d’être passée. Les troupes 254du général Hoche avaient subi un revers majeur à Kaiserslautern fin novembre. Il y avait des centaines de villes et de villages aux frontières de la France dont les habitants étaient directement sous le contrôle des armées d’occupation. L’une d’elles était Collioure, à l’autre extrémité de la France par rapport à Arras, où la plupart des 2 300 habitants, catalans, subsistaient grâce à la viticulture, la pêche et le commerce maritime en Méditerranée64. Ils avaient accueilli la Révolution de 1789 en raison de l’énoncé de ses droits et de l’abolition des privilèges et de la féodalité qui en découlaient, même si les réformes de l’Église avaient abouti à l’émigration de dix prêtres et moines antirévolutionnaires. Les Colliourencs, comme les Flamands, les Alsaciens, les Provençaux et les Basques des autres régions frontalières, avaient subi les privations de la lutte désespérée pour la survie de la République. Avec la garnison française locale, le peuple de Collioure avait résisté au siège espagnol de mai 1793 avant que la ville ne succombât et ne fût occupée par les troupes espagnoles le 20 décembre. Bien que les réunions publiques pendant le siège à la fin de juin eussent formellement condamné d’expulsion des députés girondins (y compris le député local Birotteau), fin juillet la Constitution jacobine de 1793 a été traduite en Catalan et unanimement approuvée par 135 citoyens dans l’église paroissiale. La résistance locale à Collioure avait été menée par Jean-Paul Berge, membre des réseaux les plus remarquables de correspondants maintenu par Dubois de Fosseux en tant que secrétaire de l’académie d’Arras avant la Révolution. Fin 1793, Dubois était en proie à ses propres anxiétés au moment où Lebon imposait une violente répression à Arras. Berge est mort en se battant contre les Espagnols au col de Banyuls le 12 décembre. Le siège de Collioure a été dévastateur : les récoltes détruites, le blocus du port et des centaines de personnes mortes prématurément. Comme les autres citoyens français le long des frontières, les Colliourencs auraient été perplexes quant à la proposition de Desmoulins affirmant que la crise était passée.
Pour Robespierre et les politiciens républicains, ainsi que les fonctionnaires dans tout le pays, chaque jour était un tourbillon d’incertitudes, de confusion et de crainte, qui n’était endigué que par la détermination 255et un travail acharné. Le lendemain de la proposition de Desmoulins, le jour de Noël (5 nivôse), Robespierre a prononcé un discours de politique majeure sur les principes du gouvernement révolutionnaire, « la guerre de la liberté contre ses ennemis » :
Le gouvernement constitutionnel s’occupe principalement de la liberté civile ; et le gouvernement révolutionnaire, de la liberté publique. Sous le régime constitutionnel, il suffit presque de protéger les individus contre l’abus de la puissance publique ; sous le régime révolutionnaire, la puissance publique elle-même est obligée de se défendre contre toutes les factions qui l’attaquent. Le gouvernement révolutionnaire doit aux bons citoyens toute la protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la mort65.
La question était de savoir si Danton et Desmoulins faisaient à présent partie de la faction des ennemis du peuple.
1 Œuvres, vol. IX, p. 553.
2 Papiers inédits trouvés chez Robespierre, vol. 2, p. 13-16.
3 Œuvres, vol. X, p. 9.
4 Ibid., p. 76.
5 Palmer, R. R., Le gouvernement de la Terreur : l’année du Comité de salut public, Paris, Armand Colin, 1989, chap. 3 ; Gainot, Bernard, Dictionnaire des membres du Comité de salut public : dictionnaire analytique biographique et comparé des 62 membres du Comité de salut public, Paris, Tallandier, 1990. Hérault de Séchelles a démissionné le 29 décembre.
6 AN F7 4432, plaque 2 ; Monnier, Raymonde, « Les sociétés populaires dans le département de Paris sous la Révolution », AHRF, no 278, 1989, p. 371 ; Fleischmann, Robespierre et les femmes ; Stéfane-Pol, Autour de Robespierre, p. 104 ; Jacob, Robespierre vu par ses contemporains, p. 215-219. Après thermidor, les Duplay ont dit très peu de leurs conversations avec Robespierre : AN W 79, liasse 23.
