Phénoménologie de l’expérience de plénitude et « métamorphose de la finitude » Pour une phénoménologie de la « grâce »
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2018 – 2, 98e année, n° 2. varia - Auteur : Altieri (Antoine)
- Pages : 173 à 192
- Réimpression de l’édition de : 2018
- Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'EXPÉRIENCE DE PLÉNITUDE ET « MÉTAMORPHOSE DE LA FINITUDE » Pour une phénoménologie de la « grâce » Antoine Altieri Institut Catholique de Toulouse 31 rue de la Fonderie - F-31000 Toulouse Résumé : Nous nous proposons dans cet article de mettre en jeu un dialogue : dialogue entre une analyse phénoménologique du sentiment de « plénitude », d'un côté, et «philosophie de l'expérience religieuse », de l'autre - telle qu'Emmanuel Falque l'expose (notamment dans le Triduum philosophique). Cette mise en dialogue aura pour objet, d'une part, de déterminer un lieu commun aux deux sphères d'analyse (toutparticulièrement la présence comme présence non substantielle), et, d'autre part et ce faisant, de proposer, en phénoménologue « tout court », une piste de réflexion phénoménologique sur la notion théologique de « grâce ». Abstract : We propose in this article to initiate a dialogue between a pheno- menological analysis of the feeling of "plenitude" on the one side and "the philosophy of religious experience" on the other — as Emmanuel Falque ex¬ pounds it, in particular in his Triduum philosophique. This dialogue aims on the one hand to determine a common place for both spheres of analysis (especially "presence" as "nonsubstantialpresence") and having done that, on the other hand to propose (simply as a phenomenologist) a phenomeno- logical line of thought about the theological notion of "grace". II ne peut y avoir de recherche philosophique que dans le cadre d'un dialogue fécond entre le sujet philosophant et son environ¬ nement : livres, choses et hommes. « Fécond », en ce sens que, au sein d'un tel dialogue, il ne s'agit pas de juxtaposer au Dit de l'autre son propre Dit - mais bien d'une démarche en laquelle l'écoute est première, et ne doit pas dispenser celui qui écoute de se laisser toucher, affecter, par cela même qu'il écoute - quitte à déployer sa propre pensée autrement qu'il ne l'avait prévu. S'il est nécessaire d'avoir dans la vie quelques certitudes, il l'est non moins de ne pas s'y laisser enfermer, au bénéfice même de la « pensée » philosophique dont on prétendra, le cas échéant, être porteur. Cette vérité banale, et valant pour tous, vaut tout particulièrement en
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régime chrétien, dans l'exacte mesure où la vérité dont s'enquiert le philosophe n'y est précisément pas « quelque chose », susceptible comme tel d'être réifié, mis en mots définitifs, possédé une fois pour toutes, mais y est quelqu'un : le Christ ressuscité qui juste¬ ment dit de lui-même qu'il est le chemin, la vérité et la vie, une vérité à laquelle il s'agira donc d'appartenir, mais aussi une vérité vivante, et comme telle a priori en décalage constant avec les mots dont use (ou abuse) le penseur en quête « du » vrai, ces mots courant toujours le risque de devenir lettre morte. C'est à vrai dire un tel dialogue, a priori accueillant à l'autonomie d'une Vérité qui n'appartient à personne mais à laquelle il s'agit d'appartenir tou¬ jours davantage, que nous voudrions mettre en scène dans cet article : dialogue entre phénoménologie de l'expérience de « pléni¬ tude » d'une part, et la pensée phénoménologique et théologique d'Emmanuel Falque ^ d'autre part, telle en tout cas qu'elle s'expose notamment dans Passer le Rubicon ^ et le Triduum philosophique^. Mais tout dialogue suppose une base commune de discussion en même temps qu'un langage commun. Cette base commune est cela même qui n'appartient à personne : Dieu, au sens chrétien du terme, ce Dieu qui a l'initiative de sa manifestation, et qui, en Jésus Christ, vient assumer, pour la sauver, l'intégralité de notre personne humaine. Qu'il y ait dans l'homme quelque chose de « divin », transparaissant le cas échéant dans les œuvres de génie, nous le savons depuis les Grecs, mais le fond commun, le premier motif d'étonnement commun à tout penseur « chrétien » consiste bien en ceci que cette part de divinité de l'homme s'efface devant la paradoxale merveille de l'humanité de Dieu. Est-ce cet étonnement qui est le moteur de la recherche théologique d'E. Falque ? Est-ce cet étonnement qui le conduit, tout en demeurant enraciné dans son « métier » de philosophe, à « passer le Rubicon », à oser thématiser en termes philosophiques une théologie à tout le moins audible pour les hommes de notre temps ? Son propos est bien, en tout cas, et pour reprendre ses propres termes, d'établir un passage entre « foi philosophique » (cette croyance spontanée en la réalité d'un monde) et « foi confessante » à strictement parler. Distinguant
' Professeur et directeur de recherche à l'Institut Catholique de Paris, Emmanuel Falque est une figure contemporaine parmi les plus significatives d'une réflexion phénoménologico- théologique. ^ Falque, 2013. ^ Falque, 2015. Il est à noter cependant que cette lecture se fondera principalement sur les deux premiers volets du Triduum, et ne fera donc qu'allusion au « tournant » pris par la réflexion d'E. Falque dans l'ordre d'une élucidation plus serrée de la corporéité et de Veros, telle qu'elle s'expose dans le troisième volet (Les Noces de l'Agneau) - lequel « tournant » mériterait à lui seul une publication spécifique.
