Résumés des contributions
- Type de publication : Article de collectif
- Collectif : Les Lumières du théâtre. Avec Pierre Frantz
- Pages : 433 à 444
- Collection : Rencontres, n° 543
- Série : Le dix-huitième siècle, n° 40
Résumés des contributions
Michel Delon, « Préface »
Cet article évoque un demi-siècle d’amitié, des bancs aux chaires de la Sorbonne, un demi-siècle de discussions théoriques et d’aventures humaines, qui passe par les cafés parisiens, les paysages italiens et les plages californiennes.
Jean-Christophe Abramovici, « Histoires d’œil »
Quatre yeux. Trois yeux théâtraux et un œil humain, mais quatre regardeurs et quatre regards à imaginer.
Renaud Bret-Vitoz, « Penser le théâtre avec Pierre Frantz »
La conception globale de la dramaturgie de Pierre Frantz intègre tous les arts à la théorie littéraire et à l’interprétation du discours dramatique proprement dit. L’esthétique du théâtre et du spectacle qu’il a définie grâce à ses ouvrages, articles et conférences offre au chercheur une méthode et un outil de connaissance de l’écriture et du geste théâtral qui permet de combattre les lieux communs et les jugements hâtifs sur la production littéraire du xviiie siècle tout entier.
Sophie Marchand, « Travailler avec Pierre Frantz »
Ce texte retrace la carrière de Pierre Frantz en insistant sur les apports de ses travaux et la manière dont il a su impulser et fédérer des recherches collectives et renouveler le regard sur le théâtre du xviiie siècle.
Gianni Iotti, « Mérope ou le plaisir de la reconnaissance »
L’article analyse l’anagnorisis dans Mérope de Voltaire. La reconnaissance entre personnages est l’aboutissement d’un tropisme renvoyant aux affections 434familiales. Cependant la voix du sang ne se réduit pas à une donnée purement sentimentale. Ses conséquences font balancer le héros entre une identité ancestrale et une identité affective. Ainsi l’anagnorisis dans Mérope résume parfaitement la « contradiction » fondamentale de la dramaturgie voltairienne, suspendue entre tragédie et mélodrame.
Thibaut Julian, « Contrastes de l’admiration dans le théâtre du xviiie siècle »
Dans le théâtre du xviiie siècle, les mutations des genres et des sujets révèlent une crise de l’admiration. Suspecte de froideur, elle se trouve pourtant revalorisée dans la seconde moitié du siècle à travers de nouveaux exempla. L’admiration se fond avec l’attendrissement pour opérer un rapprochement favorable à la sympathie du public qui tend à renforcer sa participation directe à la représentation, sur une scène où morale et politique se confondent vers la Révolution.
Sophie Marchand, « Trouble dans les genres »
Au xviiie siècle, les discours sur les genres dramatiques convoquent un imaginaire genré, la référence au masculin et au féminin permettant de penser les mutations en cours. S’opposent les promoteurs d’une évolution du système, qui prônent la régénération de formes inopérantes, et les tenants de la tradition, qui font de la référence genrée l’étendard d’une angoisse face à la contestation des grilles d’intelligibilité taxinomiques du monde et des arts, qu’elles soient esthétiques, politiques ou sociales.
Martial Poirson, « “Le voile de l’illusion est tombé”. Le spectateur, “juge né de tous les arts et de tous les artistes” au temps du sacre du comédien »
Souvent réduite à la théorie du « 4e mur », la séparation entre scène et salle fait l’objet de controverses parmi les Comédiens-Français. En atteste un Réquisitoire consigné dans les registres d’assemblées de l’institution en 1780. Cette archive témoigne de l’approche inductive de deux débats essentiels pour l’esthétique du tableau : d’une part les conditions de production du pacte de créance au fondement de l’illusion théâtrale ; d’autre part, les conditions de réception des spectacles.
435François Lecercle, « Huerne de La Mothe et la politisation de la querelle du théâtre »
Ni les contemporains ni la postérité n’ont été tendres avec Huerne de La Mothe et son brûlot contre l’excommunication des comédiens, Libertés de la France contre le pouvoir arbitraire de l’Excommunication (1761). Mais l’auteur n’est pas ce maladroit qui, selon Voltaire, a compromis la cause qu’il voulait défendre : il faut rendre justice à un pamphlet hardi qui place la défense du théâtre sur un plan ouvertement politique en arguant, avant la lettre, pour la séparation de l’Église et de l’État.
