« Il faut enseigner aux chrétiens… » Martin Luther et l’éducation
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2018 – 2, 98e année, n° 2. varia - Auteur : Arnold (Matthieu)
- Pages : 137 à 154
- Réimpression de l’édition de : 2018
- Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
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« IL FAUT ENSEIGNER AUX CHRÉTIENS... » Martin Luther et l'éducation*
Matthieu Arnold Faculté de Théologie protestante de l'Université de Strasbourg (EA 4378) 9 place de l'Université - F-67084 Strasbourg Cedex À mes maîtres de la Faeulté de Théologie protestante de Strasbourg, en hommage très reeonnaissant Résumé : Martin Luther a accordé une importance capitale à l'instruction et à l'éducation des enfants - les filles comme les garçons. Elles rendent les êtres humains aptes à servir Dieu à la fois dans le régne spirituel — en tant que prédicateurs — et dans le domaine temporel, et à lutter ainsi contre le diable. Luther a exprimé ces idées non seulement dans ses traités Aux magistrats de toutes les villes d'Allemagne pour les inciter à ouvrir et à entretenir des écoles chrétiennes (1524) et Prédication sur le devoir d'envoyer les enfants à l'école (1530), mais encore dans certains de ses grands écrits réformateurs, dans ses catéchismes, dans ses écrits sur la vie conjugale, voire dans ses lettres. Abstract : Martin Luther lent a key importance to the instruction and edu¬ cation of children (both girls and boys), which he thought made human beings capable of serving God in the spiritual kingdom (as preachers) as well as in the earthly kingdom, and of fighting against the devil. Luther developed these ideas not only in his treatise To the Councilmen of all Cities in Germany (1524) and A Sermon on Keeping Children in School (1530) but also in some of his major Reformation writings, in his catechisms, in his writings on married life and even in his letters. « II faut enseigner aux chrétiens... » Les interprètes de Martin Luther n'ont pas manqué de remarquer le procédé de l'anaphore dans la partie centrale de la Dispute sur le pouvoir des indulgences (Disputatio pro declaratione virtutis indulgentiarum)\ Par contre, ils n'ont guère observé combien les thèses 42 à 51, qui commencent
* Leçon de rentrée de la Faculté de Théologie protestante de l'Université de Strasbourg (3 octobre 2017), revue pour la publication. ' WA 1, 233-238. Traduction française Luther, 1999 [1517] et 2014 [1517],
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par « docendi sunt christiani », illustrent le lien qui, d'emblée, existe entre la Réformation et l'enseignement voire l'éducation^. En effet, les 95 thèses, qu'elles aient été débattues ou non^ Λ relèvent bien de l'enseignement universitaire au Moyen Age et à la Renaissance. « Par amour de la vérité et par souci de la montrer clairement"^ », précise le prologue à la Dispute sur le pouvoir des indulgences, ce qui indique que Luther situe sa controverse dans le cadre non pas d'une promotion, mais dans celui de thèses d'exercice débattues afin de clarifier une question doctrinale controversée. Or, tel était bien le cas des indulgences ^ Dans ses thèses, Luther propose à ses auditeurs un enseignement destiné à remplacer la prédication fallacieuse des vendeurs d'indulgences - à commencer par Johannes Tetzel, « grand braillard » qui, à lire le Réformateur en 1541, « avait prêché des articles abominables et horribles». I. Il faut enseigner aux chrétiens ... : le programme des 95 thèses «Il faut enseigner aux chrétiens...» Mais que faut-il leur enseigner? Il faut leur enseigner tout d'abord - thèses 42 à 45 - que l'intention du pape n'est nullement de placer les indulgences sur le même plan que les œuvres de la miséricorde, en particulier la charité. Citons les thèses 43 à 45, par lesquelles Luther demande que l'on enseigne aux chrétiens à préférer les manifestations de solidarité envers le prochain à l'égoïsme et au laxisme dont l'achat d'indulgences est l'expression : 43. Il faut enseigner aux chrétiens que celui qui donne à un pauvre ou prête à un nécessiteux fait mieux que s'il achetait des indulgences ; 44. parce que, par l'œuvre de la charité, la charité grandit et l'homme devient meilleur ; en revanche, par les indulgences, il ne devient pas meilleur, mais il est seulement plus libre à l'égard de la peine. 45. Il faut enseigner aux chrétiens que celui qui voit un nécessiteux et, sans se soucier de lui, donne pour les indulgences, réclame pour lui- même non pas les indulgences du pape, mais le courroux de Dieu
2 Les monographies relatives à Luther et l'éducation sont peu nombreuses. Aussi peut- on toujours se référer à Asheim, 1961. Parmi les interprètes récents qui se consacrent à ce thème, il faut mentionner le nom de Markus Wriedt, qui traite non seulement de Luther mais encore, plus largement, de l'Université de Wittenberg au XVÉ siècle. Outre les études de cet auteur que nous citons ci-après, voir Wriedt, 1996. ^ Voir Leppin, 2006, p. 126 ; Arnold, 2017, p. 108-115. ^ WA 1, 233, 1 : Amore et studio elucidande veritatis. ^ Voir les contributions rassemblées dans Arnold - Lehmkuhler - Vial, 2018. WA 51, 538, 25 ; 539, 12s. Traduction Luther, 2015 [1541], p. 233s. ^ WA 1, 235, 22-27. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 60s.
