Économie et littérature : les conditions d’un dialogue
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
2016 – 2, n° 2. varia - Auteurs : Pignol (Claire), Akdere (Çınla)
- Pages : 75 à 91
- Revue : Revue d’histoire de la pensée économique
Économie et littérature :
les conditions d’un dialogue
Claire Pignol
Université Paris I – PHARE
Çinla Akdere
Middle East Technical University
Économistes et spécialistes de littérature n’ont pas de tradition de travail commun : que les spécialistes des études littéraires proposent des analyses de textes littéraires informées par l’économie ou, à l’inverse, des analyses de textes économiques avec les outils de théorie littéraire, que, d’autre part, les textes de fiction qui évoquent les faits ou les théories économiques puissent être analysés et discutés par des économistes, cela n’est pas suffisant pour constituer en objet de discours les relations entre économie et littérature. Pour cela, il faudrait que les discours littéraires et économiques échappent à l’indifférence mutuelle voire à la méfiance réciproque qui les caractérise souvent. Pourtant, le thème des relations entre économie et littérature est abordé depuis quelques années par des économistes1 comme par des littéraires2. C’est dans le prolongement de ces travaux que fut organisé en 2013 à Paris un Colloque international intitulé Représentations littéraires et théories économiques : études comparées, dont est issue cette sélection d’articles. Ce numéro propose de poursuivre le dialogue entamé entre représentants des deux disciplines3.
76I. Regards croisés sur des objets communs
Comment organiser un tel dialogue ? Il existe certes des objets communs à la littérature et à l’économie : théories économiques et textes littéraires partagent l’ambition de représenter les crises et la monnaie, le travail et les besoins, les désirs et le bonheur, l’individu et l’organisation sociale. Mais ces objets ne suffisent pas. Il faut encore préciser sous quels rapports comparer les discours économiques et littéraires ; il faut aussi s’interroger sur les moyens de dépasser la rivalité voire l’hostilité qui affecte les relations entre les deux disciplines.
Rivalité dans la mesure où écrivains comme spécialistes de littérature témoignent d’un mouvement contradictoire à l’égard de l’économie : leur intérêt pour les phénomènes économiques se double d’une méfiance voire d’une hostilité à l’égard des discours et théories provenant des économistes. Cette méfiance contraste avec la relative proximité à l’égard d’autres disciplines qui évoquent le monde social – sociologie, histoire, philosophie, anthropologie. Si la littérature, en particulier depuis le xixe siècle, s’est emparée des phénomènes et des questions économiques, les récits qu’elle en propose sont parfois lus et interprétés comme des représentations de l’économie alternatives plutôt que complémentaires de celles proposées par les économistes. Faut-il dire que Balzac plus que les économistes classiques ou même Marx nous instruirait des réalités du capitalisme, que Dos Passos et Steinbeck mieux que Veblen ou Keynes auraient fait le récit de la grande dépression, que Perec mieux que Galbraith aurait su décrire l’émergence de la consommation de masse ? Faut-il préférer les descriptions de l’économie dans la littérature à celles des modélisations ? Que peut-on tirer de l’intérêt pour la discipline économique de quelques écrivains majeurs ? Que de Quincey 77fût économiste ou que Stendhal se fût intéressé à Smith ne semble ni avoir imprégné leur œuvre littéraire ni avoir influencé la perception des économistes par les écrivains.
L’indifférence de nombreux littéraires à l’égard de l’économie résulte aussi de la volonté de scientificité des économistes, qui les a conduits à emprunter soit le langage mathématique, soit le langage d’expert, codifié et stéréotypé auquel précisément s’oppose la littérature. S’ajoute à cela la performativité des discours économiques qui se distinguent mal des discours managériaux ou de l’économie vulgaire autrefois dénoncée par Marx.
Les économistes de leur côté sont le plus souvent simplement indifférents à la littérature. Lorsqu’ils s’ouvrent à d’autres disciplines que la leur, ils se tournent traditionnellement, selon l’épistémologie déclarée de la discipline depuis son apparition au xviiie siècle, vers les sciences de la nature : mathématiques ou physique – tel est le mouvement du xixe et du début du xxe siècle – psychologie ou neurobiologie – comme en témoignent les travaux récents de neuro-économie et d’économie comportementale. Ou bien, dans une perspective encore différente, ils empruntent à la philosophie politique et morale, à l’histoire, à la sociologie voire à l’anthropologie, en somme, aux discours qui relèvent des sciences humaines et sociales.
Recourir à la littérature, emprunter aux œuvres de fiction ou aux théories de la littérature des concepts ou des questions, cela est beaucoup plus inattendu. La première raison de cet éloignement tient sans doute à ce que la littérature ne prétend pas à la scientificité, que celle-ci se réfère aux sciences de la nature ou aux sciences sociales. Malgré leurs désaccords épistémologiques et la différence des objets et méthodes, sciences de la nature et sciences humaines prétendent toutes à une scientificité qui les éloigne des textes de la littérature, lesquels, au-delà des objets communs, font porter l’exigence sur la forme, c’est-à-dire le langage.
