Avertissement
- Type de publication : Chapitre d’ouvrage
- Ouvrage : Les Savoirs sur l’animal dans l’Encyclopédie méthodique. Tome I
- Pages : 85 à 90
- Nombre de volumes : 2
- Collection : Bibliothèque du xviiie siècle, n° 47
Avertissement1
L’Histoire Naturelle des Animaux est précédée par une Introduction aux trois Règnes de la Nature et par l’Histoire Naturelle de l’Homme, par M. Daubenton, de l’Académie Royale des Sciences, Lecteur et Professeur d’Histoire Naturelle au Collège Royal de France, Garde et Démonstrateur du Cabinet du Jardin du Roi, etc. Ce Dictionnaire est divisé en six parties, dont la première contient les Animaux quadrupèdes, auxquels on a joint les cétacés, rédigée d’après l’Histoire Naturelle des Animaux, de M. de Buffon2 ; la seconde, les Oiseaux, par M. Mauduit, Docteur-Régent de la Faculté de Paris, et Membre de la Société Royale de Médecine ; la troisième, les Quadrupèdes ovipares et les Serpents, par M. Daubenton ; la quatrième, les Poissons, par le même ; la cinquième, les Insectes, par M. Gueneau de Montbeillard, Académicien honoraire de l’Académie de Dijon ; la sixième, les Vers, par M. Daubenton3.
86L’Introduction à l’Histoire Naturelle commence par la définition de cette Science et par l’énumération abrégée de ses différents objets. Ensuite on indique les limites de l’Histoire Naturelle relativement aux autres Sciences qui ont le plus de rapports avec elle : telles sont l’Anatomie, la Matière médicale, la Botanique, la Culture des plantes, la Chimie, la Métallurgie, etc.
On explique les principes des distributions méthodiques des productions de la Nature en règnes, ordres, classes4, genres, espèces, sortes et variétés.
Ensuite l’on discute cette grande question d’Histoire Naturelle, savoir si la Nature passe d’une espèce à une autre par des nuances successives ; si toutes les espèces de ses productions pourraient être rangées sur une même ligne, de manière que chaque espèce aurait plus de rapports avec celles qui l’avoisineraient, qu’avec aucune des autres ; ou si cet ordre, au lieu d’être continu, serait interrompu par des lacunes entre des espèces qui n’auraient pas des caractères propres à former une sorte de liaison entre elles. On trouve exposées dans l’Introduction à l’Histoire Naturelle les raisons qui ont été données par différents Auteurs pour prouver qu’il y a des êtres intermédiaires qui participent de la nature des minéraux et des végétaux et qui indiquent une sorte de passage entre le Règne animal5 et le Règne végétal, et d’autres êtres qui forment une liaison entre le [vj] Règne végétal et le Règne animal. À la suite de cet exposé, est rapportée l’opinion des Naturalistes qui pensent, au contraire, que l’on n’a eu, jusqu’à présent, aucunes preuves décisives de passage ou de liaison entre les Règnes de la Nature6.
On fait mention des principaux Auteurs qui ont traité des trois Règnes de la Nature, et l’on donne quelques notices de leurs ouvrages.
L’Introduction à l’Histoire Naturelle est terminée par l’exposition des motifs par lesquels on s’est déterminé à faire des Dictionnaires particuliers, non seulement pour chaque Règne, mais aussi pour chacun des ordres ou grandes classes des productions de la Nature qui leur appartiennent.
87Quoique plusieurs Naturalistes nomenclateurs aient mis l’homme dans une même classe avec les animaux quadrupèdes, on ne confondra pas l’Histoire Naturelle de l’homme avec celle des animaux ; elle est placée à la tête du Dictionnaire des Quadrupèdes, après l’Introduction à l’Histoire Naturelle7.
Comme il y aura dans l’Encyclopédie méthodique des Dictionnaires particuliers pour l’Anatomie, la Médecine, l’Art du Dessin, etc., on ne peut répéter dans l’Histoire Naturelle de l’homme aucun des articles qui appartiennent à ces Dictionnaires : ainsi elle doit être réduite aux objets suivants.
Les différences qui sont entre la conformation du corps de l’homme et celle des animaux.
La naissance de l’homme et son éducation physique relativement à la force et aux proportions de son corps.
Les principales différences de la taille depuis le nain jusqu’au géant.
Les variétés de l’espèce humaine pour la couleur de la peau, les traits du visage, les proportions, la force et la vigueur du corps de l’homme, ses aliments, etc.
Ses différents âges, la durée de sa vie, sa mort, la décomposition de son corps, ses restes embaumés, pétrifiés, etc.8
L’Histoire Naturelle des animaux sera divisée en six Dictionnaires méthodiques ; le premier contient les quadrupèdes vivipares et les cétacés ; le second contiendra les oiseaux ; les quadrupèdes ovipares et les serpents seront dans le troisième Dictionnaire ; les poissons dans le quatrième ; les insectes dans le cinquième, et les vers dans le sixième.