Andrea Fabiano, « Un théâtre de l’érosion. Fragments de la pensée théâtrale de Giacomo Casanova »
Giacomo Casanova explore la voie d’un théâtre ouvert et pluri-stylistique à la recherche d’un cheminement spectaculaire qui puisse sortir de la norme et de la tradition, éroder et désagréger l’idée du théâtre en tant que maîtrise de la langue, de la rhétorique et du répertoire littéraire, et qui puisse, in fine, amener à la dissolution de la présence physique du corps du comédien grâce à la proposition d’un spectacle théâtral construit seulement avec la musique et la lumière.
Renaud Bret-Vitoz, « Le théâtre du xviiie siècle et “la portée du travail silencieux sur l’espace” »
Aben-Saïd de Le Blanc offre un exemple des liens entre utopie et espace théâtral au xviiie siècle. La compréhension du travail dramaturgique sur l’espace à partir des travaux de P. Frantz révèle la coïncidence de deux espaces (l’un littéraire et fictif sur la scène, l’autre matériel et sensible dans la salle) et une oscillation dans les représentations des systèmes de gouvernement asiatiques, entre une terre archaïque immuable et l’horizon d’un monde utopique instable ou en révolution.
Françoise Le Borgne, « La scène plurielle dans Le Café ou l’Écossaise de Voltaire »
L’intérêt de Voltaire pour la dimension spectaculaire de ses pièces est confirmé par l’espace dramatique double qu’il imagine pour sa pièce Le Café ou l’Écossaise, figurant simultanément une salle de café londonien – domaine 436du journaliste Frélon – et la chambre contiguë de la proscrite Lindane. Tous les enjeux de la comédie reposent largement sur la mise en œuvre d’une scène à compartiments permettant de restituer cet espace clivé, mais sa réalisation, en 1760, était bien loin d’être une évidence.
Katherine Astbury, « Le tableau dans les premiers mélodrames de Pixerécourt »
L’étude magistrale de Pierre Frantz sur le tableau nous rappelle que « c’est de l’énergie qu’il tient sa vraie unité ». Son importance dans le tableau-comble devient évidente lorsque l’on confronte l’acteur à la musique de scène. Cet article confirmera les liens entre émotion, mouvement et action qu’identifie P. Frantz dans le drame du xviiie siècle pour montrer comment se développe le tableau mélodramatique dans les premiers mélodrames de Pixerécourt.
Martin Wåhlberg, « La peinture dans l’opéra-comique »
L’opéra-comique du dix-huitième siècle est étroitement lié à la peinture. Au-delà de la notion de tableau théâtral, qui, dans les comédies mêlées d’ariettes se double d’un discours musical, on peut répertorier toute une série de pièces qui placent la peinture au centre de l’action. Tournant le tableau en objet scénique et dramaturgique, ces pièces ouvrent la voie à un discours sur la dimension artistique du théâtre.
Nathalie Rizzoni, « Les écrans révolutionnaires de Claude-Louis Desrais »
Deux séries d’esquisses de l’artiste Claude-Louis Desrais sont à l’origine de l’enquête menée ici. Comportant l’une et l’autre six dessins préparatoires de format ovale, elles se relient chacune à une comédie révolutionnaire : La Nourrice républicaine ou les Plaisirs de l’adoption de Piis (1794), La Maison isolée ou le Vieillard des Vosges de Marsollier des Vivetières et Dalayrac (1797). Seule iconographie connue jusqu’alors pour ces pièces, ces images n’étaient pas destinées à en illustrer les éditions…
Mara Fazio, « Voltaire et Mlle Clairon. Suprématie du texte ou suprématie de l’acteur ? »
1750. Mlle Clairon joue sous l’influence de Voltaire et suit ses conseils. Lorsque Voltaire quitte Paris, la comédienne, désormais sous l’influence de 437Marmontel, décide de modifier sa manière de jouer afin de former un nouveau public capable de l’apprécier et de renforcer sa position. Voltaire essaie d’abord de rétablir son autorité avec Tancrède (1760), puis il cède, se soumet et la craint. C’est elle qui assure le succès de ses pièces et il le sait (1764).