Un second motif d’éloignement tient au fait que les œuvres de la littérature n’offrent pas un discours abstrait, à la différence des œuvres de la philosophie auxquelles les historiens de la pensée économique ont coutume de comparer leurs théories. Les récits qu’offre la littérature ne proposent pas de concepts théoriques dont l’abstraction garantirait la généralité. Ils mettent en scène des illustrations, des exemples contextualisés, des personnages singuliers. Le discours que porte la 78littérature est en cela très dissemblable du discours général et abstrait de la théorie économique.
Cela est une difficulté. Mais peut-être est-ce là que le dialogue peut commencer à se nouer. Car si la littérature offre des récits de vies singulières qui ne prétendent pas à la généralité, peut-être cette appréhension par des exemples particuliers est-elle mieux adaptée à la compréhension de certaines notions économiques, que les définitions et démonstrations générales qu’offre le discours strictement théorique. L’on peut ici faire l’hypothèse que les notions économiques les plus fondamentales – le travail comme peine ou comme puissance, le désir de richesse ou de bonheur, la relation à soi ou à autrui – sont des notions pratiques, c’est-à-dire « des notions approximatives dont la définition ne vise pas la même exactitude que celle qui est requise dans les définitions plus instrumentales des notions théoriques » [Berthoud (2005), p. 100]. Alors, « ce qui manque au regard de la précision théorique est compensé par l’usage d’exemples ou d’illustrations historiques ». Ainsi ces notions s’appréhendent-elles à travers des récits et des personnages mieux que par une définition générale et abstraite. De même que le personnage d’Achille exprime le courage, ceux de Shylock, Faust ou Robinson disent la peine du travail ou le désir de richesse qui habite chacun de nous. Les grands écrivains expriment l’universel dans le trait singulier ou, pour reprendre les mots de la philosophe Chantal Jaquet, « saisissent le singulier en lui donnant une portée universelle » [Jaquet (2014), p. 18]. « À cet égard, ajoute-t-elle, le hiatus apparent entre la singularité de l’exception et l’universalité du concept s’estompe puisqu’à travers l’individu s’exprime toute l’humaine condition et se dessine une anthropologie en situation » [Jaquet (2014), p. 19-20].
Il serait donc possible d’aller au-delà des préventions réciproques pour faire apparaître comment économistes et littéraires peuvent non seulement s’approprier leurs domaines respectifs mais construire un champ commun d’étude. Construire ce champ commun, c’est aller au-delà d’un usage de la littérature comme une réserve, pourvoyeuse d’exemples qui illustreraient des hypothèses ou des conclusions de théorie économique. Ainsi, lorsque Thomas Piketty (2013) convoque Balzac ou Jane Austen comme des témoins de leur époque qui rendent compte dans les fictions romanesques des stratégies individuelles en matière d’accumulation du capital, le roman est lu comme un matériau semblable à des documents 79historiques ou comme un outil pédagogique donnant corps à des idées générales. Cet usage, certes toujours possible, ne permet pas d’élaborer un questionnement de chaque discipline par l’autre. C’est là pourtant que serait l’enjeu pour l’économiste d’un dialogue véritable : s’appuyer sur la littérature non pour illustrer mais pour questionner voire bousculer les concepts de la théorie économique. L’un des terrains privilégiés sur lesquels la littérature peut jouer ce rôle perturbateur à l’égard de la théorie économique est celui de l’anthropologie, à travers la confrontation du discours sur l’individu qu’offre la théorie économique aux récits de l’individu que propose la littérature.
II. Agent économique et individu romanesque :
une anthropologie commune ?
Il est en effet remarquable que la naissance et le développement du roman aux xviiie et xixe siècles soient contemporains de l’émergence de la pensée économique moderne. Cette contemporanéité témoigne d’une interrogation commune sur l’individu et sur ses expériences économiques premières : le travail et le désir – désir de richesse et de bonheur. Que cette interrogation commune ne prenne pas les mêmes formes – l’homo œconomicus est un être général, sur qui l’on peut tenir un discours abstrait qui transcende les singularités, alors qu’à l’inverse, le roman fait le récit de vies singulières – ne doit pas occulter l’élément commun : économie politique et forme romanesque témoignent de l’émergence d’une société dont les membres se conçoivent comme des individus.
