Stagnation séculaire ou phase B du Kondratiev ?
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d'histoire de la pensée économique
2020 – 1, n° 9. varia - Auteur : Bosserelle (Éric)
- Pages : 125 à 153
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
STAGNATION SÉCULAIRE
OU PHASE B DU KONDRATIEV ?
Éric Bosserelle
Université de Reims Champagne-Ardenne
REGARDS – EA 6292
Les débats engagés au cours de ces dernières années autour de la thématique de la stagnation séculaire nous invitent, dans cet article, à faire retour au Kondratiev et à ses longues phases, tantôt à dominante expansive (phases A), tantôt de contraction de l’activité et de croissance ralentie (phases B)1. Deux raisons nous y convient. En premier lieu, l’enlisement des économies capitalistes dans une conjoncture de croissance molle marquée par la persistance de difficultés économiques majeures n’est pas sans rappeler ce qui spécifie les phases B du Kondratiev. D’où la question : les économies capitalistes sont-elles engluées dans une période de stagnation séculaire ou, comme à d’autres moments de leur histoire, dans une phase B ? En second lieu, les argumentaires développés par 126les tenants de la stagnation séculaire remettent directement en cause les thèses soutenues par certains économistes au cours de ces dernières années, selon lesquelles, a) les économies capitalistes se trouvaient toujours dans la phase A du cinquième Kondratiev2 sur la période récente et, b) le déploiement de la phase d’essor d’un sixième Kondratiev serait engagé ou proche. Nous avançons la thèse selon laquelle les économies capitalistes se trouvent toujours enlisées dans une longue phase de difficultés démarrée au seuil des années 1970 (phase B du quatrième Kondratiev) et qu’il convient de jeter un pont entre son étendue et la question de la stagnation séculaire. Il en résulte deux implications. La première est que l’ancrage de ces dernières dans cette longue phase de croissance molle doit être mis en rapport avec l’ordre néolibéral qui s’est imposé au début des années 1980 et qui n’est pas parvenu à les extraire de la crise systémique dans laquelle elles sont entrées au seuil des années 1970. La seconde est que la question de la possible disparition du Kondratiev en tant qu’onde longue de croissance mérite d’être posée. La première partie de l’article porte sur la stagnation séculaire et les interprétations et débats auxquels elle a donné lieu. La seconde fait retour à l’actualité du Kondratiev et s’interroge sur la période actuelle en se demandant de quel Kondratiev et de quelle phase est-il question. La troisième invite au débat en revenant sur les dynamiques qui ont été en œuvre dans les économies capitalistes depuis les années 1980, puis sur le Kondratiev lui-même en tant qu’onde longue, tout en s’interrogeant sur sa possible disparition.
127I. LA CONJONCTURE CONTEMPORAINE :
LA STAGNATION SÉCULAIRE ?
Alors qu’elle avait enregistré un recul pratiquement ininterrompu dans la littérature économique depuis le début des années 1950 (Backhouse & Boianovsky, 2016), la stagnation séculaire, expression introduite par A.H. Hansen en 19383, a fait un retour en force dans les débats académiques au cours de ces dernières années. Pour autant, la thèse de l’installation des économies capitalistes dans une période de stagnation séculaire est loin de faire l’unanimité.
I.1 La stagnation sÉculaire : quelles grilles de lecture ?
C’est à l’occasion d’une conférence donnée au forum du Fonds Monétaire International fin 20134 que L. H. Summers a relancé la thématique de la stagnation séculaire pour expliquer une situation qu’il considère analogue à celle décrite par A.H. Hansen soixante-quinze ans plus tôt. Selon lui, le déficit de la demande agrégée représente le point commun entre la période qui a précédé la crise de 2008 et celle dans laquelle sont engagés les États-Unis depuis. Summers relève qu’au cours de la phase expansive qui a précédé la crise, malgré la formation d’une bulle immobilière gonflée par le crédit et le surendettement des ménages, il ne s’est produit ni surchauffe, ni pression inflationniste notable, ni croissance supérieure à la tendance à long terme. De ce point de vue, la succession de bulles (bulle internet à la fin des années 1990, bulle 128immobilière au cours des années 2000) sans pressions inflationnistes est tout à fait révélatrice. Ces dernières ont simplement masqué la stagnation séculaire en stimulant la demande de manière artificielle, ce qui revient à dire qu’une telle situation ne date pas de 2008. L’effondrement de la demande agrégée, antérieur au déclenchement de la crise, résulte d’un ensemble d’éléments qui a conduit les agents à accroître leur épargne et à réduire leur propension à investir. L’augmentation de l’épargne s’explique par plusieurs facteurs : accroissement des inégalités et de la part de revenu revenant au capital et aux catégories les plus aisées ; incertitudes pesant sur l’avenir des retraites ; réduction des possibilités d’emprunt ; plus grande accumulation d’actifs par les banques centrales étrangères et les fonds souverains. Quant au recul de l’investissement, il résulte d’une progression plus lente de la population active et de la productivité et de la disponibilité de biens capitaux moins coûteux. Augmentation de l’épargne, recul de la propension à investir, dans des circonstances normales, les taux d’intérêt auraient baissé jusqu’à ce que l’épargne et l’investissement s’égalisent au niveau du plein emploi. Le problème est que ce mécanisme d’ajustement ne peut fonctionner lorsque ces derniers sont proches de la borne zéro. Quand bien même auraient-ils pu diminuer, les efforts mis en œuvre pour les réduire auraient posé des problèmes de stabilité financière. L’économie se trouve piégée, car elle ne peut atteindre simultanément le plein emploi, une croissance satisfaisante et la stabilité financière au moyen d’une politique monétaire conventionnelle (Summers, 2014a, p. 29). La politique monétaire étant dans l’incapacité de faire davantage, les difficultés contemporaines doivent être mises en rapport avec le déclin du taux d’intérêt réel (TIR) naturel, qui égalise épargne et investissement à un niveau compatible avec le plein emploi et une inflation stable. L’économie est confrontée à la stagnation séculaire dès lors que les taux d’intérêt réel naturels s’établissent à un niveau si bas qu’ils ne peuvent être atteints par les politiques conventionnelles mises en œuvre par les banquiers centraux. À ce stade, les niveaux désirés d’épargne excèdent les niveaux souhaités d’investissement, conduisant à une insuffisance de la demande et à une croissance molle. Telle est la situation qui prévaut depuis plusieurs années : les TIR ont chuté et sont devenus négatifs, la demande est atone, l’inflation est faible et l’épargne excessive. L’excès d’épargne et le recul de l’investissement abaissant le taux d’intérêt réel d’équilibre (taux 129naturel), lorsque ce dernier tombe en territoire négatif et que la politique monétaire confrontée au plancher des taux zéros ne peut amener le taux réel observé en ligne avec le taux naturel, alors, la voie de la stagnation séculaire est ouverte (Summers, 2014b). Selon P. Krugman, c’est pour trois raisons que l’analyse de Summers mérite de retenir l’attention. Premièrement, l’expérience de ces dernières années suggère que la borne zéro préoccupe beaucoup plus qu’on ne le pensait jusqu’alors ; ensuite, il s’est produit un déclin séculaire des taux d’intérêt réels avant même le déclenchement de la crise de 2008 ; enfin, les tendances démographiques et le désendettement affaiblissent la demande future (Krugman, 2014).