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« philosophie de la religion"^ » et « philosophie de l'expérience reli¬ gieuse^ », il s'agira plus précisément pour lui de toujours insister sur la nécessité, dans l'ordre de cette « philosophie de l'expérience religieuse », de « se greffer sur une "philosophie tout court" qui ne perdra rien de l'homme en parlant de Dieu^ ». A quoi nous pour¬ rions ajouter qu'il n'est pas interdit au philosophe de penser que « foi philosophique » et « foi confessante » puissent effectivement se rencontrer, comme le font dans le Psaume «Amour » et « Vérité », et que le théologien de profession, quant à lui, et dés lors qu'il croit en une vérité une, ne devrait rien craindre d'une telle démarche phi¬ losophique à'intelligence de la foi ou de reformulation de celle-ci : craindre la vérité philosophiquement exprimée, craindre même la vérité tout court, ne serait-ce pas là, et dans le même mouvement, manquer de foi ? « Passage », « chemin à parcourir »..., voilà qui atteste bien un langage propre à toute philosophie « de l'expérience religieuse », ou, mieux encore une méthode en quelque sorte imposée par la chose même (Dieu en tant qu'il se manifeste. Lui le premier, et nous sauve en assumant notre humanité « tout court »). Contre tout rêve prométhéen (ou nietzschéen) de dépassement de l'homme par l'homme, voire d'une auto-divinisation par laquelle l'homme, sou¬ dain, s'affranchirait de ses propres limites, il s'agit au contraire de montrer en quoi la fmitude de l'homme (s'exprimant tout parti¬ culièrement dans l'angoisse de la mort), est par Dieu, non pas détruite ou remplacée, mais accomplie d'être transformée, méta¬ morphosée, si l'on peut dire comme de l'intérieur par Celui qui, en Christ, assume le tout de notre humanité (hormis le péché). Le péché, justement, viendra se loger dans cette manière, par l'homme, de ne pas assumer sa propre finitude. « Phénoménologiques » seront donc ici le langage et la méthode du philosophe en quête d'un discours audible du message chrétien comme tel - puisqu'il conviendra d'envisager la « finitude » comme un pur et simple état de fait, à analyser comme tel - mais à la lumière de la foi. La finitude, souligne E. Falque, ne saurait être opposée à l'Infini et doit être distinguée d'un « fini » se comprenant soi-même comme l'autre de l'Infini :
^Concernant «ceux qui, pour des raisons de méthode, "s'interdisent toute prise de position prématurée en faveur d'une croyance religieuse déterminée" afin de rester fixés dans une visée exclusivement philosophique (Hegel, Schelling, Fichte, etc.) » (Falque, 2013, p. 129). ^ Concernant cette fois « ceux qui "du dedans même de leur foi, cherchent à élucider philosophiquement les raisons qui les ont conduits à adhérer à cette foi", ne renoncent pas à philosopher, mais concevant autrement cette activité (Augustin, Pascal, Kierkegaard, Blondel, [...] Edith Stein, Simone Weil, etc.) » (Falque, 2013, p. 129). •^Falque, 2013, p. 110.
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Quand le premier (le fini) requiert de se référer à un autre - Infini - dont il se désole de n'être alors que la limitation jusqu'à désirer à nouveau pour lui une queleonque infinité [...] ; le second (la finitude) au contraire se satisfait seulement de son ''être-là" faisant face à sa mort et définitivement aneré dans son existence dépourvue, dans un premier temps au moins, de tout ailleurs^. Est par là-même, notons-le en passant, disqualifiée tout espèce de théologie naïve concevant le Royaume de Dieu comme un autre monde, un « arrière-monde », redisant dans son altérité même le désir de devenir soi-même autre que ce que l'on est (autre que finitude) : l'homme n'a pas à être sauvé de sa « finitude », mais c'est bien la finitude comme telle qui est appelée au Salut sans jamais perdre son caractère de finitude. Il s'agira donc pour l'homme, autrement exprimé, d'accepter sa finitude, à rebours de toute espèce de désir d'évasion vers un autre monde, et, l'acceptant, de laisser un Autre que lui (le Christ en son humanité parfaite) la sau¬ ver en l'assumant Lui-même jusqu'au bout - c'est-à-dire jusqu'à l'angoisse même de la mort. Nulle place, par conséquent, ici, pour quelque dépassement de l'homme par lui-même (« Sauve-toi toi- même ! »), mais seulement pour l'humble accueil de la grâce de Dieu en son Fils, cette grâce qui, selon l'adage thomasien, accomplit notre nature sans la détruire ^ Accueil de la grâce dans le « passage » même qu'il nous faut effectuer : le passage par cette « porte étroite » que demeure l'angoisse de la finitude, mais une angoisse que le christianisme, non seulement assume, mais même consacre comme passage. Bref : visée théologique au sein d'une démarche (phénoméno¬ logique) ne cessant pas d'être philosophique ; prise en compte de r« homme tout court » comme lieu d'une communicatio divine thématisable à la faveur même de cette prise en compte (et non pas contre la finitude ou en marge de la finitude)... Telles sont bien les bases du « dialogue » mentionné plus haut, bases aptes à nourrir tout phénoménologue inquiété par la chose théologique et désireux, pour le dire simplement, de montrer la vérité de celle-ci comme « amour » - mais un « amour » conçu comme une « grâce » assumant le tout de notre humanité « tout court », en toutes ses composantes.
^ Falque, 2015, p. 41. Cum enim gratia non tollat naturam sed perflciat (Thomas d'Aquin, 1984, vol. I, p. 161).
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L Philosophie de e'expérience religieuse et phénoménologie de e'expérience de peénitude : congruences Car l'amour seul, en effet, assume. En phénoménologue tout court, nous nous refuserons à considérer le rapport (théologique) d'analogie entre eros et agapè^ autrement que du point de vue de sa seule dimension de don réciproque - et comme ce qui précisément, à envisager les choses théologiquement, est cela même qui est constamment menacé par le péché comme enfermement sur soi ainsi que par la bestialité - cette « bestialité » dont seul l'homme est paradoxalement capable. Nous remarquerons que le « Salut », tel qu'E. Falque l'explicite en phénoménologue, comporte une dimen¬ sion infrangiblement cosmique - comme relevant d'un Dieu dont la manifestation non seulement ne s'effectue pas en marge du monde ou sans monde, mais encore ouvre plus que jamais au monde tout en le métamoφhosant, lui aussi, comme de l'intérieur. Car qu'est- ce donc que Γ« homme tout court », sinon l'homme confronté, à titre d'existential du Dasein, à l'angoisse, cette angoisse dont nous (re)affirmerons avec E. Falque qu'elle est la «porte étroite» conduisant au Royaume de Dieu ? Comme le rappelle notre auteur en citant Heidegger, l'angoisse, contrairement à la peur, ne s'angoisse de rien en particulier, et le « devant-quoi de l'angoisse désigne ainsi premièrement "l'être-au-monde comme tel", soit l'être-Ià de l'homme (Dasein) ». Rien n'empêchera donc le philosophe, dans le cadre d'une « philosophie de l'expérience religieuse », de postuler que telle est bien cette humanité « tout court », cette humanité primordialement au monde, que le Christ, vrai Dieu et vrai homme, assume en Croix - de postuler, en une thèse remarquable tant d'un point de vue philosophique que d'un point de vue théologique, que le Salut opéré dans l'événement de la Résurrection est aussi l'événement d'une manière oblative, par le Christ, de vivre en sa
^ Nous noterons que la thèse d'e. Falque, dans le cas d'espèce, est qu'il n'y a ni équi- vocité ni univocité entre les deux grandeurs : « La première (Téquivocité) parce qu'elle risque à tel point de séparer la charité divine de l'amour humain que plus rien ne reste de commun de l'un à l'autre ; et la seconde (univocité) en cela qu'elle ravale tant et si bien les modalités de l'amour divin sur le modèle de l'amour humain que plus rien ne demeure en propre à Dieu. » (Falque, 2015, p. 441). D'où la nécessité d'une analogie entre don des corps érotiques entre époux et don du corps charitable de Dieu à l'humanité : voir Falque, 2015, p. 442. Nous remarquerons que le péché, indépendamment de la question de l'amour oblatif, naît d'abord et avant tout comme rejet par l'homme de sa propre fînitude : « Parce que le "désespoir" (desperatio) s'oppose directement, et parfois délibérément, au "Saint Esprit" et à la "miséricorde divine", il conduit à un auto-enfermement de soi sur soi et à un éloignement de Dieu qui n'est autre précisément que la définition même du péché. » (Falque, 2015, p. 55.) ' Falque, 2015, p. 83.
