Comptes rendus
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue européenne de recherches sur la poésie
2021, n° 7. varia - Authors: Dotoli (Giovanni), Devincenzo (Giovanna), Cavallini (Concetta), Selvaggio (Mario)
- Pages: 245 to 267
- Journal: European Journal of Poetry Research
Alain Génetiot, Camille Venner, sous la direction de, Anges et poésie du Moyen Âge à nos jours, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2021, 376 p.
Voici un livre que j’aurais aimé promouvoir. Moi-même je suis l’auteur d’un livre sur l’ange (L’angelo custode, préface de Ralph Heyndels, Fasano, Schena Editore, « Poesia e racconto », 2005, 108 p., traduction en français : L’Ange gardien. Poème, par Mario Selvaggio, Paris, Alain Baudry & Cie, « Les Voix du Livre », 2013), et aussi d’un oratorio sur l’ange (Dialogo con l’Angelo custode) dont la musique est du musicien Paolo Lepore.
Alain Génetiot est professeur de littérature française à l’université de Lorraine, spécialiste du classicisme et directeur de la Revue d’Histoire littéraire de la France.
Camille Venner est l’auteure d’une thèse intitulée Édition critique des Poësies chrestiennes d’Antoine Godeau.
On est donc face à des spécialistes de première qualité. Ce livre confirme toute leur sapience. L’ange est une figure privilégiée de la poésie chrétienne. Il est chanteur et prophète : c’est le personnage de la médiation entre terre et ciel. C’est pourquoi, depuis des siècles, il est un grand symbole de l’inspiration des poètes.
On rencontre ici le poète en relation avec le divin et ses personnages. L’ange est une figure qui combat le mal. Il est à côté de l’être humain toute sa vie durant. Figure de dévotion, il est aussi figure matérielle, qui nous fait « apprécier l’essence même de la poésie » (p. 14).
Les anges sont les bras droits de Dieu et les accompagnateurs de l’homme en notre monde. Ils le rassurent comme de douces mères. À voir les célèbres vers de Verlaine (Liturgies intimes, extrait) :
Les anges et les archanges
Qui réveillent les bergers,
Voix d’espoir et de louanges
Aux hommes encouragés,
Priment dans l’azur sans voile
La miraculeuse étoile…
246Les plus grands spécialistes du sujet nous font rêver, dans ce livre qui ouvre des pistes plurielles importantes. On découvre même des Anges poétiques des Lumières (Sylvain Menant). Alain Génetiot a raison : Modèle angélique et parole poétique (p. 331-340), à l’unisson. Une bibliographie immense nous aide à aller au-delà, vers les mystérieuses terres du ciel.
Giovanni Dotoli
Université de Bari Aldo Moro
Cours de Civilisation française
de la Sorbonne
*
* *
Christoph Groß, Agonie et extase. Baudelaire et l’esthétique de la douleur, Paris, Classiques Garnier, « Baudelaire », 2021, 440 p.
Le sujet de ce livre m’intéresse au maximum, en première personne. J’ai travaillé une vie sur ce même sujet et en 2019 j’ai publié le livre La douleur de Baudelaire, Paris, Hermann, 496 p., dans ma collection « Vertige da la langue »
Surprise, mon livre n’est pas dans la bibliographie de celui-ci. Mais cela est secondaire. Ce qui est capital c’est le sujet. Et par l’un des miracles de la science et de la recherche, Christoph Groß et moi nous parvenons à des conclusions similaires, sans nous connaître.
Je considère donc ce livre d’un regard ultra-positif. C’est la confirmation que le thème de la douleur est l’axe de l’œuvre de l’immense poète Charles Baudelaire.
Avant nous, on voit la douleur surtout sur le plan physique et psychique, sans la mettre en relation avec l’esthétique baudelairienne.
247Par contre, chez Baudelaire, la douleur est complexe et polyvalente. Elle se situe en un croisement pluriel, d’esthétique, de religion catholique, de médecine et de morale.
La douleur devient le moteur central de la poésie et de la pensée de Baudelaire. Les Fleurs du mal, Mon cœur mis à nu et Fusées, et même Pauvre Belgique, prennent un autre chemin.
La douleur devient un « labour » (Un mangeur d’opium) et « une problématique cruciale » (p. 13). La poétique se dolorise – mon néologisme – et se fait « une perlaboration esthétique du ressenti de la douleur : perlaboration qui implique des éléments d’une confrontation, mais aussi d’un consentement, puis d’une traversée poétique de la souffrance » (ibid.).
Les Fleurs du mal sont un « herbier de la souffrance » (ibid.), par correspondances, proximité, sincérité et dissimulation, dans une ironie sublime.
Ainsi l’auteur de ce livre analyse-t-il « la fonction à la fois poétologique et esthétique de la douleur dans l’œuvre de Charles Baudelaire » (p. 13-14), aussi en un contexte sociologique et médical du temps.
Nous comprenons enfin l’exactitude de l’expression baudelairienne, « extraire la beauté du Mal » (Œuvres complètes, Pléiade, I, p. 181, Les Fleurs du mal).