R.J. Gordon livre une autre interprétation de la stagnation séculaire. Elle repose sur le ralentissement de la croissance de la productivité5 et du rythme du progrès technique et un ensemble de « vents contraires » jouant négativement sur la croissance (Gordon, 2014a, 2014b, 2015). Ce dernier considère que la portée des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) qui se sont développées au cours des années 1980-1990 est largement inférieure à celle des deux grandes révolutions industrielles précédentes (vapeur et chemin de fer de 1750 à 1830 ; électricité/moteur à combustion interne/eau courante de 1870 à 1900). Plus précisément, les bénéfices associés au déploiement des NTIC sont d’une bien moindre ampleur que ceux issus des technologies de la deuxième révolution industrielle, car des trois révolutions industrielles, c’est la seconde qui a eu le plus d’impact sur l’économie. L’électricité, le moteur à combustion interne et l’eau courante ont été infiniment plus importants que les NTIC pour stimuler la productivité, impulser la croissance et améliorer les niveaux de vie, et il n’y a pas à l’horizon d’autres innovations de cette ampleur. Toutes les grandes innovations ont déjà été faites. Dans l’ouvrage qu’il a consacré à l’histoire économique des États-Unis au cours des 150 dernières années (Gordon, 2016), Gordon s’est longuement attardé sur les technologies qui ont conduit aux progrès remarquables enregistrés au cours du « special century » qui s’étend de 1870 à 1970. Sur ce segment historique, où les niveaux de vie ont augmenté plus rapidement qu’au cours des périodes qui ont précédé et qui ont suivi, les États-Unis ont enregistré des transformations radicales, résultant d’un ensemble d’innovations qui ne se sont produites qu’une 130seule fois. À l’avenir, leur croissance, comme celle des autres pays capitalistes, ne pourra pas bénéficier d’un ensemble d’innovations ayant une telle étendue et une telle profondeur. Pour autant, l’analyse de Gordon ne se réduit pas au seul impact des nouvelles technologies sur la croissance future. Celle-ci se heurtera à des vents contraires que l’innovation, même au rythme de la période 1972-2014, ne pourra contrecarrer. Ces derniers sont au nombre de six6 (Gordon, 2014a) : a) la démographie (le vieillissement démographique et le recul de la population en âge de travailler ne peuvent plus être contrebalancés par une hausse du taux d’activité féminin, arrivée à son terme) ; b) l’inefficacité croissante des systèmes d’éducation (détérioration du niveau scolaire, en particulier aux États-Unis) ; c) l’impact de la mondialisation (l’effet combiné de la mondialisation et des nouvelles technologies a engendré une concurrence accrue sur les marchés du travail, une baisse des salaires réels et de la productivité) ; d) les coûts croissants liés au réchauffement climatique ; e) l’exigence de désendettement (le fardeau de la dette léguée par la crise de 2008) ; f) la montée des inégalités (l’augmentation de la part du revenu captée par le 1 % le plus riche prive l’écrasante majorité de la population des fruits de la croissance et alimente l’excès d’épargne). Gordon a fourni une estimation de l’effet produit par la combinaison des vents contraires. En retranchant le chiffre obtenu du 1,8 % de croissance annuelle moyenne du PIB par tête observé aux États-Unis entre 1987 et 2007, il ne reste qu’environ 0,2 % par an7. La croissance de la productivité se poursuivra de 2007 à 2032 au même rythme que de 1972 à 2007, mais c’est le jeu des vents contraires qui est à craindre. Ces obstacles à la croissance réduiront la progression du PIB réel par tête qui passera des 2 % par an qui ont prévalu aux États-Unis de 1891 à 2007 à 0,9 % par an de 2007 à 2032 (Gordon, 2014a, p. 50).
Le pessimisme de Gordon est partagé par d’autres auteurs. Par T. Cowen, d’abord, qui attribue la stagnation contemporaine à la fin des innovations les plus « à portée de main ». Depuis la fin du 17e siècle, l’économie américaine a profité de « fruits faciles à cueillir » (nouvelles technologies, terres gratuites et abondantes, travail des immigrants) 131mais, au cours des quarante dernières années, ces derniers ont commencé à disparaître, l’économie étant parvenue sur un plateau technologique (Cowen, 2011). Le rythme du développement technologique a ralenti et les innovations contemporaines sont loin d’avoir la portée qu’ont eu par le passé le chemin de fer ou l’automobile. Par P. Artus et M.-P. Virard, ensuite, qui rappelant que la productivité globale des facteurs représente la clé de toute réflexion sur l’avenir de la croissance, insistent sur la tendance lourde que représente sa stagnation ou son recul un peu partout dans le monde (Artus & Virard, 2015). Cinq raisons permettent de comprendre la conjoncture stagnationniste qui affecte nos économies depuis plusieurs années : a) la perte d’efficacité de la recherche-développement ; b) l’augmentation de l’intensité capitalistique (Aujourd’hui, aux États-Unis et dans la zone euro, il faut deux fois plus de capital qu’il y a un demi-siècle pour créer la même quantité de richesses) ; c) le rétrécissement des secteurs industriels (dans lesquels les gains de productivité sont plus élevés qu’ailleurs) ; d) l’insuffisance du niveau de qualification de la population active ; e) la portée réelle de la révolution des NTIC (les innovations de ces dernières décennies n’ont pas le même impact que celles des révolutions industrielles antérieures). Artus et Virard anticipaient, pour la période 2015-2025, une croissance potentielle qui ne devrait pas excéder 0,3 % an dans la zone euro (Artus & Virard, 2015, p. 27).
I.2 Une thÈse controversÉe
La thèse de l’ancrage des économies capitalistes dans une période de stagnation séculaire demeure controversée. D’autres lectures de la période ouverte depuis la grande récession de 2008 ont été proposées, et tandis que certains participants aux débats affirment que des réformes structurelles et/ou la politique économique peuvent réamorcer le processus de croissance, d’autres demeurent confiants dans les potentialités offertes par la dynamique technologique.
