Avant-propos La mémoire du critique écrivain
- Publication type: Journal article
- Journal: Revue d’études proustiennes
2017 – 1, n° 5. La Bibliothèque mentale de Marcel Proust - Author: Perrier (Guillaume)
- Pages: 13 to 21
- Journal: Journal of Proustian Studies
Avant-propos
La mémoire du critique écrivain
La distinction entre bibliothèque matérielle et bibliothèque mentale est pour le moins délicate, chaque type de description de la bibliothèque d’un écrivain impliquant une délimitation différente et une manière particulière de la franchir. Le mot même de « bibliothèque » se prête à des emplois divers et variés, où l’unité du sens tend à se disperser. Comme le mot « mémoire », mais dans un sens inverse, il est pris dans un tourbillon du concret et de l’abstrait, du propre et du figuré. La démarche la plus positive peut dériver vers la métaphore, par exemple quand il s’agit de remonter aux sources d’une œuvre et de « réactiver ses contextes fossiles1 ». Dans ce volume, nous partons du sens métaphorique pour évoquer les livres présents à l’esprit de Proust, à tel ou tel moment de l’entreprise créatrice, la puissance intellectuelle de son rapport aux livres, la bibliothèque comme bâtiment de mémoire2, y compris les « livres qui ont joué le rôle d’échafaudage devenu inutile3 ». Comment décrire une bibliothèque intérieure ? La difficulté semble encore plus grande que celle de décrire une bibliothèque matérielle, de rechercher les traces de volumes empruntés, égarés ou simplement consultés. Elle est plutôt de nature différente. Dans un chapitre de L’Arbre et la Source (la rhétorique et le commentaire), Michel Charles définit la bibliothèque 14comme le premier de trois « préjugés critiques4 » ; la bibliothèque, c’est-à-dire « un ensemble de livres rangés dans un certain ordre », que l’on tend à considérer comme la mémoire du critique5. La lecture savante, contrairement à la lecture courante, suppose une mémoire absolue du texte6, ainsi que de l’intertexte. Ce préjugé ne coïncide pas avec la réalité. Le critique peut tendre vers un tel idéal, à supposer que sa méthode l’incite à le faire et que son corpus le lui permette.
Les critiques contemporains de Proust qu’il appréciait le plus ne semblent pas considérer cet idéal comme souhaitable. Jules Lemaître réfute l’idée même d’une lecture savante : « […] on ne peut pas lire une bibliothèque tous les matins ; et c’est ce qui fait que la critique est une chimère7. » La raison en est la temporalité de la lecture : « à supposer qu’un homme lise tous les ouvrages dont la suite forme la littérature d’un pays, comme il y mettra assurément des années et des années, il ne pourra les lire tous ni au même âge, ni dans le même état de santé, ni avec la même humeur, ni peut-être avec les mêmes opinions politiques ou les mêmes croyances religieuses. » Le lecteur fût-il savant ne saurait arrêter le temps pour posséder une mémoire totale de la bibliothèque. « Lui-même aura changé au cours de ces lectures, et le monde aussi aura changé autour de lui. » Le critique est un sujet à part entière, lecteur et écrivain. « Une histoire de la littérature, à moins d’être écrite à coups de fiches, ce qui n’a aucun intérêt, est surtout l’histoire de l’esprit du critique qui a pu l’écrire. » Il y a là l’apologie d’une bibliothèque intérieure vivante, plutôt qu’une identification de l’esprit du critique à la bibliothèque matérielle.
