Résumés
- Publication type: Article from a collective work
- Collective work: Montaigne, penser en temps de guerres de Religion
- Pages: 419 to 424
- Collection: Constitution of Modernity, n° 28
Résumés
Emiliano Ferrari, Thierry Gontier, Nicola Panichi, « Introduction »
Toile de fond de l’écriture des Essais, les guerres de Religion représentent un défi pour la pensée de son auteur. Quelle attitude tenir face aux partis belligérants ? Comment conserver sa loyauté vis-à-vis des autorités en place tout en conservant la possibilité d’un jugement critique ? Comment envisager le « monde d’après », à partir d’une réforme éthique des individus ? Ce sont là les questions auxquelles nous espérons répondre à partir d’une analyse tant interne que contextuelle des Essais.
Jean Balsamo, « Le discours anti-protestant de Montaigne dans les dernières rédactions des Essais »
Cette contribution cherche à mettre en évidence la cohérence du discours politique et religieux des Essais, en relation à la représentation que Montaigne donne de lui-même en noble catholique. La forte présence d’arguments contre les protestants dans les dernières rédactions, alors que les guerres de Religion se transforment en guerre de succession au trône, a pour but de confirmer sa foi, sa fidélité à sa parole et à sa conception du bien public, au moment de son ralliement à Henri de Navarre.
Frank Lestringant, « Montaigne anti-protestant »
L’hostilité de Montaigne envers la Réforme est étudiée ici à partir d’un relevé des occurrences de termes-clés « Réforme », « réformation », « protester », « protestant ». Cette hostilité, qui n’est pas simple défiance, n’est jamais fondamentale ni résolue. Elle est toujours teintée d’humour, prête au retournement et au paradoxe. Ce que Montaigne reproche en définitive à la Réforme, c’est sa raideur, son incapacité à reconnaître la muabilité de l’homme et à se plier au dogme reçu depuis des siècles.
420Nicola Panichi, « “Aux guerres qui pressent à ceste heure nostre estat”. Montaigne au miroir de la première censure »
Après la première censure des Essais, Montaigne met au clair son point de vue dans l’ajout de l’incipit du chapitre « Des prieres » : il faut séparer les domaines de la théologie et de la philosophie ; pas d’hérésies là où il n’y a que des pensées pleines d’incertitude et de recherche. Beaucoup de termes employés par Montaigne n’étaient en effet pas du goût de la censure. Aux yeux des consultores parfois Montaigne s’approche pernicieusement de certaines positions protestantes.
Alain Legros, « Montaigne, son Éphéméride et la Saint-Barthélemy. Réflexions autour d’un silence »
Montaigne ne parle pas de la Saint-Barthélemy. Sur son éphéméride, la page du 24 août est vierge. Dans ses Essais, rien ne distingue ce « massacre » de tous ceux qui ont été perpétrés de son temps ou dans des temps anciens. Il lui arrive aussi d’utiliser ce mot pour parler de ce que la justice fait subir à des individus. À la faveur de possibles allusions, il paraît cependant s’interroger sur la tragique décision du « pauvre feu roi Charles IX » et, déjà, sur les limites de la raison d’état.
Gaia Anselmo, « “Les mestis qui troublent le monde”. Montaigne e il doppio volto della nouveauté »
Montaigne craint l’esprit d’innovation en matière politique et religieuse et recommande donc l’obéissance à l’autorité établie. Cependant, il se place parmi les « mestis qui troublent le monde » ; en fait, le croisement « métis » entre la pensée et d’autres mondes, ou l’observation de corps mixtes et monstrueux révèlent des « reigles de vivre neufves » qui peuvent convertir la monstruosité de la cruauté en la monstruosité bénéfique de nouvelles possibilités déployées par la morale naturelle.