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Tout en invitant les croyants au partage, Luther n'entend pas qu'ils se dépouillent - en tout cas pas pour acquérir des indul¬ gences -, précise la thèse 46 ^ Tandis que les thèses 42 à 46 relèvent d'un enseignement éthique, les thèses 47 à 51 se situent plutôt dans le domaine de la doctrine relative aux indulgences. « Il faut enseigner aux chrétiens que l'achat des indulgences est libre, et non pas ordonné® », précise la thèse 47. Nul précepte divin ne se rapporte à l'acquisition d'indulgences. Cette mise au point effectuée, les thèses 48 à 51 explicitent la doctrine que Luther prête, sans doute avec sincérité, au souverain pontife. En distribuant les indulgences, le pape a besoin davantage de la prière des fidèles - les suffrages - que d'argent (thèse 48 '"). « Il faut enseigner aux chrétiens, poursuit Luther, que si le pape connaissait les exactions des prédicateurs d'indulgences, il préférerait que la Basilique Saint-Pierre parte en cendres plutôt que d'être construite avec la peau, la chair et les os de ses brebis ". » (Thèse 50.) Mieux encore, le souverain pontife voudrait - quitte à sacrifier la construction de la Basilique Saint-Pierre - « donner de son argent à un grand nombre de ceux auxquels les prédicateurs d'indulgences soutirent leur argent'^ » (thèse 51). Ainsi, tandis que la thèse 43 a appelé les chrétiens à « donner » aux pauvres, la thèse 51 conclut la série d'anaphores en affirmant que le pape est désireux de « donner » - et même qu'il doit le faire ! - de son argent à ceux qu'appauvrissent les prédicateurs d'indulgences... Quant à la thèse 49, elle appelle à enseigner aux chrétiens qu'il ne faut nullement placer sa confiance dans les indulgences du pape, sans quoi ces dernières seront très nuisibles aux croyants 'T La thèse 52, qui suit la série d'anaphores « il faut enseigner », martèle le même message : « Il est vain de croire au salut par les lettres d'indulgences, quand bien même le commissaire - ou mieux, le pape en personne - donnerait pour elles son âme en gage » Ensuite, Luther passe à un autre thème de sa contestation des indulgences. Ainsi, au cœur des fameuses 95 thèses, dont le 500® anniversaire a été commémoré l'an passé et qui se situent dans le cadre tradi¬ tionnel de l'enseignement universitaire, on trouve un programme d'enseignement qui porte à la fois sur des questions éthiques
** VoirWA 1, 235, 28s. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 61. '' WA 1, 235, 30s. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 61. Voir WA 1, 235, 32s. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 61. " WA 1, 235, 36-38. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 62. WA 1, 235, 39-41. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 62. Voir WA 1, 235, 34s. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 61. WA 1, 236, Is. Traduction Luther, 2014 [1517], p. 62.
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- donner et prêter au prochain - et sur des problèmes doctrinaux - l'étendue du pouvoir des indulgences et l'assurance du salut. IL Enseignement scolaire et éducation parentale ( 1517-1522) Quelques mois avant ses 95 thèses, Luther écrit à Johannes Lang à Erfurt pour se réjouir - non sans exagération - du déclin des études aristotéliciennes et de l'enseignement traditionnel à l'LFniversité de Wittenberg : Notre théologie et saint Augustin progressent à souhait dans notre université, grâce à la puissance de Dieu. Le soleil d'Aristote décline à l'horizon et disparaîtra peut-être pour toujours. Les leçons consacrées à l'étude des Sentences provoquent un grand dégoût, et aucun maître ne peut espérer avoir des auditeurs, à moins de commenter notre théo¬ logie, la Bible ou saint Augustin, ou quelque docteur dont l'autorité est reconnue Dans ses écrits postérieurs à ses thèses, qui résultent de la fin de non recevoir que Rome lui oppose, Luther développe un certain nombre de considérations sur l'enseignement et l'éducation ; il ne s'agit alors plus seulement ni principalement de l'enseignement de l'Église. Dans un premier temps, ses propositions se concentrent sur l'enseignement universitaire. Ainsi, VAppel à la noblesse de la nation allemande (An den christliehen Adel deutseher Nation von der christliehen Standes Besserung, 1520) demande aux autorités civiles de mettre en œuvre un certain nombre de réformes tou¬ chant à cet enseignement : Les universités auraient aussi bien besoin d'une bonne et solide réforme. Il faut que je le dise, s'en irrite qui voudra. [...] à mon sens, il n'est pas d'œuvre plus digne du pape et de l'empereur qu'une bonne réforme des universités ; il n'existe par contre rien de plus pernicieux ni de plus diabolique que ces universités non réformées Il faudrait supprimer les ouvrages d'Aristote, notamment le traité De Γ âme et V Ethique (la Logique, la Rhétorique et la Poétique seraient, quant à elles, conservées), extirper le droit canon des études de théologie et privilégier l'étude de la Bible sur celle des
WABrn° 41 : 1, 99, 8-13 (18 mai 1517). Traduction Luther, 1959 [1509-1546], p. 17. Sur ces réformes, voir le commentaire détaillé de Kaufmann, 2014, p. 426-462, qui relève combien les mesures préconisées par Luther touchent tant à l'université qu'aux écoles latines. Kaufmann souligne, p. 461s., que, en mettant l'explication de la Bible au centre de son programme éducatif, Luther ne fait que théoriser un combat que, en tant qu'interprète de l'Écriture à l'Université de Wittenberg, il mène dans la pratique depuis plusieurs années déjà. " WA 6, 457, 28s. ; 458, 37-40. Traduction Luther, 1999 [1520], p. 657 et 659.