Emanuele De Luca, « La raison d’Ésope. Théorie du jeu entre François Riccoboni et Diderot »
Des Observations sur Garrick au Paradoxe sur le comédien, la référence à l’Art du Théâtre de F. Riccoboni par Diderot mène à creuser le rapprochement du philosophe avec l’acteur-théoricien, autour de la primauté de la raison dans la théorie du jeu. La réinterprétation de l’anecdote sur l’acteur romain Ésope, emporté par son rôle, vers un jeu maitrisé et rationnel, synthétise le basculement de la théorie de la sensibilité vers une approche moderne, antimétaphysique et illuministe du jeu.
Jean-Christophe Igalens, « La comédienne italienne et le poète tragique. Portraits croisés de Silvia et de Crébillon dans l’Histoire de ma vie de Casanova »
Au cours du premier séjour de Casanova à Paris, les portraits de Silvia Balletti et de Crébillon se répondent. Une femme et un homme ; une comédienne italienne et un auteur dramatique, académicien et censeur royal ; comédie et tragédie : les deux figures sont des termes complémentaires et opposés, indissociables, dans l’ordre symbolique des années 1750, d’un principe de hiérarchisation. Par leurs portraits croisés, Casanova travaille à subvertir l’ordre hiérarchique et le principe d’autorité.
Gauthier Ambrus, « Talma à l’école des tragédiens »
Talma accéda à la célébrité en créant le rôle controversé de Charles IX dans la tragédie du même nom de Marie-Joseph Chénier, jouée par les Comédiens-Français à l’automne 1789. Son interprétation novatrice n’a pas peu contribué à ce qui constitue le premier succès du théâtre révolutionnaire, aux implications politiques retentissantes dans le climat de cette époque. Un texte inédit de François-René Molé à l’intention du jeune tragédien lève le voile sur le travail de composition à l’origine de son jeu.
438Ignacio Ramos-Gay, « Caraby, chien savant. Notes sur l’exhibition d’animaux dressés chez Nicolet »
Cet article analyse la présence d’animaux savants sur les planches des théâtres de la Foire, principalement les cas du singe Turco et du chien Caraby, vedettes du Théâtre des Grands Danseurs du Roi, dirigé par Jean-Baptiste Nicolet. Le spectacle joué par les animaux dressés constitue un terrain d’expérimentation scientifique pour le spectateur du xviiie siècle, dans lequel s’exhibent les différentes frontières entre espèces animalières en fonction de leurs ressemblances avec l’acteur humain.
Philippe Bourdin, « Brisse, de Nancy, ou les planches sans voile »
La carrière de Brisse incarne les conséquences de l’investissement patriotique qu’offre la Révolution aux comédiens. Partisan des valeurs nouvelles, il participe dès 1789 à des événements politiques majeurs, au prix de séjours en prison qui ne le dissuadent pas de militer au sein des Jacobins et de prendre des responsabilités électives. Si elles le détournent un temps de son art, il transforme celui-ci selon ses convictions, et cherche à le porter dans des départements rétifs à la république.
† Christian Biet, « La naissance de l’Histoire et le premier homicide par Joachim Bernier de la Brousse, notable poitevin »
Comment penser l’Histoire lorsqu’on vient de traverser des années de trouble intense, de guerre civile et de violence ? Cet article envisage cette question à partir d’une pièce de théâtre postérieure aux guerres de religion, L’Embryon romain, de Bernier de La Brousse (1618). Il analyse la manière dont on peut figurer les temps présents en recourant aux références et aux exempla des temps passés, antiques de préférence, en l’occurrence le meurtre fratricide de Rémus par Romulus.
Olivier Bara, « “Pochades méprisées” ou “comédies de notre siècle” ? Quatre farces de Labiche écrites pour Céline Montaland »
La petite Céline Montaland est engagée comme comédienne à l’âge de sept ans au Théâtre du Palais-Royal. Eugène Labiche et Marc-Michel écrivent pour elle quatre pièces en un acte : La Fille bien gardée, Un bal en robe de chambre (1850), Mam’zelle fait ses dents (1851) et Maman Sabouleux (1852). Labiche a dit son 439mépris pour cette part de sa création dramatique. Ces « pochades méprisées » (Théophile Gautier) sont pourtant riches de significations culturelles et sociales.