Arlette Jouanna, « Avoir des amis chez l’ennemi intérieur. Montaigne au risque de la trahison »
Les guerres civiles ont modifié le sens des mots « ennemi » et « ami ». L’ennemi n’est plus seulement l’étranger ; ce peut être un voisin, un parent, 421un ami masqué. Elles ont aussi fait surgir un dilemme : peut-on conserver des amis parmi ceux que la loyauté au roi et à l’Église catholique enjoint de considérer comme ennemis ? La réponse positive de Montaigne à cette question l’a exposé au soupçon de trahison, prix à payer pour faire triompher la « raison publique » sur les passions partisanes.
Alexandre Tarrête, « Penser la neutralité en temps de guerre civile. Bodin, Lipse, Montaigne »
À l’heure des affrontements confessionnels, est-il possible de rester neutre ? Est-il licite, voire souhaitable, de se mettre en retrait, pour se protéger soi-même et pour éviter de participer aux violences et aux massacres ? Des penseurs engagés comme Bodin, Lipse et Montaigne se sont penchés à nouveaux frais sur le problème de la neutralité en temps de guerre civile, en relisant les textes fondateurs d’Aristote, de Cicéron, de Lucrèce, de Plutarque ou d’Aulu-Gelle.
Celso Azar, « La notion de réformation chez Montaigne »
L’article analyse le concept de réformation dans les Essais. Au-delà de sa critique des réformes politico-religieuses, Montaigne milite en faveur d’une réforme morale. Ce projet de réforme laisse de côté les médiations théologiques traditionnelles : l’essai se présente comme une méthode pratique, expérimentale et heuristique pour chercher à accomplir le bonheur et le plaisir terrestres, malgré nos faiblesses naturelles.
Véronique Ferrer, « “Sainement et gaiement vivre” au temps des guerres de Religion. La leçon humaniste de Montaigne »
La leçon humaniste de Montaigne est inextricablement liée à une pensée politique qui s’enracine dans l’expérience de la tourmente civile. C’est le spectacle des dérèglements humains et des désolations publiques qui conduit l’auteur des Essais à formuler, en des termes polémiques et à dessein provocateurs, une conduite de vie fondée sur la santé et la gaieté, repensant le bien vivre et le bien mourir des stoïciens et des chrétiens, à la lumière d’une « sagesse gaie et civile » (III, 5).
422Federico Baglivo, « The case against violence during the Wars of Religion. Nature and education in Montaigne’s Essays »
Nous analysons la question de la violence dans les Essais selon deux perspectives : le monde naturel et l’éducation. D’une part, le concept de monde naturel acquiert une pertinence particulière en tant que point d’origine idéal pour la construction d’une communauté politique pacifique. D’autre part, la théorie éducative de Montaigne se présente, dans le contexte politique et social français de la seconde moitié du xvie siècle, comme un rempart et un remède contre la propagation de la violence.
Douglas I. Thompson, « Construire un avenir commun en période de conflit. Les conseils politiques de Montaigne »
S’appuyant sur son expérience de négociateur, Montaigne développe un modèle littéraire fondé sur un ensemble de capacités qui, selon lui, lui ont permis de s’engager en dialogue productif avec les membres des partis opposés. Montaigne indique aussi la manière dont ses lecteurs peuvent acquérir ces capacités, afin de devenir également des personnes capables de parler à « l’autre partie » dans des conditions de conflit politique.
Thierry Gontier, « Apprendre des guerres de Religion. La leçon libérale de Montaigne »
Les guerres de Religion révèlent à Montaigne le vrai fondement de la société : l’individu, engageant avec la société un nouveau type de dialogue. La retraite de Montaigne désigne moins un exil dans une intériorité apolitique qu’elle met en relief la valeur de l’individu compris dans son caractère pré-social. Montaigne demande à la société de protéger sa liberté. Par derrière sa description de son caractère idiosyncratique, celui-ci pose les bases d’une déclaration des droits.
Renzo Ragghianti, « Il pensiero giuridico di Montaigne. Tra mos italicus e mos gallicus »
Les guerres de Religion sont ici rapportées au mouvement juridique de codification écrite des coutumes. Chez Montaigne le terme « justice » est un terme polysémique, non dénué d’indétermination. C’est grâce à son activité quotidienne au parlement de Bordeaux qu’il prend conscience de l’absence tant d’un fondement 423théorique que d’un fondement pratique de la justice. Cet article analyse les implications de ce scepticisme juridique en le rapportant au contexte de l’époque.