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Sentences Quant aux autres ouvrages théologiques, il conviendrait de privilégier la qualité plutôt que la quantité, en retenant principa¬ lement les écrits de « tous les saints Pérès ». En ce qui concerne les étudiants également, la valeur devrait primer sur le nombre : [...] si les écoles supérieures s'appliquaient à l'étude de l'Écriture sainte, il ne faudrait [néanmoins] pas y envoyer tout le monde, comme on le fait maintenant où on ne tient qu'à la quantité et où chacun veut faire son doctorat, mais seulement les plus aptes, qui ont précédem¬ ment reçu une bonne formation dans les écoles élémentaires Luther consacre quelques lignes à ces écoles élémentaires : il faudrait que l'enseignement le plus répandu y fût l'Écriture sainte. « Et plût à Dieu, poursuit-il, que chaque ville eût aussi une école de filles oû, chaque jour pendant une heure, que ce fût en latin ou en allemand, on fît entendre l'Évangile aux petites filles» Fût-elle brève, la mention de ces écoles élémentaires dans cet écrit promis à une très large diffusion est importante, car en 1519, dans son Sermon sur l'état conjugal (Ein Sermon von dem ehelichen Stand), Luther semblait encore réserver aux parents la tâche d'enseignement et d'éducation^^, «élever ses enfants en ayant pour seules vues le service, la louange et la gloire de Dieu ». Il comparait alors cette tâche aux œuvres de piété traditionnelles : [...] si tu veux vraiment faire pénitence pour tes péchés et obtenir l'indulgence la plus totale pour la vie et pour l'au-delà, [...] élève bien tes enfants [...] ; tes enfants seront les églises, les autels, les testa¬ ments, les vigiles et les messes que tu laisseras derrière toi^ . Seuls les parents incapables de donner eux-mêmes cette éduca¬ tion à leurs enfants, écrivait le Réformateur en 1519, devront solli¬ citer d'autres personnes, sans épargner ni peine ni argent 11 faut attendre que Luther quitte sa retraite de la Wartburg puis publie, en août de 1522, De la vie conjugale (Vom ehelichen Leben), pour voir à nouveau ce sujet traité sous sa plume. Il est vrai que le Réformateur l'esquisse seulement, vers la fin de son écrit : Pourtant, ce qu'il y a de meilleur dans la vie conjugale, ce pour quoi il vaudrait la peine de tout souffrir et de tout entreprendre, c'est que Dieu donne des enfants et commande de les éduquer (aujf tzutzihen) pour le service de Dieu. Voilà l'œuvre la plus noble et la plus pré¬ cieuse qui soit sur terre, car rien ne peut plaire davantage à Dieu que de sauver des âmes. [...] le pére et la mère sont assurément les
Voir WA 6, 457, 28 - 462, 11. Traduction Luther, 1999 [1520], p. 657-662. ^WoirWA6, 461, 1-10. Traduction Luther, 1999 [1520], p. 662. WA 6, 461, 36-39. Luther, 1999 [1520], p. 663. WA 6, 461, 13-15. Luther, 1999 [1520], p. 662. 22 Wriedt, 2014, p. 21 note 22, a attiré notre attention sur ce point. ^^WA2, 171,4-7 et 8-10. Traduction Luther, 1999 [1519], p. 240. ^''VoirWA2, 171, 7s. Traduction Luther, 1999 [1519], p. 240.
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apôtres, les évêques, les pasteurs des enfants lorsqu'ils leur annoncent l'Évangile « Le père et la mère » : en 1522 comme en 1519 et tout au long de ses écrits, Luther insiste sur le rôle de l'un et l'autre parent dans l'éducation^^. Dans la pratique, il se montrera fidèle à cette recom¬ mandation. Dans deux grands écrits ultérieurs, en 1524 et en 1530, le Réfor¬ mateur traite de concert de l'instruction scolaire et de l'éducation parentale : le premier ouvrage appelle les autorités civiles à ouvrir des écoles, le second presse les parents d'y envoyer leurs enfants. m. Aux MAGISTRATS DE TOUTES LES VILLES D'ALLEMAGNE... (1524) C'est au printemps de 1524, que, peut-être sur le conseil de Philippe Melanchthon, il rédige son appel Aux magistrats de toutes les villes d'Allemagne pour les inciter à ouvrir et à entretenir des écoles chrétiennes (An die Ratskerren aller Stàdte deutschen Lands, das sic christliche Schulen aufrichten und halten s oil en) . L'ouvrage sort des presses de Lucas Cranach et de Christian Doring, qui s'étaient déjà associés pour faire paraître la traduction du Nouveau Testament. Plusieurs mois avant cette impression, l'humaniste d'Erfurt Eobanus Hessus, que Luther connaissait bien, avait publié plusieurs lettres sous le titre II ne faut pas mépriser les études qui rendent plus humain, lesquelles sont très nécessaires au futur théo¬ logien (De non contemnendis studiis humanioribus futuro Theologo maxime necessariis Mais Luther écrit, quant à lui, en allemand, ce qui donne à son opuscule une diffusion bien plus large que la publication de Hessus Dans quel contexte les deux hommes prennent-ils la plume ? Jusqu'alors, les écoles - y compris celles soutenues par les villes - visaient principalement une instruction en latin, dont le but était de
WA 10 II, 301, 16-19 et 23-25. Traduction française : Luther, 1999 [1522b], p. 1176s. Il nous paraît d'autant plus important, en tant que théologien luthérien, de souligner ce point, que l'on assiste actuellement en France, y compris avec l'aval du Comité consul¬ tatif national d'éthique (CCNE), à une offensive sans précédent contre le rôle et même la présence du père au sein de la famille. Voir Strauch-Bonart, 2018. WA 15, 27-53. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 115-153. Analyse détaillée chez Wriedt, 2014, p. 19-28. 28 * * ^ Voir Jûrgens, 2014, p. 192. Par « études qui rendent plus humain », Hessus entend, comme les autres humanistes, notamment la philologie. Pour Jûrgens, 2014, p. 193, le fait que 82 exemplaires de cet écrit aient été conservés (il en existe moitié moins pour VAppel à la noblesse allemande, dont on sait que la pre¬ mière impression fut de 4 000 exemplaires) laisse penser qu'il fut tiré à plusieurs milliers d'exemplaires.