Cette division du Règne animal, en six Dictionnaires, est nécessaire pour qu’ils soient plus méthodiques, et pour rendre par conséquent l’étude de cette Science plus simple et plus facile. Il aurait même fallu 88faire huit Dictionnaires conformément à la distribution méthodique des animaux qui les divise en huit ordres, et qui me paraît la mieux fondée sur leurs caractères distinctifs. Ces huit ordres comprennent 1º les quadrupèdes, 2º les cétacés, 3º les oiseaux, 4º les quadrupèdes ovipares, 5º les serpents, 6º les poissons, 7º les insectes, 8º les vers9. Mais les cétacés et les serpents ne sont pas assez nombreux ni assez connus pour suffire à deux Dictionnaires particuliers ; on a donc été obligé de mettre les cétacés dans [vij] le Dictionnaire des quadrupèdes vivipares et les serpents dans celui des quadrupèdes ovipares.
Quadrupèdes et Cétacés
Toute l’Europe s’accorde à regarder l’Histoire des animaux de M. le Comte de Buffon comme l’un des plus beaux ouvrages de ce siècle. On sent bien qu’avec un tel guide il serait superflu de chercher à s’ouvrir de nouvelles routes dans cette partie de l’Histoire Naturelle ; aussi l’Histoire des animaux quadrupèdes est-elle presque entièrement rédigée d’après celle de M. de Buffon, mais avec les modifications et la forme que prescrit le plan général de cette Encyclopédie10.
Pour nous y conformer en tout, nous donnons, à l’article Quadrupèdes, une distribution méthodique de leurs différentes familles ; mais notre méthode, simple et naturelle, ne fait que rapprocher ces animaux suivant que l’on peut remarquer entre eux plus de traits de conformité et de ressemblance : on a évité les réunions forcées, quelquefois monstrueuses, de natures éloignées et disparates, qui choquent dans la plupart des Nomenclatures, rien n’étant plus déplacé que ces contrastes pénibles dans une méthode dont le but est et doit être de réunir les êtres, et de les rassembler dans l’ordre de leurs grands rapports11.
Tout ce qui peut avoir paru de nouveau depuis la publication de l’Histoire des Quadrupèdes de M. de Buffon, ou ce qu’il y a lui-même 89ajouté dans ses Suppléments12, est refondu dans chaque article ; ceux des animaux sauvages sont enrichis de tous les détails de leur chasse.
Les espèces sont rangées dans ce nouveau Dictionnaire sous leurs véritables dénominations ; et tous les noms triviaux, savants, nationaux ou étrangers13 étant rapportés par renvois à ces vrais noms, on voit s’éclaircir la confusion dans laquelle l’ancienne Encyclopédie avait laissé cette partie de l’Histoire des Animaux ; souvent, en effet, dans cet Ouvrage on n’avait fait qu’extraire, sans discuter et sans comparer les objets, ce qu’avait dit chaque voyageur sur les animaux du pays qu’il parcourait ; de sorte qu’un même animal, donné plusieurs fois sous plusieurs noms barbares, n’était reconnaissable sous aucun14.
Les cétacés ou grands animaux marins du genre de la baleine, qui semblent, par leur forme extérieure et par l’élément qu’ils habitent, appartenir aux poissons, tiennent néanmoins aux quadrupèdes par une analogie de Nature bien plus étroite et plus intime ; ils respirent comme [viij] les quadrupèdes ; ils engendrent et même allaitent de15 leurs petits ; toute la conformation intérieure de leurs organes et de leurs viscères est la même16. D’après ces rapports singuliers et frappants, les cétacés semblent mieux placés dans le Dictionnaire des quadrupèdes que dans toute autre partie de l’Histoire Naturelle17.
90N. B. L’article Quadrupèdes est celui qu’on doit lire le premier, si l’on veut faire une lecture raisonnée de cet ouvrage, parce qu’il en expose tout le système et qu’il donne la distribution et la suite méthodique de ses différentes parties18. [j a]
1 Le premier paragraphe de cet avertissement, qui reprend presque exactement la partie du Prospectus de l’EM concernant l’histoire naturelle des animaux (voir le Mercure de France, 8 décembre 1781, p. 88-91), a sans doute été rédigé par Panckoucke, le reste par Daubenton : on le voit au fait que ce dernier emploie parfois la première personne dans le prospectus (« j’expliquerai », « je discuterai », etc.). La principale différence est le passage du futur au présent. On rappelle que la première partie de ce premier tome de l’Histoire naturelle des animaux paraît dans la première livraison de l’Encyclopédie méthodique, en novembre 1782.
2 Il n’y a pas d’autre exemple, dans la présentation des différents dictionnaires par Panckoucke, d’un paragraphe initial annonçant aussi explicitement la source principale (autre que la première Encyclopédie) d’une partie de l’EM. Il est vrai que Buffon est alors au sommet de sa gloire scientifique et littéraire, ce qui fait de cette référence un véritable argument publicitaire. Et d’autre part, Panckoucke est aussi l’éditeur de Buffon, dont l’ouvrage est toujours en cours : en 1782, seule la première partie de l’Histoire naturelle (généralités, histoire naturelle de l’homme et des quadrupèdes) est terminée, il manque encore quelques volumes de l’Histoire naturelle des oiseaux, l’Histoire naturelle des minéraux va tout juste commencer de paraître et le reste n’est qu’à l’état de projet.
