Book reviews
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue européenne de recherches sur la poésie
2023, n° 9. varia - Authors: Dotoli (Giovanni), Peñalver Vicea (Maribel), Selvaggio (Mario)
- Pages: 477 to 491
- Journal: European Journal of Poetry Research
Rimbaud vivant, « Revue des Amis de Rimbaud », no 61, 2022, 382 p.
Une revue qui continue sa bataille engagée pour le génie de l’un des grands poètes de l’humanité. C’est la revue officielle de la Société des Amis de Rimbaud, dont le président est mon ami Alain Tourneux, rimbaldien de fer et connaisseur profond des archives Rimbaud à Charleville-Mézières.
À travers ce périodique, les Amis de Rimbaud du monde entier se rencontrent, sur la lignée de son œuvre inépuisable. De temps à autre de belles nouvelles découvertes. Poètes, chercheurs, artistes, étudiants, lecteurs et fanatiques de cet immense poète essaient de mieux le comprendre.
Un Rimbaud vivant, justement, jeune comme ses yeux bleus, et qui éveille l’amour de la poésie chez des lecteurs de tout âge : un miracle de son texte, qui se révèle comme une mine d’or.
Dans ce numéro : un Rimbaud en marche, Neruda et Rimbaud, Rimbaud soufi, les derniers jours du poète, la guerre de 1870-1871 et Rimbaud, un Rimbaud ailé, et même Jazzman, de nouvelles acquisit4ions du Musée Rimbaud, une autre analyse du sonnet Les Voyelles, des illustrations, des portraits du poète, des notes de lecture, des témoignages éclairants, et la vie bien riche de l’Association Les Amis de Rimbaud.
Suivre cette revue, c’est avoir faim de Rimbaud, et de sa parole.
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
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René Boulanger et Jean-Pierre Heule, Jean Follain. Tout fait événement / pour qui sait frémir, avant-propos d’Yves Namur, de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, préface d’Élodie Bouygues, ayant-droit de Jean Follain, Willaupuits, Éditions Wapica, 2023, 302 p.
Un livre fabuleux, qui nous fait enfin comprendre le véritable Jean Follain. Les auteurs, mes amis René Boulanger et Jean-Pierre Heule, donnent ici au lecteur, à la critique et à la recherche, un texte qui passera à l’histoire.
Lisible comme un roman d’une vie, et simultanément profond de par ses lectures précises et solides, Boulanger et Heule nous introduisent dans l’œuvre d’un grand poète. On rencontre l’homme et l’histoire, et les thèmes principaux de l’œuvre du poète : les paysans, les végétaux, la femme et sa beauté, le malheur et la violence, la solitude, la fragilité de la vie, la permanence de l’objet, l’instant et le temps.
Le livre se boucle sur une anthologie très utile de la poésie de Jean Follain et sur une bibliographie qui ouvrira le pas à d’autres recherches.
300 illustrations décorent l’ensemble : un film dans le film de l’œuvre, pour aimer aussi via les images, en cette époque de communication par images.
Un modèle. Un hommage. Une lecture à fond, d’après une légèreté rare. On comprend que, comme le dit Paul Éluard, « la poésie est le reflet du monde ». Ici toute page est le reflet de Jean Follain, un poète à lire, et qui mérite une place importante dans le panorama poétique du xxe siècle.
Max Jacob a raison : « Toutes les fois que j’ai besoin de paix, de consolations, d’amour, d’élargissement, je prends, sans même y penser, un Follain ». Suivons ce conseil. Après lecture, nous serons plus heureux et plus calmes. Et aimerons la poésie avec plus d’énergie.
Giovanni Dotoli
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Ces mots traversent les frontières, anthologie réunie et présentée par Jean-Yves Reuzeau, Montreuil, Le Castor Astral, 2023, 468 p.
On pourrait dire : c’est une anthologie à la mode. La question des frontières et des migrants est à la une, à tel point que l’on n’en parle presque plus.