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former des lettrés, et notamment de futurs clercs. Dans son Instruction pour les visiteurs de 1528, Melanchthon écrira : C'est à cause de son estomac que l'on a couru à l'école ; là, on a appris à la grande majorité [des écoliers] à se procurer des prébendes par lesquelles ils pourvoient à leur entretien et se nourrissent en célébrant des messes impies L'historien doit faire la part de la polémique dans cette citation. Mais ce qui est certain, c'est que la saignée des couvents, à partir de 1521-1522, ainsi que la désorganisation du système éducatif traditionnel avaient porté un rude coup aux écoles. Redoutant le manque de perspectives pour leurs enfants, les parents les retirèrent des écoles pour les orienter vers des métiers manuels. Surtout, l'écrit de 1524 s'oppose à des tendances profondes qui se font jour au sein-même de la Réformation. En insistant dés 1520 sur le sacerdoce universel, Luther avait souhaité que tout un chacun eût accès à l'Ecriture sainte - et donc à Dieu -, sans la médiation d'un prêtre^^ C'est à cette fin qu'en 1522, il avait traduit en alle¬ mand le Nouveau Testament, ce « cri joyeux qui a retenti dans le monde entier par les apôtres » et qui « parle [de Jésus-Christ, le] véritable David qui a combattu le péché, la mort et le diable et les a vaincus ». Il avait invité ses lecteurs à se « plonger dans les livres du Nouveau Testament », qui leur apprennent que la vraie foi est celle dont jaillissent les œuvres de l'amour Mais pour certains de ses collègues à Wittenberg - notamment André Carlstadt^^, docteur en théologie et en droit canon qui allait se retirer dans un village, se vêtir en paysan et se faire appeler « frère André » -, la haine du clergé traditionnel allait de pair avec une hostilité aux études, un anti-intellectualisme qui jugeait notamment qu'apprendre les langues anciennes n'était plus nécessaire pour comprendre la Bible Pour¬ quoi, au demeurant, apprendre ces langues et scruter les textes bibliques, alors que des prophètes autoproclamés affirmaient que Dieu leur parlait directement, par des songes et des visions Quant à l'école primaire de Wittenberg, durant la retraite forcée de
CR 26, col. 90. Dingel, 2014, p. 181, nous a rendu attentif à cette citation. Voir WA 6, 411, 8 - 412, 38. Traduction Luther, 1999 [1515-123], p. 600-603. DB6, 4, 4-6. Traduction Luther, 1999 [1522a], p. 1048. Voir Luther, 2018 [1522-1546], p. 196. WA DB 6, 8-10 ; Luther, Œuvres, I, p. 1051. Voir aussi Luther, 2018 [1522-1546], p. 199s. Voir Burnett, 2014 ; Arnold, 2017, p. 276-279. Voir Dingel, 2014, p. 184. 30 * Songeons notamment à Thomas Muntzer. Voir Brâuer - Vogler, 2016, notamment p. 217-219.