Ainsi l’observe Marthe Robert, pour qui le Robinson de Defoe témoigne de l’émergence de l’individu dans une période historique particulière parce qu’il incarne un désir – désir d’échapper à sa condition d’origine – qui trouve dans la société bourgeoise les conditions idéologiques de sa légitimité et les conditions politiques de son accomplissement :
Robinson Crusoé (…) ne peut être écrit que dans une société en mouvement, où l’homme sans naissance ni qualité a quelque espoir de s’élever par ses propres moyens, quitte à lutter durement contre les survivances qui l’empêchent de monter. (…) C’est le génie de Defoe d’avoir pressenti combien le genre 80romanesque tient par essence aux idéologies de la libre entreprise [Robert (1972), p. 140].
Ainsi l’écrit Auerbach, pour qui « Les fondements du réalisme moderne » résident d’une part « dans l’ascension de vastes groupes humains socialement inférieurs au statut de sujets d’une représentation problématique et existentielle », d’autre part dans « l’intégration des individus et des événements les plus communs dans le cours général de l’histoire contemporaine » [Auerbach (1968), p. 487].
C’est bien le même individu ordinaire que la théorie économique met au centre de sa représentation de la société et dont le roman fait ses personnages. Si la littérature, sous la forme du roman, peut ici instruire l’économiste, c’est en donnant à penser dans cet individu ce que le discours théorique de l’économie peine, voire échoue à appréhender. Elle le fait en faisant apparaître des personnages qui diffèrent de l’agent économique abstrait en cela que la définition de leur identité n’est pas énoncée au départ comme une hypothèse, que l’on y accède à travers un récit qui suspend la perception qu’a le lecteur de l’identité du personnage.
La littérature n’a certainement pas attendu l’invention de l’économie au xviiie siècle pour évoquer l’individu ordinaire et ses expériences économiques ? Avant même Robinson Crusoe, à travers qui Defoe s’écarte du roman comme d’un « genre notoirement désœuvré », selon la formule de Marthe Robert [(1972), p. 141], avant dénoncer le projet de « dire le travail », sa peine et ses joies, ses contraintes et ses attentes [Bikialo & Engélibert (2012)], l’économie est présente dans la littérature. Les récits sur l’économie ont précédé le discours moderne sur l’économie – discours de l’économie politique ou de la science économique. Il suffit d’évoquer Auerbach quand il montre comment Pétrone parvient à faire exprimer par un parvenu, esclave affranchi du temps de la Rome impériale, le sentiment de la fragilité de sa situation de fortune, ou comment Tacite sait mettre en scène les revendications salariales de légionnaires romains mutinés, à la mort d’Auguste [Auerbach (1968), p. 34-51]. Il suffit de remarquer, avec Albert-Marie Schmidt, combien la question de la subsistance importe dans le roman de Renart :
les animaux du roman de Renart vivent en marge des petites communautés rustiques dont ils tirent leur subsistance soit par ruse, soit par violence, soit en vertu d’un contrat tacite. Ils suivent leurs instincts spécifiques. Ils gîtent dans 81des tanières. Ils chassent dans des bosquets. Ils s’introduisent par effraction dans des métairies. Ou attendent de la générosité sagace d’un fermier leur nourriture journalière. Ils sont tous engagés dans une lutte sans merci pour survivre [Schmidt (1963), p. 9].
C’est un commentaire que ne renierait pas le Keynes des « Perspectives économiques pour nos petits-enfants », qui écrivait en 1930 :
Si nous scrutons le passé (…), le problème économique, la lutte pour la subsistance, nous apparaissent comme ayant toujours été jusqu’ici le problème primordial et le plus pressant de l’espèce humaine. Et c’est encore trop peu dire, car ce n’est pas seulement de l’espèce humaine, mais de tout l’univers biologique depuis les premiers commencements de la vie sous ses formes les plus primitives que la recherche de la subsistance a été le problème dominant [Keynes (1971), p. 134].
III. Désir, intérêt, jouissance
On peut ainsi lire bien avant le xviiie siècle des représentations de l’homme – ou des animaux qui « revêtent inopinément des défroques humaines » [Schmidt (1963), p. 8) – dans son expérience du monde, expérience qui toujours comporte un élément économique. Mais c’est au xviiie siècle que ces représentations s’ordonnent en une anthropologie économique, anthropologie qui trouve dans la légitimation de l’intérêt particulier les conditions de son épanouissement. Les quatre textes suivants constituent chacun une illustration et un questionnement de cette anthropologie nouvelle.