Albert Thibaudet, dans le chapitre de Physiologie de la critique consacré à la critique professionnelle, reprend et prolonge cette idée : « Évidemment un critique honnête n’écrit à fond que sur ce qu’il a lu, et il n’y a souvent, 15dans la pratique, aucune différence entre parler sur la foi du souvenir et parler sur la foi d’autrui. On ne peut pas, disait Jules Lemaitre, relire une bibliothèque tous les matins8. » Thibaudet apparaît bien comme l’élève de Bergson, appliquant à la lecture (ici, des œuvres complètes de Fontenelle) les idées du philosophe : « J’ai mes souvenirs : ils ne sauraient remplacer une nouvelle lecture, que je ne puis faire sans perdre un certain courant de vie intellectuelle, courant qui peut seul alimenter mes sujets particuliers et singulièrement mon Fontenelle9 ». Plus loin, il dénonce la « maladie du scrupule » et il affirme, en appliquant presque mot à mot, à l’écriture et au livre, les concepts de Bergson dans Matière et mémoire : « Écrire, publier, ce sont des formes de l’action, et, bien que l’action suppose la mémoire, il n’y aurait pas d’action possible si toute la mémoire de notre passé se conservait en nous ; il n’y aurait pas de livre possible si on y voulait impliquer toute la mémoire réelle qui cristallise autour d’une œuvre passée10. » La bibliothèque du critique est n’est qu’un cas de figure de la mémoire de l’écrivain. « Tout livre suppose une part d’oubli volontaire, – et c’est cela la composition ; – une part d’oubli accidentel, – et cela ce sont les hasards de l’individualité11. » Nous ne sommes pas loin d’inverser ici l’hypothèse de départ, à savoir que la mémoire du critique est nécessairement sélective, car le critique lit pour écrire, tandis que la mémoire du lecteur est potentiellement illimitée, car le lecteur peut se contenter de lire pour lire, de méditer sur le livre, de rêver en quelque sorte. Le lecteur désintéressé pourrait tendre vers le passé pur d’une mémoire totale et la maîtrise parfaite d’une bibliothèque matérielle, tandis que le critique écrivain mettrait sa bibliothèque intérieure, nécessairement subjective, au service de l’action présente, c’est-à-dire l’écriture.
Pour décrire cette mémoire vivante, qu’elle soit celle du critique ou du lecteur amateur, ou encore de l’écrivain critique, dans le cas qui nous intéresse, Michel Charles recourt au modèle rhétorique de la mémoire, c’est-à-dire la quatrième partie de la rhétorique, dans sa définition classique : inventio, dispositio, elocutio, memoria, actio. Il s’agit de la mémoire 16artificielle, de « l’art de la mémoire » étudié notamment par Frances Yates, « les arts de la mémoire » étudiés par Mary Carruthers et Lina Bolzoni12. L’orateur antique mémorisait ses discours, les apprenait par cœur, au point qu’il n’avait plus qu’à les lire dans sa tête13, sans laisser transparaître les procédés mnémotechniques sous-jacents – images frappantes placées dans une architecture mentale. Pour le théoricien de la littérature, la prise en compte de ce système de mémorisation permet de mettre en question le préjugé d’une mémoire totale du texte comme cadre de référence de la lecture savante et de la critique. Selon lui, la « bibliothèque imaginaire » évoquée par cet art de la mémoire se différencie de la bibliothèque réelle, non seulement par son caractère mental, mais aussi par la nature de ses éléments, des unités qu’elle rassemble : « des livres ne côtoient pas des livres, mais des fragments de discours d’autres fragments de discours14 ». Il y a certes, d’une part, un ordre stable du discours, qui correspond à la composante architecturale de l’art de la mémoire. Mais il y a aussi les images frappantes, discontinues et hétérogènes, qui fragmentent le discours.
Selon Pierre Pachet, il incombe au critique « de donner aux lecteurs une sorte de “cours de littérature”, aux divers sens de l’expression : histoire littéraire (œuvres, mouvements, circonstances de la composition, filiations ou parentés historiques ou rêvées), apprentissage du goût et de la discrimination, apprentissage de la lecture ou de la relecture : celle qui détecte les formes peu apparentes, la récurrence musicale des images ou des thèmes, la progression des questions, les implications réciproques entre pensée et récit15. » Il ne s’agit pas d’exercer un pouvoir, 17de manifester une supériorité par rapport au livre et aux lecteurs, de posséder une mémoire totale de la bibliothèque et d’assimiler toutes les publications. La raison en est que le critique « travaille à chaque fois pour tous les livres, y compris pour les livres qu’il n’a pas lus, ou pas encore ». Il se soumet à ses lectures, il donne aux livres « le droit de le mettre en défaut, d’ouvrir devant lui des espaces dont il ne soupçonnait ni l’existence, ni même la possibilité. » Il montre ainsi que « lire est possible ». C’est à cette condition qu’il donne un enseignement, un « cours de littérature ».
