Un cénacle spirituel à Commercy au début du XVIIe siècle
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’Histoire et de Philosophie Religieuses
2017 – 2, 97e année, n° 2. varia - Auteur : Henryot (Fabienne)
- Pages : 217 à 238
- Réimpression de l’édition de : 2017
- Revue : Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses
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UN CÉNACLE SPIRITUEL À COMMERCY AU DÉBUT DU XVIIE SIÈCLE Fabienne Flenryot Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne École nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, Centre Gabriel Naudé (EA 7286) Résumé : La biographie de Charles d'Urre de Thessières publiée en 1690 éclaire à la fois le mode de vie et l'expression de la piété des dévots au début du XVîf siècle, et la manière dont ces pratiques sont réutilisées à la fin du siècle pour donner à la noblesse les clefs d'un prestige renouvelé, au lende¬ main de plusieurs décennies noires. C'est un véritable modèle de sainteté qui est proposé, construit sur la règle de saint Benoît, mais qui ne se fonde pas sur l'humilité, au contraire : depuis son «château-cloître », le noble dévot tire de sa réputation spirituelle un pouvoir social et politique indubitable. Abstract : Charles d'Urre de Thessières 's biography published in 1690 high¬ lights how the devout both lived and expressed their piety in the early 77'^ cen¬ tury, together with the way these practices were re-used at the end of that century to provide the nobility with the means of regaining their prestige after several gloomy decades. What we have here is a real model of achieving sanctity by following the Rule of St Benedict. But this was not based on humility. From his "cloister-castle", a devout nobleman unquestionably deri¬ ved social and political power from his spiritual reputation. Au voyageur qui fait halte à Commercy au commencement du xviÉ siècle, la ville offre un troublant tableau. Sur la rive gauche de la Meuse, qui n'a rien encore d'un fleuve, délimitée par une enceinte urbaine qu'elle excède pourtant, elle groupe de manière serrée des maisons autour de l'église Saint-Pantaléon, de la collé¬ giale Saint-Nicolas, de l'hôpital et des halles. Bien que récemment reconstruite après le sac de la ville en 1544 lors de la guerre entre Charles Quint et François la cité mosane reste dominée par deux maisons fortes, le « château-haut » et le « château-bas », séparés d'à peine deux cents mètres, offrant au regard les tours massives et les murs élevés et crénelés des demeures féodales ^ L'anachronisme n'est pas seulement architectural. Les deux seigneurs qui se partagent
' Cazin - Martin, 2008. Sur la partition de la ville en deux seigneuries dès 1326, voir Calmet, 1840, p. 214-231.
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le territoire de la ville ont un réel pouvoir fiscal et judiciaire sur la population. L'un d'eux, sans être à proprement parler une célébrité de la Lorraine renaissante, a laissé quelques traces dans la mémoire collective : il s'agit de Charles d'Urre de Thessiéres (1559-1629), seigneur du château-bas. Un petit recueil de 112 pages in-12, publié à Toul sur les presses de Claude Vincent en 1690, rapporte sa vie^ Le premier intérêt de cet ouvrage est d'ordre bibliophilique, car il n'en subsisterait que deux exemplaires \ ce qui a suffi, dans un pre¬ mier temps, à attirer notre attention. Du point de vue de l'histoire du livre lorrain, ce recueil illustre parfaitement le type de pro¬ ductions qu'émettent alors les imprimeurs toulois^ Claude Vincent, dernier arrivé dans la ville après les imprimeurs Rolin et Laurent chez qui il a fait ses apprentissages, s'est installé en 1685. Avec une unique presse, garnie de trois fontes de caractères ^ il n'imprime que des petits livres de dévotion, dont la biographie de Charles d'Urre serait la pièce la plus importante. La facture de l'ouvrage est assez grossière, et le compositeur a commis nombre de coquilles et une pagination fautive sur un papier médiocre et sans laisser guère de marges, ce qui montre le peu de soin qu'apporte l'officine Vincent à la réalisation de ses travaux typographiques. Malgré cette banalité formelle, cette pièce présente un troisième intérêt, qui fera l'objet du présent article : elle rapporte avec force détails les agissements d'un laïc qui, s'il ne fut jamais tenté par le cloître, inventa à Commercy un modèle de vie quasi claustrale au château-bas, loin des rumeurs du monde et des ambitions séculières, en transformant sa maison en monastère où lui et sa famille pou¬ vaient se sanctifier par différents exercices de dévotion, de charité, et surtout par une pratique intensive de l'oraison. Si les choix spirituels des nobles (d'épée ou de robe) catholiques au lendemain de la Ligue sont connus pour réinvestir les excès des prises de positions politiques des années 1580 dans des projets de vie parfois étonnants^, la place de Charles d'Urre dans cette génération incarnant ce « renouveau religieux » que Lucien Febvre avait perçu entre 1590 et 1620^ reste délicate à apprécier. Cette difficulté tient particulièrement à l'intervalle de temps qui sépare le décès du
^ Gondrecourt, 1690. ^ Bibliothèque de la Société d'histoire de la Lorraine et du Musée Lorrain (Nancy), 8°N89 et Bibliothèque municipale de Lyon, ms. Familles dauphinoises 368-369, n° 78. Henryot, 2011. ^ Bibliothèque nationale de France, ms. fr. n. acq. 399, Estât de la librairie (1700), fol. 454. ^ Comme Pierre Seguin par exemple : Masson, 2013, p. 85-97. Voir aussi Sauzet, 1989. Uebvre, 1958.
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26châtelain et la publication du récit de sa vie. Quel sens cette expérience prend-elle pour ceux qui en prennent connaissance au crépuscule du Grand Siècle, alors que des formes concurrentes de dévotion sont apparues et que les « dévots », qui se sont organisés collectivement en associations pieuses et en groupes de pression politique, sont devenus identifiables par la population^? Quelle actualité ce récit pouvait-il avoir pour des lecteurs qui avaient par ailleurs à disposition une ample littérature hagiographique, théolo¬ gique et dévote pour fonder leurs pratiques de piété ?
1. La mémoire de Charles d'Urre de Thessières à la fin du xvil siècle
Charles d'Urre de Thessières, fils de Jean d'Urre et d'Antoinette Larban, est un gentilhomme comme la seconde moitié du xvf siècle en a engendré beaucoup. Élevé par de fervents catholiques, il fait des études convenables, mais peu poussées, en rhétorique, puis en philosophie, mathématiques et allemand ; il a notamment pour précepteur Pantaléon Thévenin, poète et grammairien lui-même originaire de Commercy, dont Jean d'Urre a soutenu les travaux littéraires^. Proche du milieu curial par son père, maître d'hôtel de Charles III, Charles est reçu conseiller d'État du duc et son cham¬ bellan. Il caresse un temps le projet de devenir chevalier de Malte pour combattre contre les musulmans, à un moment où l'idéal de la croisade est encore vivace en Lorraine Surtout, il compte dans la branche dauphinoise et provençale de sa famille un commandeur de l'ordre de Malte, Charles d'Urre de Thessières, et au moins vingt-et-un cousins ont appartenu à l'ordre ce qui a probablement contribué à développer en lui l'idéal militaire et spirituel du moine soldat. Charles III, toutefois, le dissuade de quitter son service et le charge de négociations avec Henri IV, affaire délicate alors que le duc de Lorraine avait signifié explicitement son adhésion à la Ligue en recevant ses membres à Nancy à plusieurs reprises, et avait prétendu un temps à la couronne de France en lieu et place des Bourbon. Pour mieux se l'attacher, le duc lui enjoint d'épouser Marie de Marcossey, fille d'un de ses écuyers, qui lui donne cinq filles Charles d'Urre est également ambassadeur prés du duc de Mantoue, à Florence et en Bavière. Il participe ensuite à la
^ Gutton, 2004 ; Poncet - Talion, 2002. ^Cuillère, 1999, p. 104 et 121. Taveneaux, 1986. Vertot, 1819, p. 87. 12 * ~ ~ ~ ~ « sadite A[ltesse] [...] l'obligea à se marier à Madame Marie de Marcossey, ce qu'il fit par une pure maxime d'État, & pour obeïr à son souverain » (Gondrecourt, 1690, p. 7-8).