Quelles sont les conditions qui autorisent à concevoir cet individu dont le comportement est orienté par la quête incessante de jouissances ? Marion Chottin offre pour les comprendre un détour par l’empirisme génétique des Lumières. La pensée économique qui naît, au xviiie siècle, chez Condillac et Turgot, fonde son anthropologie sur une épistémologie empiriste paradoxalement appuyée sur l’usage des fictions comme « expériences de pensée ». La théorie empiriste de la perception en effet ne se réduit pas à l’idée selon laquelle l’expérience est à l’origine des connaissances. Car l’expérience, tout en étant le point d’ancrage de la 82connaissance, « est précisément ce qui ne cesse de modifier et de recouvrir le donné de l’expérience, au point qu’à l’âge adulte, nous n’avons plus de sensation mais seulement des idées, ou signes représentatifs des choses, toujours mêlés de comparaisons et de jugements4 ». C’est alors qu’apparaît la fiction de l’homme originaire, de l’homme « au premier moment de son existence » [Condillac (1746), p. 31], qui permet de retrouver ces sensations premières oubliées et d’en déduire un individu mû par l’attrait du plaisir. La fiction ici réconcilie l’idée selon laquelle la sensation est à l’origine des connaissances avec une conception de l’intérêt comme soin porté à la recherche indéfinie de bien-être, en rupture avec l’empirisme épicurien qui associait le plaisir au repos. L’usage des fictions dans la théorie de la perception qui fonde l’anthropologie économique, repose sur une conception du moi construit à partir de « l’intérêt porté aux objets extérieurs qui génère le mouvement et dont le moi ne se départira plus ».
Ce mouvement possiblement infini, jamais rassasié, du sujet vers l’objet, imprègnera toute l’anthropologie économique ultérieure sous le nom de désir. La littérature participera à l’élucidation et au questionnement de cette anthropologie, en en faisant apparaître les facettes contradictoires. Cette anthropologie économique est en effet ambivalente, et l’intérêt pour ces objets extérieurs n’y est pas toujours motivé par les sensations de plaisir ou de peine, comme en témoignent les trois textes suivants. Pierre Crétois rappelle, à travers l’analyse d’une lettre de la marquise de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses, que l’intérêt ne s’identifie pas toujours à la jouissance et repose sur un rapport à soi très singulier. Car non seulement Laclos, à la suite de La Rochefoucault, réduit les comportements prétendument altruistes à des motivations d’amour-propre et au calcul intéressé, mais il fait s’exercer ce calcul sur un « soi » considéré comme « une chose parfaitement passive et utilisable à son gré ». Non seulement la marquise se revendique libre parce que propriétaire d’elle-même, mais elle inaugure un rapport à soi comme à un capital dont la jouissance vient de la valeur : « Je vous 83désirais avant de vous avoir vu, écrit-elle à Valmont. Séduite par votre réputation, il me semblait que vous manquiez à ma gloire ; je brûlais de vous combattre corps à corps. C’est le seul de mes goûts qui ait jamais pris un moment d’empire sur moi » (lettre LXXI). Le « moi » dont il s’agit d’accroître la gloire entre en contradiction avec la sensation qu’est le « goût », et qui parfois prend l’empire sur ce moi.
Une lecture rétrospective rend sensible ici à un rapport du désir au plaisir dont on retrouve une trace dans la rationalité aliénée du thésauriseur qui ne veut qu’enterrer son or. Et cette aliénation à son tour annonce celle du thésauriseur livré au désir de la quantité pure, dont Marx exposera la logique paradoxale :
Notre thésauriseur apparaît comme le martyr de la valeur d’échange, saint ascète juché sur sa colonne de métal. Il n’a d’intérêt que pour la richesse sous sa forme sociale et c’est pourquoi dans la terre il la met hors d’atteinte de la société. Il veut la marchandise sous la forme qui la rend constamment apte à la circulation et c’est pourquoi il la retire de toute circulation. Il rêve de valeur d’échange et c’est pourquoi il ne fait pas d’échange. La forme fluide de la richesse et sa forme pétrifiée, élixir de vie et pierre philosophale, s’entremêlent dans la fantasmagorie d’une folle alchimie. Dans sa soif de jouissance chimérique et sans borne, il renonce à toute jouissance. Pour pouvoir satisfaire tous les besoins sociaux, c’est à peine s’il satisfait ses besoins de première nécessité. En retenant la richesse sous sa réalité corporelle de métal, il la volatilise en une pure chimère [Marx (1859), p. 98].
IV. L’énigme du désir d’argent
Laclos certes n’est pas Marx, et le désir de la marquise de Merteuil n’est pas encore désir d’argent. Mais il est comme séparé des jouissances, s’exprimant comme un désir de valeur, désir d’éprouver la valeur de soi dans l’échange, désir de maximiser le « capital humain » dont on est possesseur. Il suffit de forcer à peine le trait pour voir dans la marquise l’incarnation de ce que sera l’individu de la science économique, qui proclame sa souveraineté et revendique la liberté de suivre ses désirs, de définir son intérêt, de décider de ce qui constitue son bonheur. Mais il faut ajouter immédiatement que la marquise incarne aussi bien la forme 84pathologique que prend ce désir lorsque le désir de valeur s’oppose à celui de la jouissance. On sait que c’est au désir d’argent que conduit cette pathologie.