Trois sont les axes de la douleur chez Baudelaire, d’après Christoph Groß, la valence négative, l’intensité, l’évidence. Cela lui permet de créer une poétique de la douleur, avec « l’esthétisation de la souffrance » (p. 36).
Chez Baudelaire, la douleur n’est pas un « phénomène biographique » (p. 17), mais un pilier d’esthétique. L’auteur a pleinement raison.
Un livre à lire, à utiliser, à interpréter, à l’unisson avec le mien. Baudelaire se fait plus lumineux et plus clair.
Giovanni Dotoli
*
* *
Denis Saint-Amand, Robert St. Clair, sous la direction de, Parade sauvage. Revue d’études rimbaldiennes, Paris, Classiques Garnier, n. 31, 2020, 348 p.
Ce numéro de Parade sauvage, revue créée en 1984, anciennement publiée par la ville natale d’Arthur Rimbaud et sa bibliothèque municipale, une mine rimbaldienne, puis reprise par les Classiques Garnier, et son grand directeur Claude Blum, est capital.
À plusieurs raisons. D’un côté c’est un « livre » conçu et réalisé au cœur de la pandémie, de l’autre il touche uniquement les poèmes de 1870, année-clef où notre poète n’a pas encore seize ans.
Je suis témoin d’une recherche universitaire bouleversée : bibliothèques fermées, impossibilité de discuter de visu, isolement, angoisse, incompréhension, exaspération. Et toutefois une force magique qui attire les chercheurs les fait réunir idéalement, sous le signe de la grande poésie de Rimbaud.
Le Poète lui aussi, en 1870, se sent comme confiné. Il cherche la « liberté libre », nous invite à travailler, s’envole vers Paris et se fait arrêter à la Gare du Nord étant sans billet.
Quelle aventure ! 1870 est l’année cruciale de la poésie du Carolopolitain. Il « voit » son aventure poétique, il est en pleine révolution avec le monde.
Ce numéro nous confirme qu’« il reste encore bien des choses à lire dans l’œuvre rimbaldienne » (p. 12). Le Rimbaud qui écrit à Banville le 24 mai, par ambition et folie, est déjà celui du Bateau ivre qui viendra l’année suivante. La révolution se construit par la parole, face à un monde qui disparaît.
Défaite de Sedan, Napoléon III fait prisonnier, l’Empire qui s’écroule comme un château en ruines. Toute révolte, « esthétique, politique et sociale » (p. 12) est là, dans le soi-disant Cahier de Douai.
C’est ce type d’hommage dont a besoin Rimbaud, sans pompe, sans panache, la tête dans la poésie, pour crier au monde la liberté et la vie.
Tous les sujets traités – impossible d’en faire la liste – m’enchantent. Un autre grand pas en avant de la recherche rimbaldienne.
Giovanni Dotoli
249*
* *
Revue Verlaine, n. 18, 2020, Paris, Classiques Garnier, 290 p.
Cette revue commence à entrer dans l’histoire incontournable de la réception critique de Paul Verlaine. 18 numéros c’est déjà une encyclopédie Verlaine, une contribution fondamentale pour essayer de mieux comprendre ce grand poète, parfois trop analysé sur la base du biographique.
Ce « livre » se divise en deux parties : 1. Verlaine et la langue, 2. Microlectures. Verlaine et la langue, quel beau sujet !
Verlaine est en avant, sur le plan linguistique. Il suit l’évolution du français, valorise celui des pays que l’on appellera francophones, lance des expérimentations linguistiques. Il veut « trouver une langue », et il la trouve. C’est son « souci » (p. 15). Il la défigure à sa guise, en parvenant à la grande poésie. Ailleurs, j’ai parlé de révolution de Verlaine. Je confirme cette expression.
« Il conteste une hiérarchie sans l’inverser » (p. 13) et immerge la poésie « dans une dynamique des alliances » (ibid.). « Verlaine bizarrement moderne », intitule Jean-Michel Gouvard (p. 25-42). C’est très exact. Verlaine emploie la rhétorique à sa façon.
C’est tout un chemin de la recherche qui s’ouvre. Les outils informatiques sont très utiles pour le confirmer.
Comme pour son frère Rimbaud, il y a encore tant de choses à découvrir chez l’auteur de Sagesse.
Giovanni Dotoli
250*
* *
Rimbaud vivant. Revue des Amis de Rimbaud, n. 58, 2019 et n. 59, 2020, 290 et 294 p, Paris, Les Amis de Rimbaud.
Ces deux numéros de la revue de la Société des Amis de Rimbaud, anciennement appelée « Bulletin », en continuent la marche utile et splendide. Le nouveau président de la Société, Alain Tourneux, ancien directeur du Musée Rimbaud et de la Bibliothèque municipale Charleville-Mézières, en assure la publication régulière, ce qui est un miracle par les temps que nous venons de vivre et que nous continuons hélas à vivre.
Amis, admirateurs et chercheurs à l’unisson, avec artistes et lecteurs, à la découverte de ce qu’Alain Borer appelle la « Poévie », poésie et vie, d’Arthur Rimbaud, de plus en plus mondialement reconnu comme l’étoile de la poésie française et mondiale.
Arthur Rimbaud se présente ici toujours entre le monde ardennais et l’universel, le local dont il est parti et son aura dans toute région de la planète.