C.M. Reinhart et K.S. Rogoff ont attribué les difficultés contemporaines à l’excès d’endettement qui a conduit à la crise financière et au désendettement qui a suivi, la dette accumulée pesant sur la reprise et la croissance (Reinhart & Rogoff, 2010). Historiquement, selon ces derniers, il apparaît que les crises financières précédées par un accroissement marqué de la dette sont généralement suivies par des reprises particulièrement lentes. K.S 132Rogoff interprète la faiblesse de la reprise consécutive à la crise de 2008, comme la conséquence de la fin d’un supercycle d’endettement comme il s’en est déjà produit par le passé (Rogoff, 2016). S’opposant à la thèse de la stagnation séculaire, il considère que l’économie peut retrouver un sentier de croissance soutenue au cours des prochaines années, grâce au déploiement des nouvelles technologies et du numérique. Pour sa part, B.S. Bernanke a défendu la thèse d’une surabondance d’épargne émanant des liquidités existantes sur les marchés émergents, facteur qui est venu s’ajouter à l’excès d’épargne en vigueur dans les pays développés. Les taux d’épargne élevés dans les pays émergents d’Asie (Chine en particulier) et dans certains pays producteurs de pétrole ont entraîné une surabondance d’épargne à l’échelle mondiale qui a poussé les taux d’intérêt à la baisse. Puisque dans ces économies, l’épargne désirée excède l’investissement désiré, tout se passe comme si ces dernières « exportaient » leur épargne vers le reste du monde. D’où le scepticisme de Bernanke vis à vis de la thèse de la stagnation séculaire. Si le taux d’intérêt d’équilibre est faible, ce n’est pas parce que l’investissement est déprimé, mais bien parce que l’épargne est surabondante (Bernanke, 2015).
D’autres auteurs estiment que la stagnation séculaire n’est pas une fatalité. C’est ce qu’affirment R.C. Koo et B. Eichengreen. Le premier soutient qu’une source durable de l’excès d’épargne réside dans ce qu’il nomme la « récession de bilan » (Koo, 2014). Suite à l’éclatement d’une bulle financée par la dette, les agents recherchent non plus la maximisation du profit mais la minimisation de la dette afin d’assainir leurs bilans. Les firmes et les ménages cherchant simultanément à rembourser cette dernière, il en résulte une insuffisance de la demande agrégée. Par conséquent, l’État doit intervenir via une stimulation budgétaire le temps du désendettement privé, car s’il ne le fait pas, l’économie subit des pressions déflationnistes. L’éclatement d’une bulle d’actifs financée par l’endettement et les récessions de bilans qui lui font suite représentent, selon Koo, le point commun à la crise de 1929, à la déflation japonaise des années 1990 et à la grande récession de 2008. Le second considère que pour réparer les dégâts causés par la crise de 2008, les autorités doivent soutenir la demande agrégée en investissant dans les infrastructures, l’éducation et les besoins de formation (Eichengreen, 2014). La conclusion selon laquelle les États-Unis sont confrontés à la stagnation séculaire est prématurée selon N. Crafts, qui souligne que 133les risques sont plus élevés dans la zone euro, en raison de tendances moins favorables concernant la démographie, la productivité, le poids de la consolidation budgétaire et l’objectif de la Banque centrale européenne d’une inflation faible (Crafts, 2014). Constatant que dans l’eurozone, l’accroissement des taux de dépendance, les difficultés de la régulation financière, le surendettement et la faible croissance de la productivité exerçaient effectivement une pression baissière sur les taux d’intérêt réels d’équilibre, J.F. Jimeno, F. Smets et J. Yiangou se sont demandés si ces tendances étaient vraiment séculaires et si la politique économique pouvait apporter des solutions (Jimeno & al., 2014). Leur réponse est qu’il est possible d’accroître l’efficacité de l’intermédiation financière dans la zone euro et qu’il y existe un véritable potentiel pour engager des réformes structurelles capables de stimuler la demande. Le point de vue de C. du Granrut est proche de cette position. Selon lui, il est possible de desserrer les contraintes existantes en engageant des politiques structurelles en lien avec les préoccupations environnementales, en tenant compte des évolutions en œuvre sur le marché du travail, et en repensant les modes de coopération économique à l’échelle mondiale (du Granrut, 2016). Pour R.N. Cooper, plusieurs leviers peuvent également être mobilisés pour lutter contre la stagnation séculaire : la réduction des inégalités, le développement des infrastructures pour répondre aux besoins existant à l’échelle mondiale, et des investissements massifs dans le secteur énergétique pour lutter contre le dérèglement climatique (Cooper, 2016).
D’autres analystes affirment qu’il ne faut pas redouter les projections de R.J. Gordon. P. Aghion et C. Antonin soutiennent que la croissance de la productivité n’est pas mesurée correctement, ce qui, à l’encontre de la thèse de la stagnation séculaire, tend à réhabiliter la théorie schumpétérienne de la destruction créatrice (Aghion & Antonin, 2017). En raison du recours à l’extrapolation auquel procèdent les instituts de statistique, le taux de croissance de la productivité aurait été sous-estimé de près de 0,6 point par an en moyenne aux États-Unis entre 1983 et 2013. En France, au cours des dix dernières années, la croissance effective de la productivité dépasserait de 0,5 point celle de la productivité mesurée. Ainsi, peut-on difficilement parler de stagnation dès lors que les tendances de la productivité sont estimées de façon correcte. D’autres auteurs insistent sur le potentiel de la révolution technologique en cours. Tandis que pour 134J. Mokyr, il ne fait aucun doute que les NTIC, les biotechnologies et les nouveaux matériaux ont une portée révolutionnaire à l’échelle mondiale (Mokyr, 2014), selon E. Glaeser, le véritable problème n’est pas celui des NTIC mais celui des inégalités de répartition des revenus (Glaeser, 2014).
II. ACTUALITé DU KONDRATIEV
Au cours de ces dernières années, les références au Kondratiev se sont multipliées dans la littérature économique. Cette actualité du Kondratiev est cependant marquée par d’importantes divergences entre auteurs portant, à la fois, sur l’identification de l’onde longue en cours et sur la nature de la phase qui caractérise la période contemporaine. Des controverses étaient déjà apparues sur le sujet au tournant des 20e et 21e siècles.
II.1 Les controverses apparues
au tournant des 20 e et 21 e siècles
La thèse du démarrage d’une nouvelle phase A (celle du cinquième Kondratiev) a été formulée par plusieurs économistes au tournant des 20e et 21e siècles (Bosserelle, 2011). Ces derniers affirmaient qu’elle succédait à la phase B du quatrième Kondratiev démarré après 1945, et dont la phase d’expansion longue avait pris fin au début de la décennie 1970, mais son point de départ variait selon les auteurs. Le tableau 1, qui présente quelques périodisations du quatrième Kondratiev avec ses phases A et B, traduit les désaccords entre analystes quant à la période couverte par ce dernier. Le tableau 2, qui le complète, fait ressortir les divergences quant au point de départ de la phase A du cinquième Kondratiev. Il précise, pour chaque auteur (ou groupe d’auteurs) les critères mis en avant pour en rendre compte. Lorsque les expressions, nouveau paradigme techno-économique, nouveau paradigme technologique, nouveau style technologique ou nouvelle vague d’innovations fondamentales sont indiquées entre crochets, c’est des ntic dont il est question. Concernant la période couverte par le quatrième Kondratiev et l’enclenchement de la phase d’essor du cinquième, il est un fait que des problèmes de datation et de localisation des points de retournement sont manifestes.
135Tab. 1 – Le quatrième Kondratiev.
