Le XVIL siècle, réputé pour sa profondeur spirituelle, présente une étonnan- te galerie de saintes et de saints, de femmes et d'hommes moins connus égale- ment hantés par la vie intérieure, ses ombres et ses éblouissements. Certains ont fait l'objet de biographies : des éditions critiques ont été publiées pour nombre d'entre eux, tels François de Sales et Pierre de Bérulle, Jeanne de Chantai et Charles de Condren, mais beaucoup d'autres restent encore méconnus, dans l'ombre, en dépit d'archives existantes. Il en va ainsi de la plupart des hommes et des femmes de Port-Royal et du cercle qui gravite autour de la célèbre abbaye de la vallée de Chevreuse. Longtemps l'apanage des hagiographes, ces personnages devinrent très lente- ment l'objet de travaux scientifiques au cours des années trente et surtout des années cinquante du XX® siècle, dans le sillage de Jean Orcibal et de Louis Cognet. Les premières personnalités étudiées et analysées ont été les plus emblé- matiques du courant comme Jean Duvergier de Hauranne et Jansénius, Angélique Amauld et Angélique de Saint-Jean Amauld d'Andilly. Puis le glissement progressif de l'histoire des grands personnages vers une histoire des groupes et des réseaux conduisit les historiens vers l'observation d'hommes relais, sortes de médiateurs spirituels ou culturels comme sont les curés et les directeurs spirituels. Le vivier de ces hommes est quasi inépuisable au XVII® siècle : ainsi furent étudiés les mémorialistes de Port-Royal, comme Nicolas Fontaine et Pierre Thomas du Fossé, mais aussi les théologiens Antoine Amauld et Pierre Nicole, l'évêque d'Angers Henri Amauld et le médecin Jean Hamon. Au cours de la même décennie, Anne-Claire Josse eut l'intuition qu'Antoine Singlin, directeur spirituel de Port-Royal au temps de l'âge d'or et de la première persécution, offrait de multiples facettes : à la fois celles de directeur spirituel et de membre du cercle de Port-Royal. La tâche à mener était ardue, car le corpus des lettres était géographiquement dispersé, de nombreux inédits étaient signalés çà et là, et des lettres autographes étaient conservées dans plusieurs fonds privés. Surtout, l'écriture de ce prêtre peu lettré était incertaine et difficile à déchiffrer. Cette aventure faite de quête archi- vistique et d'analyse paléographique ne rebuta pas Anne-Claire Josse, qui mit toutes ses compétences d'archiviste paléographe au service de ce mde exercice. Ce livre est tiré de son travail de thèse, soutenue en 2000 à l'École nationale des Chartes. Les membres du jury saluèrent cette performance d'une mention très bien, à l'unanimité.
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Lettres d'Antoine Sing lin
D'abord attachée à établir l'édition critique des lettres d'Antoine Singlin, Anne-Claire Josse avait été amenée à élargir son travail au personnage lui-même, en proposant une biographie et une étude de la spiritualité de Singlin. Le présent ouvrage synthétise ces recherches, avant de proposer l'intégralité des lettres du directeur identifiées à ce jour. Ainsi se trouve peu à peu complétée la liste des publications des lettres des femmes et des hommes de Port-Royal : après celles, assurément incomplètes, procurées au XVIP siècle, de l'abbé de Saint-Cyran, de Robert Amauld d'Andilly et de Le Maistre de Sacy, ce seront les grandes éditions des lettres d'Antoine Arnauld, de Pierre Nicole et de la mère Angélique Amauld. Plus tard, les XIX® et XX® siècles verront la publication des lettres de la mère Agnès Arnauld, de Martin de Barcos, de Saint-Cyran et de Jansénius... Le livre qui est édité aujourd'hui met au grand jour le prédicateur et le voya- geur, le confesseur, directeur et supérieur de religieuses, un personnage de pre- mier plan, en dépit de sa modestie, de l'histoire de Port-Royal, avec ses états d'âme, ses héritages « saint-cyraniens » marqués, ses dirigés célèbres et sa méthode tout en demi-teinte. Il met soudain en pleine lumière les mécanismes de la direction spirituelle au XVII® siècle, il révèle des âmes attachées à Port-Royal, il aborde les grands débats qui animent l'honnête homme du Grand Siècle. Anne- Claire Josse, grâce à sa double formation d'historienne et de paléographe, nous offre un magnifique travail qui éclaire le « siècle des saints ».