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27220 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE rédaction des coutumes de Nancy, d'Allemagne et de Vosges, de Bar, de Saint-Mihiel et du Bassigny, chantier juridique essentiel du règne de Charles III, qui contribua à figer le droit lorrain, à limiter les pouvoirs aristocratiques locaux et, corollairement, à mettre en valeur la figure du duc et sa souveraineté Tout change entre 1605 et 1607. Charles d'Urre nourrit un ima¬ ginaire de l'enfermement déjà sensible dans différents gestes sym¬ boliques. En 1590, il fait construire des murailles à Vignot, village proche de Commercy qui appartient au château-bas. L'année sui¬ vante, il cède à ses sœurs Jeanne et Mahaut d'Urre une partie du château-bas pour y vivre en solitude à la manière conventuelle. Il rebâtit pour elles la Rouge-Tour et construit un mur élevé pour fermer le jardin et manifester la réclusion des deux femmes On sait qu'en 1605 il a déjà quitté la cour pour Commercy, puisque sa dernière fille, Françoise, y naît. Mais il participe encore en 1607 aux débats qui aboutissent à la réunion des Etats, à Saint-Mihiel, pour la révision de la coutume. C'est sans doute cette année-là, ou la suivante, qu'il consomme la rupture d'avec le monde. Le jour de l'Assomption, il réunit son épouse et ses enfants et annonce sa décision de vivre en perpétuelle chasteté et désormais de « vacquer aux affaires de son salut ». Il confie l'administration de son tem¬ porel à sa femme. Coexistent ainsi au château-bas deux modèles de dévotion : Charles choisit une retraite définitive du monde et la vie contemplative ; Marie se contentera, non sans le regretter parce que cela la lie encore au siècle, de la « retraite intérieure ». Une série de directeurs spirituels tout à la fois cautionnent et nourrissent ce cénacle. Charles d'Urre marie trois de ses filles : Antoinette, à Jean de Noviant, marquis de Beauvau ; Dorothée, à Jean des Armoises, seigneur de Jaulny ; enfin Renée, au sieur de Raigecourt de Marly Ses deux autres filles entrent chez les bénédictines de Trêves en Allemagne, choix surprenant puisqu'il se trouvait en Lorraine nombre d'abbayes féminines réformées et conformes au goût des Urre pour l'austérité^^. Vingt-quatre années durant, Charles d'Urre, Marie et les deux sœurs de Charles vivent dans l'isolement du monde, se consacrant uniquement à la prière, sous le regard attentif des bénédictins du proche prieuré du Breuil et de ceux de Saint-Mihiel, à trois lieues du château-bas. Charles meurt en 1629 et Marie le rejoint dans leur tombeau de Saint-Mihiel quatre ans plus tard.
Cuillère, 1999, p. 695-704. '^Dumont, 1843, p. 23-24. Gondrecourt, 1690, p. 15. Détail des preuves, 1775, p. 36. 17 L'abbaye féminine de Saint-Maur de Verdun est réformée en 1608.
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28F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIP SIÈCLE 221 Si Charles d'Urre semble parfaitement conforme au modèle du pieux laïc de son temps, ce modèle paraît dépassé en 1690 lorsque, soixante ans plus tard, Claude Vincent diffuse sa biographie. L'anachronisme n'est pourtant que de façade, pour quatre raisons au moins. D'abord, le dernier tiers du χνΐ!*^ siècle présente une rupture dans l'histoire de la piété et de ses supports écrits. C'est justement le moment où apparaissent sur le marché les biographies édifiantes de laïcs, qui renouvellent un genre jusqu'alors consacré princi¬ palement au clergé régulier. Une trentaine de biographies de laïcs mariés modèles aurait été publiée entre 1621 et 1787, dont dix-neuf pour des personnes ayant vécu au xvil® siècle et, parmi elles, quatre hommes seulementCes textes ajoutent une nouvelle dimension au mariage chrétien, non incompatible avec l'observance d'une cer¬ taine « régularité » au sens clérical du terme, puisque la plupart des personnages décrits dans ces livres ont en commun le retrait du monde, le choix de l'abstinence après quelques années de mariage et, enfin, l'adoption d'une vie réglée par les heures, la prière et différents exercices spirituels. Au même moment, la spiritualité catholique, qui avait jusqu'alors promu la théologie des devoirs d'état et ses applications pratiques auprès des fidèles, marque un net décrochement : le refus du monde est au cœur du discours des auteurs de piété " et trouve des partisans dans les milieux spirituels d'élite, autour de Port-Royal ou de La Trappe. La littérature théolo¬ gique, évidemment articulée à la littérature de dévotion, semble enfin marquée, à la fin du Grand Siècle, par toutes sortes d'extrémismes spirituels^" qui remettent à l'honneur la figure du dévot en rupture avec le monde et avec cette part de l'Eglise qui revendique la possibilité de se sanctifier dans n'importe quel état de vie. De la sorte, la figure de Charles d'Urre n'est pas si datée qu'on pourrait le penser. Ensuite, la publication de la vie du seigneur de Commercy prend place dans un contexte de déliquescence de la noblesse lorraine. Les membres du second ordre ont connu un déclassement politique avec l'exil des ducs Charles IV et V, les occupations françaises des duchés et la disparition des institutions ducales, et, pour certains d'entre eux, un déclassement matériel avec le saccage de leurs fiefs Les Urre, annonce la préface de la biographie de Charles, doivent servir « de miroir à la noblesse», c'est-à-dire rappeler à
"^Walch, 2002, p. 104-105. "Martin, 2003, p. 404-409. Tippelskirch, 2010. Motta, 2015, p. 297-352. Gondrecourt, 1690, p. 5.