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chair lieu primordial de l'être-au-monde comme tel, l'épreuve de la crucifixion, et ainsi de tout faire passer au Père", si l'on peut dire corps et âme. Telle est la première donnée qu'il nous faut remarquer, et qui entre en congruence avec une phénoménologie de l'expérience de plénitude : l'amour terrestre (ou conjugal, il est vrai assumé dans, et procédant de, Vagapè divine) déjà sauve de l'angoisse, déjà métamorphose notre rapport au monde. La ren¬ contre amoureuse n'est rien d'autre, à chaque fois, que la rencontre d'une altérité inconstituable, et néanmoins purement et simplement là pour moi. La personne aimée est celle qui est là - mais qui, précisément parce qu'« inconstituable », précisément parce que subsumée, en son être tout entier, sous le seul nom qu'elle porte, exacerbe notre regard de chair, dévoilant ainsi notre enracinement dans l'être sous la modalité en particulier de la protention (même lorsque la personne aimée est là, en chair et en os, notre regard de chair la cherche encore) ; mieux : dévoile ainsi notre être propre comme ce qu'il est de jure : une pure verbalité d'être, une pure et constante ouverture d'un « horizon de visibilité ». Mais il se passe alors ceci que la personne aimée, là en son « qui », devient comme le barycentre du monde - un monde dans lequel elle me situe absolument. Le monde, alors, cette pure présence du « il y a », dont, avec J.-L. Marion, nous pourrions nous demander s'il n'y va pas habituellement avec lui d'un certain sentiment de « vanité d'être"», oui, le monde, donc, devient par l'aimée pure gratuité d'être - puisque l'emballement du regard amoureux, regard qui ne cesse de chercher encore celui-là même qui se tient pourtant « en chair et en os » devant lui, devient en quelque sorte à soi-même sa propre fin, devient de facto ce qu'il est de jure, à savoir pure verbalité d'être. Plus d'« à quoi bon » possible, en cette verbalité d'être qui est à elle-même sa propre fin, en cette jouissance d'être à la personne aimée, et, par elle, au monde. L'amour, au fond, transforme l'être-là de l'aimant comme de l'intérieur, ou plutôt : il
Une chair comprise comme une manière de se vivre comme « corps » : « "chair" (sarx) et "esprit" (pneuma) apparaissent principalement comme des modalités vécues du "corps" (soma). » (Falque, 2015, p. 243). Il ne s'agit donc pas, pour quiconque médite en particulier sur la conception paulinienne de la corporéité, d'opposer le corps et l'esprit comme deux grandeurs antagonistes - et de faire ainsi peser un soupçon de principe sur le corps comme tel dans l'ordre de la vie croyante : quand la chair se révolte contre Dieu (Rm 8,7), note E. Falque, c'est une certaine manière de vivre le corps qui est enjeu, non le corps comme tel. '^Audacieuse, à cet égard, est la thèse selon laquelle ce qui est impossible pour l'homme (vivre soi-même le vécu d'autrui), et qui fonde d'ailleurs, dans VEinfûhlung, l'apprésentation d'autrui comme alter ego (autrui est un autre moi-même précisément pour cette raison qu'il vit comme je vis, mais dans un « là-bas » qui ne sera jamais mon « ici »), est possible pour Dieu Un et Trine : « Le souffrir en chair du Fils doit pouvoir s'éprouver sans chair par le Père. » (Falque, 2015, p. 263.) '"Voir Marion, 2008.
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66ne «métamorphose » pas l'être-là comme tel (le monde ne cesse évidemment pas, en ses multiples aspects, d'être le même monde), mais bien notre manière d'y être. N'assistons-nous pas là, aussi, à ce niveau humain et rien qu'humain de l'amour, à quelque chose comme une « métamorphose de la finitude » - en ce sens que la fmitude demeure finitude, mais métamorphosée, en effet, par le truchement de cette mise au monde opérée par quelqu'un, méta¬ morphose de l'angoisse d'être là en joie d'être là, de la vanité d'être en gratuité d'être ? Nous observons donc ici une première congruence, dans l'ordre d'une « métamorphose de la finitude » qui est aussi métamorphose du monde comme tel - mais à la condition de méditer toute la teneur de sens théologique de la résurrection de la chair, c'est- à-dire encore, en termes strictement phénoménologiques, de méditer que l'être-au-monde, commençant comme affectivité de la chair (comme manière de se vivre comme coφs), est au plus haut degré concerné par le Salut, lequel assume l'intégralité de notre huma¬ nité, en toutes ses composantes, coφs et âme - non seulement l'intégralité de notre humanité mondaine, mais, par le corps du Christ, le monde comme tel Mais cette première congruence en appelle une autre, relative à une certaine compréhension (non substantialisante) de la présence ; congruence de ce qui est vécu dans les deux sphères d'expérience (philosophie de l'expérience religieuse et phénoménologie de l'expérience de plénitude). Revenons tout d'abord, avec E. Falque, à la question de la « passibilité » de Dieu, passibilité comme « Passio caritatis », c'est- à-dire comme passion active. Si Dieu « n'est pas affecté » mais « est affection », alors « sera ainsi "déifié" celui qui est par Dieu "affecté" [...] en cela qu'il reçoit dans son affect passif d'homme (affectus) l'affection ou l'amour actif de Dieu (affection) ». Voilà une mise au point qui intéressera tout philosophe « croyant » en quête d'une intelligibilité du « mystique », si l'on comprend l'état mystique en son sens minimal (mais essentiel et suffisant) de « communion » : car celle-ci n'est pas d'abord exclusivement
Nous lisons dans Métamorphose de la finitude : « La grâce en effet ici "ne détruit pas la nature mais la parfait" [...]. En d'autres termes, et parce que nous avons montré par ailleurs que la structure de la finitude ne saurait dériver du seul péché, c'est le monde lui- même dans cette structure la plus fondamentale qui attend sa métamorphose. La résur¬ rection n'est pas et ne sera pas un simple événement de transformation dans le monde, mais l'événement de la transformation du monde - ontologique et non pas ontique, si tant est que le monde comme tel est tout entier contenu dans le Verbe ressuscité (Co . 1,16-17) et donc affecté par lui. » (Falque, 2004, p. 27-28.) '"Falque, 2015, p. 264.