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Luther à la Wartburg de mai 1521 au début de mars 1522, elle avait été transformée en boulangerie^^ ! Aussi Luther s'adresse-t-il publiquement aux Magistrats - les conseils des villes d'Allemagne - pour les exhorter à créer ou à maintenir des écoles. Sans remettre en question ses propos sur le sacerdoce universel, Luther en tire de tout autres conséquences que Carlstadt et ses partisans : renforcer l'éducation de tous - garçons et filles - afin que, notamment, ils aient un accès direct à la Bible. Ainsi, comme dans ses Thèses sur le pouvoir des indulgences, Luther ne suit pas avec servilité les modes ecclésiales, voire sociétales, de son temps, mais, en authentique théologien, il s'en fait le critique en se fondant sur la Bible. C'est d'ailleurs un verset biblique, Matthieu 19,14, qui est mis en exergue sur la page de couverture de la plupart des éditions de son appel Aux magistrats... : « Lasst die kynder tzuo mir komen und weret yhnen nicht (Laissez venir à moi les enfants et ne les en empêchez point). » Sur la page de titre de l'impression de Cranach et Doring, deux angelots, qui tiennent la rose de Luther, se trouvent entre le cartel portant le titre de l'écrit et celui encadrant le verset bibliqueD'autres impressions mettent en valeur moins l'auteur que le contenu de son écrit : c'est le cas de l'édition parue, également en 1524, à Erfurt chez Wolfgang Sturmer, qui représente une classe de garçons, sous la direction d'un institu¬ teur, et une classe de filles dirigée par une institutrice^^. Cette gra¬ vure fait ressortir un aspect essentiel de l'écrit de Luther : l'accès des filles comme des garçons à un enseignement primaire Il faudrait citer l'écrit dans son intégralité, tant Luther y plaide avec ardeur pour l'enseignement. Il déplore qu'en Allemagne, « partout [...] on laisse les écoles aller à vau-l'eau^^ » et il voit, en dernière instance, dans le diable l'auteur de ce laisser-aller : Car s'il est un tort qu'on puisse lui causer et qui le mortifie vraiment, il ne peut venir que de la jeunesse, si celle-ci est élevée dans la connaissance de Dieu, répand la Parole de Dieu et en instruit d'autres Il déplore le fait que les villes dépensent plus pour lutter contre les Turcs, pour acheter des armes et pour assurer leur sécurité que pour entretenir « un ou deux hommes qualifiés comme maîtres d'écolesOr, les gens qui sortent de l'université sont mieux
Voir Brecht, 1986, p. 140. Voir Dingel-Jurgens, 2014, illustration n° 28. Voir Dingel-Jurgens, 2014, illustration n° 29. Sur le rôle de la Réformation dans l'éducation des filles, voir notamment Heitz-Muller, 2009, p. 29-50. WA 15, 28, 5s. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 116. WA 15, 29, 31-33. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 118. Voir WA 15, 29, 34 - 30, 21. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 118.
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instruits que jadis et le moment pour les employer est donc favo¬ rable'*'^. Plus fondamentalement, Dieu a commandé aux parents d'instruire et d'éduquer leurs enfants, comme au Ps 78(77),5 ou en Dt 32,7 : « [...] pourquoi donc vivons-nous, nous les adultes, sinon pour prendre soin de la jeunesse, pour l'instruire et l'éduquer (leren und auffzihen) ? » Toutefois, dans la mesure où les parents sont, sinon inconscients de ce devoir, du moins insuffisamment préparés et trop occupés pour s'en charger eux-mêmes, cette tâche incombe à la collectivité. Cette dernière n'y perdra rien au change, insiste Luther : [...] pour une ville, le meilleur moyen de parvenir à la prospérité, à la richesse, au salut et à la force, c'est de compter nombre de citoyens intelligents, érudits, raisonnables, honorables et bien éduqués qui seront capables d'amasser, de conserver et de bien utiliser tous les trésors et les biens de cette ville En lisant les propos de Luther, on ne peut s'empêcher de penser à une citation attribuée à Jules Simon (1814-1896), et que l'on trouvait sur les tableaux noirs des écoles de la République : « Le peuple qui a les meilleures écoles est le premier peuple : s'il ne l'est aujourd'hui, il le sera demain. » Une ville se doit donc d'avoir des gens capables, mais « il ne faut pas s'attendre à ce que ces der¬ niers poussent spontanément ; on ne les taillera pas dans la pierre, pas plus qu'on ne les sculptera dans le hois'*' ». Admettons qu'il faille des écoles. Mais pourquoi apprendre le latin, le grec et l'hébreu, alors même que l'on peut désormais apprendre la Bible en allemand, objecte Luther. C'est par les langues, rétorque-t-il, que l'Évangile est venu et a été répandu, et c'est donc elles, le grec et l'hébreu, dont il a besoin pour être conservé'*^ Donc, mettons autant d'ardeur à défendre les langues que nous en met¬ tons à aimer l'Évangile'*®. [Les langues] sont le fourreau dans lequel est logée cette épée de l'Esprit. Elles sont le coffre dans lequel on porte ce trésor. Elles sont le récipient dans lequel on enferme ce breuvage. Elles sont les celliers où l'on resserre cette nourriture'". Aussi, pour Luther, il est certain que « si on ne conserve pas les langues », auxquels l'Esprit saint a jugé bon de lier l'Évangile, ce
^"VoirWA 15, 31, 8-20. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 119. WA 15, 32, 20-22. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 121. WA 15, 34, 32-34. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 123. ""WAIS, 35, 16-18.TraduetionLuther, 2017[1524], p. 124. Voir WA 15, 37, 3-6. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 126. WA 15, 37, 17s. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 127. ™ WA 15, 38, 8-11. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 127.
