Comptes-rendus
- Type de publication : Article de revue
- Revue : Neologica
2022, n° 16. Néologie et environnement - Auteurs : Gérard (Christophe), Balnat (Vincent), Patin (Stéphane)
- Pages : 247 à 265
- Revue : Neologica
deuxième partie
comptes rendus
248 249Sablayrolles Jean-François (2019), Comprendre la néologie. Conceptions, analyses, emplois, Limoges, Lambert Lucas, coll. La Lexicothèque, 305 p. – ISBN 978-2-35935-286-3.
L’ouvrage-testament de Jean-François Sablayrolles (désormais JFS) a déjà bénéficié de plusieurs comptes rendus (Gaudin 2020, Gil Casadomet & Abraham 2020, Kacprzak 2021) qui en soulignent l’incontestable importance1 : de l’histoire des idées linguistiques aux enjeux de politique linguistique, en passant par d’innombrables clarifications conceptuelles et discussions terminologiques, JFS dresse un état des lieux indispensable des avancées réalisées par les études contemporaines de néologie.
Le livre se compose de neuf chapitres regroupés en trois grandes parties qui conduisent de la théorie de la néologie à ses aspects plus pratiques, sociaux et institutionnels : I. « Approches du concept », II. « Typologie » et III. « Utilisations et utilisateurs de la néologie ». Chaque section de chapitre se termine opportunément par une bibliographie sélective qui, en complément d’un riche index des notions (9 pages), accroît encore l’utilité de ce manuel universitaire.
Pour éviter de répéter les comptes rendus antérieurs, notre angle de lecture se focalisera sur les aspects de la néologie dont traitent les approches dites pragmatique, sociolinguistique, énonciative, discursive ou encore textuelle. Trois raisons justifient le choix : 1) le fait que l’innovation lexicale, en tant qu’acte individuel, est toujours soumise à un ensemble de contraintes liées à la situation de communication ainsi qu’aux particularités du texte où apparaît le néologisme et, complémentairement, le fait que l’identification d’une nouveauté lexicale par tel locuteur, dans telle situation, résulte d’un acte perceptif-interprétatif qui implique plus que la seule prise en compte des unités/règles de la langue concernée2 ; 2) le manque d’études portant sur l’influence (et l’interaction) des différentes sortes de contextes sur l’innovation lexicale 250et ses modes de diffusion (Gérard 2021) ; 3) la spécificité du concept de néologisme3 qui se distingue, en particulier, de celui d’innovation lexicale4, dans la mesure où il renvoie aux facteurs contextuels impliqués dans le jugement de nouveauté et à la perception relative de celle-ci, et par suite aux phénomènes de variation individuelle (JFS traite de la problématique de l’idiolecte p. 35-37 et p. 43) et de variation sociale, qui sont également déterminants lors de la production de nouvelles unités lexicales. Cette manière de concevoir le terme néologisme – indissociable de la notion de locuteur ou, mieux, de sujet parlant (cf. infra) et des questions attenantes de perception-action-intentionnalité langagière5 – est un fil rouge de cet ouvrage qui, à un autre niveau, peut se lire comme une défense de la légitimité de ce terme en linguistique (ce à quoi JFS consacra sa carrière).
C’est en particulier l’objet du deuxième chapitre, qui entend répondre à des questions aussi élémentaires que fondamentales : pour qui et par rapport à quoi une unité lexicale (plus exactement une lexie, p. 25-34) est-elle nouvelle ? à partir de quand est-elle nouvelle et jusqu’à quand ? Concernant la première question, deux pages sont dédiées aux changements portant sur la variation linguistique, en l’occurrence la perte d’une marque diatopique, diastratique ou diaphasique. L’auteur défend ici une position qu’on peut qualifier de duelle puisque, selon lui, « ce n’est qu’au début du processus [générant un changement de marque] qu’il y a néologie, dans des circonstances précises d’énonciation » (p. 45), mais pas lors de l’intégration (« progressive et insensible ») de l’unité à la langue concernée. On comprend ici que pour JFS, tout, parmi les changements lexicaux possibles, ne relève pas nécessairement de la 251néologie, notamment les extensions et les restrictions de sens (par ex. arriver, pondre, etc.), que JFS exclut clairement du phénomène néologique (p. 40-41).
Si cette position théorique appelle sans doute une discussion, puisqu’elle n’est pas unanimement partagée (Gérard & Kabatek 2012, Cabré et al. 2021), il faut avant tout souligner ce qui caractérise ici le projet intellectuel de JFS :
La conception large de la néologie défendue ici, avec la prise en compte des emplois innovants (sémantiques, combinatoires, changements de domaines, de niveaux de langue, de connotation…), entraîne en effet une conception scalaire : il y a des néologismes qui sont plus néologiques que d’autres, en fonction d’un certain nombre de paramètres. Certains néologismes sont prototypiques et d’autres périphériques. (p. 53)
D’où, pour revenir aux questions précédentes portant sur la temporalité des néologismes, l’affirmation que « la durée de néologicité n’est pas uniforme et elle est fonction de l’ampleur et de la vitesse de la diffusion, variable donc au cas par cas » (p. 51). Enfin, concernant le moment d’émergence de la nouveauté, on retiendra que JFS considère ici, comme il l’a d’ailleurs toujours soutenu, qu’une lexie est néologique dès le moment de son énonciation, contrairement aux approches considérant qu’une unité ne devient néologique qu’à partir du moment où elle entre dans une phase de diffusion sociale. Cette position montre tout l’intérêt que ce linguiste, à fort juste titre, porte à l’ancrage situationnel et discursif des néologismes, ainsi qu’à leurs fonctions communicationnelles.