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affaire de « volonté » (de visée explicite) - mais bien d'une affection dans laquelle, comme le dit Bernard de Clairvaux cité par E. Falque, l'affecté (par Dieu) « ne peut plus sentir ou goûter que Dieu seul, et ce que Dieu sent et goûte ». La vie mystique, pour le dire autrement, et l'état de communion qui la caractérise en propre, ne sont pas qu'affaire de « cérébralité », ou d'« esprit » dans sa prétendue opposition au « coφs » : la vie mystique est aussi, voire d'abord, comme les termes très sensualistes de Bernard de Clairvaux le laissent entendre, un état de fait en effet sensible comme manière de vivre son propre corps. En outre, nous prêterons attention, avec E. Falque, au fait qu'il y a une passibilité en Dieu - mais une passibilité relevant d'abord de la vie trinitaire immanente, et non pas seulement économique, c'est-à-dire non dépendante du seul fait de la Rédemption. Ainsi : La souffrance en Dieu - celle que le Père partage avee le Fils sur la croix - ne doit pas obnubiler la souffrance originaire de Dieu : celle qui unit le Père, le Fils, et l'Esprit Saint dans un même pathos dès avant la fondation du monde En phénoménologue tout court, nous ne pourrons pas, face à cette affirmation éminemment théologique, ne pas nous demander (eu égard à notre seule analyse de l'expérience de plénitude amoureuse) si nos amours « terrestres » ne portent pas la marque de Dieu en ceci précisément que, certes chronologiquement éprouvées, elles n'en deviennent pas moins, dans le temps même oû elles sont vécues, elles aussi « passion volontaire », activité intentionnelle - mais une activité de conscience toujours co-présente avec cela même qui la provoque et l'entretient constamment : l'intuition de qui est la personne - mais une intuition qui en effet s'impose, attestant ainsi un pur pâtir d'autrui comme tel. L'analyse phénomé¬ nologique seule, en tout cas, atteste que, dans nos amours terrestres aussi, il en va d'une passion volontaire (d'une involontaire volonté d'aller toujours plus avant dans la connaissance de la personne), comme telle active - mais active d'être en même temps passive, active d'être constamment adossée au fait de pâtir autrui en sa présence fondamentale. Dans l'amour (et, redisons-le, dans l'amour seulement, cet amour que rien n'empêchera le phénoménologue de considérer comme une grâce), nous avons affaire à un pâtir actif (d'autrui en son « qui »), cependant que la plupart du temps nous subissons quelque chose d'autrui - et sommes alors « passifs » dans un tout autre sens : passifs d'une passivité triviale et involontaire, « involontaire » en ce sens qu'elle arrête notre regard sur telle ou
Falque, 2015, p. 264. '^Falque, 2015, p. 265.
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telle détermination, et le bride constamment dans sa caractéristique essentielle et a priori d'être ouverture à, mouvement de tension hors de soi. Nous soulignerons au passage que l'événement de la Résur¬ rection, tel que décrit par E. Falque, et en illustration à cette éton¬ nante parenté entre amour « terrestre » et amour « de Dieu », n'est pas « temporel » (situé dans le temps), mais « temporalisant », en ce sens que, survenant «en un clin d'œil », «instantanément» (1 Co 15,51), il ne peut pas ne pas nous surprendre et nous placer dans un « avoir toujours été » : n'en va-t-il pas de même de nos amours terrestres, amours à la faveur desquelles, dans le pur pâtir d'autrui, nous nous découvrons comme n'ayant jamais été maîtres de lui - nous nous découvrons à chaque fois comme originairement dépendants ? Comme si l'apparition de la personne aimée, non pas abolissait le passé, mais révélait, dans la fulgurance de l'instant, que tout conduisait à ce dernier et se récapitulait constamment en lui. Comme si nous avions alors affaire à une « autre » temporalité à même la temporalité « habituelle » - ou plutôt : à la même tem¬ poralité, mais autrement vécue : vécue dans un présent vivace et permanent, et, pour la raison que tout se récapitule constamment en lui, riche de sens. Comme si, avec l'apparition, et quelque contra¬ dictoire dans les termes que puisse être cette expression, nous nous découvrions à chaque fois en présence d'un Novum. La mise en présence de la personne aimée, et avec elle le sentiment amoureux comme tel, prennent à l'évidence place dans une chronologie, que nous pouvons toujours objectiver, par exemple en assignant des causes à ce qui arrive. Tristan aime Isolde parce qu'il a bu le filtre magique - pourtant celui-ci bu, quelle importance ? Il aime - mais il aime comme si alors les causes de son amour n'avaient en effet aucune importance, η 'en avaient même jamais eu. Bref : ne découvrons-nous pas là, au cœur de l'expérience, et dans ce temps « habituel » non aboli mais autrement vécu, quelque chose comme une « métamorphose de la finitude » ? La « présence », telle qu'E. Falque la comprend du point de vue théologique qui est le sien, rejoint encore l'analyse strictement phénoménologique de l'expérience de plénitude : constatant en effet le caractère fantomatique, voire fantastique car défiant toutes les lois naturelles, des apparitions du Christ ressuscité telles que relatées dans les Evangiles, c'est la distinction Leib/Kôrper que notre auteur mobilise encore, pour pouvoir interpréter de manière
Citant D. Franck, E. Falque note que cet événement « ici n'est pas temporel mais tem¬ poralisant : "aussitôt" que l'événement arrive, il nous dépasse et nous prévient "depuis toujours" » (cité in Falque, 2015, p. 273).