7 Gallo, Maximilien Robespierre, p. 67, 262.
8 Barras, Mémoires de Barras, vol. 1, p. 243 ; Papiers inédits trouvés chez Robespierre, vol. 1, p. 247-249, 253-254, 333-334 ; vol. 2, p. 261 ; vol. 3, p. 3-55, 237-241 ; Œuvres, vol. III, passim.
9 Robespierre, Charlotte, Mémoires, chap. iv. Sur Augustin, voir Luzzatto, Sergio, Bonbon Robespierre. La terreur à visage humain, traduit de l’italien par Simone Carpentari Messina, Paris, Arléa, 2010.
10 Nolibos, Arras, p. 109-110 ; Œuvres, vol. I, p. 27 ; vol. III, t. 2, p. 83-85 ; Leuwers, Crépin et Rosselle, Histoire des provinces françaises du nord, chap. 4 ; Gobry, Ivan, Joseph Lebon : la terreur dans le nord de la France, Paris, Mercure de France, 1991, chap. 1-3.
11 Ado, Anatolï, Paysans en Révolution. Terre, pouvoir et jacquerie 1789-1794, traduit du russe par Aberdam, Serge et Dorigny, Marcel, Paris, SÉR, 1996, chap. vii ; Aberdam, Serge, « Politiques agraires, questions agraires, terreur et loi agraire », in Biard, Michel (éd.), Les politiques de la Terreur, 1793-1794 : actes du colloque international de Rouen, 11-13 janvier 2007, Rennes, Presses Universitaires de Rennes ; Paris, SÉR, 2008, p. 291-306. Robespierre était indécis sur la question du dessèchement des étangs afin de faire croître la production des céréales : Abad, Reynald, La conjuration contre les carpes. Enquête sur les origines du décret de dessèchement des étangs du 14 frimaire an II, Paris, Fayard, 2006, p. 164 ; Papiers inédits trouvés chez Robespierre, vol. 2, p. 19.
12 Tous les collèges secondaires ont été fermés avec l’exception du lycée Louis-le-Grand (dès septembre 1792 le Collège de l’Égalité) : Palmer, The School of the French Revolution, p. 7, 11, 22, 33-34.
13 Œuvres, vol. X, p. 10-12 ; Palmer, R. R., The Improvement of Humanity : Education and the French Revolution. Princeton, NJ, Princeton University Press, 1985, p. 137-142.
14 Œuvres, vol. X, p. 35-42. Voir Rosso, « Les réminiscences spartiates », p. 69-76 ; Anderson, Wilda, « Régénérer la nation : les enfants terrorisés de la Révolution », MLN, vol. 117, 2002, p. 698-709.
15 Œuvres, vol. X, p. 69-70 ; Moniteur Universel, no. 91, 21 décembre 1793 ; Julia, Dominique, Les trois couleurs du tableau noir. La Révolution, Paris, Éditions Belin, 1981, p. 122-123.
16 Œuvres, vol. X, p. 292-293 ; Jourdan, « Robespierre and revolutionary heroism », p. 63-67 ; Rosso, « Réminiscences spartiates », p. 63-64.
17 Ozouf, La fête révolutionnaire, chap. vii. Voir le prospectus de la Feuille du salut public, le porte-parole du Comité, cité par Leith, James A., « The Terror : Adding the Cultural Dimension », Canadian Journal of History/Annales canadiennes d’histoire vol. 32, 1997, p. 315-337.
18 Baczko, Bronislaw, « Le calendrier républicain », in Nora, Pierre (éd.), Les Lieux de Mémoire, t. 1, La République, Paris, Gallimard, 1984 ; Perovic, Sanja, The Calendar in Revolutionary France, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2012 ; Shaw, Matthew, Time and the French Revolution : the republican calendar, 1789-Year XIV, Woodbridge & Rochester, NY, Boydell & Brewer, 2011. Robespierre n’était enthousiasmé ni par le nouveau calendrier, ni par la purge des noms chrétiens.
