Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Philia et Dikè. Aspects du lien social et politique en Grèce ancienne
- Pages: 529 to 534
- Collection: Kaïnon - Anthropology of Ancient Thought, n° 10
- Series: Symposia, n° 1
Résumés
David Bouvier, « Les contradictions du contrat de philotès au chant III de l’Iliade »
On peut se demander pourquoi, contrairement au latin, le grec n’a pas retenu, pour dire la relation réciproque des citoyens, un terme lié à l’idée de philia ou de philotês. Une relecture du chant III de l’Iliade permet de rappeler à quel point la philotês était dépendante de la puissance ambiguë d’Aphrodite. Voué à l’échec, le pacte de philotês que Troyens et Achéens voulaient conclure est révélateur de l’impossibilité grecque de penser, sans Aphrodite, une solidarité sociale non problématique.
Malika Bastin-Hammou, « La notion de φιλία chez Aristophane. De la critique des intérêts égoïstes à l’exploration du lien politique »
La comédie ancienne est un genre notoirement agressif où les relations entre les personnages sont avant tout motivées par l’intérêt. La question de la φιλία n’en est pas pour autant absente : au contraire, chacune de ses modalités – conjugale, filiale, économique, politique – est isolée puis poussée à l’extrême pour donner à voir, sur la scène comique, ce que seraient les relations entre les individus et les cités grecques si telle ou telle forme de φιλία prenait le pas sur les autres.
Mélina Tamiolaki, « Les enjeux de l’amitié chez Hérodote »
À partir de certains épisodes où les termes comme φίλος, ἑταῖρος, ξεῖνος figurent, cet article trace certains motifs historiographiques dans la présentation hérodotéenne de l’amitié. Ensuite, il étudié la connexion entre l’amitié et la justice dans l’œuvre de l’historien. Enfin, il se concentre sur les épisodes d’alliances, exemples d’amitié politique. L’histoire d’Hérodote témoigne de la dimension politique de l’amitié, ainsi que des complexités et ambiguïtés qui l’accompagnent.
530Pierre Ponchon, « Philia et dikè chez Thucydide »
Partant du constat que La Guerre du Péloponnèse propose une approche similaire des notions de justice et d’amitié, on est conduit à s’interroger sur le sens de l’opposition, tant au niveau international qu’à l’intérieur des cités, entre la réduction réaliste, qui tend à traiter philia et dikè comme des prétextes masquant les relations de puissance et d’intérêt, et une autre conception qui y voit les valeurs fondatrices de l’ordre social et politique.
Vincent Azoulay, « Xénophon et la redéfinition de la philia »
Dans le monde grec de l’époque classique, la philia est a priori une relation symétrique. Si Xénophon se fait parfois l’écho de cette conception horizontale de la philia – en relayant l’idéologie de l’« amitié » civique propre à juguler la discorde –, il est loin de s’y tenir. Dans la plupart de ses écrits, il propose une conception de l’amitié, fondée sur l’utilité, sur l’inégalité et même, parfois, sur la rupture avec le cadre civique – comme le manifeste son usage du terme philanthropia.
Évelyne Scheid-Tissinier, « L’usage de la dikè et du dikaion dans la rhétorique judiciaire »
L’étude de l’usage de dikè et dikaion, des données homériques et hésiodiques jusqu’aux emplois de la rhétorique judiciaire athénienne, permet de faire émerger la logique selon laquelle la culture grecque a élaboré ce qu’elle considère comme la justice, la dikè : un mécanisme de réparation dont le propos est de rétablir cet équilibre auquel est identifié le juste, le dikaion. La victime reçoit ce à quoi elle a droit, obtenant de l’agresseur qu’il paie ce dont il s’est rendu redevable.
Pierre Chiron, « L’Amitié dans la rhétorique du ive siècle av. J.-C. »
Cet article étudie philia dans un corpus postérieur à la condamnation platonicienne de la rhétorique. Isocrate témoigne d’une sorte de contre-réforme des rhétoriciens. La doxographie dépend du projet de chaque source. L’éthique philosophique de l’Éthique à Nicomaque diffère de l’éthique communicationnelle de Rhet. Le message isocratique dépend d’un projet où la paideia justifie l’impérialisme. Dans ces contextes différents, le rôle de l’amitié demeure constant : il s’agit de mettre une psychologie au service de politiques.