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juste et actuelle l'événement de la Résurrection. Ainsi note-t-il en particulier : La résurrection en effet n'est pas seulement la manifestation - ou l'apparition d'un autre mode de la présence par la chair. Elle est aussi disqualification, ou plutôt retrait, de la substantialité du corps Ne faut-il pas dire rigoureusement la même chose, dans le cadre d'une analyse, parfaitement neutre théologiquement, de l'expérience amoureuse ? N'y va-t-il pas dans cette dernière aussi (ou déjà ?) d'une incapacité radicale de l'aimant à considérer la personne comme une chose (Res), laquelle incapacité oblige à réinterroger le statut de la « présence » ? Dans le cas de la personne aimée et uniquement dans ce cas, la présence n'est jamais celle d'un corps (Kôrper) seulement. Comme si l'amour seul, en effet, mettait réel¬ lement en présence - comme s'il n'était de «présence réelle» qu 'en lui. Mieux encore : ne faut-il pas voir dans cette « présence réelle» la perception immédiate de la manière d'être de la per¬ sonne - de sa manière de vivre son corps, sa chair ? Concernant la résurrection du Christ, E. Falque note en particulier : Le mode d'être de son eorps, et donc sa chair dans ses kinesthèses ou sa manière propre d'apparaître, tel est donc ce par quoi les disciples le reconnaissent dans son être ressuscité - et par quoi nous-mêmes aussi nous nous reconnaissons et serons reconnus les uns par les autres Nous ajouterons quant à nous le semblable connaissant le sem¬ blable, faut-il s'étonner que, la personne aimée m'ayant « touché » profondément au point de l'avoir « dans la peau », seule une chair puisse effectivement reconnaître une chair en sa manière singulière et insubstituable - et si par « chair » on entend : mon activité préconstituante, sensible, délivrant l'être-là de la personne aimée comme un fait brut, être-là indissociable de l'intuition de qui elle est et se confondant sensiblement avec cette intuition même ? Si tel est le cas, alors, certes, ce n'est jamais, au sein de l'expérience amoureuse, un « corps » uniquement, en ses aspects physiques, dûment objectivés comme tels, qui est « présent », mais bien, aussi, voire d'abord, une chair reconnue par une chair. Bref: qu'il s'agisse de la personne aimée, telle qu'analysée strictement comme telle par le moyen de la phénoménologie, ou qu'il s'agisse de l'apparition du Christ ressuscité (Résurrection également analysée par E. Falque en phénoménologue dans le cadre d'une «philosophie de l'expérience religieuse»), un même mode de temporalité vécue et un même mode de présence non substan¬ tielle viennent à expression. Constatons-le : sur ces points précis.
Falque, 2015, p. 353. Falque, 2015, p. 356.
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70Α. ALTIERI, POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA GRÂCE 183 « philosophie de l'expérience religieuse » et phénoménologie de l'expérience de plénitude requièrent une même compréhension de la « présence », et semblent mettre en jeu une « métamorphose de la finitude » se donnant à comprendre rigoureusement dans les mêmes termes. Ici, l'analyse strictement phénoménologique consonne avec le donné théologique - tel qu'analysé par E. Falque en phéno- ménologue. Mais alors ne faut-il pas pousser plus avant l'analyse de cette rencontre ? Et la « métamorphose de la finitude » ren¬ voyant à ce que, en régime explicitement théologique, on appel¬ lerait à bon droit « assomption (ou accomplissement) de la nature par la grâce » sans préjudice de cette nature comme telle, ne devient-il pas légitime de revenir à l'expérience de plénitude pure et simple pour à tout le moins fixer les idées, pour ainsi dire humainement parlant, quant à ce qu'il en est de la grâce - cette grâce qui assume et accomplit notre nature tout entière ? IL Vers une phénoménoeogie de la « grâce » ? Toute constitution en général est adossée à une vie de conscience (quoique cette vie « de conscience » ne soit pas conscience de) définie comme préconstitution propre à la « synthèse passive » d'unités d'identités « là » - préconstitution antéprédicative, non thématique, inhérente au sensible Mais qu'en est-il de ces « unités d'identités » dans le cas d'autrui - et, tout spécialement, dans le cas d'autrui quand il est aimé ? Avec autrui pour autant qu'il est aimé, c'est une chair, aussi, qui reconnaît une chair, venons- nous de remarquer. D'ailleurs, il suffit d'interroger l'expérience tout court pour réaliser combien l'aimant, en effet, connaît pour aînsî dîre par cœur chaque geste de la personne aimée. Aînsî la
Un examen serré du Corpus husserlien oblige en effet à rompre radicalement avec une certaine conception de l'intentionnalité, selon laquelle cette dernière se bornerait à la seule constitution de signification (Sinngebung) : l'intentionnalité est activité d'être dirigé-vers purement et simplement, et est comme telle primordialement Selhstgehiing - préconstitution d'unités d'identités « là », laquelle « préconstitution » est justement la condition de pos¬ sibilité de toute donation de signification. Autrement dit, à suivre Husserl lui-même, il faut admettre qu'une unité d'identité est toujours déjà préconstituée selon la légalité immanente propre à la synthèse passive, et que c'est elle, en tant que « là », qui affecte éventuellement le Moi, incitant ce dernier au Cogito, c'est-à-dire à une saisie explicite, strictement objectivante. La « légalité » évoquée ici est celle de la loi associative origi¬ naire de la ressemblance et de la dissemblance, par quoi une organisation advient de manière parfaitement immanente au matériau hylétique comme tel, sans qu'entre néces¬ sairement enjeu l'activité du Cogito. Pour le dire simplement : la « préconstitution » n'est pas nécessairement sous-tendue par la constitution de signification : il y a Einheitshildung dans le présent vivant perceptif, et ce qui est ainsi originairement associé « peut affecter [...] parce qu'il est lié», mais il serait faux de dire qu'il est lié «parce qu'il affecte ensemble » (Husserl, 1998 [1919-1926], p. 390). L'affection, dans la genèse de l'acte objec¬ tivant, étant la condition de possibilité de ce dernier, on comprendra le caractère indépen¬ dant de la synthèse passive, et inhérent au sensible comme tel.