3 Sur ces auteurs et leurs contributions réelles à l’EM, voir l’introduction. Le plan indiqué ici sera respecté dans son ensemble, mais l’histoire naturelle des insectes et des vers sera réalisée par d’autres naturalistes que ceux annoncés. En outre, dans le prospectus initial, Panckoucke ajoutait à la fin de ce premier paragraphe : « Ces six Parties seront imprimées à la suite les unes des autres, et formeront trois volumes in-4º ». Il semble déjà plus prudent quelques mois plus tard.
4 Il y a donc une inversion des catégories linnéennes de la classe et de l’ordre.
5 Lapsus : il faut évidemment lire : « minéral ».
6 Cette question des espèces intermédiaires revêt une importance capitale pour Daubenton et forme le thème principal du chapitre « Les trois règnes de la Nature » (infra, p. 113-122).
7 Le principal « naturaliste nomenclateur » visé ici est Linné. Daubenton reprend le principe de Buffon, qui lui aussi avait traité de l’homme dans une partie indépendante, avant les quadrupèdes, dans les volumes 2 et 3 de l’Histoire naturelle, générale et particulière.
8 Ces grands thèmes, à l’exception du premier, correspondent à ceux que Buffon et Daubenton lui-même ont traités dans la partie de l’Histoire naturelle consacrée à l’homme. Il est significatif que Daubenton les fasse précéder ici de la comparaison anatomique entre l’homme et les animaux, conformément à l’importance que, contrairement à Buffon, il accorde à l’approche morphologique. En outre, nous verrons que, dans le détail, Daubenton aborde de nombreux points négligés par Buffon, ce qui le conduit à compiler ici un autre ouvrage que l’Histoire naturelle, à savoir un traité de Haller.
9 Voir la classification proposée plus loin (p. 127) sous forme de tableau.
10 Sur les liens entre l’ouvrage de Buffon et l’EM, voir l’introduction.
11 Reprise d’un thème anti-linnéen majeur de l’Histoire naturelle, développé notamment dans le « Premier Discours » de 1749 (OC, vol. 1, p. 129-224).
12 Au moment où Daubenton rédige ce texte, Buffon n’a publié qu’un volume de Supplément consacré aux quadrupèdes (HNS, vol. 3, en 1776). Le suivant (HNS, vol. 6) est sur le point de paraître, en cette année 1782, et le dernier (HNS, vol. 7) paraîtra de manière posthume, en 1789.
13 Daubenton traite donc de la même manière les noms exotiques aux sonorités étranges (par exemple ceux qui ont été repris tels quels des récits des voyageurs dans la première Encyclopédie) et les noms « savants » des Linnéens.
14 [Note de l’auteur] Voyez dans l’ancienne Encyclopédie les mots Antamba, Aranata, Arougheun, Azèbre, Berri, Biscacho, Capivar, Camphur, Dabach, Hay, Hirara, Impagazza, Impalanca, Intienga, Machan, Nsossi, Pacquirer, Sigah-Gusch, etc., etc. [Sur ces articles, voir le tableau infra, p. 356-470. « Berri » ne correspond à aucun article de l’Encyclopédie, et il faut lire en fait « Impangazza » et « Pacquires ».]
15 Ce « de » est inattendu, et probablement le résultat d’une erreur.
16 Depuis 1758, Linné avait réuni les quadrupèdes vivipares et les cétacés dans la classe des Mammalia, sur la base des arguments anatomiques énoncés ici par Daubenton. Buffon ne tient évidemment aucun compte de ce regroupement, qui s’impose cependant peu à peu parmi les naturalistes dans les dernières décennies du xviiie siècle. Daubenton, tout en demeurant fidèle à Buffon et en faisant des cétacés un ordre indépendant dans sa propre classification, reconnaît que les rapports entre cétacés et quadrupèdes sont très étroits.
17 Daubenton ajoutait dans le prospectus de 1781 : « et leurs articles traités ici avec soin n’en feront que plus désirer l’Histoire de ces animaux, dont on s’occupe actuellement sous les yeux de M. le Comte de Buffon. On joindra à chaque article tout ce qui concerne la chasse et la pêche des quadrupèdes et des cétacées » (Mercure de France, 8 décembre 1781, p. 91). Mais l’Histoire naturelle des cétacés ne paraîtra qu’en 1804 et sera l’ouvrage de Lacepède.
18 Cette remarque ne figure pas dans le prospectus de 1781.
- Thème CLIL : 3439 -- LITTÉRATURE GÉNÉRALE -- Oeuvres classiques -- Moderne (<1799)
- ISBN : 978-2-406-09621-4
- EAN : 9782406096214
- ISSN : 2258-3556
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-09621-4.p.0085
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 07/07/2021
- Langue : Français