Une grande question se présente : Rimbaud et Verlaine au Panthéon, ensemble ? Je suis tout à fait favorable. La Société des Amis de Rimbaud a ouvert le débat.
L’enfant prodige de Charleville nous apparaît de plus en plus jeune. Sa poésie n’a pas d’âge. Elle a celui du cœur, le nôtre. La revue « Parade sauvage » le confirme dans chaque numéro.
Giovanni Dotoli
251*
* *
Carlo Ossola, Les 100 mots de Baudelaire, Paris, « Que sais-je ? », 2021, 128 p.
Ce petit livre de la belle collection des « 100 mots de… », est une mine, un trésor, un diamant. Il était presque impossible d’accepter la tâche de réduire le vaste Baudelaire en cent mots.
D’où commencer ? Par où aller ? Quels chemins privilégier ?
À l’occasion du deuxième centenaire de la naissance du poète – moi aussi, avec Pierre Brunel et Mario Selvaggio, je vais publier une recherche collective chez Hermann, dans ma collection « Vertige de la langue », titrée, Baudelaire, un moderne de 200 ans.
Comment ne pas évoquer la coïncidence astrale de la connaissance entre Charles Baudelaire et Gustave Flaubert, pour leur naissance et leurs procès – atteinte à la morale publique –, la même année, en 1821 et en 1857 ?
Deux destinées sur la même lignée. Mais l’un est condamné, l’autre est acquitté. Mystère de la justice terrestre. Bien évidemment, le roman ne gagne pas sur la poésie. Les deux gagnent, simultanément. Et Carlo Ossola le prouve partout, d’une façon magistrale.
Baudelaire, ce dandy de toutes les photos que l’on a de lui, est le poète le plus moderne de la littérature française. Les clefs choisies par Carlo Ossola ouvrent son œuvre comme un trésor, de « Abîme » à « Voyage », deux extrêmes qui ne le sont pas.
Il faudrait citer toute l’architecture définie par Ossola, pour comprendre où se niche la nouveauté Baudelaire. On est entre les thèmes de la tradition – « Aube », « Ciel », « Cœur », « Mer », « Mort » – et ceux de la révolution – « Agonie », « Charogne », « Démon, Satan », « Paris », « Rythme ».
Baudelaire se révèle ici au lecteur d’une façon libre et profonde. Un livre à lire comme un missel de Baudelaire, un texte avant-texte et après-texte, pour comprendre encore plus que l’on est face au poète du « Moderne ».
252Non plus la poésie de l’optimisme et de l’enthousiasme, mais celle de Dieu absent, de la destruction, de « l’intériorité de l’être » (Émile Benveniste, Baudelaire, 2011, p. 418, et Ossola, p. 5), de l’acuité, de la vérité et de la mort
Giovanni Dotoli
*
* *
Remy Bijaoui, L’affaire Baudelaire. 1857-1949, Paris, Imago, 2021, 202 p.
L’« affaire Baudelaire » continue à étonner, à deux siècles de la naissance du poète. Ses Fleurs du mal sont condamnées pour « outrage à la morale publique et aux bonnes mœurs », par le tribunal correctionnel de la Seine.
Les Fleurs du mal sont-elles indécentes ! On parle de « réalisme grossier » et de « passages ou expressions obscènes » ! Il faudra incroyablement attendre l’année 1949, pour réhabiliter Baudelaire, par un arrêt de la Cour de cassation.
Le ridicule de la société de son temps est enfin jugé comme tel. Mais le poète ? S’il avait été acquitté, son ouvrage aurait-il eu une autre fortune ? Comme il arrive pour Gustave Flaubert et sa Madame Bovary ?
Ce livre est important, pour comprendre ce qui s’est vraiment passé. L’auteur s’appuie sur des archives, sur l’œuvre de Charles Baudelaire, sur le débat de l’époque, et sur la presse. Il avait déjà traité de Prisonniers et prisons de la terreur (1996), du Procès Juda (1999), de Lacenaire poète assassin (2011), d’Histoires de l’Inquisition (2015) et du Crime de Samuel Schwarzbard (2018).
Le génie de Baudelaire accusé de pornographie ! On ne pourrait pas y croire. « Mais comme la morale des hommes est variable, la sicence du droit n’est pas exacte » (p. 7), commente justement l’auteur.
253Et Ernest Pinard, cet avocat impérial, d’apparaître comme le symbole de la nullité et le prince défenseur des bonnes mœurs. La liberté de l’artiste ne triomphera que des décennies plus tard. Baudelaire aura contribué aux changements des temps, lui qui avec ironie ne veut pas parler de scandale, mais uniquement de « malentendu bizarre ».
Charles Baudelaire croit à son acquittement. Condamné, il tombe encore plus dans une sombre mélancolie. La douleur va le tuer, dix ans après. Ce livre lui rend justice. Mais, hélas, la justice humaine est toujours en retard sur les temps.
Giovanni Dotoli
*
* *
René Guitton, Les 100 mots de Rimbaud, Paris, « Que sais-je ? », 2020, 128 p.