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l'aristocratie lorraine tout à la fois le service loyal du prince - mis à mal par les guerres du xvii^ siècle - et la méfiance des artifices du monde. Et n'y a-t-il pas non plus dans ce recueil l'exaltation d'une génération de nobles serviteurs du duc qui a connu un âge d'or à la fois politique et spirituel, en même temps que l'invitation à restaurer la condition nobiliaire, à la fois fondement de l'Etat et garante d'un catholicisme ferme et pur^^ ? L'auteur de ce recueil le suggère en rapportant, à propos d'une visite de Charles d'Urre à Charles IV pour lui rendre l'hommage : S.A. dit qu'il avoit bien besoin de Colonels & de Capitaines, mais qu'il croyoit, que si toute sa Noblesse ressembloit à ce bon gentil¬ homme, qu'il seroit victorieux de tous ses ennemis, & que Dieu seroit pour luy . Que ces paroles soient imaginaires ou non, elles viennent argu¬ menter en faveur des dévots dans l'entourage princier, problématique hautement actuelle à la fin du xviC siècle. Le parallèle entre le cli¬ mat des années 1620 et celui de 1690 est patent lorsque le biographe rappelle que certains « Seigneurs des États de S. A. [...] l'appeloient mangeur de crucifix ». La noblesse de la fin du siècle est donc invitée à prendre le seigneur de Commercy pour modèle au moment où le « parti dévot », en France, est extrêmement critiqué. La publication tardive de ce recueil tient aussi à une troisième raison. En 1690, l'abbaye bénédictine de Saint-Mihiel, proche de Commercy, vient de perdre son abbé le plus prestigieux du Grand Siècle, dom Henri Hennezon, restaurateur de l'abbaye qu'il a remise en règle et qu'il a dotée de nouveaux bâtiments. La communauté reprend confiance en elle, assainit ses finances, refonde sa biblio¬ thèque et s'apprête à établir un programme d'études ambitieux pour les jeunes moines intéressés aux sciences bibliques et patristiques, ainsi qu'à l'histoire ecclésiastique. C'est le début d'une belle prospérité, et la communauté, pour l'alimenter, a besoin de réveiller la mémoire du rayonnement de l'abbaye. Une histoire de l'abbaye était parue en 1684^^ ; il restait en outre les notes de Charles de Gondrecourt, zélé religieux de la seconde génération de la réforme vanniste, à même de rappeler que l'abbaye avait joué un rôle spi¬ rituel non négligeable dans la proche vallée de la Meuse après sa réforme en 1606. Leur publication permettait d'en donner connais¬ sance au public et de l'édifier par le zèle des bénédictins en matière de direction de conscience.
Loupès - Suire, 2002. Gondrecourt, 1690, p. 39. Gondrecourt, 1690, p. 38. Sainct Mihiel, 1684.
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30F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 223 C'est en effet dans le milieu bénédictin sammiellois qu'il faut chercher les sources de cette biographie. L'auteur en est donc Charles de Gondrecourt. Natif de Saint-Mihiel, issu d'une bonne famille de la noblesse de robe (il est le fils du président des Grands Jours de Saint-Mihiel et le neveu du premier président de la Cour de Nancy), il fait profession à Saint-Mihiel le 20 mars 1623 et meurt dans la même abbaye le 10 janvier 1678, après avoir été visiteur de la Congrégation de Saint-Vanne, prieur titulaire d'Haréville et enfin prieur de Senones en 1653 Charles de Gondrecourt a été le témoin direct des événements qu'il rapporte concernant Charles d'Urre. Son pére et son grand-pére auraient été amis du seigneur de Commercy et il a beaucoup fréquenté lui-même le château-bas. Étant étudiant en théologie au prieuré du Breuil, aux portes de Commercy, il est venu s'exercer à la prédication devant la famille d'Urre. Il a accompagné à plusieurs reprises l'un des confesseurs du château, dom Claude François, dans ses visiteset s'est rendu en pèlerinage à Montaigu, en Brabant, avec le châtelain. Enfin, il a passé les trois dernières semaines de la vie de Charles d'Urre au château et « quand je n'étois pas occupé, j'ecrivois auprès de la fenêtre, qui regarde sur la Prairie, tous ce qu'il faisoit et disoit^^ ». Il est présent tout au long de son agonie et participe à sa toilette funèbre Les raisons de cette prise de notes sont obscures. On peut poser l'hypothèse que l'écriture d'une vie de Charles d'Urre ait été d'emblée conçue pour construire un modèle de dévotion dans l'orbite d'un monastère bénédictin en pleine rénovation, sans doute à la demande de dom Claude François, et peut-être des enfants du châtelain. Les « Remarques » de Charles d'Urre sont ensuite confiées aux enfants de Beauvau et des Armoises, qui hésitent à les publier en l'état, préférant attendre une réécriture qui contextualise mieux la vie de leur aïeul, et dans un style plus conforme aux attentes du public dévot. De fait, le caractère décousu de la narration, des ellipses étonnantes (le narrateur ne se prononce pas, par exemple, sur les motifs de la conversion de Charles d'Urre) et l'absence de toute généralisation pour le possible lecteur montrent bien qu'il s'agit d'un brouillon non abouti. C'est un petit-fils, non nommé, de Charles d'Urre qui aurait finalement, et faute de mieux, confié les notes de dom Charles de Gondrecourt à l'imprimeur toulois^^ Les Remarques sont donc une publication posthume, à l'initiative de la famille de Beauvau.
Calmet, 1751, col. 426-427. L'Isle, 1757, p. 391-392. Gondrecourt, 1690, p. 65-66. Gondrecourt, 1690, p. 72. Gondrecourt, 1690, p. 88. Gondrecourt, 1690, p. 3-4.
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31224 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE Ce point fournit une quatrième raison de publier la biographie de Charles si longtemps après son dècès. À partir des années 1680, tandis que la fidélité des marquis de Beauvau à la dynastie lorraine est mise à l'épreuve suite à la publication des Mémoires d'Henri de Beauvau, très critique envers Charles IV, une véritable mythologie familiale est élaborée et largement publicisée aux fins d'en faire l'exemple archétypal de la famille dévote. Avec Anne-François de Beauvau (1617-1669), fils d'Antoinette d'Urre et donc petit-fils de Charles, c'est une figure proche de celle du grand-père qui est donnée à méditer dans le public dévot. Le futur jésuite, d'abord marié et père de famille, effectue une retraite chez les Pères de Pont-à-Mousson, à la suite de laquelle il décide avec son épouse de vivre en gentilhomme chrétien modèle, passant l'essentiel de ses journées en lectures dévotes, prières, charités et mortifications qui ne sont pas sans rappeler celles de son aïeuC^. D'autres publica¬ tions en faveur des Beauvau contribuent à imposer les membres de cette famille comme des chrétiens modèles, voire des saints Ce sont donc eux qui s'exhibent en «miroir». Par ailleurs, bien¬ faiteurs de l'abbaye de Saint-Mihiel, ils étaient en position d'exiger que les bénédictins soutiennent cet effort de littérarisation de la piété des Beauvau. Ainsi remise en perspective, celle de la création d'un ima¬ ginaire nobiliaire chrétien et héroïque, la vie recluse de Charles d'Urre prend un autre relief. Que le parcours social et spirituel de Charles soit ou non généralisable dans le milieu dévot du début du xviC siècle, c'est bien ainsi qu'il est publiquement présenté, non sans un effort de stylisation, soixante ans plus tard, lorsqu'il sort de l'oubli. Cette exemplarité tient à une conception singulière de la cellule familiale comme communauté religieuse. II. Le château-bas de Commerça, un monastère ? Par bien des aspects, Charles d'Urre et sa famille présentent les traits communs des dévots du début du xviC siècle. Par leurs pratiques charitables, d'abord : durant les vingt-cinq années de leur résidence à Commercy, ils versent annuellement plus de 100 bichets de blé aux pauvres de la ville, moitié la veille de la nativité de Jean-Baptiste, moitié la veille de Noël. Ils distribuent des aumônes quotidiennes aux portes du château à midi pour les mendiants, sous
32 Vantard, 2014 ; Roger, s.d. ; Nyel, 1682. Voir aussi l'exemple de Jean des Armoises, cousin d'Anne-François de Beauvau, qui meurt dans l'enfance après maintes dévotions (Gondrecourt, 1690, p. 59-61). Lempereur, 1698.