Auteur (s) |
Période concernée |
Phase A |
Phase B |
D. Basu (2016) |
1983 - ? |
1983-2007 |
2008 - ? |
M. Coccia (2010) |
1945-1992 |
1945-1974 |
1974-1992 |
T. C Devezas (2012) |
1947/48 - première moitié des années 1990 |
1947/48 - autour de 1970 |
autour de 1970 - première moitié des années 1990 |
P. Dockès (2017) |
1945-1986 |
1945-1969/73 |
1973-1986 |
M. Gallegati (2017) |
1951-fin du 20e siècle |
1951-milieu des années 1970 |
milieu des années 1970-fin du 20e siècle |
L.E. Grinin et A.L. Grinin (2014) |
1947-1982/91 |
1947-1969/74 |
1969/74-1982/91 |
L.E. Grinin et A.V. Korotayev (2014) |
V18 : 1948/49-1979/82 V2 : 1948/49-1990/93 |
1948/49-1966/67 1948/49-1966/67 |
1966/67-1979/82 1974/75-1990/93 |
P. Mason (2015) |
fin des années 1940 - 2008 |
fin des années 1940- début des années 1970 |
début des années 1970- 2008 |
J.B. Moody et B. Nogrady (2010) |
1941-1980 |
||
P. Pascallon et P. Hortefeux (2010) |
1940/45 - 1990 |
1940/45 - 1970 |
1970 - 1990 |
M. Roberts (2016) |
1946-autour de 2018 |
1946-1980 |
1980-autour de 2018 |
F. Salum et P.V. dos Santos Alves (2017) |
1930-1980 |
||
L. Tsoulfidis et A. Papageorgiou (2017) |
1946-1982 |
1946-1966 |
1966-1982 |
D. Tyfield (2016) |
1940-1990 |
1940-années 1970 |
années 1970-1990 |
J. van Vossole (2014) |
1939/1950-1984/91 |
1939/1950-1968/74 |
1968/74-1984/91 |
M. Wilenius (2014) |
1930-1970 |
Tab. 2 – Le point de départ de la phase A du cinquième Kondratiev :
des divergences manifestes.
Les années 1980 |
Les années 1990 |
Le tournant des années 1990-2000 |
Le début des années 2000 |
-J. Reijnders (2006) [ ntic ] |
-V. Lippit (1997) [émergence d’une nouvelle structure sociale d’accumulation] |
-A. Safir et D. Michel (1999) [cinquième révolution industrielle – réseaux, biotechnologies, NTIC] |
-T. C Devezas, H.A Linstone et H.J.S Santos (2005) [nouveau système techno-économique basé sur les NTIC] |
-G. Mensch (1979, 2006) [nouvelle vague d’innovations fondamentales] |
– A. Gabb et I. Hossein-Zadeh (2000) [contre-tendances à la baisse du taux de profit] |
-A. Minc (2000) [nouvelle révolution industrielle – Web et multimédia] |
-G. Modelski (2006) [croissance accélérée des industries de l’information] |
-Y.V. Yakovets (2006) [nouveau style technologique] |
-J. Nagels (2002) [nouvelle révolution technologique] |
-H. Delanghe, V. Duchêne et U. Muldur (2004) [nouveau paradigme technologique] |
-M. Gallegati (2017) [technologies de l’information] |
-J.B Moody et B. Nogrady (2010) [ntic, software, biotechnologies] |
-A. Reati et J. Toporowski (2004) [nouveau paradigme techno-économique] |
||
-A.V. Korotayev et S.V. Tsirel (2010) [nouveau paradigme techno-économique] |
-J.S. Goldstein (2006) [reprise de la production] |
||
-L.E. Grinin et A.L. Grinin (2014) [poursuite de la révolution cybernétique démarrée vers 1955] |
-R.U. Ayres (2006)[révolution numérique et internet] |
||
137
– J. Van Vossole (2014) [nouveau paradigme techno-économique] |
-S. Rumyantseva (2006) [innovations de base et nouveau style technologique] |
||
-L.E Grinin, A.L. Grinin et A.V. Korotayev (2017) [nouveau paradigme techno-économique] |
P. Pascallon et P. Hortefeux (2010) [diffusion des NTIC, poussée de la globalisation libérale sous l’impulsion des États-Unis] |
||
-A.V Korotayev et A. Akaev (2017) [nouveau paradigme techno-économique] |
M. Coccia (2010) [?] |
||
-P. Dockès (2017) [émergence du néo-capitalisme libéral, informatique et internet] |
-D. Tyfield [2016][nouveau paradigme technologique] |
||
-F. Salum et P.V. Dos Santos Alves (2017) [informatique et télécommunications] |
|||
-L. Tsoulfidis et A. Papageorgiou (2017) [révolution de l’information] |
La thèse du démarrage d’un cinquième Kondratiev entretient évidemment un lien étroit avec l’apparition de la thématique de la « nouvelle économie », très porteuse aux États-Unis au cours de la décennie 1990, qui, grâce aux ntic, devait permettre à ces derniers, avec quelques années d’avance sur les autres économies capitalistes, de retrouver la voie d’un sentier de croissance durable. Pour autant, à la même époque, d’autres auteurs affirmaient que la phase B du quatrième Kondratiev était toujours en cours (Moseley, 1999 ; Wallerstein, 2001 ; O’Hara, 2002 ; 138Wicht, 2002 ; Wolfson, 2003 ; Boccara, 2008). Le tableau 2 invite à formuler deux remarques. D’une part, au vu du nombre d’économistes qui ont invoqué la diffusion d’un nouveau paradigme techno-économique basé sur les ntic pour expliquer les raisons de l’enclenchement d’une nouvelle phase A, il est un fait que la thèse du déploiement d’un cinquième Kondratiev s’inscrit, très majoritairement, dans une perspective néo-schumpétérienne. D’autre part, et la remarque est importante, il y a une douzaine d’années, certains auteurs ont insisté sur les facteurs ayant pu briser le déploiement de la phase d’essor du cinquième Kondratiev. Pointant l’instabilité structurelle qui caractérisait la période contemporaine, G. Mensch réclamait le lancement d’un nouveau New Deal pour réactiver la croissance (Mensch, 2006). R.U. Ayres faisait remarquer que les formes de la mondialisation en cours depuis la décennie 2000, avaient approfondi l’impasse technologique et enrayé les transformations d’ordre institutionnel et organisationnel indispensables au déploiement d’un nouveau paradigme techno-économique. La phase expansive du cinquième Kondratiev avait certainement été cassée (Ayres, 2006).
ii.2 la pÉriode actuelle : quel kondratiev ? quelle phase ?
L’actualité du Kondratiev qui a marqué ces dernières années s’inscrit dans un cadre qui est loin d’être homogène. Un premier groupe d’auteurs considère que les économies capitalistes se trouvent, ou se trouvaient encore au cours de la période récente, dans une phase A. Il est question, pour les uns, de la phase d’essor du sixième Kondratiev, enclenchée depuis plusieurs années, il s’agit, pour les autres, de celle du cinquième, non encore arrivée à son terme. Leur position allant également à l’encontre de la thèse de la stagnation séculaire, peuvent également être inclus dans ce groupe, plusieurs analystes qui considèrent que le démarrage du sixième Kondratiev est proche. Un second groupe d’auteurs affirme, au contraire, que les économies capitalistes sont confrontées à une phase B, celle du cinquième Kondratiev, pour les uns, celle du quatrième, pour les autres.