Et toutefois, ce texte parle comme la voix dans le désert, comme le sang qui s’écoule dans la mer, comme les milliers de morts qui sont au fond des abîmes de la Méditerranée et de toute mer de migration.
111 poètes contemporains, d’un âge qui va de vingt à cent trois ans, lisent notre temps de violence, de guerre – oui de guerre ! – et de frontières.
Quel paradoxe ! D’un côté le monde devient petit, de l’autre on construit des murs et des frontières. Mais la poésie de ce livre est anti-frontière. Elle sort du « tourbillon de notre époque » (p. 7). Les bombes, les tankers, les exils, la faim, la volonté d’aller coûte que coûte, mettent en évidence le désir de liberté, et d’envol.
Miracle : il y a plus de femmes poètes que d’hommes. La poésie engagée se fait voix féminine. La femme est performante et s’écrie de sa voix forte. Toute sorte de femme : chanteuses, plasticiennes, circassiennes, oulipiennes, dans l’émotion de la langue française.
L’histoire s’accélère. Et alors le poète parle, s’engage, affirme, s’exclame, contre murs et barrières. Comme le dit Mallarmé, il a le droit de parler. Et il parle, comme la voix de Dieu.
Une nouvelle identité apparaît. Le flux migratoire donne aussi un espoir : en lisant ces poèmes nous ouvrirons les yeux et nous affirmerons que le monde est à tout le monde, c’est-à-dire à l’Homme, qui ne sera plus « étranger ».
Giovanni Dotoli
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Jean-Paul Morel, Le dernier cercle zutiste, vu par Charles Cros, Louis Marsolleau, Ernest Raynaud & Laurent Tailhade, Paris, Éditions Ex Nihilo, 2023, 48 p.
Mon ami Jean-Paul Morel, ancien journaliste au Matin de Paris,a un mérite énorme. Il déniche toujours des documents inédits, ou peu connus, sur des questions fondamentales. Par son sens de la recherche, par son œil d’aigle, par sa vision du texte important qui donne un sens à l’histoire, le voilà aller par monts et vallées d’archives privées, aussi importantes que les publiques, ouvrir à la science ce qu’elle n’avait pas retenu.
C’est le cas de ce petit livre. Un bijou. Un document qui éclaire et démythifie tant de discours sur les zutistes. Morel souligne à juste titre que l’on s’est arrêté à Arthur Rimbaud et Paul Verlaine, pour la célèbre période mi-octobre - mi-novembre 1871.
Ce moment est suivi d’un deuxième moment, auquel adhèrent Germain Nouveau, Paul Bourget, Jean Richepin, Raoul Ponchon et Maurice Bouchor.
Mais on oublie une troisième volée, l’été 1883, qui dure jusqu’à Noël de cette année-là. Jean-Paul Morel récupère cette période capitale, via des témoignages importants d’Ernest Raynaud, Louis Marsolleau et Laurent Tailhade.
Décadents et symbolistes s’ouvrent à la vérité de l’histoire. Morel nous offre des lectures par lesquelles on est invités à revoir l’histoire du symbolisme. Et il redonne justement un rôle essentiel au Chat noir de Rodolphe Salis, lequel annonce le redémarrage des zitustes dans son numéro du 18 août 1883, p. 128. Bonne lecture et bonnes découvertes.
Giovanni Dotoli
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Camille Aubaude, La Maison des Pages / La Casa delle Pages, Paris, Maison des Pages éditions, 2019, 320 p. Troisième édition revue et corrigée.
Un livre passionnant, unique, dans le panorama de la littérature contemporaine. Un livre qui sort de la nuit de l’histoire, pour la rendre plus lumineuse et plus fascinante, riche en mystères et en parcours de mythes et d’écriture.