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32F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 225 forme de soupe, de pain et de viande. Ils fondent un hospice pour l'accueil des voyageurs (religieux et laïcs) qui traversent la petite cité mosane ; ils entretiennent des chirurgiens et des apothicaires à Commercy et à Saint-Mihiel pour le soin des malades. Les femmes malades peuvent être hébergées au château, dans les chambres mêmes des sœurs de Charles d'Urre. Jeanne d'Urre constitue une rente pour l'éducation de deux orphelines par les religieuses de la Congrégation de Saint-Mihiel en 1620^^ et Charles d'Urre y fonde la pension d'une fille pauvre pour lui apprendre à lire, à écrire et à pratiquer les travaux d'aiguille. Ils sont, ensuite, des fondateurs de couvents, à l'instar de nombreux nobles de leur génération en Lorraine et ailleurs Ils distribuent leurs biens fonciers aux minimes de Nancy, de Nomeny et de Verdun et accordent d'importantes sommes d'argent à ceux de Saint-Mihiel contre des services reli¬ gieux en leur mémoire. Ils distribuent des aumônes aux clarisses de Bar, de Pont-à-Mousson et de Metz. Enfin, les fondations de messes sont innombrables. Les minimes ont particulièrement bénéficié de leurs largesses, conformément à une pratique nobiliaire très sen¬ sible en Lorraine, dans le sillage des ducs qui ont fortement privilégié l'ordre, faisant ainsi l'improbable synthèse du pouvoir et de l'humilité. Charles d'Urre fonde des messes au couvent de Marchéville-en-Woëvre entre 1624 et 1627^^ ; il cède ses droits de collation sur quatre chapelles à Sampigny au profit du futur cou¬ vent de minimes en 1625^^ ; il y fera placer sur le maître-autel un tableau qui représente ses parents en bienfaiteurs du couvent. Plus tard, ses descendants auront le même attachement pour les minimes ; Anne-François de Beauvau ou Jean des Armoises portent toute leur enfance l'habit des fils de François de Paule. Cet intérêt pour la vie claustrale et l'humilité monastique est un point commun à tous les dévots du temps. Mais là où Charles d'Urre diffère des hommes de sa génération, c'est dans la transfor¬ mation de son château en monastère. Il y aménage huit cellules de religieuses « parées de belles & saintes Images et de bons livres de dévotion » pour loger ses filles et ses sœurs, ainsi qu'une phar¬ macie pour les malades hébergés au château-bas. Bientôt, c'est l'ensemble de l'espace castrai qui est repensé pour ressembler autant que possible à un cloître. Dans le même temps, Charles d'Urre opère une transformation équivalente à Nomeny, où il donne aux minimes une « belle & fort ample maison, qui se pouroit approprier
Archives départementales [désormais A.D.] Meuse, 4H74. Goudot, 2013. ^^A.D. Meuse, 25H6. ^^A.D. Meuse, 25H9.
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33226 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE à un convent de Religieux à peu de frais ». Ainsi, n'importe quel bâtiment peut devenir un couvent : l'espace domestique est réver¬ sible, se prêtant aussi bien à la vie régulière qu'à la vie laïque. Car c'est bien le choix d'une vie régulière, ou presque, que font Charles d'Urre et sa famille vers 1605. D'abord, par la pronon¬ ciation de vœux simples qui incluent la fidélité à une régie de vie, la continence perpétuelle et la mise à distance des biens temporels. Ces vœux sont reçus par Antoine de Menne, chartreux alors en charge de la direction spirituelle au château-bas. Ensuite, l'espace domestique est repensé pour se prêter à la vie conventuelle. La chapelle et la salle commune attenante forment un espace de culte. Charles installe sa chambre prés de la chapelle à l'étage intermé¬ diaire et Marie s'attribue le rez-de-chaussée. Une salle est réservée aux travaux des demoiselles qui peuvent assister à la messe grâce à un grillage qui sépare leur cabinet de la chapelle. Les espaces de circulation sont conçus de sorte qu'hommes et femmes ne se croisent pas. Le quartier des filles et des sœurs de Charles est isolé par une porte fermant à clef. Même chez les domestiques, hommes et femmes sont séparés, sous la surveillance de Marie. Le confes¬ seur - il y en eut un à demeure pendant dix ans - vit à l'étage supérieur et reçoit uniquement les hommes dans la salle commune. Les entretiens avec les femmes ont lieu dans la cour, et ce par tous les temps. C'est donc une véritable clôture qui est installée, conforme aux nouvelles prescriptions conventuelles du temps La distribution du temps suit aussi un strict règlement. La prière des heures, calquée sur l'office divin monastique, rythme la journée. Le premier lever a lieu à deux heures du matin et chacun prie dans sa chambre. Un second office, toujours solitaire, est récité à trois heures et demie en hiver, quatre heures en été. Charles et Marie prient jusqu'à six heures. A ce moment, tous se rassemblent dans la grande salle pour une exhortation par le directeur spirituel. La messe a lieu à huit heures et demie avant un colloque spirituel avec toute la famille dans la salle attenante à la chapelle. A onze heures, chacun dîne séparément, tandis que des serviteurs font la lecture de table. À deux heures Γ après-midi, les offices reprennent, en alternance avec des moments d'oraison et de conférences spiri¬ tuelles. A cinq heures a lieu la collation. A sept heures s'enchaînent différents exercices : examen de conscience, acte de contrition, méditation ; puis chacun se retire, sauf Marie, qui reçoit le maître
Gondrecourt, 1690, p. 101. Boulanger, 1629. Le récollet Florent Boulanger a été actif en Lorraine, et parti¬ culièrement à Verdun. C'est dans le monastère de cette ville qu'il rédige son traité sur la clôture des religieuses.
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34F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 227 d'hôtel pour les affaires temporelles. A côté de l'oraison qui occupe la meilleure part de la journée, chacun se livre à de menus travaux manuels : Charles confectionne des hosties; les dames, on l'a vu, s'occupent des hôtes et des malades. L'abstinence sexuelle est soutenue par le jeûne et les mortifications. Charles aurait passé quatre années au pain et à l'eau et se serait donné la discipline trois fois par semaine avant que son directeur, pour éviter qu'il ne succombe, lui demande de limiter ces exigences corporelles et rétablisse la viande à trois repas par semaine lors des temps gras. D'autres exercices ont lieu, notamment dans le cadre de la confrérie du Rosaire établie avec l'autorisation de Clément VIII dans la chapelle castrale - alors qu'il en existait déjà une dans la paroisse de Commercy'^^ La famille d'Urre, élargie à sa domesticité, présente donc tous les traits d'une communauté bénédictine. Charles convoque aux grandes occasions des prédicateurs, principalement bénédictins Les lectures dévotes de Charles mettent sur le même plan d'autorité les Ecritures et la régie de saint Benoît : Il avoit des beaux et bons livres des saints Pères é de dévotion dans r son cabinet, tous bien conservez avec décence, pour TEcriture sainte il f avoit bien reliée en feuille dorée, & une forme de petit tabernaele doublé de tafetas blanc pour l'y mettre, ne la lisoit jamais non plus que la règle de S. Benoist qu'à genoux & teste nuë, méditant & ruminant à loisir ce qu'il lisoit La distribution de l'espace et du temps emprunte, non sans amé¬ nagements, sa structure à l'idéal bénédictin. Chaque membre de la famille doit choisir un nom de religion pour manifester sa rupture d'avec le monde, Charles choisissant Placide et Marie, Scholastique, par attachement à la régie bénédictine, puisque Placide fut un des premiers compagnons de Benoît, et que Scholastique aurait été sa sœur. Tous s'imposent de «vivre & mourir en religieux et reli¬ gieuses de S. Benoît». C'est dire si la famille d'Urre s'est installée dans l'orbite bénédictine. Ce choix n'est sans doute pas seulement le résultat de
Gondrecourt, 1690, p. 22. Cette confrérie, à l'usage du châtelain et de ses serviteurs, devaient être peu peuplée. Dom Calmet rapporte aussi l'existence d'un tableau du Rosaire dans l'église de Vignot, qui représente Charles d'Urre et Toussaint d'Hocédy, évêque de Toul, ainsi que les filles de Charles en habit de bénédictines. Ce tableau a certainement disparu pendant la Révolution, puisque Dumont affirme ne l'avoir jamais vu. ^ Les occasions de recevoir des prédicateurs au château-bas sont précisées par Clément VIII dans la bulle d'érection de la chapelle castrale, bulle accompagnée de l'envoi de reliques, car les prédicateurs ne sont pas censés intervenir dans les chapelles privées. Gondrecourt, 1690, p. 55. Gondrecourt, 1690, p. 20.