Ces aspects sont développés dans la troisième partie l’ouvrage intitulée « Utilisations et utilisateurs de la néologie ». Plusieurs thèmes traversent les trois chapitres de cette dernière partie, à commencer par celui du statut dulocuteur (conçu comme individuparlant, à l’opposé d’un soi-disant locuteur idéal) dont JFS met en lumière le rôle clé dans l’acte d’innovation et dans la diffusion des néologismes. Le locuteur est-il le « créateur » du néologisme énoncé ou bien un acteur de la diffusion, soit en tant que « réémetteur » soit en tant que « transmetteur » (p. 187-189)6, d’un mot inventé par quelqu’un d’autre ? D’ailleurs, si le « créateur » correspond bien généralement à un individu, l’histoire des 252institutions retracée par le chapitre 8 nous rappelle que, au moins depuis la Révolution française, la politique linguistique et l’aménagement de la langue impliquent l’action de groupes d’individus, comme l’actuelle Commission d’enrichissement de la langue française (Celf) dont les innovations collectives doivent répondre à des critères particuliers (p. 238-242). Outre le statut communicationnel des locuteurs, JFS souligne le rôle de leur statut social (p. 194-195, 252-253 et 260) : les « locuteurs lambda » seraient beaucoup moins néologènes que les personnes exerçant un métier où l’éloquence est essentielle (journaliste, homme/femme politique, homme/femme de lettres, etc.), dont la notoriété s’avère par ailleurs un puissant moteur de diffusion des néologismes. Bien entendu, l’incidence du statut social se voit toujours modulée, à la hausse ou à la baisse, selon le degré de néolophilie (ou de néolophobie) propre à chaque individu.
Outre le statut des interlocuteurs, toute situation de communication est déterminée par diverses sortes de normes discursives (Gérard & Rastier 2022) qui, entre autres phénomènes, affectent l’innovation lexicale et sa diffusion. Bien que JFS ne problématise pas explicitement ces normes (d’après notre lecture, l’auteur n’emploie pas ce terme), plusieurs pages leur sont consacrées. La section « Aspects sociolinguistiques » (chap. 9) rend compte d’observations (sur corpus) qui mettent en évidence l’incidence des domaines de discours, des « types de texte » et des styles (personnels et collectifs) sur l’activité néologique. Ainsi, si certains domaines de discours libèrent la créativité lexicale (la mode, la littérature, etc.), d’autres la limitent plus ou moins fortement (la religion, le droit, etc.). JFS pointe également l’incidence des genres de discours (chronique radiophonique, copie d’examen, slogan publicitaire, etc.) sur la quantité et la qualité des innovations lexicales (p. 193-194, 204 et 250). Soulignons que ce champ de recherche mériterait enfin de retenir l’attention des études romanes de néologie, comme l’auteur en reconnaissait la nécessité, tant il est vrai que l’anomie discursive n’existe pas pour l’individu innovant (Gérard 2021 : 137-138). Par exemple, les réflexions accumulées sur les fonctions des néologismes (expressivité, originalité, provocation, etc. ; p. 200, 207-208), ou encore sur leurs positions privilégiées au sein du texte (p. 193), devraient être reconsidérées par rapport aux normes de genre. Quant au rôle des styles collectifs7, il est illustré par le cas des 253courants littéraires (la Pléiade et le romantisme, p. 204) et surtout celui des styles éditoriaux (p. 251 et 258), la comparaison des journaux (presse écrite) révélant, dans la manière de manifester la créativité lexicale, « des disparités quantitatives et qualitatives selon les titres et les lectorats » (p. 251). Là aussi, une réflexion approfondie reste à mener en tirant parti des acquis de la linguistique textuelle, de la théorie des genres discursifs et de l’analyse de discours, sans oublier les savoirs issus de l’ancienne rhétorique.
S’il fallait mentionner un oubli dans le large panorama offert par l’ouvrage, ce serait selon nous celui des rapports entre textualité et innovation lexicale8. Rappelons en effet que la plupart des innovations lexicales produites (par exemple, dans les domaines de la littérature et du journalisme) ne sont pas réemployées et, a fortiori, pas adoptées par des individus autres que leur créateur (sur la distinction nécessaire entre « citation » et « appropriation », voir p. 188-189). Le destin des néologismes, au sens de JFS, est donc souvent de demeurer des occasionnalismes, c’est-à-dire des signes dont l’existence reste intrinsèquement liée au texte qui leur donne sens et valeur. Un état des différentes approches textuelles du néologisme aurait ainsi été bienvenu, notamment pour évoquer les travaux précurseurs des germanistes allemands (voir les références citées dans Stumpf 2021 : 151). À cet égard, on notera que la sémantique des textes (Rastier 2018) offre un cadre conceptuel pertinent (comme pour la théorie du néologisme, il s’agit d’affronter le problème de la perception des signes) pour décrire tout néologisme comme un moment remarquable du parcours textuel effectué par le locuteur-interprète.