531Anne Laure Therme, « Φιλία et δίκη dans les fragments présocratiques »
Φιλία et δίκη, en un sens physique ou éthique, sont pour les présocratiques des formes de nécessité laissant peu de place au choix : ainsi l’amitié, qu’elle attire les contraires (Empédocle) ou les semblables (Démocrite). La justice, d’abord relative aux lois de l’univers et de l’être (Anaximandre, Héraclite et Parménide), est certes affaire de rétribution proportionnelle et de mesure, mais, dans sa dimension délibérative, elle se restreint à consentir ou non à la nécessité.
Olivier Renaut, « L’amitié comme instrument de la justice du Protagoras aux Lois »
Pour produire l’unité de la cité, les fonctions respectives de la justice et de l’amitié dans la cité platonicienne semblent complémentaires, comme en atteste le modèle protagoréen de la genèse de la cité dans le dialogue éponyme. Cependant, il existe une véritable tension entre ces deux moyens dès lors que l’un est compris comme l’instrument de l’autre dans la République et les Lois. Cette contribution soutient que pour Platon, la philia doit demeurer subordonnée à un impératif de justice.
Létitia Mouze, « Être juste et savoir. L’anti-intellectualisme platonicien »
Il s’agit de montrer que, si le paradoxe « nul n’est mauvais (injuste) de son plein gré » signifie que l’ignorance de notre intérêt véritable est cause du mal que nous commettons, il reste que cette ignorance n’est pas intellectuelle. Un examen approfondi de ce que signifie pour Platon « savoir » et « ignorer » montre en effet que c’est l’âme tout entière, dans toutes ses dimensions, tant affectives que rationnelles (et non pas seulement sa partie rationnelle), qui sait ou ignore.
Dimitri El Murr, « Les formes de la philia et l’amitié civique dans les Lois de Platon »
Cet article porte sur un passage des Lois (VIII 836e-837d) dans lequel Platon, reprenant à nouveaux frais certaines de ses analyses antérieures (dans le Lysis et dans le Phèdre), propose une typologie des formes de philia en distinguant l’amitié pour le semblable, l’amitié pour le contraire et la forme mixte d’amitié. Les conséquences législatives de cette typologie sont examinées, et notamment la conception de l’amitié civique qui s’ensuit.
532Charlotte Murgier, « L’amitié politique dans les Lois de Platon. Lecture de III 693d-697c »
La lecture des pages 693d-697c du livre III des Lois de Platon, consacrées au récit par l’Athénien du rayonnement puis du déclin de l’empire perse, permet de mesurer le rôle central joué par l’amitié dans la cohésion d’une communauté politique, en analysant les facteurs éthiques et politiques qui président à son apparition et à sa disparition.
Arnaud Macé, « La justice cosmique dans les Lois. Platon lecteur d’Homère et d’Anaxagore »
Platon, à l’occasion des trois réfutations de l’impiété insérées dans le livre X des Lois, fait de la justice la clef de voûte d’un ordre universel, placé sous l’égide d’un intellect divin. Il enrichit pour ce faire le modèle d’intelligence cosmique élaboré par Anaxagore par la réactivation de motifs homériques, notamment militaires et pastoraux. Le jeu de petteia qui divertit les prétendants homériques lui fournit en outre une analogie propice à représenter une providence universelle.
Pierre Pellegrin, « De la philia politique chez Aristote. Malaise dans la cité ? »
Que l’« amitié politique » soit, chez Aristote, la forme suprême de l’amitié ne résiste pas à l’examen. La philia est l’extension à un autre des sentiments que le sage éprouve envers lui-même. La philia a cependant une fonction politique, plus précisément une fonction idéologique, au sens marxiste, car elle aide les dominés à accepter leur sort ; elle joue ainsi joue un rôle proche de celui de l’Éros chez Freud, celui de contenir les forces de dissolution de la vie collective.
Esther Rogan, « Unité et tensions de la justice et de l’amitié chez Aristote »
Cet article envisage la richesse des points de vue d’Aristote sur les relations entre l’amitié et la justice. Un paradigme éthique, où une justice digne de ce nom se trouve seulement dans l’amitié première. Un paradigme politique, où amitié et justice sont des notions relatives et graduelles dont la proportion varie selon les koinoniai dans lesquelles elles se trouvent. Malgré cette affinité essentielle, dans la cité, les deux notions peuvent trouver une existence relativement séparée.