19 Palmer, Le gouvernement de la Terreur. L’importance fondamentale de la guerre est évidente dans les séries AN AF II 20-417, AF II* 1-305 and F7* 1-103 : vers 80 pour cent de ces vastes collections la concerne. Plus tard, en décembre 1794, Simon Duplay a fait des commentaires concernant le manque d’expertise de Robespierre : W 79, liasse 23.
20 Œuvres, vol. V, p. 282, 295 ; vol. VII, p. 263. Sur l’esprit patriotique des armées, voir Bertaud, La Révolution armée.
21 Voir Œuvres, vol. III ; AN F7 4433, plaque 2.
22 AN F7 4775/8-dossier Rouvet.
23 Œuvres, vol. X, p. 88. Voir Bell, David A., La première guerre totale : L’Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, Seyssel, Champ Vallon, 2010 ; Guiomar, Jean-Yves, L’invention de la guerre totale : viiie-xxe siècle, Paris : Le Félin, 2004. L’utilisation par Robespierre du mot « extermination » – banal à l’époque – a permis à Reynald Secher de l’accuser de « génocide » : Le génocide franco-français : La Vendée-Vengé, Paris, Presses universitaires de France, 1986, Conclusion.
24 Sur la structure et la nature de la « terreur », voir Biard, Michel, et Linton, Marisa, Terreur ! La Révolution française face à ses démons, Paris, Armand Colin, 2020, chap. 1 ; Martin, Jean-Clément, La Terreur. Vérités et légendes, Paris, Perrin, 2017 ; Jourdan, Annie, Nouvelle histoire de la Révolution, Paris, Flammarion, 2018 ; Biard (éd.), Les politiques de la Terreur.
25 Ladjouzi, Diane, « Les journées des 4 et 5 septembre à Paris. Un mouvement d’union entre le peuple, la Commune de Paris et la Convention pour un exécutif révolutionnaire », AHRF, no 321, 2000, p. 27-44 ; Jourdan, Annie, « La journée du 5 septembre 1793. La terreur a-t-elle été à l’ordre du jour ? », in Biard, Michel et Leuwers, Hervé (éd.), Visages de la Terreur. L’exception politique de l’an II, Paris, Armand Colin, 2014, p. 45-60.
26 Biard et Linton, Terreur !, chap. 2 ; Kelly, G. A., « Conceptual sources of the Terror », Eighteenth Century Studies, vol. 14 (1980), p. 18-36 ; Schechter, Ronald, A Genealogy of Terror in Eighteenth-Century France, Chicago et London, University of Chicago Press, 2018.
27 Cobb, Richard, Les armées révolutionnaires : instrument de la Terreur dans les départements, avril 1793-Floréal An II, 2 vols, Paris, Mouton, 1961, 1963.
28 La relation entre gouvernement révolutionnaire et violence populaire est discutée par Martin, Violence et Révolution ; Burstin, Haim, « Pour une phénoménologie de la violence révolutionnaire », Historical Reflections, vol. 29, 2003, p. 389-407 ; Wahnich, Sophie, La liberté ou la mort : essai sur la Terreur et le terrorisme, Paris, La Fabrique, 2003.
29 Œuvres, vol. X, p. 109-113. Voir Guillon, Robespierre, p. 256-275.
30 Œuvres, vol. X, p. 82-83 ; Godineau, Dominique, Citoyennes tricoteuses : les femmes du peuple à Paris pendant la Révolution française, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 129-177 ; Desan, Suzanne, « Jacobin Women’s Clubs », in Ragan, Bryant T. and Williams, Elizabeth A. (éd.), Re-creating Authority in Revolutionary France, New Brunswick, NJ, Rutgers University Press, 1992, chap. 1 ; Cerati, Marie, Le Club des citoyennes républicaines révolutionnaires, Paris, Éditions sociales, 1966 ; Rose, The Enragés, chs. 5-6 ; Sepinwall, « Robespierre, Old Regime Feminist ? ».