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dernier «finira inévitablement par disparaître^^». Pour juger de toutes les doctrines, comme Paul y appelle en 1 Corinthiens 14,27-29, il est indispensable de connaître les langues. Et même si des prédi¬ cateurs qui les ignorent sont capables de prêcher l'Évangile, « leur message manquera de vigueur et de force et finira par lasser et dégoûter son auditoire et l'effet cessera». Certes, l'école ne vise pas seulement à la vie spirituelle. Mais quand bien même le régne spirituel n'existerait pas, poursuit Luther, il n'en faudrait pas moins créer des écoles : Même si [...] on n'avait nul besoin des écoles et des langues, à cause de l'Écriture et de Dieu, pour instituer en tous lieux les meilleures écoles possibles pour garçons et filles, il devrait suffire de savoir que le monde, pour maintenir extérieurement l'état temporel, a besoin d'hommes et de femmes formés, afin que les hommes puissent bien diriger le pays et les gens, et les femmes gouverner la maison et éduquer les enfants et les domestiques. Or, ces futurs hommes, ce sont les jeunes garçons, et ces futures femmes les jeunes filles. C'est pourquoi il s'agit d'instruire et d'élever correctement (recht lere und auff zihe) garçons et filles dans cette perspective^^. Tous les enfants n'ont pas la même appétence pour les études, et Luther propose que, chaque jour, on envoie garçons et filles à l'école une à deux heures. Le reste du temps, ils travailleront à la maison et apprendront les tâches - le métier manuel - auxquels on les destine. « Quelques-uns d'entre eux sortent cependant du lot^"^. » Ln écrivant cette phrase, Luther pense aux filles aussi bien qu'aux garçons : [...] on peut espérer qu'une fois formés ils deviendront maîtres et maî¬ tresses d'écoles ou prédicateurs, ou se destineront à d'autres ministères ecclésiastiques. Ceux-là, il faut les laisser étudier d'autant plus et plus longtemps, voire les laisser se consacrer entièrement à ces études ^ . Le Réformateur rappelle à ses lecteurs qu'il ne faut pas laisser passer le moment favorable, et il espère que ses « conseils dévoués ne tomberont pas entièrement aux oubliettes », mais mobiliseront son lectorat. Son traité aurait pu s'arrêter là, mais Luther consacre in fine plusieurs pages à la nécessité, pour les villes qui en ont les moyens, « de ne lésiner ni sur les efforts personnels ni sur les efforts financiers pour créer de bonnes bibliothèques^^ ». En effet.
WA 15, 38, 30s. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 128. WA 15, 42, 6-9. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 132. WA 15, 44, 26-33. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 134. Sur la distinction entre état temporel et état spirituel, voir notamment WA 11, 247, 21 - 252, 23 (traduction Luther, 2017 [1523], p. 6-13) ; Lienhard, 2016, p. 400-410. ^''WA 15,47, IS.TraductionLuther, 2017[1524], p. 136. " WA 15, 47, 13-16. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 136. ^''WA 15,49, 7s. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 138. "WA 15,49, 12-14. Traduction Luther, 2017 [1524], p. 138.
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l'éducation ne s'arrête pas une fois que l'on quitte l'écoleIl faudra trouver dans ces bibliothèques l'Écriture Sainte en latin, en grec et en hébreu, ainsi qu'en allemand ; les meilleurs exégétes ; les poètes et les orateurs grecs et latins, qu'ils soient païens ou chré¬ tiens ; des livres sur les arts libéraux et toutes les autres sciences ; des livres de droit, de médecine et surtout d'histoire, « utiles pour comprendre la marche du monde et le gouverner'® ». Uécùi Aux Magistrats de toutes les villes allemandes... fut réim¬ primé dix fois en 1524, et, la même année, les villes de Nordhausen, de Magdehourg, de Halherstadt et de Gotha ouvrirent des écoles. L'année suivante, Melanchthon et Luther en personne inaugurèrent l'école latine d'Eislehen, la ville natale du Réformateur'". IV. La Prédication sur le devoir d 'envoyer les enfants à l 'école (1530) En 1529, dans son Grand Catéchisme, Luther n'interprète pas le quatrième commandement, « Tu honoreras ton père et ta mère », dans le seul sens des devoirs des enfants envers leurs parents. Il faudrait, écrit-il, leur prêcher au sujet de leurs devoirs, afin qu'ils se préoccupent sérieusement de leurs enfants. Car si nous voulons avoir des personnes de valeur, aptes, tout ensemble, au gouvernement temporel et spirituel, nous ne devons épargner, en vérité, ni zèle, ni peine, ni frais, quant à nos enfants, pour les instruire et les éduquer (leren und erziehen) de telle sorte qu'ils puissent servir Dieu et le monde [...]". Luther développe ce propos dans sa Prédication sur le devoir d'envoyer les enfants à l'école (Eine Predigt, das man die Kinder zur Schulen halten solle)^^, qu'il rédige durant le séjour qu'il passe en 1530 à la Coburg, le point le plus méridional de la Saxe élec¬ torale, tandis que les autres théologiens saxons et le prince Jean le Constant se trouvent à la Diète d'Augsbourg. Ce volumineux ouvrage compte deux préfaces. La première est adressée à Lazare Spengler (1479-1534), l'influent syndic de la ville de Nuremberg et partisan enthousiaste des idées de Luther". La seconde est dédiée aux pasteurs et aux prédicateurs, car ce sont eux
'^VoirWriedt, 2014, p. 27. ^"WAIS, 52, 12s. Traducdon Luther, 2017 [1524], p. 141. Voir Jûrgens, 2014, p. 195. WA 30 I, 156, 25-28. Traduction Luther 1962 [1530], p. 60, légèrement modifiée. Voir Birmelé - Lienhard, 1991, p. 354, § 655. WA 30 II, 517-588. Traduction Luther, 2017 [1530a]. Analyse détaillée chez Wriedt, 2014, p. 14-18. Voir Arnold, 2017, p. 320s.