Comprendre la néologie semble une véritable gageure tant la description (et l’explication) de ce phénomène complexe requiert, dans l’absolu, le concours de toutes les sciences du langage, ainsi que le recours à d’autres sciences humaines (Cabré 2021). Cet ouvrage relève le défi en couvrant une remarquable diversité de sujets et de problèmes qui intéressent certes le linguiste, mais aussi l’historien et le sociologue, notamment. En particulier, nous l’avons vu, le net accent mis sur les différents aspects discursifs et situationnels de la néologie montre qu’ils sont loin d’être un épiphénomène et que, par conséquent, après avoir privilégié une problématique du signe (définition du néologisme, typologies des procédés de formation, constitution de dictionnaires, etc.), les études de 254néologie devraient à présent réexaminer leurs fondements textuels et discursifs9, puisqu’en effet, comme le soulignait notre regretté collègue, « les néologismes ne naissent pas dans les choux » (Sablayrolles 2018).
Christophe Gérard
LiLPa (UR 1339)
Université de Strasbourg
Références bibliographiques
Cabré Maria Teresa, Domènech-Bagaria Ona & Solivellas Ivan (2021), « La classification des néologismes. Révision critique et proposition d’une typologie multivariée et fonctionnelle », Neologica, 15, p. 43-62.
Cabré Maria Teresa (2021), « Une théorie multidimensionnelle des néologismes », Neologica, 15, p. 25-41.
Coseriu Eugenio (1973) [1958], Sincronía, diacronía e historia. El problema del cambio lingüístico, Madrid, Gredos, traduction française par Th. Verjans, URL : http://www.revue-texto.net/1996-2007/Parutions/Parutions.html (consulté le 01/01/2022).
Gaudin François (2020), « Sablayrolles Jean-François, Comprendre la néologie. Conceptions, analyses, emplois », Cahiers de lexicologie, 117, p. 193-198.
Gérard Christophe (2021), « Approches discursives de l’innovation lexicale. État des desiderata », Neologica, 15, p. 133-149.
Gérard Christophe et Kabatek Johannes (2012), « Introduction : la néologie sémantique en questions », Cahiers de lexicologie, 100, p. 11-36.
Gérard Christophe et Rastier François (à paraître, 2022), « Discourse Traditions, Genres, and Rhetoric », dans E. Winter-Froemel et Á. S. Octavio de Toledo y Huerta (dir.), Manual of Discourse Traditions in Romance, Berlin, de Gruyter.
Gil Casadomet Aránzazu et Abraham Marine (2020), « à la rencontre de la néologie », çédille, revista de estudios franceses, 18, p. 699-703.
Kacprzak Alicja (2021), « Comprendre la néologie. Conceptions, analyses, emplois de Jean-François Sablayrolles : compte rendu de lecture », Folia Litteraria Romanica, 16, p. 269-275.
Rastier François (2018), « Unités et formes textuelles », Semiotica, 223, p. 13-23.
Sablayrolles Jean-François (2018), « Les néologismes ne naissent pas dans les choux », dans D. Bernhard et al. (dir.), La néologie en contexte. Cultures, situations, textes, Limoges, Lambert-Lucas, p. 23-38.
255Schmidt Günter Dietrich (1982/1983), « Paläologismen. Zur Behandlung veralteten Wortguts in der Lexikographie », Deutsche Sprache, p. 193-203.
Stumpf Sören (2021), « Occasional word formations in written and spoken German », Neologica, 15, p. 151-170.
Vorger Camille (2011), Poétique du slam : de la scène à l’école. Néologie, néostyle et créativité lexicale, Grenoble, Université de Grenoble, Thèse de doctorat.
Winter-Froemel Esme (2020), « Les néologismes, un sous-type de l’innovation lexicale. Réflexions à partir d’études de corpus généraux dans trois langues romanes », Neologica, 14, p. 25-46.
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LoVecchio Nicholas (2020), Dictionnaire historique du lexique de l’homosexualité. Transferts linguistiques et culturels entre français, italien, espagnol, anglais et allemand, coll. TraLiRo (Travaux de Linguistique Romane. Lexicologie, onomastique, lexicographie), Strasbourg, Éditions de linguistique et de philologie, 515 p. – ISBN 978-2-372-76044-7.
Cet ouvrage, issu d’une thèse de doctorat soutenue à Sorbonne Université, peut de prime abord paraître quelque peu déroutant. S’il porte le nom de dictionnaire, il ne se présente pas sous la forme habituelle d’un ouvrage de ce type : les entrées n’y sont pas classées dans l’ordre alphabétique et ne se bornent pas, loin de là, à fournir des définitions illustrées par quelques exemples. Multilingue, il ne liste pas les équivalences entre les langues. Thématique, il ne rend pas compte de l’ensemble du lexique de l’homosexualité. La raison en est simple : l’objectif de Nicholas LoVecchio, linguiste polyglotte et traducteur, n’est pas tant de fournir une nomenclature exhaustive des mots renvoyant à l’homosexualité que de dégager, à travers ce lexique, les conceptions de l’homosexualité qui circulent depuis un millénaire au sein de cinq langues, dont trois romanes (français, italien, espagnol) et deux germaniques (anglais, allemand).