C’est une réédition, mais non seulement corrigée. Surtout avec en regard la traduction en italien – on ne donne pas le nom de l’auteur de la traduction –, dans une belle langue de Dante, qui pénètre profondément le texte original de l’autrice.
J’ai déjà écrit que Camille Aubaude a le sens de la connaissance. La Maison des Pages est un merveilleux voyage au cœur de la connaissance, c’est-à-dire de l’homme.
On est face à des visions, des fantômes, des images de Léonard de Vinci, de Charles VII et d’autres personnages de l’histoire, mais tout se passe dans le silence discret du texte. Aubaude dialogue avec autrefois et aujourd’hui. Elle comprend que c’est un film de mythes et d’enchantements, et même de magies.
Elle a le style d’un andante à la Claude Debussy. Ce n’est pas par hasard que le texte s’ouvre par une citation de l’Imitation de Jésus-Christ, autrefois l’un des textes les plus connus et les plus lus. « Ne vous appuyez point sur un roseau qu’agite le vent et n’y mettez pas votre confiance, car toute chair est comme l’herbe et sa gloire passe comme la fleur des champs » (p. 5).
Voilà ce que tout le monde devait savoir. Et Camille Aubaude le sait. Ses mots voyagent par les murs d’une maison ancestrale et par les traversées de son cœur. Les allégories se font vie dans le passé et dans le présent. Le rythme de la phrase est celui du mystère. La poésie assume le sens de la dignité de l’homme, si forte à l’époque qui sous-entend tout le voyage par la Maison des Pages, lequel illumine nos yeux.
Giovanni Dotoli
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Jean-Michel Maulpoix, Les cent mots de Verlaine, Paris, Presses Universitaires de France, « Que sais-je ? », 2021, 128 p.
Je le déclare ouvertement. J’aime l’auteur de ce livre. Il a un sens de la poésie unique, rare, pénétrant, fascinant. Poète lui-même de grande qualité – l’une des voix les plus importantes de nos jours –, le voilà partir à la lecture du poème et de voix centrales de la grande poésie universelle.
Après avoir publié Les 100 mots de la poésie, dans cette même collection la même année, le voilà appliquer ses théories et son sens de l’histoire à l’un des poètes les plus importants de la littérature française et de la littérature universelle : Paul Verlaine.
J’ai déjà eu l’occasion de parler de « révolution de Verlaine ». Dans ce petit livre, Jean-Michel Maulpoix va au-delà, avec aisance, sens de la matière, capacité de tenir le sujet. Il était très difficile de concentrer tout Verlaine plus ou moins en une centaine de pages. Mais Maulpoix est un magicien de l’histoire résumée, et sans diminution.
Les 100 mots de Verlaine sont des pierres d’angle d’une grande suggestion et profondeur. On va d’âme à zutistes, via ballade, chair, lune, lyrisme, mort, musique, violence, vers, voix. Verlaine se dévoile de l’intérieur. On a envie de le lire tout de suite, de goûter ses « sanglots », d’entendre ses « violons » et ses langueurs monotones.
Verlaine apparaît dans sa réalité. Ce qu’il est vraiment. Il n’est plus insaisissable. C’est un homme. Un poète-homme, parnassien et décadent, catholique et révolutionnaire, zutiste et traditionnel, « un primitif organisé », d’après le mot heureux de Paul Valéry.
On revisite Verlaine, comme une figure centrale de l’époque qu’il vit, pour nous inviter à le relire et à éprouver de nouvelles émotions. Verlaine ne finira jamais de nous étonner.
Giovanni Dotoli
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Le goût de la poésie française, textes choisis et présentés par Franck Médioni, Paris, Mercure de France, « Le Petit Mercure », 2014, 194 p.
Un petit livre peut aider à essayer de sauver la poésie, ou plutôt à la relancer, en un monde qui ne l’aime plus comme autrefois. Dans une collection qui est un projet de qualité, moderne et ancien simultanément, l’auteur Franck Médioni concentre le mieux de la poésie d’expression française.