La dernière année du séminaire « Critique sentimentale », après avoir parcouru pendant plus de dix ans plusieurs pans de l’histoire de la littérature, de la philosophie et des sciences humaines, Pierre Pachet et Patrick Hochart ont abordé Proust, au cours de trois séances16. Le titre faussement désinvolte du séminaire répondait à la volonté de « laisser place au goût, à l’exercice de la sensibilité, en interrogeant les émotions en jeu et en tentant – par l’attention au détail, par le recours aux disciplines qui peuvent soutenir la lecture – de les associer au désir de connaître. » Dans les séances consacrées à Proust, ils ont commenté surtout la manière dont le héros-narrateur et les autres personnages du roman parlent de littérature. Ils se sont particulièrement intéressés au « cours de littérature » que le héros donne à Albertine, dans La Prisonnière – sur Barbey d’Aurevilly, Thomas Hardy, Stendhal et surtout Dostoïeski – en remarquant qu’Albertine, loin d’être une auditrice passive et ignorante, avait sollicité en quelque sorte ce cours, en « accaparant » les romans de Dostoïevski appartenant au héros, puis en l’interrogeant, dans le cadre d’une discussion sur Vinteuil et sur le génie artistique comme expression d’un monde unique : « Même en littérature ? me demandait Albertine. – Même en littérature17 ». Pierre Pachet appréciait beaucoup ce cours de littérature dans l’intimité du couple, que l’on peut comparer avec sa définition du critique dans l’article de 1989.
Dans la première des trois séances, il étudie les « lectures de Mme de Sévigné chez Proust », il met en perspective le discours du héros sur « le côté Dostoïevski de Mme de Sévigné » et l’identification du retour 18des mêmes thèmes chez chaque auteur. Alors que Georges Poulet saluait en Proust le précurseur de la critique thématique, à propos de la même méthode18, Pierre Pachet voit là un « type de trouvaille très stimulant », « pré-structuraliste », mais aussi, de la part du héros face à Albertine, un « désir de dominer les textes, de souligner la perspicacité ou la mémoire du lecteur plus que sa patience ou son empathie ». Comme si le héros proustien tombait en quelque sorte dans le piège dénoncé par Proust lui-même, dans l’incipit du « Contre Sainte-Beuve », quand il s’en prend à l’intelligence critique. Pierre Pachet était sensible à l’honnêteté intellectuelle et il demandait souvent, quand il sentait poindre un sentiment de supériorité ou d’emphase chez un étudiant ou chez un collègue, quelque chose comme : « Est-ce que vous y croyez vraiment ? » Tout en appréciant à leur juste valeur les essais critiques, il considère que Proust parle mieux des écrivains, « de façon plus efficace et profonde », « dans La Recherche, quand chacun des personnages qui énoncent un jugement littéraire a sa façon de dire, sa situation dans la société (préjugé aristocratique, snobisme, mondanité, tics universitaires, attitude “artiste”), et que le lecteur est invité à apprécier ces déclarations en ne les séparant pas de ces modulations19 ».