Cette approche, à la fois historique et comparative, implique le recours aux textes, « points de contact entre les locuteurs des cinq langues retenues » et, par conséquent, champs d’observation privilégiés 256des « transferts linguistiques et culturels » (introduction, p. 4). Selon LoVecchio, l’exploitation des supports écrits permet, grâce notamment aux discours métalinguistiques qu’ils contiennent, d’appréhender les valeurs connotatives des termes étudiés, reflets des préjugés de chaque époque. L’auteur s’appuie sur pas moins de 300 dictionnaires mono- et bilingues, généraux et spécialisés, ainsi que sur des traductions, des comptes rendus et de la correspondance privée ; pour la période contemporaine, il a eu recours entre autres à la presse militante, aux fanzines et newsletters, qui « représentent sans doute l’ersatz le plus proche de l’oralité que l’on puisse atteindre dans l’investigation historique et philologique pour la période concernée » (p. 5). Pour rendre compte de la diffusion des innovations lexicales dans les autres langues, il privilégie le terme d’adaptation à celui d’emprunt, « le procédé impliqu[ant] imitation mais également innovation, voire création, dans la langue cible » (p. 8).
La partie dictionnairique, forte de 450 pages, comporte 12 séries d’internationalismes, qui constituent, pour LoVecchio, le « lexique de base de l’homosexualité, tant féminine que masculine », commun aux cinq langues étudiées (p. 7). Ces séries sont présentées dans l’ordre chronologique approximatif des premières attestations : sodomite/sodomie, bougre/bougrerie, bardache, tribade, pédéraste, saphique/saphiste/saphisme, lesbienne/lesbianisme, uraniste/uranisme, inverti·e/inversion, homosexuel·le/homo-/hétéro-/bi-/transsexualité, gay/gai, queer. Cette présentation reflète l’évolution générale des conceptions des sexualités non conformes à l’hétéronormativité dans les sociétés occidentales : si les premiers termes véhiculent une forte stigmatisation sociale, les derniers, notamment gay et queer, mettent l’accent sur la volonté des personnes concernées d’assumer leur sexualité et sur la dimension sociale du genre – une évolution qui est un bel exemple d’appropriation lexicale mise au service d’une évolution sociétale.
Chaque série s’ouvre par des remarques sur l’origine étymologique des termes et, de manière un peu contre-intuitive, par une « synthèse » qui en présente l’évolution sémantique, la diffusion et les types d’adaptation formelle et sémantique. Ces aspects sont ensuite développés pour les cinq langues, traitées en fonction de leur importance dans les phases d’innovation et de diffusion des termes considérés.
Les parties consacrées aux différentes langues suivent un schéma identique : l’auteur dresse d’abord un « bilan lexicographique » rassemblant les principales informations sur l’origine du mot, l’année de première attestation, les sources dictionnairiques qui attestent des premiers emplois 257du mot et les procédés de création lexicale utilisés, avant de passer en revue les dérivés, composés et lexies complexes, illustrant leurs emplois à l’aide de nombreuses citations. Prenons l’exemple de la première série, sodomite/sodomie (p. 15-50) : après avoir présenté l’origine biblique de ces termes et leurs diverses significations, allant d’’acte sexuel ne conduisant pas à la procréation (y compris avec les animaux)’ à ‘acte de coït anal entre hommes’, l’auteur indique que ces termes sont fréquemment associés aux expressions contrenature, abominable, infâme et nefande (désuet). Dans le sous-chapitre sur le français, il expose ensuite la diversité et la productivité des procédés de formation : on y apprend ainsi que la base sodom- a donné lieu, à partir du xiie siècle, à plusieurs dérivés nominaux(sodomien, sodomois, sodomiste et sodomiterie, sodomerie, sodomisme, concurrents de sodomie et sodomite) et adjectivaux(sodomique, sodomitique) ; sodomiser n’est apparu qu’au xvie siècle ; sodomitiser, quant à lui, a conservé le statut d’hapax. Dans la 2e moitié du xixe siècle, certains dictionnaires spécialisés enregistrent, pour le mot sodomie, la signification ‘copulation entre humains et animaux’, empruntée à l’allemand. Les chapitres sur l’italien, l’espagnol et l’anglais montrent que des formations similaires y sont également attestées ; on notera toutefois que si la signification ‘rapport sexuel avec des animaux’ est, dans le cas du français, de l’anglais et de l’italien, un calque direct de l’allemand, il s’agit en espagnol d’une « adaptation d’un germanisme français » (p. 39).
L’ouvrage livre quantité d’informations qui ne manqueront pas d’intéresser les amoureux des mots : on lit ainsi que bougre, aujourd’hui parfaitement inoffensif, est issu du gentilé Bulgare et que ses emplois désuets pour désigner un hérétique et un sodomite n’étaient jadis guère éloignés l’un de l’autre ; la forme féminisée bougresse renvoyait quant à elle presque exclusivement à l’hérésie. Si, dans les langues étudiées, pédéraste appartient aujourd’hui à un registre plutôt soutenu, le français en a conservé le souvenir dans le registre populaire sous la forme de l’injure pédé, terme que les homosexuels se sont réappropriés positivement dès les années 1960. Le rédacteur de ces lignes a lu également avec grand intérêt les développements sur le passage de lesbienne, renvoyant initialement aux habitantes de l’île de Lesbos, à la désignation de la femme homosexuelle, ainsi que les chapitres consacrés aux « pérégrinations » des termes associés à la notion d’« inversion » dans la 2e moitié du xixe siècle et à l’émergence des adjectifs homosexuel et hétérosexuel, issus de l’allemand, qui se sont imposés en français à la fin du xixe siècle face aux 258‘précurseurs’ que furent unisexuel/homéosexuel/homoïousien (‘homosexuel’) et bis(s)exuel (‘hétérosexuel’). On relèvera enfin un cas intéressant de blocage synonymique : si l’adjectif gay ‘homosexuel/le’, issu de l’argot américain des années 1930, connaît depuis les années 1960-1970 une large diffusion en français, en italien et en espagnol, son emploi serait plus limité en allemand en raison de la fréquence de schwul, mot « doté des mêmes caractéristiques pragmatiques » (p. 396). L’ouvrage se clôt par une bibliographie très fournie d’une vingtaine de pages et un index, organisé par langues, de tous les mots et expressions cités.