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« chair » et le « geste » ont-ils ceci de commun qu'ils relèvent tous deux de la vie antéprédicative : manière d'être corps, et perception de cette « manière » comme telle, se passent de mots (de donation de sens). Pour quiconque le connaît par cœur, le geste est à soi- même, dans l'amour, son propre sens, ou plutôt : il appelle les mots pour le dire, mais est d'emblée riche d'un sens qu'aucun mot, non plus qu'aucune accumulation de descriptions, ne saurait rejoindre pleinement. Dirons-nous alors que 1'« unité d'identité » préconsti- tuée comme telle dans le cas de la personne aimée, et puisqu'elle relève de l'antéprédicatif, n'est autre que l'unité de la chair? N'est-ce pas plutôt celle du corps (Korper), comme Gegenstand, comme objet là-devant - ce corps dont nous venons pourtant d'affirmer que la personne aimée ne saurait être réduite à lui seulement ? Nous faudra-t-il parler, concernant l'explicitation du comment de l'appréhension fulgurante de « qui » est la personne aimée, d'une parenté hénologique, vécue comme telle, entre unité d'identité justement physique, d'une part, et idée de qui est l'autre, d'autre part ? Mais ne serait-ce pas là une description quelque peu schématique, et ignorant ce fait expérientiel selon lequel, dans le cas de la personne d'autrui en général et à moins que celui-ci ne soit un cadavre, l'unité d'identité ne peut pas être comprise comme une entité en quelque sorte abstraite (comme le « pur X », abstraction faite de tous ses prédicats, comme nous le lisons dans les Ideen P^) ? Peut-être nous faut-il revenir, avec E. Falque, au constat phénoménologique selon lequel il est effectivement pos¬ sible de percevoir d'emblée la personne (en l'occurrence le Christ ressuscité) en sa chair, c'est-à-dire en sa manière (insubstituable et immédiatement reconnue comme telle) de vivre son corps. Pour le dire autrement : l'hypothèse d'une nécessaire préconstitution d'une « unité d'identité » comme soubassement permanent de l'intuition fulgurante de « qui » est la personne aimée, demeure phénoméno- logiquement requise par une certaine fidélité à la chose même. Peut-être même, au tout début, ne « percevons »-nous, en effet, que l'unité d'un corps. Pour autant, ce qui fonde la spécificité de l'expérience amoureuse (et de cette étrange connaissance des gestes qui lui est afférente), réside dans le fait que, dans le cas d'espèce, 1'« unité d'identité » est dès toujours animée, en effet, mais de telle sorte qu'elle doit être, elle-même et comme telle, conçue comme une unité dynamique, comme une unité mouvante et se mouvant, et ce d'une manière qui lui est effectivement propre. C'est bien cette « manière » que le regard aimant « perçoit », reconnaît à chaque foîs, en amont de tous les mots pour la décrire. En ce sens, îl existe
Husserl, 2008 [1913], p. 442.
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une « connaissance » spécifique à la chair - une connaissance certes antéprédicative, mais une connaissance tout de même -, de sorte que seule une chair peut « connaître » une autre chair. La parenté hénologique entre unité d'identité préconstituée comme telle et intuition de l'idée est donc, au bout du compte (et voilà bien ce que la lecture d'E. Falque oblige à préciser), une unité de connaissance. Nous avons bien en nous, dans un pur pâtir, Vidée de la personne aimée : mais cet « avoir en nous », au niveau du vécu propre à l'expérience comme telle et pour autant que nous nous efforcions de spécifier l'expérience amoureuse, est rendu possible par une connaissance propre à la vie chamelle, et par laquelle la chair de l'autre s'avère n'avoir jamais été pour moi n'importe quelle « chair ». Cela étant précisé sans préjudice du rôle nécessaire de l'intellection de l'idée - au risque sinon de mettre hors-circuit ce qui fait le propre de l'homme et de tout amour humain : son intelligence, précisément. Du point de vue phénoménologique (et phénoménologique seu¬ lement) qui nous occupe, c'est donc bien, au fond, à la question d'une possible « rationalité profonde », telle que nous avons pu la thématiser par ailleurs que nous renvoie à sa manière la théologie phénoménologique d'E. Falque. Si nous sommes évidemment d'accord pour reprendre à notre compte l'affirmation que « ce qui n'est pas assumé n'est pas sauvé », ainsi que l'idée théologique d'un Fils de Dieu assumant sa propre finitude de « vrai homme » jusque dans l'angoisse de la mort - et indiquant ainsi à l'homme « tout court » la possibilité d'un Salut, non pas comme destruction de la finitude ou évasion illusoire hors de celle-ci, mais comme métamorphose de la finitude dans une manière oblative de se vivre intégralement (« coφs et âme ») en dépendance d'un Autre, avons-nous le droit phénoménologique de prétendre que le « corps » que nous sommes serait aussi le lieu d'un chaos en quelque sorte irréductible et pri¬ mordial ? Est-il exact d'affirmer que la phénoménologie est « prise dans les arcanes du signifier^^ », laissant ainsi dans l'ombre de ses analyses, ou plutôt en creux de son explicitation d'une intentionnalité d'emblée donatrice de significations, tout un monde « irréfléchi^'' »
Voir Altieri, 2015. Ou encore Altieri, 2016, Première Partie. ^-'Falque, 2015, p. 413. 20 ~ ~ ~ ~ ~ ~ Nous faisons bien sûr ici allusion à M. Merleau-Ponty, et à sa contestation du Cogito comme origine absolue, déliée de l'espace et du temps : « Le monde est là avant toute analyse que je puisse en faire et il serait artificiel de le faire dériver d'une série de syn¬ thèses qui relieraient les sensations, puis les aspects perceptifs de l'objet, alors que les unes et les autres sont justement des produits de l'analyse et ne doivent pas être réalisés avant elle. L'analyse réflexive croit suivre en sens inverse le chemin d'une constitution préalable et rejoindre dans "l'homme intérieur" [...] un pouvoir constituant qui a toujours été lui. Ainsi la réflexion s'emporte elle-même et se replace dans une subjectivité invul¬ nérable, en deçà de l'être et du temps. Mais c'est une naïveté, ou, si l'on préfère, une