René Guitton, écrivain et essayiste, gagnant de différents prix importants tels le prix Montyon de littérature et philosophie de l’Académie française et le prix Lyautey de l’Académie des sciences d’outre-mer, est un spécialiste d’Arthur Rimbaud, auquel il a consacré des livres importants : Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine, L’Affaire de Bruxelles, Calmann-Lévy, 2006 et Arthur et Paul, la déchirure, Robert Laffont, 2018.
Dans ces 100 mots tout se tient. Rimbaud apparaît dans sa totalité et dans ses moments les plus secrets et les plus profonds. On comprend pourquoi il a une place unique dans l’histoire de la littérature française.
René Guitton pénètre la vie de Rimbaud en grand lecteur et en grand critique. De Roche à l’Afrique au terminus de Marseille, le 10 novembre 1891, il tisse la poésie, la vie, la révolution contre la bourgeoisie, le silence poétique, une aventure humaine aux limites de l’impossible.
254On est à la découverte de l’œuvre et de l’homme, de l’écrivain et de l’explorateur, de tous ceux qui ont croisé Rimbaud et qui ont eu un rôle dans sa courte vie. Ses passions sont là, dans leurs mystères.
C’est un abécédaire de « soleil et chair », de « Abracadabrantesque » à « Zweig (Stefan) ». Un monde d’œuvre, de villes, d’hommes, de lieux, de rêves, de langues, de légendes et de poésie. À lire comme un souffle et d’un souffle, pour comprendre Rimbaud et sa poésie révolutionnaire.
Les énigmes se dissolvent. La douleur est à portée de main. Le contexte historique se clarifie.
Le « dérèglement de tous les sens » est assuré. De « sa ville supérieurement idiote », Rimbaud va vers une autre poésie, celle de l’avenir.
« C’est un Rimbaud vivant que ces 100 mots nous disent » (p. 4). Tous les rimbaldiens doivent remercier René Guitton de ce miracle.
Giovanni Dotoli
*
* *
Cinthia Fleury, Mallarmé et la parole de l’imâm, préface de Christian Bobin, Paris, Gallimard, « Essais Folio », 2020, 184 p.
C’est un livre étrange, à première vue. Puis on se laisse aller et prendre par la prose lyrique de l’auteur. La thèse est sublime et à la limite de l’impossible. Comparer la parole de Stéphane Mallarmé avec celle de l’imâm.
C’est comme les flocons de neige. Beaux dans leur très courte vie et disparus dans la mort immédiate. La parole de l’imâm et celle de Mallarmé donnent cette sensation de flocon de neige. La parole audible est dans le texte. Le texte écrit est le souffle et le suc de l’oral.
255Pas de doctrine, mais la force du langage, de son âme, et de ses aventures. L’insaisissable apparaît et disparaît. Et le poète et l’imâm cherchent, la vie, le secret, le salut.
Mallarmé n’agit-il pas de la même façon que l’imâm ?
L’auteure, philosophe et psychanalyste, connaît ces secrets. Elle part d’une intuition capitale : l’unité de la parole, qui est du vent et de la pierre, du chant et du marbre.
Parole vivante qui est dans l’abstraction, comme les énigmes de Mallarmé. « L’imâm est la langue elle-même » (p. 93). Mallarmé lui aussi. Les deux, ils cristallisent la parole, comme des gouttes qui s’envolent, et qui pénètrent « une conscience des ténèbres » (p. 93). Mallarmé et l’imâm évoquent, suggèrent, déconstruisent, pour construire.
Un livre fascinant, qui est la réédition de celle déjà parue en 2001.
Giovanni Dotoli
*
* *
Daniel Delbreil, sous la direction de, Dictionnaire Apollinaire, Paris, Honoré Champion, « Champion Classiques », 2020, 1236 p.
Un dictionnaire dont j’ai rêvé de longues années, en faisant mes recherches sur les avant-gardes historiques et sur Ricciotto Canudo.
Je croise Apollinaire depuis mes premières aventures dans la recherche universitaire. Je le considère comme le plus grand poète du xxe siècle. J’étais un grand ami de Michel Décaudin, qui a consacré toute sa vie à l’auteur d’Alcools.
J’ai eu même la chance de publier le premier et immense livre de l’auteur de ce dictionnaire, Apollinaire et ses récits, dans mon ancienne collection « Pubblicazioni della Fondazione Canudo », en coédition internationale Schena – Didier Érudition.
256Je peux donc affirmer en toute conscience que ce dictionnaire est pour moi une bénédiction. Ultranécessaire, capital, fort utile, profond, bien réalisé.
L’auteur, professeur émérite à l’Université de la Sorbonne nouvelle-Paris 3, familier du groupe de travail Apollinaire constitué par Michel Décaudin, lequel a fait un travail fondamental de longues années durant, a enseigné la littérature française du xxe siècle. Il est donc bien titré pour produire ce monument de la recherche.
Autour de lui, cinquante chercheurs du monde entier, parmi les plus grands apollinairiens. Il a voulu associer « la sphère personnelle de l’écrivain et de l’ensemble de sa production » (p. ix) et des notices-articles pour chaque œuvre du poète, en ayant recours à la meilleure critique de chacune.