Au fil des pages, il apparaît que le français a souvent servi de langue intermédiaire, en particulier pour les emprunts en espagnol. C’est le cas entre autres de bujarrón (‘sodomite’), formé sur le modèle de l’italianisme français bougeron (‘homosexuel’), de homosexualidad et heterosexualidad, adaptations de germanismes français, ou encore de uranista et uranismo, issus de traductions françaises des termes allemands Urning/Uranist et Uranismus. L’allemand a fonctionné lui aussi comme langue intermédiaire : dans la 2e moitié du xixe siècle, l’Austro-Hongrois Karl-Maria Benkert, dit Kertbeny (1824-1882), forgea, entre autres, les expressions Homosexual/Homosexualität et Heterosexual/Heterosexualität, ouvrant la voie à la distinction terminologique entre homo-, hétéro-, bi- et transsexualité, encore en usage de nos jours. Quant à l’anglais, les deux dernières entrées du dictionnaire, gay et queer, reflètent son rôle prédominant à partir du milieu du xxe siècle.
De ce dictionnaire, les spécialistes de néologieretiendront au moins deux choses : tout d’abord, la forte innovation lexicale au sein d’un domaine frappé par le tabou et l’interdit, contraintes qui amènent les locuteurs à mobiliser « toute la gamme des procédés de création, toutes les stratégies d’atténuation aussi bien que d’accentuation » (p. 2). Rappelons que, parallèlement, l’innovation résulte également de la volonté de briser ces tabous et de gagner en visibilité, notamment au moyen de dénominations expressives telles que LGBT+, queer et l’un de ses équivalents français, transpédégouine. La vitalité des transferts linguistiques et culturels, qui entraînent toutes sortes d’adaptations formelles et sémantiques, est un autre aspect central des études de néologie. Grâce à son analyse rigoureuse des textes, LoVecchio a su reconstituer les chemins qu’empruntent les internationalismes liés à l’homosexualité et à mettre ainsi au jour l’évolution des principaux modes de diffusion de ce lexique.
Les mérites de cet ouvrage sont nombreux : clairement structuré, richement documenté et rédigé avec soin, il allie érudition philologique, 259rigueur méthodologique et richesse des sources, grâce notamment à l’utilisation des outils modernes d’exploitation de corpus. Si l’index permet la consultation ponctuelle, l’ouvrage peut fort bien se lire également de manière suivie. Ces qualités ainsi que l’approche à la fois comparative et historique en feront sans aucun doute un ouvrage de référence dans le paysage des dictionnaires spécialisés. Du point de vue thématique, le « LoVecchio » constitue d’ores et déjà une base incontournable pour les futures études sur le lexique de l’homosexualité et un outil précieux pour les spécialistes d’histoire des mentalités et des études de genre.
Vincent Balnat
LiLPa (UR 1339)
Université de Strasbourg
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Villar Díaz María Belén, Hoyos José Carlos de, Dury Pascaline, Makri-Morel Julie et Renner Vincent (dir.) (2021),La néologie des langues romanes : nouvelles approches, dynamiques et enjeux, Berlin, Peter Lang, 322 p. – ISBN 978-3-631-85507-2.
L’ouvrage collectif de 322 pages, dont la préface de María Belén Villar Díaz fait une présentation détaillée et efficace, réussit la gageure d’appréhender un phénomène linguistique complexe : la néologie. En effet, d’aucuns y voient la manifestation protéiforme d’une langue en pleine vie – la « polyédricité » du phénomène selon María Teresa Cabré (2008, 2021)10 – comme l’affiche d’emblée le sous-titre de la préface : Acercamientos poliédricos a la neología : entre diacronía y sincronía, significante y significado, formación e identificación. D’autres, comme le néologue 260Jean-Claude Boulanger11, considèrent comme évanescent le concept rattaché à la néologie, au point de douter de son existence. Pourtant, encore tout récemment, en pleine pandémie, qui n’a pu voir fleurir, dans la langue médicale, médiatique ou générale, des néologismes formels tels que coronavirus, covidiot, cas contact, déconfinement, zoomapéro ou sémantiques comme confinement, distanciationsociale, quarantaine ? C’est dire ô combien cet ouvrage s’ancre dans un contexte des plus actuels et pose les jalons d’un parcours à la fois épistémologique et empirique sur le sujet. En effet, tout au long de cinq chapitres qui se complètent, d’extension variable, linguistes et terminologues de renommée et de provenance internationales invitent à réfléchir à des néologismes détectés et analysés dans quatre langues romanes (espagnol, galicien, français et catalan), concernant le lexique général ou spécialisé (sciences et technologies, philosophie, mines, tannage du cuir, topographie, politique, botanique, zoologie, physique des particules, etc.). La perspective adoptée est synchronique ou diachronique, voire les deux.