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35228 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE la séduction opérée par la régie sur les châtelains. C'est en réalité un véritable rapport de pouvoir qui s'instaure dans le triangle bénédictin qui lie Le Breuil, Saint-Mihiel et le château-bas de Commercy. D'un côté, la congrégation de Saint-Vanne nouvelle¬ ment réformée (1604) a besoin de généreux protecteurs comme les Urre, dont les bienfaits sont très largement matériels, mais pas uni¬ quement. Charles encourage l'introduction de la réforme au Breuil, finance la restauration de ce prieuré en donnant l'armement de son château, notamment les canons, pour faire fondre des cloches, et en érigeant à ses frais le grand autel de leur église. Avec ses sœurs Jeanne et Mahaut, il fait plusieurs donations à Saint-MihieC^ et c'est Charles qui aurait convaincu Henry de Lorraine, abbé commen- dataire de Saint-Mihiel, de s'appliquer à la retraite'^''. D'un autre côté, dom Didier de La Cour, réformateur des bénédictins de Lorraine, autorise les châtelains à bénéficier des suffrages et prières de la congrégation comme s'ils en étaient membres et bénit le sca- pulaire qu'ils portent en permanence sous leurs vêtements. Lorsque Charles d'Urre vient en visite à l'abbaye, il partage le quotidien des moines, jusqu'à se donner la discipline avec eux. Il est rapidement admis que les Urre auront un caveau dans l'église abbatiale. On peut soupçonner Charles de Gondrecourt d'avoir un peu forcé le trait pour édifier un modèle proprement bénédictin de dévot laïc. Il est en effet le seul bénédictin à avoir traité de cette matière, au milieu de nombreux jésuites, de quelques oratoriens et de rares carmes ou capucins, pour un résultat qui diffère sensiblement des profils spirituels décrits dans cette littérature d'édification qui présente la cellule familiale chrétienne comme une petite commu¬ nauté religieuse. Charles d'Urre est ici cléricalisé jusqu'à ressem¬ bler à s'y méprendre à un moine. Alors que la cura animarum n'est pas tellement la préoccupation des bénédictins - vannistes au moins - et qu'il n'existe pas, dans la mouvance bénédictine, de groupements institutionnalisés de laïcs, Charles de Gondrecourt ne craint pas d'affirmer que la famille d'Urre, restée au cœur du monde séculier, a su constituer, dans le premier tiers du xvif siècle, une communauté spirituelle qui pourrait, dit-il, être donnée en modèle au monde monastique. [La subordination] etoit si bien observée en cette sainte maison, qu'on l'avoit plutôt pris pour un Cloistre bien résulier, que pour un Château d'un Seigneur pour la direction spirituelle .
A.D. Meuse, 4H13. Gondreeourt, 1690, p. 39. ^^Gondrecourt, 1690, p. 51.
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36F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 229 Les LFrre ne sont pas seulement dévots, ils sont observants au point d'en remontrer aux moines. Charles se comporte en abbé, surveillant la bonne observance de la forme de vie à laquelle chacun s'est voué, la piété et la moralité des serviteurs (une vingtaine de personnes), distribuant enfin les pénitences. De ce point de vue, l'expérience claustrale lui restitue le pouvoir auquel on pourrait penser, en première lecture, qu'il a renoncé. Mais la nature de ce pouvoir s'avère complexe car il est canalisé par une figure essen¬ tielle : le directeur spirituel. III. L'importance de la direction spirituelle Ces remarques invitent à se pencher sur les clercs qui ont contribué à installer la famille du château-bas dans cette existence claustrale. La direction spirituelle est un trait commun à l'ensemble des dévots du Grand Siècle, se rangeant sous l'autorité et le discer¬ nement d'une personnalité forteEn ce domaine, l'itinéraire des Urre est jalonné par trois religieux de premier plan dans la Lorraine de la Réforme catholique. Le premier est Nicolas Julet, prédicateur, provincial des minimes de Lorraine puis de Champagne, que Charles a dû fréquenter dans l'entourage ducal. « Homme de sainte vie & de grande réputa¬ tion^^», il est tellement accaparé par ses charges qu'il doit rapi¬ dement renoncer à diriger la famille d'Urre. Charles d'Urre, qui n'a pas encore pris sa résolution de quitter le monde, se tourne alors vers Antoine de Menne (1533-1614), capucin italien missionné en Lorraine pour les premières fondations de l'ordre, qui ont précisément leur assise autour de la vallée de la Meuse et de ses affluents, à Ligny-en-Barrois, à Verdun et à Saint- Mihiel. Or, Antoine de Menne est un rigoriste et les premières recrues capucines peinent à le suivre. Il décide alors de devenir chartreux, au moment même où Charles d'Urre, séduit par le carac¬ tère entier et exigeant du religieux, cherche à se l'attacher. Pour y parvenir, les deux hommes conviennent de simuler un enlèvement et Charles fait conduire le capucin en Dauphiné, où la famille d'Urre a ses origines. Antoine de Menne, qui a alors 70 ans, prend l'habit à la Grande-Chartreuse, puis, une fois l'émoi passé, obtient la permission de se retirer à la chartreuse de Rettel, alors active dans la rénovation des monastères germaniques de l'ordre. Charles d'Urre, ancien négociateur, sait y faire : il obtient de Rome, par un
Chaduc, 2007. Gondrecourt, 1690, p. 15.