Apollinaire nous apparaît dans sa vie – il est très sociable et homme à femmes –, en journaliste, en écrivain, en critique d’art, en intellectuel engagé, en visionnaire, en épistolier magnifique.
L’écrivain se révèle comme l’un des poètes les plus aimés dans le monde entier. Il est le poète international par excellence.
Les divergences critiques sont une richesse, une stimulation pour aller au-delà. Et Daniel Delbreil les accueille toutes, sans soucis, en nous offrant le panorama le plus complet de la magie de la parole d’Apollinaire, le plus moderne de son temps, qui reconnaît le rôle crucial de la tradition.
« Hommes de l’avenir souvenez-vous de moi », écrit Apollinaire dans le dernier poème d’Alcools, « Vendémiaire ». Non seulement nous accueillons sa prophétie-appel, mais surtout nous adorons ses poèmes, ses critiques, sa prose, son théâtre, son « œuvre multiforme » (p. xxiii), « entre tradition et invention » (p. xxvii).
J’en suis certain, ce dictionnaire restera dans l’histoire comme un modèle.
Giovanni Dotoli
*
* *
Seiji Marukawa, Le lien des muses. Essai, Paris, Librairie Éditions tituli, 2020, 284 p.
Ce livre s’occupe d’une question centrale. « Pourquoi tant de poètes modernes et contemporains se sont-ils engagés dans la traduction de poèmes en langues étrangères, scellés qu’ils seraient dans ‘le lien musaïque’, au dire de Dante ? »
Et bien sûr tout le problème du soi-disant intraduisible apparaît. C’est-à-dire un cliché de notre temps, si cher à mon regretté ami Henri Meschonnic. Yves Bonnefoy en fait un chemin central du poète de notre temps (voir mon livre Yves Bonnefoy dans la fabrique de la traduction, Paris, Hermann, « Vertige de la langue »).
La question de la traduction est de premier ordre. Mais on ne pourra jamais la résoudre, parce que traduire c’est vivre, c’est communiquer, c’est parler. Chaque parole est une traduction.
Et alors quand le poète traduit, il traduit surtout soi-même, via la parole de l’autre, d’un autre poète, qui devient la sienne. Rimbaud dit qu’il faut « sentir, palper, écouter » : c’est ce que fait le poète-traducteur, que j’appellerais le tradupoète ou le trapoète
Traduire la poésie est un corps à corps avec l’autre poète. Pas de frontières, mais des associations et des assonances, des approches qui sont musique et rythme. Le traducteur-interprète ne suffit pas. La traduction de la poésie est une réécriture.
Ce livre le montre de façon passionnante, aussi par les chantiers que choisit son auteur, Jacques Dupin – Paul Celan, Michel Deguy par l’auteur lui-même, les traductions françaises des haïkus de Bashô.
La parole poétique se fait « chair et idéalité » (p. 95), « lettre, rythme, sens » (p. 103), et le traduire, comme l’affirme Yves Bonnefoy, se fait « inachevable » (p. 161), comme la parole, comme la vie.
Un livre réussi, qui affronte de grandes questions avec passion, compétence et désir d’aller au-delà.
Giovanni Dotoli
258*
* *
René Boulanger et Jean-Pierre Heule, Le Cimetière marin ou L’Aveu voilé de Paul Valéry, Tournai, Éditions Wapika, 2018, 130 p.
Ce très beau livre est le résultat d’une passion, d’un amour, d’une capacité de lecteur profond, rarissime par les temps que nous vivons.
René Boulanger et Jean-Pierre Heule se déclarent de simples « lecteurs ». J’accepte et j’admire, mais à la condition que je les considère comme des lecteurs à la Roland Barthes, qui aiment le plaisir du texte, ses méandres, ses secrets, ses rythmes.
Apparemment les deux auteurs suivent une méthode à l’ancienne, presque scolaire : le commentaire de texte, strophe par strophe.
Mais la lecture passionnante de leur dire nous achemine en terre de poésie, au centre de la création, au cœur de la parole coordonnée par le poète – Paul Valéry – comme une suite de diamants stellaires.
Je m’enivre par les pages de ce livre, par sa mer élégante de pages, par les dessins sublimes de Nicolas Vadot, par les réflexions de René Boulanger et Jean-Pierre Heule.
Et le miracle se produit : je perçois la même atmosphère que j’ai ressentie à Sète, dans ce cimetière marin au bord d’un rocher, où les morts semblent des anges qui s’envolent par l’eau pure de la Méditerranée.
Le Cimetière marin nous révèle ici sa lumière, ses rythmes, ses chemins. On est face à un « poème métaphysique » et à un « matérialisme » qui est une « réponse épicurienne » (p. 125).
Les mots de Paul Valéry « s’illuminent » (p. 127, Joseph Joubert). Toute l’histoire de la poésie se réunit sous la direction magique du poète, en nous déployant les voiles de la vie et de la mort.
On a peur de la mort et on la caresse, en ce coin paradisiaque du monde. La « portée philosophique » (p. 111) ne tue pas le lyrisme, mais lui donne l’élan du temps.