Or l’ambivalence et la difficulté du traitement de l’argent – de la monnaie – dans la pensée économique depuis le xviiie siècle s’accompagne de la présence, dans les grands textes de la littérature, de ces personnages multiples qui, de Shylock à Gobseck, de Faust au père Grandet, d’Harpagon à Aristide Saccard, incarnent le désir d’argent. L’économie politique depuis son origine distingue voire oppose le désir d’enrichissement au désir de jouissance. L’origine du premier, supposé pacifier les passions et permettre l’accumulation du capital, est toujours mystérieuse. Au-delà de leurs divergences, des économistes aussi différents que Quesnay, Ricardo, Marx, Walras se retrouvent pour affirmer l’absence d’utilité intrinsèque de l’argent, qui jamais n’est désiré pour lui-même et n’est demandé « que pour s’en débarrasser ». En un mot, l’argent ne peut être l’objet d’un désir rationnel. C’est par ce discours que l’économie politique non seulement rompt avec le mercantilisme – qui au contraire identifiait richesse et monnaie – mais affirme du même coup le caractère inoffensif de l’argent et évacue l’idée aristotélicienne d’un danger associé au désir d’enrichissement sans limite. À ce discours qui fait du désir d’argent l’impensé de la science économique moderne, la littérature oppose une variété de personnages. Repoussants souvent, humains parfois jusque dans la manière dont leur rôle les exclut de l’humanité (pensons à Shylock ou Gobseck), ils expriment toujours aussi notre ambivalence à l’égard de l’argent.
Deux textes ici se proposent de participer à l’élucidation de l’énigme qu’est le désir d’argent en empruntant à la littérature germanique. Patrick Mardellat lit Faust non seulement comme l’expression dramatique que donne Goethe à son malaise devant la modernité naissante, mais surtout comme le dévoilement de la vérité de l’économie moderne, qui toujours est chrématistique, c’est-à-dire fondée sur un désir sans fin d’accumulation d’argent. Les deux pactes successifs que signe Faust avec Méphistophélès expriment le refus du monde ancien, fondé sur la sagesse antique de savoir vivre pleinement le temps présent. Le premier pacte inaugure une nouvelle manière de vivre, faite de plaisir, d’activité et de mouvement, une vie qui est une fuite en avant, tendue vers les promesses d’un avenir meilleur. Le second pacte – qui est celui de la 85création de monnaie de papier – renouvelle le premier en substituant à l’ancien monde un nouveau, dans lequel l’agitation des hommes et leur fuite du présent repose sur la forme papier de la monnaie de crédit, forme qui à la fois engendre l’avenir par l’activité économique et retire toute possibilité de jouir du présent.
Quand Marion Chottin énonçait avec Condillac et Turgot les conditions épistémologiques autorisant à passer d’une conception épicurienne du plaisir comme fini, ou « au repos », à la conception moderne du plaisir comme mouvement, Patrick Mardellat convoque Goethe pour mettre au jour le sentiment religieux qui fonde ce même passage : méfiance envers Dieu, refus de sa Création, de ce monde dont l’ici et le maintenant pourraient bien ne pas suffire à l’homme5.
C’est encore un pacte que conclut le personnage du conte allemand « Le Cœur froid » qu’étudie Annette Disselkamp, dans lequel le charbonnier Peter Munk troque son cœur pour la richesse. Comme il était prévisible, le luxe et l’opulence n’apportent aucune joie à ce cœur froid, froid comme la pierre et qui ne connaît plus de sensation. Le héros parvient pourtant par un ultime artifice à regagner son cœur qu’il préfère à toutes les richesses, or et biens. Une première lecture fait du conte l’expression du refus d’une économie envahissante et dévastatrice, et la fin édifiante illustrerait la nécessité, pour retrouver émotions et sensations, de quitter l’économie et ses lois de l’argent et de l’échange pour ne plus obéir qu’aux lois de l’amour et de la générosité. Mais Annette Disselkamp souligne que la réalité économique où se déroulent les destinées des personnages ne se réduit pas à cette négativité, et que le personnage de Peter Munk ne quitte jamais l’ordre de l’économie : de la production et de la consommation. Plus encore, le goût de l’or et des métaux précieux, brillants et impérissables, n’est pas seulement soif de richesse mais désir d’échapper à la banalité de la vie ordinaire, à la futilité de l’existence matérielle. Annette Disselkamp lit dans le romantisme 86allemand une « poésie de l’économie » en ce sens que « l’or métaphorise l’essence de l’art, son éloignement des affaires du monde », en même temps que « la position de l’artiste lui-même, sa séparation de la famille, son arrachement social, sa renonciation à une vie normale, son émancipation morale », peut-être même la folie qu’il côtoie constamment. Si le ravissement devant l’or – plus que le désir d’argent – peut aussi bien exprimer le désir noble de se hisser au-dessus de l’ordinaire, la lecture édifiante de la conclusion du conte – le cœur de l’homme nourrit des désirs que l’économie ne saurait combler – peut à son tour être renversée : « les désirs de l’être humain, inassouvissables, s’expriment dans toutes les sphères, y compris l’économie ». Aucune destinée ne saurait se soustraire ni à l’économie, ni à la tristesse qu’accompagne tout désir.