Maria Grazia Porcelli, « Histoire d’une fée entre France et Italie »
La fée Urgèle, héroïne du conte voltairien Ce qui plait aux Dames (1763), a inspiré, entre France et Italie, plusieurs réécritures et traversé plusieurs genres en répondant à la modification du goût du public. Du conte illuministe à l’Opéra-Comique, de la sensualité libertine à la farce en musique, jusqu’au merveilleux féerique des chorégraphies romantiques du xixe siècle, l’histoire de cette fée fait ressortir les changements du goût entre deux siècles.
Michèle Sajous d’Oria, « De sujet médical à sujet théâtral, la tarentule sur les scènes françaises (1705-1839) »
Les effets de la piqûre d’une araignée de la région des Pouilles, la tarentule, et les moyens d’en guérir, sont l’objet de l’attention de la médecine européenne depuis le xvie siècle. L’Encyclopédie y consacre un article. La tarentule pique surtout les femmes, fiancées plus ou moins de force, et elles ne guérissent qu’en dansant frénétiquement. Mariage forcé et danses, sur fond de médecine plus ou moins charlatane, constituent un beau sujet pour le théâtre du xviiie siècle et le succès perdure au xixe.
Olivier Ferret, « Faire des “applications” au théâtre sous l’Ancien Régime »
La présence des « applications » au théâtre est envisagée à deux niveaux, qui caractérisent deux ensembles de pièces : les unes écrites pour faire référence à des personnes et événements contemporains, les autres suscitant, de la part du public, dans le présent de la représentation, une actualisation qui n’a a priori pas été prévue. Envisagés avant la Révolution, ces phénomènes invitent à réfléchir à l’expression d’une parole politique dans l’espace public et à une possible fabrication de l’opinion.
Thomas Wynn, « Le crime et la poétique dans le théâtre des Lumières »
Pendue en 1755 pour crime de complicité dans l’assassinat de son mari, Marie-Catherine Lescombat était l’une des criminelles les plus célèbres de son 440époque. La tragédie anonyme La Mort de Lescombat peint sa passion adultérine avec Jean-Louis de Mongeot et leur crime qui dépasse les limites de la poétique traditionnelle. Tissue de vers tirés de Corneille, Molière et Quinault, cette pièce est bien plus qu’un simple jeu littéraire : c’est un drame à l’état embryonnaire.
Logan J. Connors, « Théâtre à désertion et militarisation du drame (bourgeois) à la fin de l’Ancien Régime »
Cette étude cherche à décrire l’instrumentalisation du « théâtre à désertion », une vogue de pièces qui traitent de la désertion jouées en France et dans les colonies au dix-huitième siècle. Nous nous focalisons sur une version du Déserteur de Louis-Sébastien Mercier, remaniée par Joseph Patrat, pour un public militaire à Brest. Son effort dramaturgique et politique souligne à la fois la mobilité de l’œuvre et l’intégration du théâtre au sein du dispositif militaire de l’époque.
Stéphanie Fournier, « Fonctions et images du handicap dans le théâtre de la Révolution »
Le handicap a toujours été un ressort comique efficace au théâtre. Sous la Révolution, le nombre de comédies dont le titre fait référence à ce thème est important. Le handicap, outre sa fonction comique et dramatique, est porteur de nouvelles valeurs et conforte un discours moral et politique. Certaines pièces évoquent le droit au respect des personnes invalides, et donnent une portée symbolique au handicap, moyen de révéler les cœurs et signe d’une transformation de l’être ou de la société.
Laurence Marie, « Figaro à Saint-Domingue »
Cet article enquête sur la présence de Figaro dans les Affiches américaines, gazette de la société coloniale francophone à Saint-Domingue. Le nom renvoie bien sûr aux représentations théâtrales données dans l’île, mais il désigne aussi de nombreux esclaves en fuite. Son usage éclaire les processus de domination et d’émancipation à l’œuvre dans la révolution haïtienne, qui éclate en août 1791 avec une insurrection de la population esclave.
441Jacques Berchtold, « Le soutien à l’autre souffrant dans la tragédie. Pylade et Oreste dans Iphigénie en Tauride, chez Euripide et Goethe »
L’article examine la manière dont la relation entre Pylade et Oreste est représentée par Euripide et Goethe. Si la pièce antique insiste sur le prix de la philia et maintient les deux amis dans leur destin propre, l’approche médicale du sujet, inspirée par Aristote, modifie les données du problème. Chez Goethe, le discours de Pylade s’individualise et l’accent est mis sur la guérison, obtenue au moyen de l’attention à l’autre, et sur la perfectibilité, dont Iphigénie devient le principal agent.