Le premier chapitre, intitulé Diachronie : néologie et lexicographie, regroupe quatre articles qui, selon l’éclairage diachronique, analysent la néologie à partir des dictionnaires de langue espagnole, du xve siècle à nos jours.
Dans le premier article, Cecilio Garriga brosse le portrait d’une terminologie scientifique et technique de l’espagnol moderne. L’auteur observe une période de cent ans intégrant quatre étapes chronologiques, de 1884, avec la publication de la 12e édition du Diccionario de la lengua castellana (RAE), à 1984, date à laquelle voit le jour la 20e édition académique du Diccionario de la lengua española.
Dans la contribution suivante, un retour au xve siècle est effectué. Gloria Guerrero Ramos analyse avec précision le statut néologique des 71 formes telles que bendezir, berenjena, dama, etc., répertoriées par le grammairien et lexicographe du xve siècle, Antonio Nebrija, figurant dans le premier dictionnaire de langue espagnole, le Diccionario latino español (1492).
Dans son étude, Elena Carpi repère habilement par discrimination, à l’aide du Diccionario de Autoridades (1726-1770) et du Corpus del Nuevo Diccionario Histórico (2013), les 94 néologismes appartenant au lexique philosophique (materialismo, denudación, dientes de dragón, etc.) introduits par le père Terreros dans le Diccionario castellano con las voces de ciencias y artes.
261L’article de Miguel Ángel Puche Lorenzo conclut ce chapitre. à partir de deux glossaires du xviiie et du xixe siècles intégrés à des traités miniers, l’auteur relève et analyse le fonctionnement de néologismes tels que alcalí, ojos de metal,etc., présents dans le lexique technique minier espagnol.
Le deuxième chapitre, intitulé Procédés de formation, est copieusement nourri par des contributions relatives aux différents mécanismes lexicogéniques utilisés en français comme en espagnol.
Le premier article, rédigé par José Agustín Torijano, démontre, selon une approche diachronique et synchronique, dans quelle mesure la composition, en tant qu’« ADN de nuestra lengua12 » (p. 92), représente un procédé de grande vitalité en langue espagnole, passée et contemporaine. À l’aide de nombreux exemples et de schémas illustratifs, l’auteur met en exergue comment la composition intégrale, tronquée (ex. cíber pour cíbercafé13, p. 95), tronquée et agglutinée (ex. finde pour fin de semana14, p. 95) du registre familier, constitue, entre autres, un mécanisme rentable et transparent.
La deuxième contribution, proposée par Mario Salvatore Corveddu, offre – en diachronie (xviiie-xixe siècle) – une analyse quantitative et qualitative des procédés néologiques, formels et sémantiques observés dans un lexique technique rarement abordé, celui du tannage du cuir et des peaux, en Espagne. Le lexique étudié se compose de 714 unités (tabla de descarnar, cuero charolado15, etc.) extraites de cinq manuels appartenant au domaine en question.
Avec les deux contributions suivantes, nous revenons à l’époque actuelle. Ramón Martí Solano traite de deux calques phraséologiques de l’anglais, « trou noir » (black hole) et « canard boiteux » (lame duck), repérés dans un corpus comparable constitué d’articles de journaux de LeMonde, The Guardian et The New York Times, entre 2000 et 2017. L’auteur les analyse à l’aide du logiciel de statistique textuelle AntConc. Il propose d’ailleurs que le procédé de calque phraséologique soit inclus « dans les matrices responsables de la création de néologismes sémantiques, en intégrant la matrice externe » (p. 144).
Dans l’article suivant, Étienne Quillot analyse les néotoponymes désignant les nouveaux groupements communaux établis en France en 2018, ainsi que leurs procédés lexicogéniques, tels que la concaténation 262de noms propres et noms ou adjectifs les plus évocateurs du territoire. Si certains de ces néotoponymes semblent adaptables à la dérivation pour la création de gentilés ou d’adjectifs (sophipolitain pour la communauté d’agglomération de Sophia Antipolis, p. 154), d’autres, trop complexes, ne le permettent pas (par ex. Communauté de communes Seine et Aube, p. 157).
Le troisième chapitre regroupe trois articles qui examinent les néologismes de sens qu’on associe d’habitude à la métaphore et à la métonymie.
La première contribution accueille certains termes médicaux qui, au moyen des médias, sont passés dans le discours politique sous la forme de néologismes sémantiques métaphoriques, témoignant ainsi des préoccupations du citoyen du xxie siècle quant aux maladies et à la santé. C’est ainsi que Rosa Estopà analyse leur manifestation dans un corpus de discours politico-médiatiques espagnols portant sur le processus d’indépendance de la Catalogne, dans le but de démontrer qu’ils contribuent à la campagne de discrédit opérée à l’encontre des partisans du referendum : extirpar la metástasis separatista16 (p. 177), narcótico social17 (p. 179).
Dans l’article suivant, Pierre J. L. Arnaud se penche sur 18 unités lexicales dérivées ou composées, tirées de la base documentaire Europresse, qui tendent de plus en plus à remplacer, en discours, d’autres unités plus simples à référence identique, comme différentiel pour différence ou problématique pour problème. Leur évolution chronologique croissante tout au long du xxie siècle, constatée au moyen de GoogleN-Gram,résulte de plusieurs facteurs socioculturels comme l’extravagance, la langue de bois ou le goût pour l’imitation.