On a la sensation forte que la poésie est. Elle n’est pas en crise, comme on le crie aux quatre vents, pour la diminuer et dire qu’elle n’a aucun rôle, à l’époque de la globalisation et du simultanéisme des ondes et des fréquences.
Par une ample palette d’écriture, l’auteur d’un choix bien réussi gouverne toute la poésie française, en un paysage sensible et bien choisi. Tout style est accueilli. La poésie avance. Elle ne vieillit jamais. Elle parle de nos jours comme au temps d’Homère. Et elle frappe notre âme. De Charles d’Orléans et de François Villon l’immense jusqu’à Jean-Paul Maulpoix, que je viens d’honorer, c’est une traversée de parole poétique qui nous fait rêver.
La division en anciens et en modernes n’est pas au fond nécessaire. Il n’y a pas de coupure. Il y a l’histoire, qui a ses rythmes et ses illuminations. Ronsard aime. La Fontaine dialogue avec les animaux. Mallarmé nous dit que « la chair est triste, hélas ! » et que nous avons « lu tous les livres », sans pénétrer la vérité – mais peut-on le faire, sans bloquer le cours de l’histoire ? Jacques Prévert est justement avec les grands. Le poète est un législateur de ce monde (Claude Pélieu), il a « l’angoisse des fontaines » (Yves Bonnefoy), a le sens des mots (Vénus Khoury-Ghata), utilise une langue poétique et naturelle (Chistophe Tarkos), fais des « pas sur la neige » (Jean-Michel Maulpoix).
Le poète voit. Au-delà des choses. Non pas par symboles. Mais par route de la vérité. Il est absent des médias ? Qu’importe. Sa voix traverse l’histoire et la gouverne, la signifie, lui donne le sens de l’expérience, du lieu, de la langue.
484C’est une anthologie que n’est pas une anthologie. C’est un médaillon de la poésie vraie, un livre à tenir sur la table de nuit, pour lire quelques vers ou quelques mots, avant de passer du rêve du texte à celui de la nuit restauratrice.
Giovanni Dotoli
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Andrea Schellino, La pensée de la décadence de Baudelaire à Nietzsche, Paris, Classiques Garnier, « Baudelaire », 2020, 656 p.
Andrea Schellino me conduit de surprise en surprise. Je connais ses recherches et sa méthode et je l’apprécie de plus en plus, fasciné par ses lectures.
Docteur de Sorbonne Université, maître de conférences à l’université Rome III, éditeur du Spleen de Paris de Baudelaire, des textes de Verlaine sur Rimbaud et d’un numéro de L’année Baudelaire consacré au phare baudelairien Claude Pichois et collaborateur de l’édition des Romans et nouvelles de Huysmans, pour la Bibliothèque de la Pléiade, dans ce livre il se dépasse.
Je l’affirme en toute conscience : cette recherche est un chef-d’œuvre, D’autant plus qu’il s’agit d’un sujet difficile, qui nous fait trembler.
Andrea Schellino a le pouvoir de la synthèse et de la profondeur. Entre Baudelaire, l’un de ses phares – il est coresponsable du Groupe Baudelaire de l’Institut de textes et manuscrits modernes de Paris – et Friedrich Nietzsche, il va aux sources du concept de décadence.
Ainsi Baudelaire, qui a du se défendre de l’accusation de décadent, se révèle comme le poète de la modernité qui sait analyser au maximum le concept de décadence, en en faisant une mine pour sa poésie.
485Schellino va aux sources de la pensée de Baudelaire et réussit en une opération complexe et même risquée : associer Baudelaire et Nietzsche. Comme un miracle a lieu : Nietzsche explique Baudelaire, et Baudelaire explique Nietzsche. La littérature se fait dialogue entre deux grandes âmes. Le pessimisme et le nihilisme sont autres. La décadence est un discours métaphysique, une prise de conscience du rythme de l’histoire.