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37230 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE bref de 1604, que le religieux juste arrivé en Lorraine soit attaché au château-bas pour en être le directeur spirituel. Il y reste jusqu'à sa mort le 10 mai 1614, faisant véritablement partie de la famille puisqu'il réside prés des châtelainsIl est inhumé à l'abbaye de Saint-Mihiel, sous le grand autel. Il a publié deux traités spirituels. Le second, sous le titre de Thrésor céleste, contenant les richesses inépuisables des bénéfices de Dieu (Toul, 1611), est vraisembla¬ blement le résumé de ses conférences spirituelles à Commercy et à Saint-Mihiel. Antoine de Menne a choisi de mettre à la portée de laïcs cultivés la pensée d'Augustin, de Bernard et d'Anselme, du pseudo-Denys, de Thomas d'Aquin, d'Alexandre de Halés et de Bonaventure. L'ouvrage respire l'inspiration franciscaine, le char¬ treux restant très marqué par sa formation théologique capucine. L'austérité y est relativisée par l'invitation à la joie de l'âme considérant les bénéfices du « thrésor céleste ». En comparaison avec son précédent traité de spiritualité^^, fortement bonaventurien, le Thrésor céleste montre comment la direction spirituelle s'adapte au contexte laïc et lorrain pour conforter les Urre dans leur choix de la réclusion. Antoine de Menne, avec la complicité de Charles d'Urre, fait aussi du château-bas une « école » spirituelle. En témoigne la biographie de la future Thérèse de Jésus, carmélite comtoise, née Jeanne Bereur^^ La petite fille a une tante, la Mère Ludovique, capucine à Milan, qui a bien connu Antoine de Menne avant son départ pour la Lorraine et suggère à deux de ses nièces, Marguerite et Perrenette Bereur, de se rendre à Commercy pour bénéficier de ses lumières et de l'atmosphère spirituelle du château-bas. Les deux jeunes filles emmènent avec elles leur cousine Jeanne, qui n'a que neuf ans. Le P. de Menne aurait été ravi en « voyant ces nouvelles abeilles qui se venoient rendre dans ses ruches ». Il discerne chez la fillette une âme d'élite. [La maison de Charles d'Urre est] communément appelée la Maison sainte, à raison des exercices continuels de dévotion & de piété qui s'y pratiquoient, & sous la conduite d'un si sage directeur, qui avoit tant de connoissance des mystères célestes, & en parloit si hautement [Les filles et sœurs de Charles] toutes ensemble vivoient retirées dans le château de Commercy comme dans un Monastère suivant les régies & maximes que leur prescrivoit leur sage directeur ; toutes les heures y etoient utilement occupées à leurs exercices particuliers, les plus
Sur A. de Menne, Devaux, 1980; Calmet, 1751, col. 655-656, très incomplet; Bihliotheca cartusiana, 1609, p. 13. Menne, 1611. Menne, 1606. Albert de Saint-Jacques, 1673. Albert de Saint-Jacques, 1673, p. 28.
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ordinaires etoient ceux de devotion, de lecture, d'oraison soit mentale, soit vocale, outre celles destinées à l'ouvrage, au repos, à la réeréation... Elle fait à Commercy sa première communion (elle a douze ans). C'est chez Charles d'Urre qu'elle ressent sa vocation religieuse. Le V. Père Chartreux son Direeteur, reeouvra en ee temps les Livres de N.S. Mère Térèse & les luy mit en main pour en faire la lecture, afin qu'elle se dressât dans cette milice spirituelle par les instructions & les exemples de cette eéleste Amazone [...] & e'etoit par la lecture de eette doetrine céleste que Dieu alloit peu à peu disposant l'âme de cette jeune Vierge à l'imitation de sa Sainte Mère Térèse, & à l'exéeution de ses décrets éternels, pour l'établissement de l'ordre & de l'esprit du Carmel en sa province de Bourgogne Elle aura passé au total cinq ans à Commercy, dans cette «Académie de perfection ». De retour à Dole, elle transforme éga¬ lement sa maison en monastère laïc, sur le modèle de Commercy. Ce témoignage souligne le rayonnement spirituel du château-bas sous la houlette du P. de Menne, qui instrumentalise le modèle de Charles et de sa maisonnée pour instaurer un nouveau type de catholique dévot. Antoine de Menne reste une figure tutélaire, bien au-delà de son décès, pour les Urre. Le récit de l'agonie de Charles, quinze ans après la disparition du chartreux, montre sa fidélité à ce directeur spirituel. C'est au retour d'un service à Saint-Mihiel pour l'anni¬ versaire du décès du P. de Menne, que Charles reçoit le signe céleste qui l'avertit de l'imminence de son propre décès. La maladie s'abat sur lui dés le lendemain, mais il reste valide jusqu'à la fête de la Translation de saint Benoît, le 11 juillet, au lendemain de laquelle il doit s'aliter. Commence une longue agonie assistée par les bénédictins du Breuil, tout au long de l'octave de cette fête essentielle du calendrier bénédictin. Il rappelle publiquement qu'il a élu sépulture dans la crypte de Saint-Mihiel aux côtés de la dépouille d'Antoine de Menne. Il demande à Charles de Gondrecourt de lui lire « une méditation du RP. Dom Antoine » sur la phrase Et inclinatio capite emisit spiritum. Durant tout le rituel de l'agonie, le cierge que lui a offert Antoine de Menne lors de ses vœux de séparation du monde est allumé pour la première fois avec solen¬ nité, à côté du crucifix. Il comprend qu'il est censé mourir quand le cierge s'éteindra. Les bénédictins surveillent la progression de la consommation de la cire à l'aide d'une épingle. Miraculeusement, le cierge ne diminue pas de manière régulière, mais en fonction de
Albert de Saint-Jacques, p. 33. Albert de Saint-Jacques, 1673, p. 38-39.
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39232 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE la vigueur d'esprit du châtelain : quand il est en oraison, la cire ne se consume pas. Il expire en même temps que la flamme Ce récit de mort édifiante montre que la figure d'Antoine de Menne s'est avérée difficilement remplaçable au château-bas. Après son décès en 1614, c'est le bénédictin dom Claude François (1589- 1632) qui devient le directeur spirituel des châtelains. De trente ans plus jeune que Charles d'Urre, il fait partie de ceux qui, au commencement de la réforme vanniste, ont largement contribué à la consolider. Il est allé notamment observer au Mont-Cassin la pratique des nouvelles constitutions et a négocié avec Louis XIII l'envoi de religieux lorrains en France pour disséminer la réforme. Il est l'auteur de la dernière version des constitutions de Saint-Vanne approuvées en 1606^^ Il est prieur de Saint-Mihiel quand il est désigné comme directeur spirituel de la famille d'Urre de Thessières. Autant dire qu'il est parmi les mieux placés pour la garder dans l'orbite bénédictine. Mais il n'a rien d'un grand spirituel, rompant en cela avec la brillante personnalité d'Antoine de Menne. Il se contente de vérifier à Commercy que les châtelains se conforment à la forme de vie à laquelle ils ont adhéré. Et à la différence du chartreux, il ne réside pas au château-bas. C'est sans doute ce changement qui explique que Charles d'Urre, après la mort d'Antoine de Menne, se découvre des capacités de directeur spirituel : c'étoit assés à un grand & solide esprit comme le sien, pour de disciple devenir maistre. Il etoit sçavant & devenu Théologien depuis sa retraite, il etoit puissant en œuvres et en paroles, il avoit de la prudence & de la discrétion en haut degré, il etoit naturellement majestueux & sérieux pour se faire craindre, é tout ensemble affable et bénin pour se faire aimer, & ne manquoit aucune qualité que le Caractère sacré pour être Père spirituel Aussi dom Claude François l'autorise à gérer lui-même la vie spirituelle de sa maisonnée et se contente d'une visite par mois, tandis que dom Jean Barthélémy, dont il s'est adjoint les services, dit la messe, entend les confessions et s'occupe des affaires tempo¬ relles. La direction spirituelle réorganise alors les relations fami¬ liales. « Mes dames ses sœurs se tenoient beaucoup plus honorées d'être ses Filles spirituelles que d'être ses sœurs selon la chair», affirme le biographeC'est pour elles une véritable sujétion au maître de maison. Charles, en effet, y gagne un pouvoir supplémen¬ taire. Ainsi couronné d'une auréole de sagesse, de discernement.
57 Gondrecourt, 1690, p. 72-90 (pagination fautive). Calmet, 1751, col. 386-389. Gondrecourt, 1690, p. 31. Gondrecourt, 1690, p. 57.