Bertha Guzmán Velasco rend compte, quant à elle, d’une néologie sémantique à emploi métaphorique qui illustre à quel point la langue, dans sa pleine vivacité créatrice, joue et se joue du lexique. Ainsi, l’« homonymie parasitaire », dénomination proposée par le lexicographe académicien Diego Varela Villafranca, est-elle une forme de néologie spontanée, expressive, observée dans l’espagnol familier du Pérou et d’autres parties d’Amérique latine, consistant en l’association, par homonymie, du signifiant d’un terme et d’un des signifiés d’un autre terme. La compréhension se fait alors grâce au contexte : celofán18 au lieu de celos19 (p. 209).
Pour clore ce chapitre, Micaela Rossi mène une réflexion sur la création néonymique en tant que « force puissante dans la mise en forme 263de la vision d’un domaine, et finalement un pouvoir de manipulation idéologique dans la conceptualisation de secteurs de la connaissance » (p. 216). Selon l’auteure, ce type de néonymie fondé sur une métaphore est un « catalyseur d’orientation du concept » : cellule tueuse, famille de gènes (p. 217), dans lequel s’effectue un « nomadisme » (p. 218) paradigmatique entre domaines de spécialité, comme l’illustre le terme écosystème qui, issu de la botanique et de la zoologie, se redéploie dans divers domaines récepteurs tels que l’écologie, l’éducation, l’informatique, etc.
Le quatrième chapitre, plus ramassé et composé de deux articles, s’attèle aux gallicismes en espagnol, galicien et catalan, un type d’emprunt qui intègre la matrice lexicogénique externe (Tournier 1985, 1991).
Stéphane Oury nous offre à ce sujet un panorama lexicographique intéressant reposant sur un lexique de 383 gallicismes communs à l’anglais et à l’espagnol, formant ainsi « un ménage à trois » (p. 239) où l’anglo-américain, tel un « cheval de Troie » (p. 236), introduit dans la langue espagnole des gallicismes exportés depuis des siècles, comme control, souvenir ou chic (p. 237).
Pour sa part, Alexandre Rodríguez Guerra étudie en détail les incursions gallicisantes des néologismes détectés par les Observatoires de néologie des Universités de Vigo et de Pompeu Fabra. Ces gallicismes proviennent de la presse actuelle non spécialisée en galicien (1,4 %), catalan (4,5 %) et castillan (5,9 %), durant les trois dernières années consultables, dans des domaines de prédilection tels que la gastronomie, la restauration, la mode ou la société.
Le cinquième chapitre, de taille également plus réduite et rassemblant deux contributions, présente des méthodes outillées de détection des néologismes. Le premier article, co-écrit par Anne Condamines, Julie Humbert-Droz et Aurélie Picton, aborde la néologie par déterminologisation dans le domaine de la physique des particules, à partir d’un corpus comparable constitué d’un corpus de presse et d’un corpus scientifique. Pour ce faire, deux méthodes outillées sont utilisées de manière complémentaire : d’une part, les méthodes ascendantes, bottom-up (ou corpus-driven) qui s’appuient sur une démarche inductive, faisant intervenir des connaissances linguistiques a priori sur le fonctionnement néologique, et d’autre part, les méthodes descendantes, top-down (ou corpus-based) qui procèdent selon une démarche déductive où les faits linguistiques sont conçus comme « émergeant » du corpus (Condamines & Dehaut 2011 : 275). Ces méthodes permettent aux auteures de définir plusieurs types de contextes en lien avec la déterminologisation, tels que 264la vulgarisation, le transfert dans d’autres domaines, la stimulation des lecteurs ou l’emploi métaphorique.
L’article qui clôt ce chapitre propose, sous la plume de Patrick Drouin, de passer en revue les principales méthodes de linguistique de corpus et du TAL pour la détection des néologismes (corpus d’exclusion lexicographique, corpus d’exclusion textuel, variation de fréquence, hypothèse distributionnelle). C’est ainsi que l’auteur met savamment en exergue les avantages et les inconvénients de chacune d’entre elles, au moyen de tests efficaces réalisés sur un corpus de deux milliards d’occurrences, issu de l’ensemble des publications du journal Le Devoir, publié au Québec entre 1910 et 2008.
À l’image du concept de poliedricidad évoqué plus haut, l’ouvrage présente l’intérêt d’offrir plusieurs angles de vue méthodologiques, divers phénomènes linguistiques, discursifs, socioculturels et cognitifs, rattachés aux néologismes présents dans la langue commune ou spécialisée, saisis dans leur diachronie et/ou leur synchronie. C’est en cela qu’il livre un matériau de premier choix aux immenses ressources. De plus, cet ouvrage collectif constitue un appréciable apport aux articles tirés essentiellement de la quatrième édition du Congrès International de Néologie de langues romanes (CINEO4, Lyon, 2018), dont une partie a été publiée dans le numéro 14 de Neologica (2020). L’intérêt supplémentaire du volume réside en sa richesse bibliographique venant compléter une littérature récente et prolifique sur la néologie, comme l’attestent les références bibliographiques qui abondent au fil des pages, ou celles opportunément proposées par Humbley (2020), indiquées dans une note de bas page de la préface.
