Au lieu d’un déploiement chronologique tel que le propose le volume des Essais critiques, nous avons opté pour une articulation alphabétique en deux mouvements : le premier autour de quelques notions chères à Gide (« Art et littérature », « Classicisme », « Peinture » ou « Religion »), reflétant sa vision de la littérature, mais également des arts et de la culture. Le second autour d’artistes (notamment Chopin et Poussin, mais également Maurice Denis et Simon Bussy), et d’écrivains (plutôt les grands noms : Baudelaire, Goethe, Mallarmé, Proust, Shakespeare, Stendhal, Thomas Mann…), sans négliger quelques amis (Francis Jammes, Jef Last, Jean Schlumberger…).
S’y ajoute, dans la troisième partie, l’édition d’un texte inédit d’André Gide, achevé au printemps 1890 : Notes sur L’Évolution en littérature de Brunetière. Ce résumé montre les capacités de synthèse du jeune homme qui prend déjà certaines libertés et prolonge la liste des critiques proposés par Ferdinand Brunetière avec un de ses personnages, André Walter, qui proposerait des « conceptions métaphysiques de la vie1 ». Cette publication est précédée de quelques réflexions relatives à la critique de Ferdinand Brunetière (1849-1906). Le critique de la Revue des Deux Mondes a exercé une influence non négligeable sur Gide, quoiqu’indirectement et peut-être en opposition, en lui permettant de profiter d’idées et de valeurs que Gide a adaptées à son propre usage avec une singulière ductilité, dans une visée de critique créatrice2.
Les choix reprennent les textes dans leur version originale (en revue ou dans la première publication, avec renvoi aux pages respectives des Essais critiques). Ils se veulent sans prétention, si ce n’est celle de mettre en avant les qualités nombreuses de ces parcours critiques de Gide, dans un esprit de représentativité. Par voie de conséquence, les notes et les 22commentaires ont été limités autant que possible (et en favorisant les éditions en ligne3). De nombreux renseignements se trouvent dans l’index des personnes et dans l’index des œuvres. Ces derniers témoignent à leur tour de la largeur de vue d’André Gide en tant que critique et essayiste, de son esprit de synthèse, de son constant travail de mises en perspective, de sa sensibilité, et de son métier. Y revenir ici en proposant un choix varié, c’est inviter le lecteur à partager un espace littéraire, artistique et culturel accueillant et vaste, sans frontières spatiales ni temporelles, dans lequel cet incomparable médiateur nous permet de déambuler.
P. S.
1 Voir plus bas, p. 746, Notes sur L’Évolution en littérature de Brunetière.
2 Voir plus bas, p. 776, troisième partie, postface.
3 Nous avons renoncé à reproduire toutes les variantes (que donne Pierre Masson dans les EC), sauf si elles modifient le sens du passage : c’est que Gide est enclin à rendre son style plus lisse quand il le corrige – parfois au détriment d’une certaine truculence initiale. Dans ce contexte, des recherches sur la phraséologie particulière et le rythme, la respiration propres aux essais et textes critiques seraient bienvenues, tout comme une étude du vocabulaire gidien, qui ne craint ni les hapax ni les mots rares (« désastré », « désoffusqué », « les ailes inétendues », « les inturbulences », « intempéré », « la maîtrisation », « suasion oratoire », « poésie encothurnée », etc.).