Mladen Kozul, « Sade et le théâtre sous la Révolution. Éthique et politique »
Dans la foulée du mouvement social MeToo, la valorisation de l’auteur Sade suppose l’atténuation de ses agissements immoraux d’autant plus que ses textes mettent en scène des violences sexuelles sans nombre. Le verdict des hommes de théâtre qui rejettent les pièces de Sade au début des années 1790, comme la réaction du public à celles qui sont jouées suggèrent des analogies entre l’exigence morale qui nous est contemporaine et les tensions idéologiques qui traversent la scène révolutionnaire.
Éric Avocat, « Tribune grecque, tribune romaine. Représentation politique et action oratoire dans le théâtre de Marie-Joseph Chénier »
Les années 1792 et 1793 coïncident avec l’écriture par Marie-Joseph Chénier d’une tragédie romaine, Caius Gracchus, puis d’une tragédie grecque, Timoléon. Les vicissitudes de la réception des deux pièces reflètent les incertitudes et les tâtonnements de la trajectoire politique du dramaturge au milieu de ces profondes mutations. Et la matière antique est propice à une mise en abyme riche d’enseignements de la parole publique et du dispositif oratoire.
Vincenzo De Santis, « Autour d’une pièce perdue de Lemercier. Le Tartuffe révolutionnaire (1795) et sa réception sous le Directoire »
Créée au Théâtre de la République le 9 juin 1795 et vite interdite, Le Tartuffe révolutionnaire est une comédie politique de Lemercier dont le texte est aujourd’hui perdu. Cette pièce ouvre la réflexion de Lemercier sur le thème de l’hypocrisie, exploité dans son théâtre et surtout dans son poème 442La Panhypocrisiade. À la lumière des réflexions de l’auteur sur l’œuvre de Molière, je m’intéresserai ici à la comédie perdue de Lemercier et à sa réception politique sous le Directoire.
Paola Perazzolo, « “Un trône est trop étroit pour être partagé”. De la fraternité fratricide dans Étéocle (1799) de G.-M. Legouvé »
Étéocle, tragédie de Legouvé (1799), présente une réflexion sur le contexte socio-politique d’une République finissante déchirée par ses luttes intestines. La possibilité d’une lecture actualisée de l’épisode des Labdacides s’impose d’autant plus que le dramaturge, à la différence d’autres auteurs, se concentre sur la lutte fratricide en éliminant éléments et personnages secondaires pour esquisser un « tableau effrayant » amenant une « catastrophe qui surpasse les horreurs communes ».
Christophe Martin, « “La nature ne fait ni princes, ni riches”. Politique du renversement dans les comédies insulaires de Marivaux »
On a beaucoup insisté sur ce qui limiterait la portée subversive des comédies insulaires de Marivaux (L’Île des esclaves ; L’Île de la raison et La Colonie). Si par bien des aspects, ces comédies font signe du côté du christianisme, le dispositif du monde renversé y est irréductible à la leçon chrétienne traditionnelle, non seulement en raison de l’absence quasi totale de référence à Dieu, mais parce que la radicalité du questionnement marivaudien procède directement de la théâtralisation qu’il met en œuvre.
Jeffrey S. Ravel, « Une pièce non jouable et non imprimable en 1749 »
En 1749, René-Louis Voyer de Paulmy d’Argenson, récemment renvoyé du Conseil d’État de Louis XV, écrivait une pièce qui portait sur la politique contemporaine : La Prison de Charles Edouard Stuardt. Elle mettait en scène la décision d’exiler Charles Edward Stuart, fils aîné de la maison royale anglaise Stuart, qui habitait alors Paris. Même si cette œuvre n’a jamais paru sur la scène, son histoire méconnue nous offre des leçons sur des limites politiques et culturelles du théâtre au xviiie siècle.