31 Jordan, « The Robespierre Problem », in Haydon et Doyle (éd.), Robespierre, p. 23 ; Jordan, « Robespierre and the Politics of Virtue », in Jourdan (éd), Robespierre – figure-réputation, p. 61-62.
32 Papiers inédits trouvés chez Robespierre, vol. 3, p. 3-55 ; Hamel, Histoire de Robespierre, vol. 1, p. 29-30 ; Stéfane-Pol, Autour de Robespierre, p. 69-71 ; Favone, M., Dans le sillage de Maximilien Robespierre : Joachim Vilate, Paris, M. Rivière, 1938 ; Palmer (éd.), Marc-Antoine Jullien, chap. 2 ; Gascar, Pierre, L’ombre de Robespierre, Paris, Gallimard, 1979 ; Linton, Marisa, « Fatal Friendships : The Politics of Jacobin Friendship », FHS, vol. 31, 2008, p. 51-76.
33 Papiers inédits trouvés chez Robespierre, vol. 2, p. 7-13 ; Lenôtre, G. Le Tribunal révolutionnaire (1793-1795), Paris, Perrin, 1908, p. 243.
34 Walton, Charles, Policing Public Opinion in the French Revolution. The Culture of Calumny and the Problem of Free Speech, Oxford et New York, Oxford University Press, 2009, p. 109-112, 133-134, 207-210. Voir l’exemple du comité révolutionnaire de la Section des Piques (la section de Robespierre) : AN F7 4778.
35 Popkin, La presse de la Révolution ; Gough, « Robespierre and the press », p. 124-126.
36 Œuvres, vol. X, p. 116-121 ; Hamel, Histoire de Robespierre, vol. 3, p. 139. Pour l’importance personnelle de ce discours pour Georges Lefebvre, voir Soboul, Comprendre la Révolution, p. 321.
37 Œuvres, vol. X, p. 132-134 ; Leuwers, Hervé, « Robespierre et la théorie du gouvernement révolutionnaire », in Forey, Elsa, Clère, Jean-Jacques, et Quiriny, Bernard (éd.), La pensée constitutionnelle de Robespierre, Paris, La mémoire du droit, 2018, p. 183-198 ; Hesse, Carla, « La logique culturelle de la loi révolutionnaire », Annales, vol. 57, 2002, p. 915-933.
38 Œuvres, vol. X, p. 133-136 ; Linton, « Conspiracies Real and Imagined », p. 132-136. Les députés exprimaient leur « gratitude » : Œuvres, vol. III, 197 ; Jacob, Robespierre vu par ses contemporains, p. 130-131.
39 Voir les analyses de Fichtl, La radicalisation de l’idéal républicain, p. 235-252 ; Kaiser, « Catilina’s Revenge », p. 191-192, 200.
40 Roland de la Platière, Jeanne-Marie, Mémoires de Madame Roland, Paris, Plon, 1905, vol. 2, p. 286 ; Reynolds, Marriage and Revolution, chap. 27-28.
41 Linton, Choosing Terror, p. 11-14.
42 Voir, par exemple, Œuvres, vol. IX, p. 275 ; vol. X, p. 71, 73, 110, 155, 166, 193, 278-279, 446.
43 Œuvres, vol. X, p. 43-45, 143-145, 278. Sur la tension entre « l’universalisme » de la Révolution et les intérêts nationaux, voir Mathiez, Albert, La Révolution et les étrangers : cosmopolitisme et défense nationale, La Renaissance du livre, 1918 ; Wahnich, Sophie, L’impossible citoyen. L’étranger dans le discours de la Révolution française, Paris, Albin Michel, 1997 ; Rapport, Michael, Nationality and Citizenship in Revolutionary France. The Treatment of Foreigners 1789-1799, Oxford, Clarendon Press, 2000, p. 202-203, 224-239 ; Raxhon, Philippe, « Robespierre et la Belgique : histoire et mémoire », in Jessenne, Deregnaucourt, Hirsch et Leuwers (éd.), Robespierre, p. 381-387.