Michele Ciliberto, « Machiavelli e l’arte della guerra »
Machiavel tente d’évaluer la place de la guerre dans la vie politique des États. L’usage des armes doit être subordonné à un ethos civique et religieux, qui assure à « l’arte della guerra » une fonction d’unification et de pacification civile. À défaut de cet ethos, les armes deviennent un instrument de corruption et d’abus, dont le « zèle » de certains groupes, ligues, partis et chefs s’empare afin de réaliser des desseins personnels et passionnels.
Philippe Desan, « Penser la loi au temps des guerres de Religion. La Boétie et Montaigne »
Montaigne n’a jamais soutenu les massacres dans sa région, mais il a participé activement à la répression contre les protestants dans les années 1560, en tant que parlementaire, puis silencieusement au début des années 1580. Comment expliquer ce décalage entre ce que nous savons de la vie publique de Montaigne et ce qu’il nous dit de son rapport au pouvoir politique ? Sa conception de la loi fut fortement influencée par les guerres de Religion, mais aussi par son expérience au parlement.
Olivier Millet, « La génération des guerres de Religion et son catholicisme moderne. À propos de la lettre de Montaigne sur la mort de La Boétie »
Le catholicisme de Montaigne, dans son traditionalisme affiché, est moderne. Une nouvelle interprétation de la lettre de Montaigne sur la mort de La Boétie fait ressortir la surdité de l’auteur au propos de son ami agonisant : celui-ci exprimait, au moment de mourir, une vision mystique appuyée sur sa dévotion à son saint patron, saint Étienne. Montaigne n’y a rien compris, ce qui donne à réfléchir sur le catholicisme de l’auteur des Essais.
Marco Sgattoni, « “[…] Nous estimons heretiques tous ceux qui ne s’accordent avec nous en notre opinion ”. Lectures et lecteurs de Sébastien Castellion »
La comparaison de Montaigne et de Castellion met en lumière des liens conceptuels et les lignes d’influence qui unissent ces deux défenseurs d’une 424paix, certes promise dans les mots, mais immanquablement trahie dans les faits. Cet article vise à présenter la pensée de l’humaniste savoyard, en mettant en valeur les références textuelles pour éclairer les parentés entre les deux auteurs.
Rosanna Gorris Camos, « “J’essaye de soubstraire ce coing à la tempeste publique, comme je fay un autre coing en mon ame” (II, 15, 617). Montaigne e le guerre di religione, frammenti di una riflessione »
Les guerres civiles constituent la toile de fond des Essais et de l’existence même de Montaigne. Celui-ci réfléchit sur la guerre, sur la dignitas et sur la miseria hominis, en s’inspirant d’hommes-phares de l’Antiquité et de son époque. En évoquant Jean Wier, Lilio Gregorio Giraldi, Castellion ou Michel de L’Hospital, il exprime ses idéaux de tolérance et la nécessité de trouver une thérapie pour les troubles qui affectent le corps malade de la France.
Simonetta Bassi, « Fanatismo e intolleranza negli scritti francesi di Giordano Bruno »
La réflexion de Giordano Bruno témoigne de l’étroite conjonction entre gnoséologie, épistémologie et exercice de la tolérance. L’Ars memoriae repose – tout comme l’essai montaignien – sur une conscience aiguë de la diversité des voies d’accès dans la recherche du vrai. En combattant le fanatisme gnoséologique régnant dans les universités de France et d’Angleterre, Bruno prône ainsi une sagesse bienveillante, fondée sur une sereine acceptation de la diversité humaine.
- CLIL theme: 4127 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Philosophie -- Philosophie éthique et politique
- ISBN: 978-2-406-11912-8
- EAN: 9782406119128
- ISSN: 2494-7407
- DOI: 10.48611/isbn.978-2-406-11912-8.p.0419
- Publisher: Classiques Garnier
- Online publication: 01-05-2022
- Language: French