II.2.1. Une phase A ?
Il y a une quinzaine d’années, Z. Lynch affirmait qu’un sixième Kondratiev était en train de se mettre en place, cette nascent neurotechnology wave tirée par les biotechnologies et les nanotechnologies étant 139appeléeà couvrir la période 2010-2060 (Lynch, 2004). Dix ans plus tard, L. Nefiodow et S. Nefiodow soulignaient que la phase d’essor du sixième Kondratiev était effectivement en cours, mais qu’elle avait démarré plus tôt (vers 1997-2003), les biotechnologies et la santé psychosociale étant les deux grandes sphères à l’origine de son enclenchement (Nefiodow & Nefiodow, 2014). A la même époque, M. Wilenius soutenait que l’économie mondiale entrait dans le sixième Kondratiev, ce dernier, démarré en 2010 et porté par les technologies intelligentes, devant se prolonger jusqu’en 2050 (Wilenius, 2014).
Selon d’autres auteurs, une phase A s’est effectivement déployée au cours de ces dernières années, mais il s’agit de la phase d’expansion du cinquième Kondratiev. Pour D. Tyfield, portée par la révolution des ntic, cette dernière a démarré en 1989/90 et, à partir de 2001, s’est poursuivie dans un cadre d’instabilité (Tyfield, 2016). Un premier pic a été atteint en 2008, suivi par une période de stagnation. Si la période 1989/1990 – 2016 a été marquée par une phase A, le pic définitif et la phase B du cinquième Kondratiev ne se sont pas encore enclenchés. La conjoncture stagnationniste consécutive à la crise de 2008 prenant place entre le premier et le second pic de la phase expansive du cinquième Kondratiev, la période actuelle n’est autre qu’une période de consolidation des innovations apparues au cours de la vague d’innovations précédente. La position de M. Gallegati est très proche de celle de Tyfield. Celui-ci affirme que la phase d’essor du cinquième Kondratiev basée sur les technologies de l’information, qui a démarré au début du 21e siècle, était toujours en cours en 2017 (Gallegati, 2017). La crise mondiale de 2008 ne représente pas le point de retournement haut du cinquième Kondratiev, puisque, comme Tyfield, Gallegati souligne que le pic définitif de celui-ci et la phase B qui doit lui succéder ne se sont pas encore enclenchés.
La thèse du démarrage proche ou imminent d’un sixième Kondratiev a été soutenue par d’autres auteurs. En 2010, J.B Moody et B. Nogrady soulignaient que le sixième Kondratiev était sur le point de se déployer, la vague d’innovations à l’origine de son démarrage étant centrée sur les ressources, les services, les technologies propres et les réseaux (Moody & Nogrady, 2010). D. Nacken affirmait également qu’au début de la décennie 2010, l’économie mondiale se trouvait dans une période de transition entre le cinquième et le sixième Kondratiev (Nacken, 2013). 140La crise de 2008 marque l’apparition de cette sixième vague de prospérité, dans laquelle l’environnement, la santé et les biotechnologies seront les trois grands secteurs qui ramèneront l’économie mondiale sur un sentier de croissance durable. Pour les pays industrialisés, le sixième Kondratiev prendra sa source dans l’économie de la connaissance, et la croissance mondiale dans un nouveau mélange d’économie, d’écologie et d’engagement social, changement structurel qualifié par Nacken de « mondialisation verte ». Reliant le déploiement des quatrième (1947-1982/91), cinquième (1982/91 – années 2020) et sixième Kondratiev (2020/2030 – 2060/2070) à la révolution cybernétique démarrée vers 1955, L.E Grinin et A.L. Grinin affirment également que le déploiement du sixième Kondratiev est proche et qu’il traduira l’achèvement de cette dernière (Grinin & Grinin, 2014). La phase initiale de la révolution cybernétique (années 1950 – années 1990), renvoie aux avancées intervenues dans plusieurs domaines (agriculture, automation, exploration de l’espace et des océans, matériaux de synthèse, production énergétique), notamment dans ceux de la communication, de l’information, et des systèmes de contrôle électronique. La seconde phase (période 1995-2020/2030) est une phase de modernisation, marquée par la diffusion, la synthèse et l’amélioration des nouvelles technologies. Au cours de la phase finale, celle des systèmes autorégulés (années 2030/2040 – années 2060/2070), les nouvelles technologies pourront acquérir leurs caractéristiques de maturité. Le bloc des technologies que ces auteurs regroupent sous l’acronyme MBNRIC9 jouera un rôle moteur au cours du sixième Kondratiev, thèse partagée par A.V. Korotayev et A. Akaev qui anticipaient un redémarrage de la croissance mondiale en 2018 (Korotayev & Akaev, 2017).
II.2.2. Une phase B ?
Selon P. Pascallon et P. Hortefeux, la phase dépressive du quatrième Kondratiev démarrée au seuil des années 1970 s’est achevée en 1990, et la phase d’essor du cinquième s’est étendue de 1990 à 2007. Depuis 2007/2008, conséquence de la crise mondiale, les économies capitalistes 141ont basculé dans sa phase B qui devrait se prolonger jusqu’aux années 2030(Pascallon & Hortefeux, 2010). Chez P. Dockès, le quatrième Kondratiev s’est déployé de 1945 à 1986 (phase A, 1945-1969/73 (apogée du capitalisme organisé) et phase B, 1973-1986 (enlisement et émergence du néo-capitalisme)), et le cinquième a démarré en 1986 (Dockès, 2017). Sa phase A (phase de néo-capitalisme triomphant et de croissance décevante) s’est étendue jusqu’en 2006 et sa phase B (nouvelle phase de la troisième révolution industrielle – Big data, intelligence artificielle, robotique) s’est amorcée depuis. La périodisation de L. Tsoulfidis et A. Papageorgiou est très proche de celle de P. Dockès : quatrième Kondratiev de 1946 à 1982, puis démarrage du cinquième. Sa phase A (la révolution de l’information) s’est étendue de 1982 à 2007, puis sa phase B (la grande récession) s’est enclenchée (Tsoulfidis & Papageorgiou, 2017).
L’enlisement des économies capitalistes dans une longue phase à dominante dépressive est une réalité pour d’autres économistes, mais c’est de la phase B du quatrième Kondratiev dont il est question.