À propos du dialogue sur Mme de Sévigné à Balbec, dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, entre Mme de Villeparisis, Charlus, la mère et la grand-mère du héros, Pierre Pachet met l’accent sur la dernière intervention de Charlus, comme Proust lui-même, du reste. Charlus cite La Bruyère : « Être près des gens qu’on aime, leur parler, ne leur parler point, c’est égal » ; affirme que c’est là le seul bonheur, « d’une voix mélancolique », et que Mme de Sévigné « a passé une grande partie de sa vie auprès de ce qu’elle aimait ». À une objection de Mme de Villeparis, il répond : « Mais l’important dans la vie n’est pas ce qu’on aime », « c’est d’aimer20 ». Pierre Pachet s’appuie sur ce dialogue littéraire pour définir sa propre conception de la critique : « l’intervention inattendue de M. de Charlus donne une illustration parfaite de la critique “sentimentale” : comprendre un auteur “par le dedans”, c’est 19ne pas se contenter d’examiner anxieusement la lettre du texte, mais savoir puiser dans une expérience de la vie pour ressaisir par exemple ce qu’est la peine d’être privé de quelqu’un qu’on aime, quel que ce soit ce quelqu’un21 ». Si la critique sentimentale de Pierre Pachet rejoint et éclaire la critique de Proust, c’est non seulement par cette sympathie, à la fois cet effacement et cet investissement, mais aussi par la mémoire vivante des textes, « mémoire du lecteur » qu’ils pratiquent sous différentes formes d’énonciation tout en la réfléchissant et en la soumettant au jugement critique.
Nathalie Mauriac Dyer, dans l’article « Bibliothèque » du Dictionnaire Marcel Proust, rappelle que Proust aimait emprunter et prêter des livres, qu’il attachait « peu d’importance à l’intégrité physique des livres », de sorte que « sa bibliothèque personnelle n’a pas survécu22 ». Elle définit la bibliothèque proustienne comme une « bibliothèque intérieure, qui s’élargit pour devenir, au-delà du livre et de la lecture, une métaphore privilégiée du fonctionnement de l’esprit humain23 ». Elle conclut en disant que la Recherche du temps perdu invite le lecteur « à une déambulation dans les couloirs d’une bibliothèque privée, architecturalement disposée selon la tradition de l’ars memoriae, à moins que, labyrinthique, elle ne préfigure les constructions baroques d’un Borges ». Antoine Compagnon insiste sur la dimension spatiale, architecturale (ou géologique), de la mémoire proustienne, à la fois donnée à et construite par Proust, irréductible au seul phénomène du souvenir involontaire. Il la définit comme une faculté créatrice qui anime aussi bien le travail de l’écrivain que la 20fiction romanesque, la bibliothèque que la vie personnelle et l’histoire24. On ne saurait opposer une mémoire involontaire de l’existence et une mémoire volontaire de la littérature. La seule prétention de Proust qui suggère une mémoire totale des textes, c’est l’affirmation répétée qu’il connaît « par cœur » tel ou tel livre, par exemple de Ruskin. Or, cette expression ne doit pas être prise au même sens où nous l’entendons, comme une mémorisation mot à mot. Certes, la lettre du texte est en jeu ; mais « par cœur », dans la tradition rhétorique qui perdure dans la culture scolaire et sociale de Proust, signifie posséder dans son for intérieur, pouvoir évoquer de manière vivante et prolongée, dans un écrit ou dans un discours, en restituant la pensée et le style de l’auteur, sans avoir besoin de consulter le livre en question25.
L’auteur, avec le monde propre qu’il exprime, apparaît finalement comme l’unité privilégiée de la bibliothèque mentale de Proust. On pourrait dire que les images frappantes de Proust sont les figures des différents auteurs, qui dessinent une constellation et dont il explore les différents mondes. Même la citation, qui est un procédé de fragmentation, ne vise pas à isoler une parole et ainsi, à la dénaturer, mais s’ajoute à d’autres citations pour produire une « caisse de résonnance26 », pour restituer la musique propre à un auteur. Cela passe par une critique des mauvaises citations, de la mémoire du lecteur utilisée à mauvais escient27. La bonne citation est fidèle à l’esprit de l’auteur mais elle n’est pas vérifiée ; elle consiste à « lire ensemble, de mémoire, à haute voix, et en nous fiant à notre seul sens critique », comme écrit Proust dans son 21article sur Baudelaire, adressé à Jacques Rivière28. Les différentes physionomies, aussi singulières soient-elles, peuvent même se superposer ; à la fin du chapitre « Baudelaire » du « Contre Sainte-Beuve », les visages des grands poètes sont comme les « épreuves un peu différentes d’un même visage, du visage de ce grand poète qui au fond est un ». Proust, citant « Correspondances » de Baudelaire, ajoute que leurs œuvres se relient « dans une profonde et mystérieuse unité », « se répondent », « dans nos cœurs qui les ont reçus et s’y reconnaissent29 ». L’expression « dans nos cœurs » désigne le lieu à la fois du sentiment et de la mémoire, de la lecture et de la création.