V. De l’anthropologie à la mécanique
Les quatre textes dont nous avons résumé le propos usent de la fiction – épistémologique ou narrative – pour élucider les enjeux du développement, à la fin du xviiie siècle, à la fois de l’économie comme discours théorique et des économies monétaires modernes. Ces enjeux concernent l’individu et ses désirs : désir de jouissance, de propriété, d’argent ; désir de mouvement pour échapper au repos, à l’insuffisance de la Création, à la vie ordinaire. L’individu qui y apparaît, sur les désirs duquel on s’interroge, apparaîtra bientôt comme une évidence abstraite : on le supposera simplement « rationnel », sans toujours préciser le contenu de cette rationalité. On s’éloignera de la question anthropologique et des gouffres qu’elle ouvre pour s’interroger sur la cohérence d’un système économique. Une fois l’argent accepté, les comportements intéressés admis, il ne s’agit plus d’entrer dans l’économie, de l’accepter ou de la refuser : on y est, et jusqu’au cou. Il s’agit d’en comprendre la logique, les ressorts, l’organisation cachée. L’économie n’est plus comprise à partir d’abord de l’individu mais de son organisation : c’est un vaste système de mise en relation des activités humaines, dont il s’agit de permettre la coordination. Les deux derniers textes retenus étudient les notions de concurrence et division du travail d’une économie comprise comme un organisme ou comme une mécanique.
87Nicolas Gallois lit le roman que Zola consacre au développement des grands magasins, Au bonheur des dames, pour interroger la place de la concurrence dans les comportements mais surtout dans l’imaginaire des agents. Le roman met en scène un concept : la concurrence vitale ; une théorie : le darwinisme social ; une énigme : le désir de violence.
Le concept de concurrence qu’il mobilise n’est pas le principe classique d’allocation du capital selon le taux de profit de chaque branche, qui permet la gravitation des prix de marché autour des prix naturels. Il n’est pas non plus le mécanisme abstrait de coordination de décisions indépendantes des approches marginalistes. Il est un principe comportemental féroce, qui fait de l’économie un lieu de luttes de guerre, de combats, avec ses vainqueurs et ses vaincus. Cette concurrence, théorisée sous le nom de « concurrence vitale » par les tenants du darwinisme social, supposée nécessaire au progrès économique entendu comme le bien-être des consommateurs, est un processus d’une violence telle qu’elle apparaît échapper à la rationalité calculatrice, non seulement pour ceux qui s’y livrent – ou y sont livrés, à leur corps défendant – mais même pour la collectivité tout entière. Les consommateurs y apparaissent moins comme de simples bénéficiaires des baisses de prix que comme des ogres insatiables, dont l’appétit dévorateur n’en finit jamais de s’accroître et, plus encore, comme des spectateurs émus des luttes que se livrent les commerçants, semblables au public qui acclamait les gladiateurs à Rome. Le goût de la concurrence comme mise en scène d’une lutte à mort observée comme un spectacle dépasse largement l’intérêt matériel des consommateurs-clients et attire par l’ambivalence des émotions qu’elle déclenche : l’admiration pour le vainqueur s’accompagne de la compassion pour « la misère sacrée des vaincus ». Ce qui s’exprime là n’est pas tant une rationalité économique globale que la présence d’un moteur de ces comportements concurrentiels bien différent de la rationalité calculatrice : le goût pour le jeu, peut-être pour la mort.
Le texte de Christophe Reffait qui clôt cette sélection aborde la division du travail, non pas tant du point de vue de ses bienfaits – l’augmentation de la productivité du travail – ou de ses méfaits – l’aliénation qui résulte de la spécialisation du travailleur – que du point de vue des conditions de son organisation. La lecture qu’il propose des Cinq cents millions de la Bégum de Jules Verne fait accéder de manière assez inattendue à l’une des questions théoriques centrales de la pensée économique : celle de 88la coordination des activités des agents, lorsque la division du travail rend chacun dépendant de ses semblables. Cette question, on le sait, est au cœur de la théorie économique dès la Richesse des nations et trouve sa formulation la plus générale dans l’ouvrage d’Arrow et Hahn, General Competitive Analysis (1971) ; les réponses qu’elle a suscitées requièrent l’élaboration d’une théorie des prix, à travers une analyse à la fois abstraite et mathématique. Qu’ils soient analysés comme l’expression de la difficulté de production des biens, dans une perspective classique, ou comme des indicateurs de rareté, dans une perspective néo-classique, les prix sont pour les agents les éléments d’information et d’incitation qui permettent – ou pas – la coordination des activités de chacun.