Nietzsche n’affirme-t-il pas que « les idées véritables chez les vrais poètes sont toujours voilées, comme les Égyptiennes » (p. 9) ? Et Andrea Schellino les dévoile, avec un sens unique de la critique, de la philosophie, de la recherche en profondeur. On ne pourra plus étudier Baudelaire sans partir aussi de ce livre. La modernité est plus complexe qu’on ne l’affirme. Ses sources remontent dans le cours de l’histoire.
Et Baudelaire et Nietzsche, à l’unisson, se présentent dans leur lumière réelle, qui nous illumine.
Giovanni Dotoli
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Michèle Monte, La Parole du poème. Approche énonciative de la poésie de langue française (1900-2020), Paris, Classiques Garnier, « Investigations stylistiques », 2022, 692 p.
La Parole du poème. Approche énonciative de la poésie de langue française (1900-2020) est un ouvrage inhabituel et réfléchi, qui propose un nouveau regard sur l’étroit rapport entre linguistique et poétique. Pour ce faire, l’auteure, Michèle Monte, se propose de tisser les liens entre ces deux disciplines. En effet, pendant très longtemps, la linguistique n’a pas été en mesure de déterminer, par elle-même, la pertinence des outils qu’elle apporte à la poétique. L’approche énonciative, mise en œuvre par 486Monte, permet de contrebalancer ce manque. S’appuyant sur de nombreux spécialistes et écrivains-poètes, elle met en évidence, d’emblée, ce “destinataire idéal”, salué par Gleize en 1983, pour rendre compte de l’importance accordée au lecteur du poème. Elle rappelle opportunément qu’au xixe siècle, on assiste à une focalisation excessive sur le poème, qui négligera le rapport énonciatif dont il se réclame. En dépit des apports théoriques de Jakobson sur la poétique, le structuralisme fera abstraction de l’énonciation, renforçant, par corollaire, la “lecture intransitive du poème”, pour garder les propres mots employés par Monte. Ceci dit, l’auteure s’attache à une analyse énonciative de la parole en poésie, partant de l’hypothèse que tout poème devient une parole s’adressant à un lecteur qu’il sollicite pour forger son interprétation.
Le corpus établi se compose de poèmes français, depuis le début du xxe siècle jusqu’à l’année 2010. Il est centré notamment sur la poésie de l’Hexagone, ainsi que de poèmes d’auteurs suisses et belges.
Cette approche discursive ne saura même pas négliger des questions fondamentales en poétique, telles que l’opacité sémantique, par exemple, qui, venant des allotopies textuelles, est fréquente dans les poèmes. Pour la chercheuse, la réception du poème, lors de la construction de l’interprétation, est prioritaire. Monte convoque, tout d’abord, la notion de « diction », proposée par Genette en 1991, pour rappeler que les critères formels, repérés par le lecteur dans certains messages publicitaires, ne sont pas suffisants et déclenchent une attitude de réception spécifique. Elle estime qu’une approche énonciative contribue à une interprétation optimale. En développant une visée linguistique de l’énonciation poétique, elle montrera la façon dont le lecteur peut construire l’éthos discursif de son énonciateur.
Dans une perspective d’analyse du discours, l’auteure propose des analyses systématiques du fonctionnement de marques interlocutives (apostrophes, déictiques, etc.), ainsi que d’autres relevant du dialogisme. Grâce au choix judicieux de nombreux poèmes, l’auteure fait la démonstration que le lecteur réussit à construire l’éthos de l’énonciateur dans le poème. De même, elle montre que la poésie travaille « l’ancrage énonciatif de façon à y introduire du jeu », tout en déstabilisant la linéarité du temps.