533Giuliana Besso, « La question du juste et ses implications dans le discours aristotélicien sur l’esclavage. Politique I 6, 1255a3-1255b15 »
L’argumentation relative à l’esclavage par nature ou selon la loi, au livre I de la Politique, reflète des problèmes réels concernant l’esclavage (« juste et utile » d’être un esclave ? esclavage par nature, légitimité de l’esclavage de guerre, les barbares comme esclaves). Le cadre juridique complexe met en évidence un lien étroit entre la pensée aristotélicienne et la société de son temps, avec une référence spéciale au modèle de l’oikos, point de départ de l’analyse politique.
Silvia Gastaldi, « Amitié et justice dans l’Éthique à Nicomaque d’Aristote »
L’article examine les passages du livre VIII de l’Éthique à Nicomaque, dans lesquels Aristote analyse le rapport entre l’amitié et la justice, en particulier dans les communautés familiales. Aristote trouve dans la famille des analogies avec les constitutions politiques, et montre comment le chef de famille réalise la philia et la justice en se conduisant en bon roi à l’égard de ses fils, de façon aristocratique envers son épouse, et en maître à l’égard de ses esclaves.
Charlotte Murgier, « La médiation du propre dans la théorie aristotélicienne de l’amitié »
L’objet de cet article est de montrer, à travers une analyse d’Éthique à Nicomaque VIII-IX et de Politique II, que la notion de propre joue un rôle de médiation dans la théorie aristotélicienne de l’amitié, et cela à deux titres. Si le propre permet d’élucider le contenu de l’amitié qu’on ne peut manquer d’éprouver envers soi-même, il se révèle aussi décisif pour rendre compte du plaisir pris aux actions de son ami, et, par ce biais, de la nécessité de l’amitié dans la vie heureuse.
Pierre-Marie Morel, « L’amitié et le problème de la vertu dans l’éthique épicurienne »
Cet article examine le statut de l’amitié dans la théorie épicurienne de la vertu, dans un contexte où le principe premier est la recherche du plaisir personnel et de l’utilité. Contre une lecture purement utilitariste de la position épicurienne, l’étude soutient que l’amitié permet de concevoir le souci d’autrui, non pas comme un obstacle au plaisir, mais comme un aspect du 534bonheur personnel. Cela ne veut pas dire, pour autant, que l’amitié soit une solution politique, applicable au niveau de la cité.
Christelle Veillard, « S’aimer soi-même. À propos d’une ambiguïté stoïcienne »
Hécaton, disciple de Panétius, énonce : « Tu demandes, en quoi j’ai progressé ? J’ai commencé d’être l’ami de moi-même ». Cette amitié auto-référentielle doit être distinguée de l’amour de soi (philautia), né du sentiment d’appropriation à soi (oikeiôsis). Si, au sens strict, seul le sage peut être objet ou sujet d’amitié, la phrase d’Hécaton incite à conclure que l’amitié pour soi est aussi le fait de l’insensé, à condition qu’il prenne en compte ses défauts et les intègre à sa personnalité.
Richard Bett, « Les Stoïciens ont-ils inventé les droits de l’homme ? »
Les Stoïciens ont-ils été les premiers philosophes des droits de l’homme ? Il est vrai que plusieurs de leurs thèses semblent s’affranchir des données sociales et politiques de l’époque ; c’est notamment le cas du cosmopolitisme. Mais les biens qui font l’objet des droits de l’homme sont toujours, pour les Stoïciens, des biens extérieurs qui n’ont qu’une valeur relative, alors que les véritables biens sont purement intérieurs et ne peuvent nous être ni enlevés ni conférés par l’action d’autrui.
Frédéric Fauquier, « Vertu politique et amitié dans le néoplatonisme tardif »
Après avoir déterminé la situation néoplatonicienne de la vertu politique dans l’échelle des vertus puis dégagé une double caractéristique de la vertu politique, à savoir qu’elle est métriopathie, contrôle, et non suppression, des passions afin de rendre possible une vie en communauté, et vertu de l’être en relation entendue dans un double sens, relation des parties de l’âme entre elles mais aussi relation à autrui, il s’agira de montrer comment l’amitié la parachève idéalement.
- CLIL theme: 3127 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie antique
- ISBN: 978-2-406-07176-1
- EAN: 9782406071761
- ISSN: 2428-713X
- DOI: 10.15122/isbn.978-2-406-07176-1.p.0529
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 06-01-2018
- Language: French