Quatre ans après le déclenchement de la crise de 2008, P.A. O’Hara soulignait que si l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord avaient été particulièrement affectées par cette dernière, c’est justement parce qu’elles se trouvaient plongées dans la phase B de l’onde longue démarrée au seuil des années 1950 (O’Hara, 2012). Depuis cette époque, plusieurs constats peuvent être dressés : a) L’économie mondiale a enregistré une phase A de 1951 à 1969, une phase borderline (à la frontière entre A et B) de 1970 à 1979, et une phase B de 1980 à 2010 ; b) Pour l’Union européenne, phase A de 1951 à 1979, puis phase B de 1980 à 2010 ; c) L’Amérique du Nord, a connu une phase borderline de 1951 à 1959, une phase A de 1961 à 1979, une nouvelle phase borderline de 1980 à 1989, puis une phase B de 1990 à 2010 ; d) Par contre, certaines zones semi-périphériques (Asie du Sud, Chine, Inde) ont enregistré une phase A géante au cours des 60 dernières années. Si dans les années 1990 et 2000, la croissance de ces régions a été impressionnante, c’est grâce à la mise en place de régimes d’accumulation viables et de cadres institutionnels qui ont autorisé les performances enregistrées (O’Hara, 2012, p. 11). La position de M. Husson est parfaitement claire : les conditions du passage à une nouvelle phase A n’étaient toujours pas réunies au milieu de la décennie 2010. Malgré le rétablissement du taux de profit depuis le début des années 1980, le capitalisme n’est pas entré dans une 142nouvelle phase expansive, trois attributs lui faisant défaut : un ordre économique mondial cohérent, des terrains d’accumulation rentables et suffisamment étendus, et un mode de légitimation sociale (Husson, 2014). M. Roberts rappelle, pour sa part, que l’ordre néolibéral qui s’est imposé dans les pays capitalistes au seuil des années 1980 n’est pas parvenu à restaurer la rentabilité du capital à ses niveaux des années 1950-1960 (Roberts, 2016). Le pic du quatrième Kondratiev démarré en 1946 ayant été atteint en 1980 (phase A) et un creux devant intervenir autour de 2018 (phase B), Roberts souligne que l’étendue du quatrième Kondratiev (72 ans) est tout à fait atypique. P. Mason le rejoint sur ce point, en insistant sur « l’anomalie historique » que représente cette dernière (Mason, 2015). Le quatrième Kondratiev s’est déployé de la fin des années 1940 à 2008 et, depuis, le démarrage du cinquième s’est enrayé du fait du néolibéralisme et de la révolution des ntic qui n’ont pas permis d’engendrer une nouvelle phase d’expansion longue. Soulignons, enfin, que D. Basu se range également à la conclusion que les économies capitalistes sont actuellement confrontées à la phase dépressive de la quatrième onde longue, phase B qui aurait démarré en…2008 (Basu, 2016), ce qui complexifie pour le moins les débats !
III. LE KONDRATIEV A L’ÉPREUVE
DE LA STAGNATION SÉCULAIRE ?
Partons d’un double constat. Le premier est que dans les pays avancés, la croissance a ralenti par paliers depuis les années 1970 et a atteint avec la crise financière des plus bas historiques depuis le xixe siècle (Bergeaud & al., 2018, p. 171). Le second est qu’au cours de ces dernières années, certains partisans de la thèse de la stagnation séculaire ont souligné que les difficultés auxquelles étaient confrontées les économies capitalistes avaient commencé bien avant la crise de 2008. Selon nous, les débats récents engagés autour de la thématique de la secular stagnation prennent place dans un cadre qui n’est autre que celui de la poursuite de la tendance longue aux difficultés démarrée au seuil des années 1970 (phase B du quatrième Kondratiev). Si son étendue invite à prendre très 143au sérieux la question de la disparition possible du Kondratiev, avant de s’attacher à cette dernière, un retour sur les dynamiques en œuvre dans les pays capitalistes depuis les années 1980, puis sur le Kondratiev lui-même en tant qu’onde longue s’impose.
III.1 Les dynamiques en œuvre depuis les annÉes 1980
En réponse à la crise structurelle ouverte au début des années 1970, l’ordre néolibéral qui s’est imposé au seuil de la décennie 1980 n’a pas empêché les économies capitalistes de s’installer dans une période de déclin par rapport à la longue phase expansive qui a suivi la fin de la Seconde Guerre mondiale. Si la crise de 2008 n’a fait que traduire la non soutenabilité du régime de croissance financiarisé qui s’est mis en place au début des années 1980, le taux de profit s’est pourtant redressé depuis cette époque, ce qui pouvait laisser penser qu’une nouvelle phase A allait voir le jour. Pourtant, c’est l’essoufflement de l’accumulation et l’incapacité à dégager des gains de productivité substantiels qui caractérisent le capitalisme depuis près de trente ans (Husson, 2014). C’est dans ce cadre qu’il convient de s’interroger sur la poursuite du Kondratiev.
En premier lieu, l’ampleur du redressement du taux de profit a été discutée par plusieurs auteurs marxistes qui ont souligné que si une récupération des profits était intervenue à partir de la décennie 1980, resitué dans une perspective historique, le niveau atteint n’était pas très élevé (Roberts, 2016), voire même qu’il s’inscrivait dans un long trend de baisse. Ensuite, il convient de s’interroger sur la durabilité et la robustesse de cette tendance haussière. Les recherches entreprises par M. Husson sur la période 1980-2012 (Husson, 2013) permettent de dégager plusieurs enseignements. Si jusqu’à la crise de 2008, la tendance du taux de profit est haussière en Europe et aux États-Unis, celle-ci tend cependant à ralentir, puis le taux de profit chute avec la crise, son recul se prolongeant jusqu’en 2012 (il est d’ailleurs plus prononcé en Europe alors que la baisse est suivie par un rattrapage aux États-Unis). Au Japon, le taux de profit est orienté à la baisse tout au long des années 1990 ; il se relève de 2000 à 2006, puis se replie à nouveau au-delà. Dans la zone euro, et pour les pays du Sud, (Espagne, Grèce, Italie, Portugal), le taux de profit est à la hausse jusqu’à la seconde moitié des années 1990, puis la tendance s’inverse, la crise approfondissant la baisse. Cette évolution concerne également la France. Quant aux pays du Nord (Allemagne, 144Autriche, Belgique, Finlande, Pays-Bas), ils enregistrent une progression moins irrégulière du taux de profit mais elle est également cassée par la crise. Une nouvelle rechute intervient après le redressement de 2010. Même remarque pour les pays du Sud, le recul se poursuivant en France. Le redressement du taux de profit n’implique pas pour autant que les tendances à la suraccumulation du capital aient disparu. D’une part, c’est ce qu’expriment ses inflexions et ses rechutes. D’autre part, la restauration du taux de profit ne s’est pas traduite par une reprise durable et généralisée de l’accumulation.