Guillaume Perrier
Université de Kyoto
1 Daniel Ferrer, « Introduction », dans Paolo D’Iorio et Daniel Ferrer (dir.), Bibliothèques d’écrivains, CNRS éditions, 2001, p. 13 : « le texte conserve la mémoire, aussi ténue et diffuse soit-elle, des contextes qu’il a traversés, y compris donc les bibliothèques où il a vu le jour ».
2 Image traditionnelle ; selon Jérôme, par exemple la lecture attentive et la méditation journalière permettent à la mémoire de construire une bibliothèque intérieure. Voir Mary Carruthers, Le Livre de la Mémoire. Une étude de la mémoire dans la culture médiévale [1990], trad. de l’anglais Diane Meur, Macula, « Argô », 2002, p. 56. Cette image n’est pas sans rapport avec l’expérience du voyage, donc du déplacement hors de la bibliothèque empirique, chez Proust comme chez Jérôme dont Proust a lu et traduit le portrait en voyageur dans La Bible d’Amiens de Ruskin (Mercure de France, 1904, p. 226 sq.).
3 Daniel Ferrer, art. cité, p. 13.
4 Michel Charles, L’Arbre et la Source, Seuil, coll. « Poétique », 1985, p. 99-115. Les deux autres préjugés critiques sont « l’opposition lecture savante/lecture courante » (p. 106-109, ici p. 107) et l’idée que « pour le critique, il n’y a pas de contingence », « tout a un sens » ou « une fonction » (p. 109-114, ici p. 109). Ce chapitre était déjà présent dans l’article « Bibliothèques » (Poétique, no 33, 1978, p. 1-27) et sera repris dans Introduction à l’étude des textes, Seuil, coll. « Poétique », 1995, p. 79-91. Mais les trois versions s’inscrivent dans des perspectives différentes et contiennent des éléments propres.
5 Ibid., p. 102.
6 Ibid., p. 108.
7 Jules Lemaître, Chateaubriand, Calmann-Lévy, 1912, p. 223. Les citations suivantes renvoient à la même page.
8 Albert Thibaudet, Physiologie de la critique, Éditions de la nouvelle revue critique, 1930, p. 73 (livre issu de conférences prononcées en 1922).
9 Ibid., p. 74.
10 Ibid., p. 75-76.
11 Loc. cit.
12 Frances A. Yates, L’Art de la mémoire [1966], trad. de l’anglais Daniel Arasse, Gallimard, « Bibliothèque des histoires », 1975. M. Carruthers, Le Livre de la Mémoire, op. cit. Lina Bolzoni, La Chambre de la mémoire. Modèles littéraires et iconographiques à l’âge de l’imprimerie [1995], trad. de l’italien Marie-France Merger, Droz, 2005.
13 Michel Charles, L’Arbre et la Source, op. cit., p. 103.
14 Id., p. 104. « Cette théorie implique en effet une hypothèse extrêmement forte sur la lecture : elle suppose que le texte sera d’autant mieux mémorisé que ses parties seront associées avec des scènes ou images plus frappantes et suscitées, inventées par le lecteur ; mais, pour préserver l’enchaînement des parties, il faut une architecture, si j’ose dire, classique, immuable, choisie une fois pour toutes. Cette architecture est le lieu de la mémoire contextuelle ; les développements ou synthèses des parties du discours en scènes ou images frappantes, le produit d’une mémoire intertextuelle et d’une mémoire pragmatique » (ibid.).
15 Pierre Pachet, « Qu’est-ce qu’un critique ? », Esprit, no 146, 1989, p. 97. Les citations suivantes sont tirées de la même page.
