Two notes on Rimbaud and the army
- Publication type: Journal article
- Journal: Parade sauvage Revue d’études rimbaldiennes
2022, n° 33. varia - Author: Hodin (Geneviève)
- Pages: 345 to 347
- Journal: Parade sauvage (Wild Parade)
Deux notules sur Rimbaud et l’armée
Rimbaud médaillé ?
Dans la Revue des Conquêtes de la Civilisation (L’Exploration du 1er semestre 1881), figure la liste des récompenses distribuées le 20 novembre par la « Société de Topographie », à Paris : « Les médailles d’argent de 2e classe ont été attribuées à : MM. Humbert, Rimbaud, Meder. »
Il est possible que le patronyme médian désigne ici Arthur Rimbaud. Dans une lettre à sa famille du 15 janvier 1881, du Harar, il demande l’envoi du « Guide du voyageur ou Manuel théorique et pratique de l’explorateur, c’est là le titre ou à peu près », traduit de l’allemand, et publié chez Lacroix. Ce qui motive la commande auprès du libraire-éditeur parisien, c’est que « l’ouvrage, me dit-on, est un compendium très intelligent de toutes les connaissances nécessaires à l’explorateur en topographie, minéralogie, hydrographie, histoire naturelle, etc., etc. ». Ce souhait épistolaire m’incite à penser que Rimbaud fut bien médaillé par la Société de Topographie.
346Rimbaud fils de soldat
Dans « L’Éclatante victoire de Sarrebrück1 », Rimbaud reprend l’image fort répandue de l’Empereur, « Doux comme un papa », tenant son fils par la main. Le courage des soldats est célébré partout dans la presse ; toutefois, dans La Vie Parisienne2, le journaliste Marcelin, précise le 9 aout 1870 : « Les victoires de Sarrebruck ont été déplorables ». L’éloge des soldats est cependant précisé, dans une même page, avec ces commentaires : « Dumanet et Pitou splendides », « Pitou et Dumanet admirables », « Dumanet et Pitou merveilleux. Très gai, le ballet de Compiègne » ou encore « Dumanet et Pitou héroïques et merveilleux ». Rimbaud reprend ces noms, Pitou et Dumanet (aux vers 5 et 9), auxquels il ajoute Boquillon, qui fera donc partie aussi des « bons Pioupious ».Ce mot, que Rimbaud déclinera en pioupiesque dans « Le cœur du pitre », est presque toujours en italique dans les revues.
Dans Éclatsd’obus de Ferdinand Dugué, une mère, dans le poème « Avant Sarrebruck », pleure « l’enfant qu’on habille en troupier », « Sous la chaux, dans un trou / Dormira mon pauvre Pitou ». Les sous-titres des trois gravures de La Vie Parisienne de 1870, montrant des francs-tireurs, des zouaves et moblots, sont ironiques et brutales :« juste ce qu’il faut pour tuer et être tué », « Faire le voyage de Paris aux frais du gouvernement, quelle occase ! », « un qui est revenu de tout et un qui y va. »
Dumanet sera défini dans le Dictionnaire de la langue verte comme « un soldat crédule à l’excès ». Dick de Lonlay, auteur de deux tomes sur la guerre3, évoque « l’enragé Dumanet »qui, le bras cassé, s’écrira : 347« Donnez-moi un sabre ! » Le troupier se sentirait mal protégé par son uniforme. Les soldats avaient parfois des « casquettes ou couvre-nuques ». On signale un colonel qui possède « un cache-nuque blanc par-dessus son képi. » Le schako fait, bien sûr, partie de cet uniforme guerrier que Rimbaud cite en fin de poème. On lit dans La Vie Parisienne de juillet 1870 (p. 587) : « Tant vaut le shako. L’homme fait le shako et le shako influe sur l’homme. » À la fin de « L’éclatante victoire… », le poète fait de Pitou, un soldat craignant pour sa vie qui « sent frémir sa nuque en brosse ». Le verbe frémir est très présent dans les volumes de La Vie parisienne : « Tout ce sang versé est horrible à voir ; on frémit » ; « Au réveil, je me sentais frémir dans tout mon être. »
Dans le « Chant de guerre parisien », Rimbaud écrit : « Ô Mai ! quels délirants culs nus » ; au vers 13 de « L’éclatante victoire… », il évoque Boquillon « présentant ses derrières » reprenant sans doute ces propos de Bismarck :« Héros du Nord, je savais bien que vous aviez vu les derrières des soldats du roi… »
Quelques années plus tard, en 1873, Rimbaud situera à « Laïtou, (Roches) (Canton d’Attigny) » une lettre à Ernest Delahaye. A-t-il le souvenir des gravures de La Vie Parisienne sous-titrée « … Laïtou – pif, paf, pouf, pouf Trala Laïtou, Trala, pif, paf, pouf ! ! ! » ? De même, quand il écrit : « la mother m’a mis là dans un triste trou », on peut se demander s’il fait ironiquement allusion à la gravure placée à côté du « Laïtou » et sous-titrée : « Sur l’air : où peut-on être mieux qu’à la mamelle de sa famille ? » Dans les pages précédentes un journaliste commente encore la musique d’un régiment avec ce refrain : « Où peut-on être mieux qu’au sein de sa famille ? »
Geneviève Hodin
1 Voir Steve Murphy, Stratégies de Rimbaud, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 284-287.
2 La Vie Parisienne, dirigée par Marcelin et publiée de 1870 à 1871, comportant une quarantaine de pages intitulées « La Vie Parisienne pendant la guerre ». En juillet 1870, le terme « Illumination » apparait plusieurs fois, ce qui permet d’envisager un lien éventuel entre ces pages sur la guerre et l’œuvre rimbaldienne – « …les cercles de la place de la Concorde en illumination » ; « … pour se perdre à l’autre bout de Paris, sous les feux des illuminations » ; « … rue noire au sortir de cette illumination » ; « … j’adorais les nuits sans sommeil, avec les illuminations brillantes ».
3 Dick de Longlay, Français et Allemands, 2 tomes, 1870-1871. Il évoquera M. Raimbeaux (p. 380) parmi les Cent-gardes, voyageant comme écuyer à droite de l’empereur, et il cite parmi les soldats, le « caporal Raimbaud » (p. 208).
- CLIL theme: 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN: 978-2-406-14632-2
- EAN: 9782406146322
- ISSN: 2262-2268
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-14632-2.p.0345
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 03-15-2023
- Periodicity: Annual
- Language: French
- Keyword: medal, topography, intertextuality, trajectory