L’auteure est (re)connue pour ses nombreux travaux en sémantique, analyse du discours ou argumentation dans le texte poétique, 487en particulier pour ses publications, précieuses, sur l’apostrophe, la rhétorique, les (in)stabilités de sens dans les énoncés métaphoriques en poésie, etc. Ses analyses confirment à quel point l’étroitesse des rapports entre la linguistique et la poétique est toujours nécessaire. Elle offre ainsi une excellente contribution à l’épistémologie des théories énonciatives modernes en matière de poésie.
Maribel PeñalverVicea
Université d’Alicante, Espagne
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Patrick Picornot, À Paris dans les pas des poètes. Quatorze promenades, Saint-Martin de Nigelles, Flammes Vives, 2016, 352 p.
Patrick Picornot est l’un de mes meilleurs amis. Dès notre premier rendez-vous, j’ai été frappé par son amour pour Paris, son sens de l’histoire et sa vie en poésie.
Sa vie nous dit tout : sculpteur-décorateur chez Lalique, puis bibliothécaire, enfin poète et lecteur de poésie. Il a obtenu des dizaines de prix, pour sa vie en poésie, en poète et en organisateur de la vie des poètes.
Avec Aumane Placide, il crée en 2009 l’association Parole et Poésie, et en 2010 la revue de poésie Rose des temps.
Et à ce titre de poète interprète de poésie, Patrick Picornot est le plus grand flâneur parisien de poésie. Il dépasse Guillaume Apollinaire et tous les autres, à la découverte d’endroits, de rues, de plaques, de mystères. Ses promenades sont mythiques et passionnantes.
On apprend, on aime, on rêve, on cherche les secrets des textes, aussi par les lieux. Les poètes parisiens de toute époque, par un amour unique pour cette ville magique, vont dire leur parole.
488Ainsi, Patrick Picornot publie ce livre en 2016. « Sous le pavé la plage », le cri de Mai 68, devient l’étoile de ses promenades. Les poètes de Paris passent et repassent, marchent, regardent la lune et les étoiles, et surtout nous parlent en amis, et en frères. Plus d’« esthétique démodée » à la Georges Pompidou, mais le poète dans la vie, par les lieux de ses rêves et de ses mouvements. Le lieu est création, engagement, projection du regard sur le monde. « Le vieux Paris n’est plus » de Charles Baudelaire n’est plus valable : Paris revient de nouveau. Il est cœur et parole, hymne à la ville et jour le jour. Gérard de Nerval, Baudelaire, Léon-Paul Fargue, Francis Carco, et même des poètes moins connus ou des inconnus flânent par Paris, à la recherche de leur âme. Nous les accompagnons, en fidèles amis, dans une joie réciproque, sous la magie de Patrick Picornot, homme sans temps et de tout temps, pourvu qu’il soit poétique.
Mais Patrick Picornot ne s’arrête pas. Chaque promenade génère une autre promenade. Il vient de publier dans ma collection « L’Orizzonte » un autre livre parisien : Poètes du peuple à Paris au fil du vingtième siècle, 2023, 320 p. J’en parlerai dans l’une de mes autres revues, Noria.
Giovanni Dotoli
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Arthur Rimbaud, Scritti africani, traduzione e cura di Gabriel-Aldo Bertozzi, Diana Edizioni, 2022, 168 p.
Gabriel-Aldo Bertozzi est l’un des plus célèbres connaiseurs de l’œuvre d’Arthur Rimbaud. Il lui a consacré des ouvrages importants, avec parfois de nouvelles hypothèses de recherche.
Depuis ses premières recherches, il a été frappé par le Rimbaud méconnu ou au moins peu connu, celui d’Afrique, sur la lignée des recherches de Mario Matucci.
489Dans ce livre en italien, Gabriel-Aldo Bertozzi a une intuition que je partage : il considère les écrits africains comme la troisième œuvre du poète. En effet, lettres, articles et notes de voyage révèlent un Rimbaud inédit, voyageur et géographe, explorateur et homme attentif à la nature, comme le prouve Giovanni Dotoli dans l’un de ses livres rimbaldiens (Rimbaud, l’Italie, les Italiens. Le géographe visionnaire, Fasano – Paris, Schena – Presses de l’Université Paris – Sorbonne, 2004).