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40F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 233 voire de sainteté, dans l'ombre de son « château-cloître » d'où il espère une relation continue avec Dieu et le bénéfice de sa grâce, il compte aussi sur le spirituel pour consolider sa position dans la société. L'historiographie, en particulier espagnole, a souligné l'existence d'une aristocratie saturée de modèles spirituels, du fait d'une invasion conventuelle qu'elle a largement favorisée, collabo¬ rant avec le clergé pour imposer un ordre spirituel qu'elle finit par incarner. Cette « noblesse de saints » propre aux xvf et xviL siècles se propose de faire carrière dans la sainteté, non sans émulation entre familles. Les demeures seigneuriales deviennent de véritables «ruches de saintsoù la réclusion s'avère finalement factice, puisqu'elle engendre une réputation qui draine les fidèles vers le château-couvent. C'est de cette manière, finalement, que les nobles ont le plus de pouvoir. La référence à l'Espagne, qui s'impose ici, est suggérée par Charles de Gondrecourt, rappelant qu'Antoine de Menne « avoit veu quantité de Noblesse & Estats du Roy d'Espagne & en Italie, vivre séculiérement et néanmoins religieusement''^». Charles d'Urre est tout à fait caractéristique de cette génération qui a parfaitement assimilé les modèles de dévotion (enfant très pieux, mari exemplaire, conseiller du prince qui compte sur la prière pour un meilleur discernement, mort dévote) et qui trouve dans la réclusion à Commercy tout à la fois la possibilité de faire son salut et de reprendre en main un territoire que la concurrence avec le château-haut a quelque peu fragilisé, en se muant en saint. Cela explique une contradiction qui traverse tout le récit de Charles de Gondrecourt, entre l'affirmation d'une réclusion de vingt-quatre ans derrière les murailles du château-bas et l'insertion de plusieurs épisodes de voyages et d'entretiens tout profanes, que la correspondance du châtelain confirme, bien au-delà de 1605. Outre les visites à Saint-Mihiel chaque année à l'anniversaire du décès du R de Menne, Charles d'Urre effectue un pèlerinage à Montaigu lorsqu'il va prendre les eaux à Spa ; il se rend à Trêves pour voir ses filles religieuses ; enfin, peu avant son décès, il vient à Nancy rendre hommage à Charles IV, logeant pour l'occasion chez les bénédictins de Saint-Léopold dans la capitale ducale. Au duc, il donne quelques sages avis sur la gestion de l'État et, par la suite, Charles IV le consulte comme la Pythie - affirme Charles de Gondrecourt - pour ses affaires politiques. C'est donc que les bruits du monde entrent au château-bas ; d'ailleurs, si la gestion du temporel est laissée à la sagacité de Marie, Charles accepte de
Pérez-Garcia, 2011, p. 146. Gondrecourt, 1690, p. 19.
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41234 F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE consacrer du temps aux affaires les plus délicates Il évoque à ce propos, dans sa correspondance avec différentes figures de la vie politique lorraine, « la furibonde tempeste dans laquelle conti¬ nuellement je suis agité en ce lieu [Commercy]N'est-ce pas paradoxal pour un homme qui a choisi la retraite ? Enfin, il sait encore utiliser son crédit à la cour pour pousser ses descendants dans des carrières politiques ; on a de lui une missive à Charles IV pour lui recommander son petit-fils Jean de Beauvau^^ Ainsi, Charles n'a pas complètement renoncé au monde et ses allées et venues, mêmes limitées, ont permis au personnage de se mettre en scène et de se construire une stature dans la Lorraine spirituelle du temps : auprès des bénédictins de Saint-Mihiel, de sa famille, et de la cour. La sainteté - prise dans le sens non canonique que reven¬ diquent les biographies édifiantes du temps - s'avère une forme efficace d'autorité, au sein du château-bas, à Commercy et jusqu'à la cour ducale. •k •k k La biographie de Charles d'Urre de Thessiéres se prête ainsi à deux niveaux de lecture. Comme témoignage des formes les plus radicales de dévotion au début du xvif siècle, elle montre qu'il y eut une période, sans doute brève, où l'effervescence réformatrice catholique élargissait les possibles, jusqu'à créer des interstices entre la claustralité institutionnalisée des monastères en pleine rénovation, les devoirs d'états des laïcs théorisés au temps de l'humanisme chrétien, enfin l'émergence imminente des tiers-ordres. Les choix de Charles d'Urre ne relèvent d'aucune de ces orientations, inven¬ tant une autre manière de faire son salut en marge du monde. Pour la noblesse, - et on pourrait citer bien d'autres cas en Lorraine, comme Alphonse de Rambervillers proche, des cordeliers réformés, ou Nicolas de L'Escut, qui se fit minime à soixante ans - il existe un imaginaire de la réclusion qui n'implique pas obligatoirement le déclassement social. En second lieu, et considéré du point de vue des lecteurs potentiels de la fin du siècle, ce récit s'avère un manifeste en faveur de la spiritualisation de la noblesse, une mise en exergue des Beauvau comme figure de proue de la noblesse catholique lorraine, enfin une puissante évocation d'une période où l'aristocratie et la
Gondrecourt, 1690, p. 43-46. Dumont, 1843, p. 43, lettre de 1614. Dumont, 1843, p. 36. La lettre est datée du 13 octobre 1613.
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42F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 235 congrégation de Saint-Vanne ont travaillé main dans la main, ce qui n'est plus le cas dans les dernières années du xvii^ siècle. Il montre aussi que le choix de la sainteté, malgré les sacrifices qu'il implique, est l'occasion d'un fort positionnement social, permis par la construction d'une réputation spirituelle, par l'investissement financier dans les fondations conventuelles et monastiques, le tout dans un terroir donné, sous le regard d'une population conditionnée pour admirer cette claustralisation volontaire loin du décorum ducal. Pour une noblesse en proie à mille contradictions à la fin du Grand Siècle, l'exemple de Charles d'Urre de Thessiéres a assu¬ rément tout d'une promesse.