Il n’est évidemment question chez Verne ni d’une théorie des prix ni même d’une conceptualisation abstraite des mécanismes d’information nécessaires à la coordination. La division du travail et de la difficulté de coordination qu’elle suscite s’exprime par la conscience qu’a l’agent inséré dans la division du travail du but à atteindre et de la place attribuée à chacun pour l’atteindre. La division du travail apparaît comme une « toile d’araignée » dont il faut imaginer le centre pour en avoir une conception claire. La description des rôles et des tâches de chacun va de pair avec l’élaboration d’un « imaginaire centralisé de la division du travail » qui s’exprime de manière double : d’abord par l’existence d’un principe caché, qui s’incarne en un bâtiment ; ensuite par la présence d’un personnage qui échappe à la vision parcellaire qui résulte de la division du travail, « héros polyvalent, au génie englobant, placé hors de la division du travail » et qui seul la rend possible. L’économiste pourrait être tenté d’opposer ce héros à la main invisible qui métaphorise une coordination qui s’effectue sans que nul en ait conscience ; ou bien de le rapprocher du principe centralisateur qu’est le commissaire-priseur walrassien. Mais c’est peut-être davantage la position de l’économiste lui-même qu’illustre ce personnage : l’économiste qui tout à la fois veut découvrir la structure de l’organisation et se désespère de ne jamais percevoir que « des détails, toujours des détails, jamais un ensemble » [Verne (1879), p. 106]. La littérature peut ici se lire non comme l’expression d’idées économiques qui illustrent ou concurrencent celles de la théorie économique, mais plutôt comme l’expression des motifs d’étonnement, d’inquiétude, de frayeur même, devant le monde économique que la modernité a façonné.
89On aurait pu souhaiter développer les multiples voies par lesquelles la littérature réagit, depuis le xixe siècle, aux métamorphoses induites par le développement économique ; souligner la profusion des œuvres de fiction qui, aux xxe et xxie siècles, questionnent l’économie ; faire apparaître que la littérature, en faisant éprouver au lecteur les émotions qui animent les personnages, diffère de la science et de la philosophie non seulement comme le fictionnel diffère du factuel mais aussi comme le vécu diffère du connu. Nous avons choisi, dans les limites de ce volume, de privilégier des textes qui rendent compte des préoccupations communes à la pensée économique et à la littérature telles qu’elles se sont simultanément développées, depuis l’Antiquité jusqu’au xixe siècle. À défaut d’être exhaustive, cette sélection est une invitation à prolonger ce dialogue.
90Références bibliographiques
Auerbach, E. [1968], Mimesis. La représentation de la réalité dans la littérature occidentale, Gallimard, collection Tel, Paris.
Bähler, U. & Labarthe, P. (éd.) [2011], La Littérature face à l’hégémonie de l’économie, Versants, No 58, p. 1.
Baron, C. (éd.) [2013], Épistémocritique, Vol. 12. Littérature et économie (coord.), http://www.epistemocritique.org/spip.php?rubrique72.
Baubeau, P., Péraud, A., Pignol, C. & Reffait, C. (éd.) [2015], Romanesques. « Modèle économique et récit romanesque », No 7, Classiques Garnier, Paris.
Berthoud, A. [2005], Une philosophie de la consommation, Presses du Septentrion, Villeneuve d’Ascq.
Biet, C., Citton, Y. & Poirson, M. (éd.) [2008], Les Frontières littéraires de l’économie (xviie-xxe siècles), Desjonquères, Paris.
Bikialo, S. & Engélibert, J.-P. [2012], « Dire le travail. Fiction et témoignage depuis 1980 », No 103, décembre, http://licorne.edel.univ-poitiers.fr/sommaire.php?id=5502.
Bras, P. & Pignol, C. (dir.) [à paraître], « Littérature et économie », L’Homme et la société.
Chevillard, E. [2014], L’autofictif sous les décombres, L’arbre vengeur, Paris.
Chottin, M. & Sultan, E. [2016], (dir.), « L’économie à l’épreuve de la fiction, Corpus », Revue de philosophie, No 69.
Choderlos de Laclos, P. [1782], Les liaisons dangereuses, bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, Paris, 2011.
Citton, Y. [2001], Portrait de l’économiste en physiocrate. Critique littéraire de l’économie politique, L’Harmattan, Paris.
Condillac, E. [1746], Essai sur l’origine des connaissances humaines, Vrin, Paris, 1998.
Edelman, N. & Vatin, F. (dir.) [2007], Économie et littérature. France et Grande-Bretagne : 1815-1848, Le Manuscrit, Paris.
Ingrao, B. [2006], « Destructive Behaviour : Economics and Literature », History of Economic Ideas, XIV, No 1, p. 73-112.