Bertozzi nous montre justement un Rimbaud auteur de reportages, tel un envoyé spécial qui lit le paysage et les hommes, surtout dans ses lettres à sa mère, à sa sœur et à ses amis.
C’est comme si sa vie unique marche vers l’accélération de la vision, qui sera bientôt celle de la mort. Un Rimbaud donc qui se fait anthropologue, curieux, attentif à la sociologie, dans une langue qui annonce celle de l’avenir, de la presse et des enquêtes.
L’écrivain rebelle et révolutionnaire, le mythe des jeunes et de tout révolté, parfois connu plus pour son nom que pour son œuvre, devient l’‘ingénieur’ d’un monde nouveau (encore Dotoli, dans son livre Rimbaud ingénieur, préface d’Alain Tourneux, conservateur du Musée Rimbaud à Charleville-Mézières, Fasano – Paris, Schena – Presses de l’Université Paris – Sorbonne, 2005).
Arthur Rimbaud est alors l’écrivain qui écrit toute sa vie, qui change de registre, qui constamment jette son regard vers la modernité et le monde qui viendra.
On est face à un petit livre, en traduction des textes rimbaldiens en italien, qui fait rêver et qui nous invite à relire Une saison en enfer et les Illuminations.
Mario Selvaggio
Université de Cagliari
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Éros baroque. Anthologie thématique de la poésie amoureuse, édition de Gisèle Mathieu-Castellani, Paris, Classiques Garnier, « Textes de la Renaissance », 2022, 320 p.
Cet ouvrage, déjà paru en 2007 dans la collection « Textes de la Renaissance », se confirme un monument pour la poésie entre la fin du xvie siècle et le début du xviie.
L’auteur, Gisèle Mathieu-Castellani, est une grande spécialiste de la littérature de la Renaissance. Professeur émérite de l’université Paris Diderot, elle a publié des recherches capitales sur la littérature du xvie siècle et sur la période baroque. Ses œuvres sur Montaigne, Marguerite de Navarre, Agrippa d’Aubigné et Pontus de Tyard font date, et sont de points de repère incontournables. Ainsi que ses études de la rhétorique des émotions, dont Les Larmes d’Augustin.
La réédition de cette anthologie capitale est un événement à saluer avec la plus grande joie. Faisant suite aux travaux de Jean Rousset sur la poésie et la littérature baroques, Gisèle Mathieu-Castellani présente par thèmes la poésie baroque, comme dérivant d’un monde uni et pluriel, qui exprime une philosophie de la vie et de la mort.
La métamorphose apparaît dans toute son importance. Le néo-pétrarquisme est plus vivant que jamais. La structure elle-même de la poésie voyage vers une modernité, dans un hédonisme qui révèle une angoisse typique de l’époque.
L’esthétique maniériste se confond avec l’esthétique baroque, en devenant une seule proposition générale. Dans cette anthologie, on entre au cœur de l’imaginaire baroque, qui choisit la mort pour prouver la fragilité de l’homme.
Les titres des parcours thématiques sont réels et fascinants : Les plaisirs et les jeux, Portraits, Paysages baroques, L’espace de la nuit, Figures mythiques.
Une bibliographie et un glossaire très utile complètent l’œuvre, en nous permettant de mieux lire une période complexe qui n’a pas encore 491trouvé la pleine et juste reconnaissance. On lit hélas encore de quelques critiques qui n’acceptent pas que la France ait une littérature baroque, laquelle est par contre de toute évidence et de grande importance.
Mario Selvaggio
- CLIL theme: 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN: 978-2-406-16567-5
- EAN: 9782406165675
- ISSN: 2555-0241
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-16567-5.p.0477
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 02-28-2024
- Periodicity: Annual
- Language: French