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43F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE
Menne, 1606 : Antoine de Menne, Exemplaire de la perfection chrestienne, pour l'utilité et profit tant de ceux qui veulent vivre moralement en bons Chrestiens, que ceux qui en plus haut degré de perfection désirent s'advancer à la cognoissance de Dieu, tSc parvenir à la iouïssance de la divine grâce. Divisé en trois parties, Paris, Vve Guillaume Chaudière, 1606. Menne, 1611 : Antoine de Menne, Thrésor céleste contenant les richesses inesti¬ mables des bénéfices de Dieu exhibés aux créatures, ensemble l'ingratitude des meschants qui l'offencent abusant de tels bénéfices, avec la consurrection de l'âme des bons, qui le louangent admirablement la grandeur d'iceux, Toul, Sébastien Philippe, 1611. Nyel, 1682 : Louis Nyel, La vie du RP Anne François de Beauvau de la Compagnie de Jésus, Paris, Sébastien Cramoisy, 1682. Roger, s.d. : Nicolas Roger, La vie de l'humble Père Anne François de Beauvau de la Compagnie de Jésus, BnF, ms. fr. 13867. Sainct Mihiel, 1684 : Histoire de l'insigne abbaye de Sainct Mihiel en Lorraine, du diocèse de Verdun, Toul, A. Laurent, 1684. Études : Cazin - Martin, 2008 : Noëlle Cazin - Philippe Martin (éd.), Commercy, du château à la ville, Metz, Ed. Serpenoise, 2008. Chaduc, 2007 : Pauline Chaduc, « Le rôle de la direction spirituelle dans Tavénement du catholicisme moderne », in : William Brooks - Rainer Zaiser (éd.), Religion, Ethics and History in the French Long Seventeenth Century, Berne, Peter Lang, 2007, p. 131-144. Culliére, 1999 : Alain Culliére, Les écrivains et le pouvoir en Lorraine au xvf siècle, Paris, H. Champion, 1999. Devaux, 1980 : Augustin Devaux, « Menna, Antoine de». Dictionnaire de spiri¬ tualité ascétique et mystique, t. X, Paris, Beauchesne, 1980, col. 1021-1023. Dumont, 1843 : Charles-Emmanuel Dumont, Histoire de la ville et des seigneurs de Commercy, t. 2, Bar-le-Duc, Numa Rolin, 1843. Eebvre, 1958 : Lucien Eebvre, « Aspects méconnus d'un renouveau religieux en France entre 1590 et 1620 », Annales Economie, Sociétés, Civilisations 13, 1958, n° 4, p. 639-650. Germain, 1886 : Léon Germain, Monuments funéraires de l'église Saint-Michel de Saint-Mihiel, Bar-le-Duc, 1886. Goudot, 2013 : Grégory Goudot, « Dévots et fondations de couvents en Auvergne au xviE siècle », Revue historique 315, 2013 (n° 668), p. 833-874. Gutton, 2004 : Jean-Pierre Gutton, Dévots et société au xvif siècle. Construire le Ciel sur la terre, Paris, Belin, 2004. Henryot, 2011 : Fabienne Henryot, « L'évêque, l'imprimeur et le contrôle de l'infor¬ mation dans le diocèse de Toul aux xviE et xviiE siècles », in : Marc Agostino - François Cadilhon - Jean-Pierre Moisset - Éric Suire (éd.), Religions et infor¬ mation, Bordeaux, PUB, 2011, p. 283-302. Loupés - Suire, 2002 ; Philippe Loupés - Éric Suire, « Idéal religieux ou conformisme social ? La noblesse française et la réforme catholique », in : Josette Pontet - Michel Figeac - Marie Boisson (éd.), La noblesse de la fin du xvf au début du X)f siècle : un modèle social ?, t. 1, Bordeaux, Atlantica, 2002, p. 347-367.
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44F. HENRYOT, UN CÉNACLE SPIRITUEL AU DÉBUT DU XVIL SIÈCLE 237 Martin, 2003 : Philippe Martin, Une religion des livres (1640-1850), Paris, Éd. du Cerf, 2003. Masson, 2013 : Philippe Masson, L'érémitisme dans les diocèses champenois et lor¬ rains (fin xvf -courant Xljé' siècles), thèse de doctorat. Université Lyon 2, 2013. Motta, 2015 : Anne Motta, Noblesse et pouvoir princier dans la Lorraine ducale (1624-1737), Paris, Classiques Garnier, 2015. Pérez-Garcia, 2001 : Rafael M. Pérez-Garcia, « Espirituales, Cortes sehoriales y linajes nobiliarios. Construcciôn y desarrollo de climas sacro-espirituales de referenda social en la Andalucia de los siglos XVI y XVII », Historia γ Genealogia 1, 2011, n° 1, p. 133-153. Poncet - Talion, 2002 : Olivier Poncet - Alain Talion, « Dévots et politique au XVIÉ siècle », Revue d'histoire de l'Église de France 88, 2002, p. 221-230. Sauzet, 1989: Robert Sauzet, «Le milieu dévot tourangeau et les débuts de la réforme catholique », Revue d'histoire de l'Église de France 15, 1989 (n° 194), p. 159-166. Taveneaux, 1986 : René Taveneaux, «L'esprit de croisade en Lorraine aux xvL et XVIÉ siècles», in: L'Europe, l'Alsace et la France. Problèmes intérieurs et relations internationales à l'époque moderne. Études réunies en l'honneur du doyen G. Livet, Colmar, Les Éditions d'Alsace, 1986, p. 256-261. Tippelskireh, 2010 : Xenia Von Tippelskireh, « Radicalisme religieux et pratiques d'écriture au début de l'époque moderne en France », Archives des sciences sociales des religions, 2010/2, n° 150, p. 9-17. Vantard, 2014 : Amélie Vantard, «Anne-François de Beauvau : la vocation mission¬ naire d'un gentilhomme lorrain », in : Gilles Deregnaucourt et al. (éd.). Dorsale catholique, jansénisme, dévotion. Mythe, réalité, actualité historiographique, Paris, Riveneuve éditions, 2014, p. 271-290. Vertot, 1819 : Abbé de Vertot, Histoire de l'ordre des chevaliers de Malte, t. Vil, Paris, Louis Janet, 1819.
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Huldrych ZwiNGLi
Balthasar Hubmaier
Etudes théologiques et religieuses Revue trimestrielle fondée en 1926 Directrice de la publication : Chrystel Bernât Tome 92, 2017/1 Textes réformateurs inédits Aux sources de la Réforme. Avant-propos de Chrystel Bemat Philippe Melenchthon Lieux communs des choses théologiques ou hypotyposes théolo¬ giques (1521) - Introduction du livre et chapitre premier. Tra¬ duction, présentation et notes de Pierre-Olivier Léchot Martin Luther Raison et justification que des nonnes peuvent quitter leurs cou¬ vents en conformité avec Dieu (1523). Traduction, présentation et notes de Pierre Bùhler 67 thèses pour la dispute de Zurich, le 29 janvier 1523. Déclara¬ tions conclusives. Présentation de Chrystel Bernât. Traduction par François Vouga Dialogue à propos du livret sur le baptême de Maître Zwingli de Zurich, au sujet du baptême des enfants (1526). Traduction, présentation et notes de Catherine Dejeumont Lettres de la forteresse de Cobourg (du printemps à Fautomne 1530). Traduction, présentation et notes de Pierre Bûhler Exposition de la foi chrétienne (1531). Traduction, présentation et notes de Jean-François Gounelle « Que Jésus-Christ vous montre ses pieds et ses mains... ». Trois lettres de réconfort de Martin Luther (1531-1532). Traduction, présentation et notes de Matthieu Arnold La bénédiction telle qu'on la proclame sur le peuple après la messe, selon le quatrième livre de Moïse, au sixième chapitre. Commentée par D. Martin Luther (1532). Traduction, présenta¬ tion et notes de Pierre Bùhler Préface au commentaire du livre de Job (1532). Traduction, présentation et notes de Gilbert Dahan Extrait de la Préface de la Bible hébraïque (1534) - Qu'il ne faut pas mépriser les commentaires des Hébreux. Traduction, présentation et notes de Gilbert Dahan Défense pour les femmes, fragment de l'Epistre très utile (1539). Présentation et notes d'Annie Noblcssc-Rocher Confessio Augustana Grœca (1559). Traduction, présentation et notes de Jacqueline Assaël Augustana Grœca. Sa réception orthodoxe au xvÉ siècle. Postface de Nicolas Kazarian
Martin Luther
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Martin Luther
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Jean Œcolampade
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Etudes théologiques et religieuses 13, rue Louis Perrier - 34000 MONTPELLIER (France) - Tél. 04 67 06 45 76 www.revue-etr.org - www.caim.info/revue-etudes-theologiques-et-religieuses.htm Abonnements : administration@revue-etr.org Abonnement 2017 (paiement par carte bancaire possible via notre site www.revue-etr.org) : France : 36 € - Étranger : 43 € - Soutien : 70 € - Prix de ce numéro : 29 €
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- Thème CLIL : 4046 -- RELIGION -- Christianisme -- Théologie
- ISBN : 978-2-406-09323-7
- EAN : 9782406093237
- ISSN : 2269-479X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-09323-7.p.0024
- Mise en ligne : 18/04/2019
- Périodicité : Trimestrielle
- Langue : Français