44 Œuvres, vol. X, p. 167-184 ; Bénot, « Robespierre, les colonies et l’esclavage », p. 418-419. Pour une rencontre tendue entre Robespierre et un officier du ministère des Affaires étrangères, Jean-Victor Colchen, qui « l’exécrait », voir Lefebvre, Georges, « Robespierre et Colchen », AHRF, vol. 27, 1955, p. 1-4.
45 Des Jacobins de Strasbourg avaient exigé plus tôt une politique de traduction : AN F7 4433, plaque 2. Pour la diplomatie française voir Belissa, Marc, Fraternité universelle et intérêt national (1713-1795) : les cosmopolitiques du droit des gens, Paris, Éditions Kimé, 1998. Pour les relations avec l’Empire ottoman en particulier, voir Coller, Ian, Muslims and Citizens : Islam, Politics, and the French Revolution, New Haven et London, Yale University Press, 2020, p. 193-200 ; Firges, Pascal, French Revolutionaries in the Ottoman Empire. Diplomacy, Political Culture, and the Limiting of Universal Revolution, 1792-1798, Oxford, Oxford University Press, 2017.
46 Œuvres, vol. X, p. 226-232 ; Petit, Laurent, « Robespierre et le discours sur l’étranger : buts et limites d’une modélisation des nationalités », in Jessenne, Deregnaucourt, Hirsch et Leuwers (éd.), Robespierre, p. 315-336 ; Rapport, « Robespierre and the Universal Rights of Man ».
47 Œuvres, vol. XI, p. 397-415.
48 Sur la déchristianisation, voir Vovelle, Michel, 1793, la Révolution contre l’Église : de la raison à l’être suprême, Paris, Complexe, 1988 ; Kennedy, Michael, The Jacobin Clubs in the French Revolution, 1793-1795, New York, Berghahn Books, 2000, chap. 10.
49 Œuvres, vol. III, p. 213-214.
50 Œuvres, vol. X, p. 193-201.
51 Ibid., p. 238-240 ; Braconnier, Martine, « Robespierre et Couthon : de la raison à l’Être suprême : deux itinéraires », in Jessenne, Deregnaucourt, Hirsch et Leuwers (éd.), Robespierre, p. 185-186 ; Corbin, Alain, Les Cloches de la terre, Paris, Albin Michel, 1994, p. 33 et chap. 1.
52 Œuvres, vol. X, p. 246-251, 257-262 ; Wahnich, L’impossible citoyen, p. 185-200.
53 Cobb, Les armées révolutionnaires ; Brunel, Françoise, Thermidor, la chute de Robespierre, Bruxelles, Éditions Complexe, 1999, p. 16-17.
54 Gross, Égalitarisme jacobin et droits de l’homme.
55 Biard, Michel, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Vendémiaire. 2015.
56 Papiers inédits trouvés chez Robespierre, vol. 2, p. 199-217.
57 Barras, Mémoires, vol. 1, p. 181-187 ; Buisson, Henri, Fouché, duc d’Otrante, Bienne, Panorama, 1968, p. 52, 573-574 ; Biard, Michel, Collot d’Herbois. Légendes noires et révolution, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1995. En fait, peu de maisons ont été détruites.
58 See Hampson, Norman, « François Chabot and his Plot », Transactions of the Royal Historical Society, 5th series, vol. 26, 1976, p. 1-14.
59 Œuvres, vol. IX, p. 617-619 ; vol. X, p. 46, 52-53.
60 Œuvres, vol. X, p. 52-54, 219-225.
61 Desmoulins, Camille, Le Vieux Cordelier, Paris, Belin, 1977 ; Leuwers, Camille et Lucile Desmoulins, chap. 16.
62 Œuvres, vol. X, p. 253-255.
63 Ibid., p. 262-265, 283-292 ; Blanc, Histoire de la Révolution française, vol. 2, p. 676.
64 McPhee, Peter, Collioure et la Révolution française, 1789-1815, Perpignan, Le Publicateur, 1989, chap. 2-3.
65 Œuvres, vol. X, p. 272-283.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-14148-8
- EAN : 9782406141488
- ISSN : 2781-274X
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-14148-8.p.0225
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/12/2022
- Langue : Français