Parallèlement aux efforts visant à réaliser des économies sur le capital matériel, c’est la décrue de la part salariale dans la valeur ajoutée qui a joué un rôle central dans le relèvement du taux de profit. Aux États-Unis, comme en Europe, le gel des salaires explique pour l’essentiel le redressement du taux de marge, part des profits dans la valeur ajoutée (Husson & Louçà, 2013). L’étude menée dernièrement par D. De Waziers, C. Kerdrain et Y. Osman, qui porte sur la période 1994-2015, montre d’ailleurs que depuis les années 1990, la part du travail dans la valeur ajoutée a reculé dans la plupart des pays de l’OCDE, au bénéfice d’une amélioration du taux de marge (De Waziers & al., 2019). Le rétablissement du taux de profit ne s’est donc pas réalisé sur la base d’un renouvellement des gains de productivité, mais sur celle d’une progression du taux d’exploitation, comme en témoigne la baisse de la part des salaires dans le revenu national (Husson, 2014 ; Roberts, 2016). La façon dont s’est rétabli le taux de profit est problématique, car elle n’est pas sans soulever la question de la réalisation, c’est-à-dire de l’écoulement des marchandises dans un cadre où la diminution relative des salaires pèse sur la demande. Se pose ainsi un problème de débouchés aux marchandises, c’est-à-dire une difficulté de réalisation monétaire de la valeur. Si le rétablissement du taux de profit est une condition indispensable au démarrage d’une phase A, elle n’est pas suffisante. Il est impératif que les mécanismes qui l’autorisent apportent une réponse à d’autres questions portant notamment sur la réalisation du produit (Husson, 2014). Comme l’ont pointé de nombreux participants au débat sur la stagnation séculaire, la faiblesse de la demande agrégée représente une tendance lourde depuis le milieu des années 1980, qui reflète l’une des contradictions en œuvre au sein du capitalisme néolibéral. La montée en force de la sphère financière s’étant accompagnée de pressions accrues 145exercées par le capital sur le travail et d’une déformation du partage de la valeur ajoutée au détriment de la part des salaires, la modification structurelle de la répartition du revenu a occupé une place centrale dans l’affaiblissement de la demande et la montée de l’endettement. Aux États-Unis, entre 1986 et 2016, 60 % de la croissance totale des revenus générés par l’économie ont été absorbés par le 1 % le plus riche, alors que le revenu de 90 % des américains stagnait, voire reculait. En Europe, au cours de la même période, la croissance moyenne du revenu par habitant est passée de 3 % à 1,5 % puis à 0,5 % (Cohen, 2015). Voila qui est pour le moins curieux, si l’on considère qu’une phase A était en cours avant la crise de 2008. Le capitalisme néolibéral s’inscrit dans une longue phase récessive de l’activité économique et non dans une longue phase expansive.
III.2 Revenir au Kondratiev
et à la question de sa possible disparition
Les lectures de la dynamique du capitalisme menées en termes de Kondratiev se sont régulièrement vues reprocher leur caractère mécanique et déterministe. Quand bien même, par le passé, un tel mouvement aurait pu concerner un segment historique spécifique, comment aurait-il pu se poursuivre jusqu’à nos jours, alors même que les économies capitalistes ont enregistré des transformations radicales ? Nous formulerons deux remarques.
La première est que concevoir le Kondratiev comme un cycle long présentant une temporalité régulière est extrèmement réducteur. Depuis la fin du 18e siècle, des périodes historiques profondément singulières se sont succédées dans le cadre de l’alternance de longues phases tantôt à dominante expansive, tantôt à dominante récessive, mais cette dernière n’est pas mécanique. Si le renversement de la phase A en phase B est endogène, résultant du jeu de facteurs et de mécanismes internes au système économique et social et, fondamentalement, de la montée de contradictions qui finissent par provoquer l’entrée en crise de l’ordre productif qui prévalait (Dockès et Rosier, 1983), le retournement de la phase B en phase A, lui, ne l’est pas, car il relève de la conjonction d’éléments qui n’est pas du domaine de la nécessité mais de la possibilité. Les Kondratiev sont des ondes et non des cycles et nous n’adhérons pas aux approches néoschumpeteriennes dans lesquelles les grappes 146d’innovations finissent par enclencher une nouvelle phase expansive de façon quasi-automatique. A partir des années 1980, le nouveau paradigme technologique basé sur les ntic dont la portée a interpellé R.J. Gordon, n’est pas parvenu à se doter d’un cadre institutionnel qui lui aurait permi de se déployer grâce à des opportunités suffisamment importantes de profits. Les bouleversements technologiques majeurs occupent une place incontestable dans l’enclenchement d’une phase d’expansion longue, mais le taux de profit demeure un élément essentiel. Le démarrage d’une phase A implique que ce dernier soit parvenu sur un palier très élevé et stable, ce qui ne peut résulter de l’effet de facteurs purement endogènes. L’innovation technologique en soi n’est pas la clé du déclenchement d’une nouvelle phase expansive. La mise en place d’un régime d’accumulation et d’un mode de régulation viables est déterminante pour qu’elle puisse s’enclencher et se péréniser.
La seconde est qu’au cours des années 1920, N.D. Kondratiev avait identifié deux mouvements longs, le premier d’une durée de 60 ans, (1789-1849), le second de 47 ans (1849-1896), et la phase d’essor d’un troisième (1896-1920). Selon nous, il convient de se garder de toute tentative de généralisation, car des mouvements ultérieurs peuvent très bien présenter une étendue qui ne s’inscrit pas dans cet intervalle de 47-60 ans établi sur un socle empirique aussi étroit (deux mouvements complets seulement repérés). Rien n’autorise à concevoir, qu’au-delà de 1920, d’éventuels mouvements de longue durée aient pu conserver la même périodicité que leurs prédécesseurs.
En affirmant, en 1979 : « En 1973-1974, il y a eu un retournement d’un nouveau Kondratieff dont le départ se situe vers 1945… mais n’y aurait-il pas en plus, comme en 1817, un retournement d’un mouvement séculaire ; donc un double retournement ? Je suis tenté de le croire, bien que rien ne le démontre » (Braudel, 1979, p. 65), F. Braudel pointait la double rupture intervenue au seuil de cette décennie, avec le passage d’une phase A à une phase B et l’entrée du capitalisme dans un trend séculaire baissier. Si cette remarque est pour le moins pertinente, au vu des évolutions qui ont été en œuvre depuis cette époque, la question de la poursuite du Kondratiev a cependant été posée par d’autres auteurs. À la fin des années 1950, G. Imbert s’était interrogé sur les transformations structurelles intervenues dans les économies capitalistes susceptibles de remettre en cause les dynamiques antérieures (Imbert, 1959). Il soulignait 147qu’à l’occasion de la crise des années 1930, de nouvelles structures se mettaient en place, et se questionnait sur le devenir des Kondratiev. G. Imbert qui articulait ces derniers avec les trends séculaires, envisageait explicitement leur possible disparition dans le cadre de ce qu’il qualifiait de trend séculaire planiste, c’est-à-dire dans le cadre des intenses transformations systémiques apparues dans l’entre-deux-guerres, marqué par l’intervention de l’État. Au cours des années 1980, P. Boccara a également souligné qu’il était possible que les Kondratiev finissent par disparaître au vu de l’émergence d’éléments d’altération qui tendraient à les mettre en cause de façon radicale10. Il y a une dizaine d’années, il attribuait « l’allongement indéfini » de la phase B du quatrième Kondratiev aux révolutions informationnelle, monétaire, écologique et anthroponomique en cours qui, si elles laissaient entrevoir des possibilités de dépassement du système capitaliste, demeuraient confrontées aux dominations et aux résistances au changement de ce dernier (Boccara, 2008). Plus proches de nous, L.E Grinin et A.L. Grinin ont également envisagé la question de la disparition de ce mouvement dans le futur : il est probable que le sixième Kondratiev (2020/30-2060/70) ne soit pas suivi par un septième, car les ondes longues apparaissent à une certaine étape du développement économique et social et disparaissent certainement à une étape ultérieure (Grinin & Grinin, 2014, p. 374). Finalement, pourquoi le Kondratiev, entendu comme onde longue de croissance, n’aurait-il pas disparu à l’époque contemporaine, alors que la thèse de la disparition de certains autres mouvements a été soutenue ? Concernant, par exemple, les Kuznets swings de l’ordre d’une vingtaine d’années, S. Solomou considère qu’elles se sont manifestées aux États-Unis de 1870 à 1973, qu’elles se limitent à l’avant-Première Guerre mondiale pour l’Allemagne et le Royaume-Uni, tandis que leur trajectoire se serait poursuivie dans l’entre-deux-guerres en France (Solomou, 1990). Aux États-Unis, selon L. Scandella, la récurrence Kuznets s’est évanouie dans l’entre-deux-guerres (Scandella, 1998), tandis que pour J.-F. Vidal, aux États-Unis comme en Angleterre, le Kuznets a disparu au seuil du 20e siècle (Vidal, 2007). En définitive, la question qui mérite d’être posée est celle de la transformation des fluctuations et de leur possible altération au fil du développement historique.