La méditation personnelle traverse l’écriture, en donnant au lecteur – nous – un message unique : « Il faut tenter de vivre ! ». L’amertume se cache derrière le cri du voyage. « Le vent se lève ! », et alors allons 259vivre, la main dans la main, sous le signe de la poésie, salut essentiel de nos angoisses éternelles, par le baume de ses mots.
Giovanni Dotoli
*
* *
Arnaud Santolini, Le Bateau ivre. Une fabrique de désordre, préface de Louis Forestier, Rennes, Presses Universitaires de Rennes. 2018, 324 p., « Interférences ».
Arnaud Santolini est maître de conférences en psychologie du développement à l’université de Tours (IUT). Il a publié dans la revue Parade sauvage et est aussi l’auteur d’un livre de psychologie cognitive réalisé avec C. Tijus, Une analyse de la pensée d’Agatha Christie (2016).
Ce livre, Le Bateau ivre. Une fabrique de désordre, est un chef-d’œuvre et une mine pour tous les chercheurs rimbaldiens du monde entier.
Arnaud Santolini se révèle ici comme un maître du texte et de l’arrière-texte. Tout un arrière-pays rimbaldien se dévoile au lecteur et au critique.
Le Bateau ivre est vu comme un immense projet, de désorganisation, de réorganisation, de révolution, sur plusieurs plans, les couleurs, la sensorialité, le temps, l’espace, la forme, la vie, le rythme.
On est face à une « fabrique du désordre », voulue et orchestrée par Rimbaud. C’est une pensée apparemment enfantine, mais qui est par contre un modèle systématique de transformation du monde, de la société, de la vie.
Grâce à ses connaissances dans le domaine de la psychologie cognitive, Arnaud Santolini peut découvrir l’impensable, l’inaccessible, l’interdit, la vision. Il met en lumière une forte stratégie textuelle.
260Rimbaud sait, et veut. Il s’adonne alors à un sublime pari : détruire pour construire, dans un milieu parisien difficile, qui n’accepte pas les grandes visions ni les révolutions littéraires.
Victor Hugo est le modèle, mais Rimbaud ne le suit que pour monter son château. Ses sources ne sont que du collant pour proposer la révolution de la parole, du rythme, de la poésie.
La Commune de Paris apparaît comme la toile de fond du révolutionnaire Rimbaud. Et Le Bateau ivre de devenir le drapeau pour porter la révolution dans tous les domaines. Les Lettres du voyant, contemporaines du Bateau ivre, s’éclaircissent à merveille. C’est tout un programme, une trajectoire, une marche à l’Inconnu et au Nouveau.
Arnaud Santolini propose un modèle de lecture qui est exemplaire : le retour au texte, à l’étalage des mots l’un après l’autre, en un rythme qui est une folle fanfare de dynamisme à la limite de l’Interdit.
Rimbaud remonte le fleuve du temps et fabrique ainsi une tour gigantesque de sens. Arnaud Santolini nous invite à lire et relire le poème rimbaldien. La lecture est voyage dedans et par, jusqu’à l’épuisement. L’esprit de Rimbaud se concentre en couleurs, métaphores, images, visions.
Le résultat est l’un des plus beaux poèmes de l’humanité, de toute littérature. Je rends hommage à Arnaud Santolini. Il indique aux chercheurs la voie à suivre, pour toute sorte de texte.
La poésie se fait révolution. La fabrique est désordre et ordre rêvé. Le lecteur suit Arnaud Santolini en grande fidélité, en le remerciant d’avoir indiqué tant de nouvelles pistes aux confrères d’aujourd’hui et de demain.
Giovanni Dotoli
261*
* *
Victor Hugo, Les chevaliers errants, I cavalieri erranti, traduzione di Stefano Duranti Poccetti, Enna, Nulla die, 2020, 181 p.
Journaliste, écrivain et poète lui-même, Stefano Duranti Poccetti offre ici une traduction en italien du cycle Les Chevaliers errants, tiré de La Légende des siècles et composé de deux poèmes chevaleresques, Le petit roi de Galice et Eviradnus.
La visée de ce projet est clairement illustrée par le traducteur dans le bref avant-propos qui ouvre le volume. Par ce travail, S. Duranti Poccetti déclare vouloir entamer une opération de redécouverte du poète Victor Hugo, un défi audacieux qu’il lance et inaugure dans l’espoir de trouver des relèves.
Le choix du corpus à traduire répond à ces visées, à partir de la constatation qu’en Italie on connaît le romancier Victor Hugo, mais qu’il n’en va pas de même pour le poète. Pourtant l’œuvre poétique de l’auteur des Misérables est également remarquable et révèle des côtés intéressants et parfois inattendus de ce monstre sacré de la littérature française.
Se basant sur l’édition Hetzel de La légende des siècles, parue à Bruxelles en 1859, le traducteur envisage un travail intéressant et complexe en essayant de reproduire dans le texte cible la musicalité des vers, le style et le charme de la langue médiévale du texte de départ.
Par cette opération, S. Duranti Poccetti entame également une tentative d’actualisation de la poétique de Hugo, dans la mesure où il illustre l’utilité de la poésie aujourd’hui dans une société qui a perdu ses points de repère et qui a besoin d’individus prêts à accomplir des actes héroïques.
