[Introduction de la première partie]
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Rituels de la vie publique et privée du Moyen Âge à nos jours
- Pages : 15 à 16
- Collection : POLEN - Pouvoirs, lettres, normes, n° 27
Le religieux est incontestablement le point focal de la ritualité, d’une ritualité collective et/ou communautaire, même quand cette ritualité suppose le mystère ou mobilise des initiés. Si elle engage d’abord le groupe, ou un groupe, la pratique religieuse implique aussi l’individu, et ce plus particulièrement dans le christianisme, lequel suppose une intériorisation de la croyance et une piété personnelle accompagnant, complétant ou prolongeant les cérémonies cultuelles collectives. La religion chrétienne constitue ainsi un espace où le rituel se déploie conjointement dans l’espace public et dans la sphère privée, phénomène étudié par les trois contributions de cette partie.
Sylvia Mullins s’intéresse ainsi, en les resituant dans le cadre plus large de l’usage de l’huile sainte dans le christianisme, aux différents rituels, privés et publics, recourant à l’huile miraculeuse des saints et saintes myroblytes dans l’Occident médiéval et aux rituels qui étaient associés à leur pouvoir de produire corporellement, de leur vivant ou après leur mort, une huile sainte et miraculeuse. Si ce pouvoir est globalement partagé entre figures saintes masculines et féminines, il apparaît que le nombre et la popularité des saintes myroblytes vont croissant avec le temps, atteignant une sorte d’acmé à la fin du Moyen Âge, grâce au développement volontaire et idéologique d’un discours hagiographique véhiculé par l’Église autour de ces figures particulières de saintes.
François Wallerich étudie pour sa part plusieurs récits de cas de détournement de l’eucharistie, ces détournements constituant autant de transgressions d’un rituel aussi éminemment sacré et public que celui de la communion. Ces récits, tous d’origine cléricale, qui se multiplient entre les années 1170 et 1230 environ et qui présentent à peu près un même schéma narratif, visent à combattre, en affirmant son nécessaire échec, une pratique apparemment en développement et par laquelle des laïcs, sans esprit de sacrilège, cherchent plutôt à capitaliser à leur profit, pour des fins domestiques et dans un espace privé, un pouvoir dévolu aux prêtres et à l’Église, laquelle réagit par une condamnation d’autant plus ferme qu’elle s’inscrit dans un mouvement plus vaste de lutte contre l’ignorance et la superstition.
16Fannie Caron-Roy porte quant à elle son attention sur un geste de piété personnelle, tout fait spectaculaire et signifiant, celui du cardinal Marco Sittico Altemps (1533-1595) qui commanda pour le studiolo de son palais romain un ensemble de fresques organisé autour d’une copie de la Madonna della Clemenza, dont l’original, une icône du viiie siècle, était l’objet d’une grande vénération populaire. L’article montre que l’original et sa copie occupent une place centrale au sein de programmes iconographiques célébrant chacun à leur manière les pouvoirs sotériologiques de la Vierge Marie, l’un destiné au public de fidèles, l’autre à l’usage privé du cardinal Altemps.