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qui devront relayer les paroles de Luther. A l'un et aux autres, le Réformateur explique que c'est le diable qui, soucieux de détruire l'Évangile, dissuade les gens du peuple d'envoyer les enfants à l'école. Aux pasteurs il écrit : « Si aujourd'hui nous nous taisons et dormons, laissant la jeunesse à l'abandon et nos enfants devenir des Tatares et des bêtes sauvages, [...] nous en porterons la lourde responsabilité devant Dieu^'"^. Dans le corps de son écrit, il fait une superbe apologie du ministère de prédicateur, propre à réconforter tous les pasteurs qui douteraient de l'importance de leur vocation et de leur tâche : Il peut consoler les affligés, donner des conseils, arbitrer des affaires fâcheuses, redresser les consciences égarées, aider à maintenir la paix^^, réconcilier, raccommoder et faire des œuvres innombrables et quoti¬ diennes^''. Le pasteur vient en aide aux âmes en luttant contre le péché, la mort et le diable. C'est pourquoi, Luther invite les gens à élever leurs fils en vue de cet « état spirituel » : Les vieux qui l'occupent maintenant ne vivront pas éternellement, or il en meurt chaque jour, et il n'y a personne pour prendre leur place Pour convaincre les parents, Luther ne dédaigne pas de leur faire miroiter le fait que leurs rejetons sont assurés de trouver un emploi : Compte toi-même combien il y a de paroisses et de chaires de prédica¬ teurs, d'écoles, de sacristies qui [...] deviennent chaque jour vacantes. Ne sont-ce pas là des cuisines et des caves que Dieu destine à ton fils, où la nourriture est déjà préparée avant qu'il n'en ait besoin [...] ? Pour autant, le Réformateur ne veut pas que « chacun se croie obligé d'élever son enfant en vue d'un tel ministère''^ » - ni même en vue de celui de maître d'école, fonction qu'il a également mise en valeur. Tous, même ceux qui se destinent à un métier manuel, devraient apprendre le latin™, écrit Luther, rejetant de la sorte une conception trop utilitariste de l'enseignement. À côté de ce qui relève du gou¬ vernement spirituel, il y a le royaume temporeL\ qui, lui aussi a été institué par Dieu et a besoin de gens instruits, à commencer par les juristes : «[...] dans le royaume temporel de l'empereur, on
WA 30 II, 523, 8-11. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 396. Pour Luther, la paix est le bien terrestre le plus précieux. Voir notamment Lienhard, 2016, p. 334 et 475 ; Arnold, 2010. WA 30 II, 537, 7-9. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 404. WA 30 II, 530, 13-15. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 400. WA 30 II, 549, 6-10. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 411. WA30 II, 545, 5s. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 408. ™ Voir WA 30 II, 545, 8-10. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 409. Voir supra, note 53.
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36M. ARNOLD, « IL FAUT ENSEIGNER AUX CHRÉTIENS... » 149 pourrait [...] appeler un juriste pieux et savant fidèle prophète, ange et sauveur» Et Luther de faire l'éloge des gens de plume contre leurs contempteurs, qui leur opposent par exemple le « tra¬ vail pénible » des hommes d'armes : C'est vrai, il me serait pénible de chevaucher vêtu d'une armure ; en revanche, je voudrais bien voir le cavalier capable de rester une jour¬ née entière assis devant un livre, même s'il n'avait à se soucier de rien [...]. Demande à un secrétaire de chancellerie, à un prédicateur et à un orateur quel travail cela représente d'écrire et de parler ; demande à un maître d'école quel travail cela représente d'enseigner et d'éduquer les enfants. [...] Trois doigts font le travail (dit-on en parlant des secré¬ taires), mais c'est le corps et l'âme tout entiers qui travaillent^^. En 1524 comme en 1530, Luther écrit dans un contexte où l'on accorde de l'importance surtout aux métiers manuels. Lui-même prend soin de préciser qu'il ne méprise nullement l'artisanat, mais il s'inquiète de la vision à court terme des parents qui méprisent l'instruction ou gardent leurs enfants à la maison afin de bénéficier d'une main d'œuvre gratuite. Il lui importe notamment que l'on vienne en aide, par des bourses, aux enfants capables mais pauvres et, comme il l'avait fait pour l'éducation parentale dans son Sermon sur l'état conjugal, il compare la fondation de bourses aux bonnes œuvres que l'Eglise traditionnelle mettait en exergue : En agissant ainsi, tu ne sauves pas du purgatoire les âmes des défunts, mais, en conservant les ministères divins, tu aides les vivants et eeux qui sont encore à naître â ne pas aller au purgatoire, mieux, à être sauvés de l'enfer et à aller au ciel ; et tu permets aux vivants d'avoir la paix et la eommodité^^. ★ ★ ★ Luther ne nous a pas laissé d'écrit ultérieur sur l'éducation^^. En guise de conclusion, nous aimerions mentionner trois documents qui témoignent de l'importance qu'il lui a accordée au sein même de sa famille.