Sur la base de ces prémisses, le traducteur décrit son travail comme un voyage qui l’a éclairé à l’égard des mécanismes techniques de l’esthétique de Victor Hugo et qui lui a permis de se mettre à l’écoute de l’âme de ce grand poète.
262Ce travail a entre autres le mérite de contribuer à un repositionnement de la poésie dans le cadre de la culture mondialisée et à un renouvellement de la réflexion sur la traduction poétique et sur ses apports, non seulement sur le plan linguistique, mais aussi au niveau créatif.
Giovanna Devincenzo
Université de Bari Aldo Moro
*
* *
Agrippa D’Aubigné, Le Printemps, édition critique de Véronique Ferrer, Genève, Droz, 2020, 1061 p.
L’imposant travail de Véronique Ferrer met en lumière la production poétique qui caractérise la jeunesse de D’Aubigné et sa brève histoire d’amour avec Diane Salviati (1571-1573) ; cette production, jamais aboutie est cependant sujette à des révisions, des approfondissements, des réécritures, tout le long de la vie du poète. Dans la réception de la production de D’Aubigné, l’« étrange beauté » de cette œuvre a été éclipsée par la « puissance fulgurante » et la « violence inouïe » des Tragiques, comme Ferrer l’affirme au tout début de son « Introduction » (p. xi-lxxvi).
L’ouvrage se configure comme un recueil de jeunesse, à cause du style encore inabouti et du sujet amoureux (dont le titre, Printemps, couramment associé à la saison de l’amour) ; en l’absence de publication originale, il faut se poser la question sur le statut de cette œuvre, composée de trois sous-ensembles, l’Hécatombe à Diane, les Stances et les Odes. Les Archives Tronchin de la Bibliothèque de Genève contiennent deux manuscrits, numérotés T157 et T159 avec la quasi-totalité des poèmes du Printemps. Mises à part les pièces de l’Hécatombe de Diane, les autres pièces contenues surtout en T159 se suivent sans aucun ordre 263apparent. Il existe une table autographe de D’Aubigné, reproduite en annexe (« Annexe 2 ») de l’édition (p. 1011-1018) qui tente de donner une structure à l’ensemble, mais qui pose d’autres problèmes aux chercheurs, car elle recense des textes absents dans les manuscrits et en ignore d’autres qui sont au contraire présents.
Ferrer décide de donner un sens « extensif » (p. xix) à son édition, regroupant aussi les poèmes éclatés à la suite des trois premiers livres, avec des pièces éparses du manuscrit T160 dans une section qu’elle nomme « Mélanges ». L’éditeur décide également de ne pas intégrer les pièces attribuées à D’Aubigné dans l’Album de Marguerite de Valois, faute de certitude sur leur véritable origine ; elles sont toutefois fournies en annexe (« Annexe 1 », p. 971-1009). Les cinq manuscrits (T157, T159, T160, Recueil de vers de Monsieur d’Ayre et Manuscrit Monmerqué ou Album de vers de Marguerite de Valois), qui contiennent les pièces du Printemps, sont décrits de manière attentive (p. xxiv-xxxv) ; sont fournies aussi des hypothèses de datation et strates d’écriture du recueil (p. xxxv-xlii).
La « gestation lente » (p. xli) de l’œuvre permet de décerner une structure interne spécifique avec l’identification de sous-ensembles déterminés, chacun ayant ses spécificités qui font ressortir les talents de polygraphe de D’Aubigné. Pour renforcer cette idée, l’« Annexe 4 » (p. 1027-1034) présente les Tableaux métriques qui rendent compte de la variété métrique, strophique et rimique des pièces des Stances, Odes et Mélanges. La « Note sur la présente édition » (p. lxxiii-lxxvi) explique les sources des poèmes édités (par exemple les stances xxii sont reproduites à partir de l’édition des Muses françaises ralliées, 1600) ainsi que les difficultés rencontrées par l’éditeur face aux choix concernant l’organisation du recueil, surtout pour la section Mélanges.
Conformément aux principes de la collection qui héberge l’édition, le lecteur dispose de deux versions du texte : à droite les poèmes restitués dans leur orthographe d’origine, sans ponctuation, avec des modifications minimales décrites de manière précise ; à gauche, la version modernisée et ponctuée du texte, qui garde parfois la graphie d’origine pour ne pas perturber l’organisation métrique et rimique. Une bibliographie (p. lxxvii-lxxxvii) sur les œuvres de D’Aubigné, les sources primaires et les études critiques, complète l’introduction. L’annotation critique est soignée, rigoureuse, attentive à la fois aux schémas rimiques et 264métriques et aux éléments contextuels comme les renvois à la situation politique et littéraire, surtout dans le groupe de Nérac. Elle n’ignore pas non plus les reprises thématiques et topoi qui reviennent internement dans la production de D’Aubigné et entre ses textes et les textes de ses contemporains.
L’édition de Véronique Ferrer comble un vide dans la connaissance de la production complète d’Agrippa D’Aubigné. L’éditeur n’a pas eu peur de prendre des décisions éditoriales importantes dans le choix des textes et de leur présentation ; il faut lui reconnaître la rigueur de la démarche et la profondeur du travail d’analyse et de présentation philologique des textes du recueil, qui sont mis désormais à la disposition des chercheurs de manière finalement unitaire et présentés sous un angle d’approche commun.