443Fabrice Moulin, « La Tragédie des Calas, ou comment parler d’une pièce que Voltaire n’a jamais écrite »
Pour réconcilier le Voltaire tragédien avec le défenseur des Calas – deux figures que les Lumières elles-mêmes et la postérité ont opposées –, pourquoi ne pas les réunir au sein d’une pièce, certes fictive, mais au potentiel méthodologique intéressant ? Imaginer la tragédie des Calas que Voltaire aurait pu écrire pour en faire une idée régulatrice qui puisse éclairer les liens entre l’épistolier et le dramaturge, et interroger les choix esthétiques du tragédien dans la décennie cruciale de 1760.
Alain Sandrier, « Le spectacle dans un fauteuil Voltaire. Théâtralisations critiques des Lumières irréligieuses »
Les « théatralisations critiques » – selon une dénomination proposée par Pierre Frantz – constituent une classe de pièces de théâtre originales qui mettent en scène les débats intellectuels des Lumières grâce aux pouvoirs propres du théâtre, mais sans viser nécessairement à une représentation autre que virtuelle. Dans le domaine de la critique religieuse, leur efficacité se mesure à la manière dont elles ont su articuler, de façon réflexive, la croyance imposée socialement à la crédulité consentie au spectacle.
Marc Hersant, « Les théâtres de Saint-Simon »
L’article interroge la place du théâtre dans les Mémoires de Saint-Simon. Le théâtre réel occupe une place modeste dans l’œuvre, qui le juge (sur le plan des « valeurs » officielles du duc et pair) un sujet indigne d’elle : mais il y aussi le théâtre en figure, présent à travers deux motifs : celui, archi-topique, du théâtre du monde, celui, beaucoup plus intéressant pour comprendre le projet de Saint-Simon écrivain, de l’œuvre elle-même comme espace « quasi-théâtral » de représentation de la réalité.
Pierre Saint-Amand, « Au bonheur des petits-maîtres »
À travers un petit nombre d’œuvres du xviiie siècle, nous suivons les représentations théâtrales du petit-maître. Le jeune libertin est saisi en quelque sorte dans son milieu naturel, le théâtre, qui met tous ses traits en abyme. Il est habillé de tous les masques et propose la performance délurée d’une 444identité sexuelle trouble, tergiversant entre masculin et féminin. Il témoigne enfin, déployant ses parures, d’une éloquence mondaine étourdissante.
Virginie Yvernault, « “Comment regarderaient-ils Chérubin ?” ou le genre à vau-de-route »
Cet article s’intéresse à l’indétermination sexuelle du petit page de Beaumarchais et de Mozart. La manière dont les interprètes ont construit ou reconstruit le genre de Chérubin fait apparaître trois tendances : la sexualisation, qui érotise le page en faisant alterner des comportements fortement genrés, le modèle androgyne, qui vise à dérouter le spectateur par le trouble de l’équivoque, et la voie « réaliste », qui cherche à convaincre le public qu’il a devant les yeux un brigandeau de treize ans.
Marie-Cécile Schang-Norbelly, « Mauvais goût et poésie. La réception problématique de l’opéra-comique de l’Ancien Régime »
Si la comédie mêlée d’ariettes d’Ancien Régime suscite un regain d’intérêt, elle souffre encore d’une réputation de désuétude et de mauvais goût qui tient notamment à des lectures idéologiques héritées du xixe siècle : rejetée après la Révolution comme divertissement aristocratique, elle est décriée ensuite par les détracteurs d’un goût bourgeois pour l’artifice et la pacotille. Or l’effet de désuétude est programmé par un genre voué dès son apparition à représenter un monde disparu.
Kaori Oku, « Réception et nouvel usage de Marivaux au Japon »
Nous examinons l’adaptation libre du Jeu de l’amour et du hasard de Marivaux montée par le Takarazuka (une compagnie japonaise de théâtre musical composée uniquement de femmes) comme un exemple intéressant du nouvel usage de l’auteur « classique », après avoir parcouru la réception de Marivaux au Japon. La deuxième adaptation (2011), en particulier, complexifiant la structure de la mise en abyme, met en avant la question de la réalité et de la fiction, thème essentiel chez Marivaux.
- Thème CLIL : 4027 -- SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES, LETTRES -- Lettres et Sciences du langage -- Lettres -- Etudes littéraires générales et thématiques
- ISBN : 978-2-406-12893-9
- EAN : 9782406128939
- ISSN : 2261-1851
- DOI : 10.48611/isbn.978-2-406-12893-9.p.0433
- Éditeur : Classiques Garnier
- Mise en ligne : 14/09/2022
- Langue : Français