30 II, 558, 15 - 559, 1. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 417. " WA 30 II, 573, 10 - 574, 6. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 426. Cette idée sera reprise notamment par Sturm, 2007 [1538], p. 36-40. - Luther a adressé aux autorités civile de très nombreuses suppliques sollicitant des bourses en faveur d'étudiants ; voir Trûdinger, 1975, p. 38-41 ; Arnold, 1996, p. 283-292. WA 30 II, 587, 12-16. Traduction Luther, 2017 [1530a], p. 434. En 1529, dans sa préface à V Oeconomia Christiana de Justus Menius, le Réformateur a évoqué les principales idées de sa réforme de l'école et annoncé son ouvrage de 1530, dans lequel il « mettrai[t] en garde, si Dieu le veut, contre les parents honteux, nuisibles et maudits qui ne sont pas des parents, mais des porcs nuisibles et des animaux venimeux, qui dévorent leurs propres enfants » (WA 30 II, 63, 17-20).
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Le premier est une lettre contemporaine de l'appel à envoyer les enfants à l'école. Le 19 juin 1530, Luther adresse à son fils Jean, âgé de quatre ans, une missive dans laquelle il adapte aux intérêts du jeune garçon le thème du jardin, afin de stimuler son zélé pour la prière et l'étude : Je connais un beau et joyeux jardin. Beaucoup d'enfants y vont et y viennent ; ils ont de petites robes cousues d'or, et ils cueillent sous les arbres de belles pommes, des poires, des cerises et des prunes ; ils chantent, ils courent et ils sont joyeux. Ils ont aussi de jolis petits chevaux avec des brides d'or et des selles d'argent. J'ai demandé à l'homme à qui appartient ce jardin : "Quels sont ces enfants ?" Et il m'a répondu : "Ce sont les enfants qui prient et qui étudient (lernen) volontiers, et qui sont pieux Le deuxième document est le testament que, le 6 janvier 1542, Luther rédige en faveur de Catherine. Il fait de son épouse sa légataire universelle, contrevenant ainsi aux dispositions du droit saxon alors en vigueur, qui auraient imposé un tuteur à Catherine et à leurs enfants. Luther estime en effet qu'elle sera pour leurs enfants le meilleur des tuteurs, et il veut « non pas qu'il lui faille regarder dans la main de nos enfants, mais que nos enfants regardent dans sa main^^ ». Surtout, il met en avant le fait que Catherine, qui toujours s'est montrée une épouse « pieuse, fidèle et aimante », a « éduqué (erzogen) » les cinq d'entre leurs enfants qui sont encore en vie^^. Grâce au soutien du prince électeur de Saxe, ce testament, qui louait les qualités d'éducatrice de Catherine, fut déclaré valide. Le dernier document est l'avant-demiére lettre que, le 10 fé¬ vrier 1546 - soit huit jours avant sa mort -, Luther adresse depuis Eisleben à Catherine, qui s'inquiète à raison pour la santé de son époux A la fin d'une lettre pleine d'humour dans laquelle il a fait du souci de Catherine la cause de tous les malheurs qui lui sont advenus durant son voyage, il adopte la posture de l'enseignant, et c'est son épouse qui est censée devoir apprendre : « Est-ce ainsi que tu apprends le Catéchisme et la foi, lui demande-t-il ? » Par l'expression « le Catéchisme et la foi », il faut comprendre le Credo tel que les Catéchismes (1529) l'interprètent, notamment en ce qui concerne l'article relatif à Dieu, Père et créateur : Nous confessons aussi que Dieu le Père, [...] chaque jour, [...] nous garde et nous protège de tout mal et de toute infortune, détourne de nous les dangers et les accidents de toutes sortes, et tout cela par pur
" WA Br n° 1595 : 5, 377, 5 - 378, 11. Traduction Luther, 2017 [1530b], p. 827 (tra¬ duction légèrement modifiée). ™ WABrn° 3699 : 9, 572, 20s. 572, 14-16. 80 Voir à propos de cette lettre Arnold, 2010, notamment p. 9-10 et 12-13. WABrn° 4203 : 11, 291, 15s.
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amour et par pure bonté, sans que nous l'ayons mérité, comme un père bienveillant qui prend soin de nous afin qu'aueun malheur n'arrive Il me protège de tous les dangers, il me préserve et me garde de tout mal. Et tout cela, sans que j'en sois digne, par bonté divine et par misé¬ ricorde paternelle « Prie, et laisse Dieu avoir souci de nous », conclut Luther. Ainsi, pour Luther, étudier est une œuvre non seulement agréable à Dieu, mais encore salutaire pour l'être humain, car la Bible, comme l'histoire, le renvoie à l'action du Créateur dans le monde et pour lui
WA 30 1, 184, 24-32 (Grand Catéchisme). Traduction Luther, 1962 [1529], p. 91. Voir Birmelé - Lienhard, 1991, p. 373, § 730. WA 30 I, 292, 19 - 294, 2 (Petit Catéchisme). Traduction Luther, 2017 [1529], p. 375. Voir Birmelé - Lienhard, 1991, p. 306, § 501. 84 * * * ^ Voir Wriedt, 2014, p. 29. L'auteur souligne que, à la différence de Melanchthon, Luther fait porter l'accent sur l'utilité théologique de l'éducation plus que sur sa fonction éthico-morale. Le Réformateur se distingue également des humanistes en ce qu'il n'affirme pas que l'éducation rend les êtres humains meilleurs. Voir aussi Wriedt, 2002.
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REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 2018, Tome 98 n° 2, p. 137 à 154
- Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- ISBN : 978-2-406-09331-2
- EAN : 9782406093312
- ISSN : 2269-479X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09331-2.p.0024
- Mise en ligne : 23/04/2019
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français