148CONCLUSION
Dans le long terme, le maintien de certains types de périodicités est-il compatible avec le changement structurel ? Considérer que des récurrences, qu’elles soient de type Kondratiev ou autres, devraient se pérenniser au fil du développement historique ne peut manquer de susciter des interrogations, au vu des intenses mutations qui ont affecté les économies capitalistes et qui ont marqué la dynamique de l’accumulation du capital et les procédures de régulation en œuvre. Nous pensons que si le Kondratiev s’est poursuivi à l’époque contemporaine, c’est uniquement pour les prix, plus précisément pour les prix des matières premières. Le Kondratiev renvoie, en effet, à deux réalités. D’une part, des ondes longues de croissance, marquées par l’alternance de phases d’essor et de phases de difficultés économiques majeures ; d’autre part, des ondes longues des prix des produits de base qui se sont poursuivies jusqu’à nos jours, et qui ont d’ailleurs été mises en évidence de façon robuste au cours de ces dernières années (Bosserelle, 2015). La réapparition de la thématique de la secular stagnation et les dynamiques qui ont été en œuvre dans les économies capitalistes depuis les années 1970/1980 n’invitent-elles pas à envisager la question de la disparition du Kondratiev en tant qu’onde longue de croissance ? C’est, en tous les cas, ce qui pourrait expliquer l’étendue de la phase B démarrée au seuil des années 1970. Une piste qu’il serait intéressant de creuser.
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1 François Simiand (1873-1935) fut le premier auteur, au début des années 1930, à employer les expressions phases A et phases B pour désigner respectivement les phases de hausse et les phases de baisse de ce qu’il qualifiait de fluctuations économiques à longue période (Escudier, 1989). Le recours à ces expressions est devenu aujourd’hui monnaie courante. Ajoutons que l’expression « le Kondratiev » que nous employons dans cet article, n’a pas pour vocation d’afficher une neutralité de notre part quant à la nature de ce mouvement, même s’il est vrai que chez N.D. Kondratiev et J.A. Schumpeter (l’inventeur « du Kondratiev ») il est question d’un cycle long (Escudier, 1989, p. 849), c’est-à-dire d’un mouvement doté d’une dynamique endogène et d’une régularité dans la répétition (idem, p. 853). Pour nous, les Kondratiev sont des ondes et non des cycles et c’est au sens et seulement au sens d’onde longue que nous entendons « le Kondratiev » dans cet article. Sur les questions de terminologie (cycle, onde, etc.) voir Escudier (1989) et Fayolle (1994, p. 128).
2 La périodisation la plus consensuelle des Kondratiev s’établit comme suit : Premier Kondratiev, des années 1780-1790 aux années 1848-1850 avec un pic atteint vers 1815 ; deuxième Kondratiev, des années 1848-1850 aux années 1896-1897 avec un pic atteint vers 1870-1875 ; troisième Kondratiev, des années 1896-1897 aux années 1939-1945 avec un pic atteint vers 1920 ; quatrième Kondratiev : depuis les années 1939-1945, avec un pic atteint vers 1973-1975. À partir du pic du quatrième Kondratiev, les choses se compliquent, la question qui se pose étant de savoir si, aujourd’hui, la phase B de ce dernier est achevée et si un cinquième Kondratiev, voire un sixième selon certains auteurs, s’est déployé.
3 C’est A.H. Hansen qui, en 1938, spectateur de la rechute de l’économie américaine au cours de l’année précédente, forgea l’expression secular stagnation, alors que l’économie mondiale peinait toujours à se remettre des conséquences de la grande dépression. Anticipant un ralentissement de la croissance démographique et pointant l’insuffisance de la demande agrégée, il était convaincu que les États-Unis étaient désormais condamnés à une croissance molle. Si les grandes innovations technologiques, la croissance de la population, la découverte et le développement de nouveaux territoires et de nouvelles ressources sont les trois grands facteurs qui jouent un rôle moteur dans la formation des occasions d’investir, il ne faut plus compter sur eux à présent. Cette thèse, selon laquelle le capitalisme était arrivé à maturité, sera également développée par d’autres auteurs au cours des années 1940.
4 Fourteenth Jacques Polak annual research conference : Crises : Yesterday and today, Washington DC, November 7/8 2013.
5 Aux États-Unis, le taux de croissance annuel moyen de la productivité globale des facteurs est passé de 2,01 % de 1920 à 1972, à 0,7 % de 1972 à 2014 (Gordon, 2015, p. 55).
6 Gordon a ensuite affiné son hypothèse, ne retenant finalement que quatre vents contraires (démographie, éducation, dette publique et inégalités) pour répondre aux critiques qui lui avaient été adressées (Gordon, 2014b).
7 Les chiffres sont du même ordre de grandeur pour les autres pays de l’OCDE.
8 V1 et V2 sont les deux versions envisagées par les auteurs.
9 MBNRIC-technologies : med-bio-nano-robo-info-cognitive technologies (technologies médicales, bio et nanotechnologies, robotique, technologies de l’information et technologies cognitives).
10 Travail des femmes, vieillissement démographique, scolarisation prolongée, montée des services et du travail improductif, et révolution informationnelle (Boccara, 1983).
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-10602-9
- EAN : 9782406106029
- ISSN : 2495-8670
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-10602-9.p.0125
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 27/05/2020
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Crise, croissance économique, Kondratiev, phases A et B, stagnation séculaire