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OÙ nul ordre immanent ne régnerait ? « Husserl n'a jamais expliqué la manière dont la pulsion pouvait donner lieu à de l'intentionnalité, bref, comment le sens et le phénomène provenaient de la force^^ » : nous soulignerions volontiers de notre côté que cette « force » ano¬ nyme, que cette anima mouvant les coφs que nous sommes et que nous vivons comme tels renvoie sans doute à ce que la phénomé¬ nologie historique autorise justement à penser comme «activité plus ancienne que toute activité », comme pure « apérité » ordon¬ nant d'emblée le monde en un monde d'unités « là », selon la léga¬ lité immanente à la conscience intime du temps. Le Christ en Croix assume jusqu'à notre animalité (au sens à'animaXiié, c'est-à-dire de corps vivant) - nous ne le contesterons pas. Pas plus que nous ne contesterons que l'homme puisse être, selon le mot fameux de Malraux, un « misérable petit tas de secrets », c'est-à-dire un être en effet pulsionnel et souvent irréfléchi. Pourtant, nous nous demanderons si cette animalité que nous sommes aussi, animalité comme vie pure et simple, peut, parce qu'elle n'est certes pas toujours « raisonnable », être néanmoins rangée sous cette notion générale de « chaos », d'absence d'ordre. Notre conviction est au contraire qu'un tel « chaos » n'existe tout simplement pas selon la phénoménologie historique, qui permet en effet de penser une rationalité profonde, d'avant la « raison » comprise comme activité de donner sens. Nous connaissons « par cœur » les gestes de la per¬ sonne aimée, que nous distinguons entre tous. Cette connaissance n'est précisément pas « donation de signification». Elle est d'un autre ordre que la connaissance strictement « explicite » (telle qu'une visée explicite la constitue comme Sinngebung), connais¬ sance antéprédicative et intimement liée à la conscience intime du temps (car un « geste » est une continuité dans le temps), qui à la fois fonde l'unité constamment « là » de la personne et permet l'intuition « constamment fulgurante » de son « idée ». Aussi peut-être pourrions-nous avancer ceci : la personne aimée est un coφs doté d'un visage ; un corps physiquement semblable à n'importe quel coφs du même sexe, et qui ne devient pour l'aimant corps de Vaimée qu'en tant que corps vivant se distinguant par ses kinesthéses (connaissance sensible, antéprédicative) ; cependant ce corps vivant est pour ainsi dire couronné par un visage (en soi semblable, lui, à nul autre) ; l'amour se dirige vers la totalité de la personne, laquelle est l'unité du corps et du visage faisant partie de ce corps même. La traduction noétique de cette unité sera l'unité de
réflexion incomplète qui perd conscience de son propre commencement. J'ai commencé de réfléchir, ma réflexion est réflexion sur un irréfléchi, elle ne peut s'ignorer elle-même comme événement. » (Merleau-Ponty, 2006 [1945], p. 10.) Citation de D. Franck, in Falque, 2015, note 3, p. 409.
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l'intuition fulgurante de « qui » est la personne en son visage absolument singulier, d'une part, et de sa manière physique d'être son corps vivant, d'autre part. Pas d'intuition fulgurante de qui est la personne aimée sans cette connaissance antéprédicative des gestes qui sont les siens comme Leibkôrper ; et davantage : l'intuition de l'idée se nourrit, en temps réel, de cette manière d'être physique et vivante. Mais pas non plus, constatons-le simplement, de connais¬ sance antéprédicative de cette manière d'être corps, manière unique, sans intuition de qui est la personne en l'unicité de son visage. Dans le cadre de nos connaissances « habituelles », pas plus que nous ne nous interrogeons sur « qui » est autrui au-delà de ses apparences dicihles, nous ne prêtons attention à la singularité de ses gestes. Il en va tout autrement dans le cas de l'amour, et dans ce cas seulement. La singularité de Vidée nous rend sensibles à celle des kinesthèses, qui à leur tour, dans la perception que nous avons de leur singularité même (connaissance des gestes), confirment à leur manière cette singularité de l'idée. La connaissance amoureuse est donc bien, au bout du compte, la synthèse, vécue comme telle en temps réel, de deux connaissances distinguables par abstraction : l'une, purement intuitive (intellection de l'idée), et l'autre, pétrie de temporalité (connaissance des gestes). On ne peut « connaître » (IvVentièrement. On ne peut connaître un vîsage (l'îdée) abstraîte- ment du corps vîvant dont îl faît physîquement partîe ; maïs on ne peut connaître par aîlleurs la singularité de cette manière vivante d'être corps, sans que celle-ci ne tire aussi sa singularité de l'unicité de Vidée. Que l'on songe d'ailleurs Ici à la contemplation nostalgique d'une photographie, cet « Instantané » figé de la vie, et à l'Insatisfaction que cette contemplation Induit ; c'est que cette reproduction, voisine de la perfection quant à l'aspect général de la personne en ses qualités visibles, parce qu'Instantanée précisément, est sans doute la plus subtile des trahisons de la chose même La vision de la photographie ne dit pas le tout de la personne, ne dit pas sa vie. Toute klnesthèse, par définition, est exclue de cette Image figée - mais la vision de celle-ci ne peut pas ne pas éveiller, avec celui de l'Idée, le souvenir des gestes, jadis perçus dans la connaissance antéprédicative qu'est la connaissance charnelle ; et la simple photographie, le cas échéant vue et revue et toujours la même, est la négation de cette vie personnelle que l'Intelligence
28 * * Nous nuancerons cependant cette affirmation, en soulignant, comme par contraste, tout l'enjeu du portrait en peinture (et peut-être aussi dans l'art photographique) : « C'est un travail étonnant que fait le portraitiste ; il cherche en quelque sorte à retrouver et dégager une essence qui serait l'identité véritable de la personne, à travers différents modes de ses apparitions. Sorte de remontée proprement philosophique en acte depuis la diversité phénoménale jusqu'à un fondement qui est l'unique source d'où elle émane. Bref un portrait va toujours au-delà de ce qu'il montre, au-delà de lui-même. » (Orcajada, 2015, p. 79.)
