Un argument est absent de la querelle d’Homère. Les défenseurs du poète auraient pu mettre en doute la parole de Jupiter, souligner qu’il n’est après tout « qu’un dieu », un personnage, qui peut se tromper, car l’erreur est aussi divine. Qui, dans un récit, est habilité à promettre ? Que vaut la parole des personnages ? Faut-il faire comme les auteurs d’Ancien Régime et dire, en somme, Deus sive poeta ? Afin de mieux cerner, par contraste, la nature exacte de la promesse portée par la prolepse, il nous faudra avant toute chose confronter cette dernière à des procédures comparables (préparations implicites ou prédictions des personnages), souvent confondues avec elle.
Et, pour revenir à l’Iliade, quand bien même l’annonce du chant XV eût été faite par le poète lui-même, qu’aurait-elle valu ? Une prolepse n’est jamais qu’une promesse, et nous pouvons très bien concevoir que l’auteur ait choisi à dessein un narrateur peu fiable, voire que lui-même se ravise, change de projet, oublie sa promesse1. C’est à travers la vaste question des rapports entre narrateur et lecteur (ou auteur et lecteur) que nous nous interrogerons sur la confiance à accorder aux promesses du roman et sur les manières d’interpréter les prolepses déceptives que nous avons souvent rencontrées dans les fictions de notre corpus.
1 C’est pourquoi nous ne pousserons pas jusqu’au bout l’analogie entre le « suspense paradoxal » (celui qu’on éprouve à la relecture) et le « suspense proleptique » : nous refusons par principe d’assimiler les connaissances acquises grâce à une première lecture et celles qui proviennent des indications du narrateur.
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