16 Les deux séances consacrées à la littérature sont publiées dans le présent volume. La séance sur Albertine ne l’est pas, mais ce personnage joue un rôle déterminant dans le discours sur la littérature du héros-narrateur et dans la lecture qu’en fait Pierre Pachet.
17 La Prisonnière, vol. III, p. 825.
18 Georges Poulet, Préface à René de Chantal, Marcel Proust critique littéraire, Presses de l’Université de Montréal, 1967, vol. I, p. xiii ; La Conscience critique, José Corti, 1971, p. 55.
19 Pierre Pachet, courriel adressé aux auditeurs du séminaire, 21 décembre 2015 (quelques jours après la séance sur les lectures de Mme de Sévigné chez Proust).
20 À l’ombre des jeunes filles en fleurs, vol. II, p. 122.
21 Pierre Pachet, courriel cité.
22 Nathalie Mauriac Dyer, « Bibliothèque », dans Annick Bouillaguet et Brian Rogers (dir.), Dictionnaire Marcel Proust, Honoré Champion, 2004, p. 148.
23 Ibid. Citation à l’appui : « Mais chaque jour ancien est resté déposé en nous comme dans une bibliothèque immense où il y a des plus vieux livres un exemplaire que sans doute personne n’ira jamais demander » (Albertine disparue, vol. IV, p. 125). Et : « Au grand jour de la mémoire habituelle, les images du passé pâlissent peu à peu, s’effacent, il ne reste plus rien d’elles, nous ne le retrouverons plus. Ou plutôt nous ne le retrouverions plus, si quelques mots (comme “directeur au ministère des Postes”) n’avaient été soigneusement enfermés dans l’oubli, de même qu’on dépose à la Bibliothèque nationale un exemplaire d’un livre qui sans cela risquerait devenir introuvable » (À l’ombre des jeunes filles en fleurs, vol. IV, p. 4 ; allusion au sentiment douloureux provoqué par le souvenir d’une conversation entre Gilberte et son père sur la « famille du directeur du ministère des Postes »). Sur la Bibliothèque nationale comme mémoire totale, voir Alain Resnais (réal.), Toute la mémoire du monde, produit par « Les films de la Pléiade », film en noir et blanc, 21 min., 1956.
24 Antoine Compagnon, « Proust, mémoire de la littérature », dans Antoine Compagnon (dir.), Proust, la mémoire et la littérature. Séminaire 2006-2007 au Collège de France, textes réunis par Jean-Baptiste Amadieu, Odile Jacob, 2009, p. 9-45.
25 Sur le cœur et la mémoire, commentant une phrase de Hugues de Saint-Victor, M. Carruthers écrit : « […] l’expression “dans notre cœur”, tout au long du Moyen Âge, signifie “dans nos mémoires” comme le montre bien l’injonction d’écrire “sur les tables du cœur” » (Le Livre de la mémoire, op. cit., p. 71) ; et : « Le cœur comme “mémoire” s’est fixé dans le verbe latin courant recordari, “se souvenir”. […] C’est certainement par référence au mot latin recordari que Jérôme peut affirmer que, dans les contextes bibliques appropriés, cor est une métaphore courante de la mémoire » (p. 79). Cet emploi ne doit pas être confondu avec le sens retreint de l’expression moderne « par cœur », qui suppose une répétition mécanique.
26 John Ruskin, La Bible d’Amiens, op. cit., p. 10.
27 Voir le chapitre Baudelaire de Contre Sainte-Beuve (« Débris d’humanité pour l’éternité mûrs », p. 251), dans le chapitre Balzac (p. 271), ou dans La Prisonnière à la suite du cours de littérature, cette fois concernant Morel, à qui Charlus a fait lire L’Éducation sentimentale (« Impossible, c’est une vieille peinture italienne », vol. III, p. 668).
28 Essais et articles, p. 636.
29 Contre Sainte-Beuve, p. 262.
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-06993-5
- EAN: 9782406069935
- ISSN: 2430-8218
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-06993-5.p.0013
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 07-07-2017
- Periodicity: Biannual
- Language: French