Indubitablement, La néologie des langues romanes : nouvelles approches, dynamiques et enjeux marque une étape supplémentaire de l’édification épistémologique dans ce que Guilbert (1973 : 29) appelait déjà l’« ère néologique ». Que l’ouvrage intègre la bibliothèque numérique ou physique de tout romaniste curieux du phénomène ne serait donc pas surprenant ; souhaitons-le même tant il s’agit d’une réalisation éditoriale appelée à devenir un incontournable pour les linguistes romanistes que nous sommes.
Stéphane Patin
Clillac-Arp, EA 3967
Université de Paris
265Références bibliographiques
Boulanger Jean-Claude (2009), Compte rendu de Neologica, 1 (2007), Meta, 54/2, p. 372-376.
Cabré Maria Teresa (2008), « El principio de poliedricidad : la articulación de lo discursivo, lo cognitivo y lo lingüístico en terminología », Ibérica, 16, p. 9-36.
Cabré Maria Teresa (2021), « Une théorie multidimensionnelle des néologismes », Neologica, 14, p. 25-41.
Condamines Anne et Dehaut Nathalie (2011), « Mise en œuvre des méthodes de la linguistique de corpus pour étudier les termes en situation d’innovation disciplinaire : le cas de l’exobiologie », Meta, 56/2, p. 266-283.
Guilbert Louis (1973), « Théorie du néologisme », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 25, p. 9-29.
Humbley John (2020), « Bibliographie de la néologie », Neologica, 14, p. 235-257.
Tournier Jean (1985), Introduction descriptive à la lexicogénétique de l’anglais contemporain, Paris-Genève, Champion-Slaktine.
Tournier Jean (1991), Structures lexicales de l’anglais. Guide alphabétique, Paris, Nathan.
1 Sans indulgence toutefois : Kacprzak (2021 : 272-273) lance une discussion constructive sur certains aspects de la classification des procédés néologiques défendue par JFS (chapitre 6). Indiquons à cet égard l’existence d’autres classifications, tout aussi systématiques, comme celle de Maria Teresa Cabré et de ses collaborateurs (2021).
2 Ce que font les systèmes de veille néologique qui s’appuient sur un lexique d’exclusion.
3 Selon JFS, « on peut considérer qu’il y a néologie pour toute apparition d’un nouveau signifiant, y compris homonymique d’un signifiant déjà existant, et tout nouvel emploi par rapport à un savoir [linguistique] intégré tant dans le sens que dans la combinatoire » (p. 42, nous soulignons).
4 La définition de JFS est fort similaire à celle, tout aussi structuraliste (i.e. relationnelle ou différentielle, voir notre soulignement en note 3), que Coseriu donne du terme innovation (phonétique, lexicale, etc.), un terme relativement répandu en romanistique allemande (Winter-Froemel 2020) : « Tout, dans ce qui est dit par l’individu parlant – en tant que moyen linguistique –, ce qui s’éloigne des modèles existants dans la langue par laquelle s’établit la conversation, peut être appelé innovation » (Coseriu 1958/1973, chap. iii). Ce n’est donc pas dans la définition « brute » (ou restreinte) du terme néologisme qu’est lisible la particularité de ce concept et, en toute rigueur, le terme innovation lexicale suffirait parfaitement à recouvrir la définition donnée par JFS qui, considérée en elle-même, est muette sur tous les facteurs qu’implique le phénomène de la néologie.
5 Voir, entre autres, les aspects psychologiques et épilinguistiques qui sont exposés p. 190-193.
6 Rendons ici hommage au néologue-créateur qui forgea, entre autres, paléologisme (p. 206, dont la signification diffère du « paléologisme » de Schmidt 1982/1983) ainsi qu’au néologue-transmetteur (de mots et de savoir) qui entendait promouvoir l’adjectif colludique (issu de la thèse de Vorger 2011 : 200).
7 Cette acception du terme style renvoie à un type de normes plus général que les genres (Gérard 2021). Plus précisément, un style collectif résume les habitudes langagières propres à un groupe social donné (au sein d’une culture donnée).
8 L’index des notions ne répertorie ni « texte » ni « textuel » ni « textualité ». Cette absence n’est pas propre à JFS : les néologues méconnaissent généralement les disciplines du texte.
9 Voir, dans ce volume, l’article que Valérie Delavigne consacre à la notion de domaine.
10 Ce principe est opérationnel pour les néologismes, car il renvoie au fait que « les termes sont des unités interdisciplinaires composées de volets ou de facettes distincts, chacun correspondant à un plan d’analyse différent » (Cabré 2008 : 33).
11 « La néologie est un concept évanescent, difficile à saisir. On pourrait même se demander si elle existe vraiment » (2009 : 372).
12 « ADN de notre langue ».
13 « cybercafé ».
14 « week-end ».
15 Respectivement, « table à dépecer, cuir verni, etc. ».
16 « extirper la métastase séparatiste ».
17 « narcotique social ».
18 « cellophane ».
19 « jalousie ».
- Thème CLIL : 3147 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Linguistique, Sciences du langage
- ISBN : 978-2-406-13219-6
- EAN : 9782406132196
- ISSN : 2262-0354
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-13219-6.p.0247
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 11/05/2022
- Périodicité : Annuelle
- Langue : Français