Ingrao, B. [2009], « Economics and Literature », in Open Economics : Economics in Relation to Other Disciplines, R. Arena, M. Klaes & S. Dow (éd.), Routledge, Londres, p. 30-47.
Jaquet, C. [2014], Les transclasses ou la non-reproduction, Presses Universitaires de France, Paris.
91Keynes, J. M. [1928], « Perspectives économiques pour nos petits-enfants », in Essais sur la monnaie et l’économie, Payot, Paris, 1971.
Lallement, J. & Trincado Aznar, E. (dir.) [2013], « Economics and literature : beyond praise and disparagement », Œconomia, No 3-4.
Magnot-Ogilvy, F. & Poirson, M. (dir.) [2012], Économies du rebut : poétique et critique du recyclage dans la fiction au xviiie siècle, Desjonquères, Paris.
Marx, K. [1859], Contribution à la critique de l’économie politique, Éditions sociales, Paris, 1977.
Mongin, P. [2012], « Waterloo ou la pluralité des interprétations », Littérature, No 1, p. 84-113.
Péraud, A. [2013], La comédie (in)humaine de l’argent, Le Bord de l’eau, Bordeaux.
Piketty, T. [2013], Le Capital au xxie siècle, Seuil, Paris.
Poirson, M. [2011], Spectacle et économie à l’âge classique (xviie-xviiie siècles), Classiques Garnier, Paris.
Poirson, M. [2015], Comédie et économie du classicisme aux Lumières, Classiques Garnier, Paris.
Robert, M. [1972], Roman des origines et origines du roman, Gallimard, collection Tel, Paris.
Schmidt, A.-M. [1963], Le roman de Renart, préface, Albin Michel, Paris, p. 7-14.
Verne, J. [1879], Les Cinq cents millions de la Bégum, Librairie Générale Française, Le Livre de Poche, Paris, 2002.
1 Voir Edelman et Vatin (2007), Ingrao (2006, 2008), Mongin (2012).
2 Voir Citton (2001), Biet, Citton & Poirson (2008), Poirson (2011, 2015), Magnot-Ogilvy & Poirson (2012), Bähler & Labarthe (2011), Péraud (2013).
3 On observera que plusieurs revues, en littérature, sciences humaines, économie ou philosophie ont récemment consacré des numéros thématiques aux relations entre littérature (ou fiction) et économie. Ainsi peut-on signaler le volume de la revue Versants : la littérature face à l’hégémonie de l’économie, sous la direction de Ursula Baehler et Patrick Labarthe en 2011 ; le numéro XII d’Épistémocritique (2013) coordonné par Christine Baron ; le numéro 7 de Romanesques (2005) intitulé « Modèle économique et récit romanesque » et coordonné par Patrice Baubeau, Alexandre Péraud, Claire Pignol et Christophe Reffait ; le volume d’Œconomia (Economics and literature : beyond praise and disparagement) (2013) dirigé par Jérôme Lallement et Estrella Trincado ; un numéro de L’homme et la société coordonné par Pierre Bras et Claire Pignol (à paraître) ; le volume 69 de la revue de philosophie Corpus, « L’économie à l’épreuve de la fiction » dirigé par Marion Chottin et Elise Sultan (2016).
4 On peut observer avec bonheur comment l’idée de la sensation marquée par l’imagination est exprimée par un écrivain contemporain : « La sensation, passée les premières expériences, n’est pas cette juste appréhension du réel à quoi elle prétend puisqu’elle ressuscite aussi ces expériences anciennes et nous ramène ainsi au songe du souvenir, retravaillé lui-même par l’imagination, si bien que le réel toujours se dérobe » [Chevillard (2014), p. 196].
5 Il faut ici se référer à l’analyse d’Arnaud Berthoud qui, dans Une philosophie de la consommation, montre l’abandon par l’économie, depuis Hobbes, de l’idée du don et de la consommation comme accueil du don. Le don ici est entendu non comme relation sociale distincte de l’échange, mais comme ce qui est donné avant d’être produit. Ce dont est constitué le don, et d’abord « la terre, la mer, le ciel ou le monde qui sert d’habitation commune aux hommes » [Berthoud (2005), p. 55-56], c’est exactement la Création ; et l’abandon par la pensée économique de la place première du don est l’expression de la même méfiance que repère Patrick Mardellat dans Faust.
- Thème CLIL : 3340 -- SCIENCES ÉCONOMIQUES -- Histoire économique
- ISBN : 978-2-406-06350-6
- EAN : 9782406063506
- ISSN : 2495-991X
- DOI : 10.15122/isbn.978-2-406-06350-6.p.0075
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 13/12/2016
- Périodicité : Semestrielle
- Langue : Français
- Mots-clés : Théorie économique et littérature, Choderlos de Laclos, Turgot, Émile Zola, Johann Wolfgang von Goethe, Jules Verne