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sensible reconnaissait dans la présence vivace. La photographie fixe quelques déterminités objectives - mais il lui manque l'essentiel, qui ne peut être que suggéré (et sans doute est-ce là tout l'art du photographe portraitiste) : la reproduction du mouvement, des kinesthèses, sans lesquelles nulle « connaissance » totale, c'est-à-dire nulle connaissance véritable engageant le tout de l'être (intelli¬ gence judicative et sensibilité), ne saurait advenir. L'insatisfaction profonde que procure la vision photographique redit, s'il en était encore besoin, combien la « présence » de la personne ne peut être « chosifiée », mais se donne comme « en retrait de la substantialité du corps », c'est-à-dire ne tient pas aux seules qualités objectives, en l'occurrence fixées sur la pellicule. L'art joue avec le manque, et peut-être toute l'essence de l'art, qu'il soit musical ou pictural, consiste-t-elle à suggérer l'implicite. Ainsi réside dans l'amour authentique (oblatif) une « connais¬ sance » tout uniment physique et intellective, chamelle et idéelle. Il y a une « intelligibilité », non seulement du sensible, mais même sensible comme telle, et 1'« animalité » que nous avons en commun avec l'animal est pétrie d'intelligence. L'animal, note F. Hadjadj, est « tout entier sensible et tout entier parlant. Sa chair est élo¬ quente. Sa parole est charnelle. » Mais ainsi nous dirons que, chez l'homme pétri d'animalité, « une relation purement physique est aussi une relation vraiment spirituelle. Et moins elle est spirituelle, moins elle est physique ^^» Nous dirons que le miracle de la connaissance amoureuse tient en ceci que l'intellection de l'idée touche l'âme, et partage avec la sensation la parenté d'un même être immédiat ; cependant que la connaissance chamelle (sensible) discrimine une manière physique d'être à nulle autre pareille, en effet, et partage ainsi avec la pensée réfléchie et discursive la parenté d'un procès de connaissance. Le « miracle » consiste donc en ceci : ce dont l'âme est touchée et ce que touche le corps aimant sont une seule et même présence. La chair n'est pas aveugle : elle connaît. L'esprit n'est pas déficient, lorsqu'il ne peut dire ce qui le touche et qui fulgure en lui (l'idée). Au contraire, le summum de l'intelligence tient en cette intellection, mais pour ainsi dire confirmée par la chair, voire charnellement nourrie. Le summum de l'intelligence réside dans l'acte total du connaître, un acte qui implique le tout de l'homme, cet homme que la modernité dissèque en plaçant une res cogitans à côté d'une res extensa. Seul l'amour autorise (ou est) cette connaissance parfaite et totale, où l'on connaît de tout son être, où l'on reconnaît l'indicible singularité de la personne aimée en un permanent clin d'œil, où l'on voit en
Hadjadj, 2014 [2008], p. 59.
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76Α. ALTIERI, POUR UNE PHÉNOMÉNOLOGIE DE LA GRÂCE 189 sentant (connaissance des gestes) et où l'on sent en voyant (intellection de l'idée). Certes, cette « connaissance totale » est en- deçà des mots qu'elle appelle ; c'est pourquoi certains prétendront peut-être qu'elle n'est pas une « connaissance » accomplie, mais n'est qu'une affaire de « sensations », ou de « sentiments », non encore authentifiés dans leur vérité par la vérité des mots. Nous nous bornerons ici à souligner, avec F. Hadjadj, que « ceux qui cherchèrent les sensations les plus pures furent aussi les plus mystiques. Cézanne, qui voulait une "peinture bien couillarde", estimait que "voir comme celui qui vient de naître" équivalait à "voir l'œuvre de Dieu" » Ainsi, la prise en compte théologique de la « chair » du Christ et de sa « résurrection » rejoint en quelque sorte d'« en haut » ce que le phénoménologue tout court affirme quant à lui d'« en bas », à savoir la nécessité de concevoir la « présence » personnelle comme « en retrait de la substantialité du corps ». Constatons-le simplement : cette « présence » non réifiable dessine un lieu com¬ mun à la théologie de la Résurrection et à la phénoménologie de l'expérience de plénitude, conférant plus que jamais à cette dernière une certaine portée théologique. Mais avec ce lieu commun, et pour autant que nous continuerons à accorder valeur théologique à notre phénoménologie de l'expérience de plénitude, se dessine aussi une possible thématisation phénoménologique de la « grâce » : la grâce comme don de Dieu, mais un don accomplissant, comme la théo¬ logie nous l'affirme, notre nature humaine sans la détruire - la thématisation d'une « grâce » s'accomplissant avec une douce violence, et dont le phénoménologue tout court pourra reconnaître la trace dans son propre domaine d'examen. Conclusion L'amour authentique de la personne n'est pas exempt d'une certaine sensualité, qui, loin de « flatter » les « basses » couches de notre être sensible, est déjà profondément humaine en ce sens qu'elle consiste déjà, en elle-même et comme telle, en une sorte de connaissance - que Γ intellection de l'Idée vient constamment accomplir, ou couronner, comme un visage vient couronner le corps vivant dans son entier auquel il appartient. Là est la « douce violence » : la personne aimée 5 'impose comme telle, nous subissons son être tout entier - mais dans la sensualité d'une connaissance qui commence comme connaissance chamelle, une connaissance
Hadjadj, 2014 [2008], p. 61.
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qui, parce qu'elle touche ce qui est le plus profond en l'homme (sa peau), demeure à jamais ineffaçable. En ce sens, il nous faut dire encore que la sensibilité, dans le cas de l'amour, ne peut pas être considérée comme une vie foncièrement indifférente à ce qui s'annonce à elle, comme une pure spontanéité allant son train d'être : cette spontanéité s'avère connaissante, et elle s'avère connaissante parce que l'être aimé s'imprime en quelque sorte en elle, lui impose une forme à la faveur même de la vie charnelle et du devenir- sensible. Pour le dire encore autrement, la manière qu'a la personne aimée de vivre son corps impose sa forme, certes, à la « peau » de l'aimant - mais ce « s'imposer soi-même », précisément parce qu'antéprédicatif, n'implique aucune espèce d'hétéronomie du côté de ce dernier : telle est la douceur, douceur d'une caresse où le geste de l'un accompagne et informe constamment le geste de l'autre, au point de ne plus faire qu'un seul et même geste, qu'une seule et même chair. Comment ne pas songer, sur cette seule base phénoménologique, à la « grâce » comme à ce qui assume et accomplit notre nature - mais notre nature en toutes ses compo¬ santes ? L'amour qui se donne (autre nom de la grâce, précisé¬ ment), dans le temps même où il se donne, nous laisse être en ce que nous comportons de plus foncier - mieux : nous rend à la spontanéité de notre vie, y compris la plus organique. L'« idée » s'impose, certes, mais dans une connaissance qui, redisons-le, commence comme connaissance chamelle. De ce point de vue, nous insisterons sur le fait que la sensualité est peut-être une dimension essentielle de la grâce, telle que la théologie la conçoit, et qu'il serait absurde d'occulter : 1'« idée » s'impose de charmer aussi les sens, sans les flatter, et en rendant l'aimant plus vivant qu'il ne l'aurait jamais été sans elle. En présence de la personne aimée, je ne saisis rien, je suis bien plutôt saisi, corps et âme, et la « douce violence » de la grâce tient alors en ceci que je découvre « la stupeur de ma propre dépossession », opérée par « une douceur plus violente que la violence méme^' ».
Hadjadj, 2014 [2008], p. 81. REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2018, Tome 98 n° 2, p. 173 à 191
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