Concetta Cavallini
Université de Bari Aldo Moro
*
* *
Martin Mees, Nerval ou la pensée du poétique. Essai de philosophie à l’œuvre, Paris, Classiques Garnier, « Études romantiques et dix-neuviémistes », 2021, 464 p.
Gérard de Nerval est l’un des plus grands poètes de la littérature française. Ce livre important le prouve dans toutes ses pages et chapitres. L’auteur est docteur en philosophie et chercheur au centre Prospéro de l’université Saint-Louis à Bruxelles. Il confirme là toutes ses compétences.
On découvre comment on poétise à l’âge romantique, entre poésie et philosophie. Nerval apparaît comme un grand dans ce domaine. Cet essai est philosophique plus que poétique, ou les deux simultanément.
265On est aux sources de la modernité. Contrairement à ce que l’on pense en général, la poésie romantique n’est pas uniquement lyrique. Elle est philosophique. Elle a une pensée, laquelle achemine vers les temps nouveaux.
La mélancolie se fait sublime. Les ruines et les chimères sont des prises de position sur le monde. Le geste poétique de Nerval est une représentation de l’existence. « En philosophant avec la littérature, cet essai entend faire droit à la singularité d’une pensée qui se tisse à même les formes, les tours et les détours des œuvres de Gérard de Nerval » (« quatrième de couverture »).
La thèse centrale de ce livre me paraît capitale : « L’œuvre d’art pense » (p. 9), même quand elle déplaît. Yves Bonnefoy, dans ses entretiens, le répétait tout le temps : la poésie et la philosophie ne se séparent pas, et dialoguent en profondeur. Michel Deguy lui aussi l’affirme.
Gilles Deleuze ne dit-il pas que « l’œuvre est une idée » (ibid.) ? Elle a sa réflexivité. L’œuvre complète de Nerval se situe sur ce chemin. Ces pages sont « un vaste commentaire » (p. 10) de ses écrits.
Non plus un Nerval détaché du monde, mais impliqué dans le monde, avec cohérence, bien sûr aussi sur le plan de la « question du poétique » (p. 11). La totalité de son œuvre rayonne. Nerval réfléchit sur le faire poétique. Il « théâtralise l’action de la littérature » (p. 13).
Les trois parties du livre se soudent parfaitement, même avec l’abondante et utile bibliographie. Le poétique de Nerval se fixe, pour de nouvelles hypothèses.
La littérature est connaissance. Il faut « se broder dans toutes les coutures » (p. 374).
Mario Selvaggio
Université de Cagliari
266*
* *
Paul Claudel, aujourd’hui, sous la direction de Didier Alexandre, Paris, Classiques Garnier, « Rencontres », 2020, 504 p.
L’éditeur de ce livre est aussi le directeur de la collection « Rencontres » qui l’a accueilli. Non pas par hasard. Il est professeur de lettres à Sorbonne Université et a dirigé l’équipe du laboratoire d’excellence « Observatoire de la vie littéraire ». Ses travaux portent sur les grands de notre temps : Claudel, bien sûr, Apollinaire, René Char, Henri Michaux et Claude Simon.
Ce volume rassemble toutes les communications présentées aux trois colloques internationaux commémoratifs du cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Paul Claudel, à Paris, à Chicago et à Tokyo.
De quel Claudel parle-t-on ? Il est si vaste que l’on ne saurait pas par où commencer. Et toutefois, dans ce livre, il y a un projet, une unité totale d’entente, la certitude que Paul Claudel est un patrimoine de la France et du monde entier. Le diplomate, l’écrivain, le dramaturge, le poète, le catholique, tout se tient, en un cercle qui nous révèle un géant, un penseur, un aimant de la parole profonde.
Des chercheurs du monde entier se réunissent pour fixer la ligne de Claudel, la vraie, qui ne sépare pas et qui unifie : des français, des japonais, des américains, des gens du théâtre.
Claudel se révèle dans sa contemporanéité, sur l’axe du temps, du sien jusqu’au nôtre, et à celui qui viendra. Il est un monument de la littérature. Toutes ses facettes sont inséparables. Une commémoration qui est vie, dans la « conscience claudélienne d’un monde en constante mutation géopolitique, économique et idéologique » (p 10).
Claudel est notre contemporain. Il faudrait le lire plus souvent. Et l’enseigner à l’école. Il ne faut pas le présenter comme le poète catholique, mais comme le penseur de la modernité, dans toutes ses fonctions.
Sait-on vraiment que « Claudel interroge la technique, l’économie, le dynamisme des sociétés modernes » et qu’il propose « des réponses qui ont tout leur sens aujourd’hui » (p. 14) ?
267Ce livre va déclencher d’autres colloques, d’autres rencontres et d’autres visions claudéliennes.
Mario Selvaggio
- CLIL theme: 4028 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes de littérature comparée
- ISBN: 978-2-406-12627-0
- EAN: 9782406126270
- ISSN: 2555-0241
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-12627-0.p.0245
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 12-22-2021
- Periodicity: Annual
- Language: French